4. Etude des ressources économiques de l’île

5. La mise en place d’un ethnotype corse

6. Bibliographie

1. Introduction

Bruno Garnier, Professeur de sciences de l’éducation, Université de Corse

Le parcours thématique ici présenté est le fruit d’un travail de recherche codirigé par Bruno Garnier et Vanessa Alberti, initialement intitulé « Éducation et identités : perspectives historiques », mené dans le cadre du Contrat de plan État-Région (CPER) coordonné par Dominique Verdoni, au sein de l’UMR CNRS LISA 6240 (thème Identité Cultures, les Processus de Patrimonialisation – ICPP). Il a mobilisé, entre 2012 et 2014, Vanessa Alberti, maître de conférences d’histoire contemporaine, Bruno Garnier, professeur des universités en sciences de l’éducation, Denis Jouffroy, professeur certifié et docteur qualifié de langues et cultures régionales, Véronique Lepidi, ingénieure CNRS et Annick Zanardi, doctorante.

Destiné, dans son volet de transfert des recherches vers la société corse contemporaine, à réunir dans un fonds documentaire les supports didactiques de construction identitaire à usage scolaire, employés en Corse ou à son propos, du XIXe au XXIe siècles, le travail de recherche a été mené dans les fonds documentaires de la Médiathèque Culturelle de la Corse et des Corses (M3C, qu’il contribuera à enrichir), aux archives départementales et bibliothèques municipales d’Ajaccio et de Bastia, à la bibliothèque de l’Université de Corse Pasquale Paoli, à la Bibliothèque nationale de France et aux Archives nationales.

La moisson s’est avérée tellement riche qu’il apparaît, non seulement, que la promesse d’un retour des données documentaires vers la société corse et notamment vers le monde de l’éducation est en passe d’être tenue, mais aussi, que des pistes de recherche fondamentale sont ouvertes pour plusieurs années.

Nous sommes partis de l’hypothèse, étayée par la recherche historique en éducation, selon laquelle l’école publique française a tenté d’inculquer une forme d’identité nationale, appuyée quelquefois sur des identités locales dans une conception patrimoniale de la nation. Corrélativement, c’est à l’école primaire, ou plus exactement à l’ordre primaire, que nous nous sommes prioritairement intéressés, dans la mesure ou les institutions d’enseignement secondaire, d’origine napoléonienne, sont réservées, durant la majeure partie de la période étudiée, à une minorité d’enfants issue des classes les plus favorisées de la société française[1]. Notre objectif était de mettre cette hypothèse à l’épreuve d’une typologie des représentations véhiculées par les manuels scolaires du XIXe au XXIe siècles à propos de la Corse. La première livraison que nous présentons ici exploite essentiellement une période d’un siècle environ, de la loi Guizot de 1833, qui marque les débuts de la fondation de l’ordre primaire en France, à la fin de la IIIe République (plus exactement à l’année d’édition du dernier manuel de la période, 1938). Mais nous nous sommes autorisés des incursions plus récentes à chaque fois qu’il est apparu possible de jeter des ponts avec les temps actuels, notamment pour montrer, ou bien la longévité de certaines représentations dont la Corse et les Corses ont pu être l’objet, ou bien, au contraire, pour indiquer des lignes de rupture.

Dans l’espace de cette introduction, nous essaierons de parcourir, en guise de la toile de fond de cette période, indispensable à l’intelligibilité des données relatives à la Corse et aux Corses dans les manuels, l’histoire de la géographie en tant que discipline scolaire. C’est en effet à travers les manuels de géographie qu’apparaissent les représentations dont les populations et les régions françaises sont l’objet au sein de l’institution scolaire. Or ces représentations sont tributaires du projet politique d’instruction publique aux différentes périodes, d’une part, et de l’état de la géographie comme discipline scientifique et académique, d’autre part. Une certaine périodisation pourra ainsi être esquissée.

La première période que nous considérerons ici est comprise entre les débuts de la Monarchie de Juillet et la fin du Second Empire (1830-1870). On ne peut guère parler alors de la géographie comme discipline scolaire constituée. Il s’agit plutôt d’une discipline auxiliaire de l’histoire, ou bien d’une géographie administrative destinée à faire connaître les subdivisions du territoire national. On ne saurait établir davantage le lien entre la production des savoirs scientifiques et l’enseignement de cette discipline, car la géographie ne constitue pas encore un champ disciplinaire reconnu dans le monde universitaire. Quant aux instructions officielles à destination des écoles, elles sont laconiques, et les auteurs de manuels n’obéissent pas à un corps de consignes structuré. Cette situation découle d’un paradoxe qui dura jusqu’à la fin du Second Empire : alors que l’État commence à s’intéresser à l’école primaire, jusqu’ici laissée aux mains des Églises et des communes, la gestion effective des enseignements continue d’être soumise au régime de la fréquentation scolaire[2]. Certes, la loi Guizot impose l’entretien d’au moins une école de garçons dans chaque commune de France (qui peut être publique et privée), elle prévoit les conditions de recrutement et de formation des instituteurs, impose un certificat de capacité qui marque un début de sécularisation du personnel enseignant primaire pour les écoles de garçons, édicte les premiers programmes et jette les fondements du corps des inspecteurs primaires. Mais les programmes sont squelettiques, les inspecteurs doivent partager leurs pouvoirs avec les autorités locales et ecclésiastiques, et surtout, le financement de l’école reste dépendant de la rétribution scolaire payée par les familles, les instituteurs n’étant pas fonctionnaires de l’État. François Guizot, dans le sillage de sa loi de 1833, avait fait rédiger cinq manuels (lecture, instruction morale et religieuse, grammaire, arithmétique, histoire et géographie) qu’il fit envoyer à toutes les écoles, mais sans rendre leur usage obligatoire.

En outre, jusqu’à la fin du Second Empire en 1870, les gouvernements libéraux conservateurs qui se succèdent depuis 1830 (à l’exception du bref épisode républicain de 1848-1850) estiment qu’il faut contenir le développement de l’école primaire pour qu’elle demeure l’école des rudiments destinée aux enfants du peuple, qui ne doivent pas fréquenter les classes de l’enseignement secondaire. L’école primaire est donc livrée à elle-même, surtout en milieu rural. Pour ce qui concerne la Corse, on trouvera de multiples exemples de cette situation en consultant les réponses à l’enquête lancée par Gustave Rouland, Ministre de l’Instruction publique et des cultes en 1861, intitulée « Quels sont les besoins de l’instruction primaire dans une commune rurale au triple point de vue de l’école, des élèves et du maître ? »[3].

Les débuts de la IIIe République marquent véritablement ceux de la géographie scolaire en tant que discipline constituée, mais aussi, les débuts de la prise de conscience, par les gouvernements successifs, des enjeux politiques de cet enseignement dans la formation du citoyen. Dès lors, les manuels de géographie sont chargés de répandre une certaine vision de l’unité nationale et de donner une place bien particulière à la diversité des régions qui composent la nation. Il est alors possible de poursuivre notre périodisation de la façon suivante [4] :

  • De 1870 à 1902, c’est le temps de la géographie comme projet politique et idéologique, sous l’impulsion notable d’Émile Levasseur.
  • De 1902 à 1977, étape la plus longue, prend place une géographie scolaire qu’on a appelée vidalienne, car directement influencée par les conceptions de Pau Vidal de la Blache (1845-1918), véritable père fondateur de la géographie française.
  • De 1977 (réforme Haby) au tournant des années 2000, c’est le temps de la Nouvelle Géographie, une période très riche d’innovations, de débats et de polémiques, sur lesquels nous ne nous aventurerons pas ici.

La première période susmentionnée s’ouvre avec la réforme des programmes en 1872-1874 à la suite de la grande enquête sur l’enseignement de l’histoire et de la géographie conduite par Emile Levasseur et Auguste Himly. Cette enquête est initiée en avril 1871 par Jules Simon, ministre de l’Instruction publique et des cultes sous le gouvernement Thiers (1871-1873), dans le contexte de la défaite dans la guerre franco-prussienne et des événements politiques intérieurs de 1871 (le Commune de Paris). L’école est alors accusée de nombreux maux et le constat des auteurs du rapport est sans appel : Levasseur et Himly appellent à une transformation profonde de l’enseignement géographique, voire à sa remise en place dans des classes d’où il a quasiment disparu. Ainsi, un programme d’action est esquissé : il s’agit de dispenser les connaissances nécessaires pour une mise en valeur efficace de l’espace naturel, économique et politique.

La terre est le domaine de l’homme ; il faut que l’homme connaisse son domaine pour en jouir et le mettre en valeur : la géographie a pour objet de le lui apprendre [5].

Dès lors, la géographie physique des contrées occupe une place plus importante, et l’expression « géographie économique » est citée dans un texte officiel pour l’enseignement de la géographie. Elle comprend « l’agriculture, les mines, l’industrie, les voies de communication, le commerce et la population[6] ». Les savoirs géographiques sont définis par leur finalité : donner des indications spatiales relatives aux possibilités de mise en valeur de la terre et d’échanges des productions. Cette fonction nouvelle attribuée à la géographie a pour effet d’émanciper cette discipline de l’histoire.

Au cours des années 1880 et 1890, Paul Vidal de La Blache développe une nouvelle conception de la géographie. D’une part, la géographie est pensée comme une synthèse entre sciences naturelles et humaines. D’autre part, elle s’intéresse à la combinaison d’éléments naturels et humains à l’échelle régionale. Enfin, elle privilégie un projet scientifique de compréhension du monde. À partir du début du XXe siècle, la conception vidalienne, développée désormais par ses disciples, domine la géographie française.

Figure 1 : C. Schuwer fut le premier inspecteur primaire à Corte chargé d'appliquer les lois organiques de Jules Ferry des années 1880 sur l'école primaire. L'état des lieux qu'il dresse en 1880, appuyé par une perspective historique qu'il fait remonter à la Révolution française, montre le chemin à parcourir, selon lui, pour diffuser l'esprit républicain à la jeunesse corse.

Mais la géographie scolaire n’abandonne pas ses enjeux idéologiques, notamment patriotiques. Bien au contraire, avec le secours de savoirs tirés des travaux scientifiques, traduits et simplifiés dans les manuels, la géographie enseignée dans les écoles de la IIIe République, après l’arrivée au pouvoir de Jules Ferry et des républicains véritables à partir des années 1880, transmet l’amour de la grande patrie par la contribution des richesses régionales et coloniales à la grandeur de la France engagée dans une compétition internationale. En témoignent ces lignes de Charles Zévort, le directeur de l’enseignement secondaire, à l’occasion d’une révision des programmes en 1886, qui préconise…

[non] pas la géographie encyclopédique [...], mais la géographie considérée comme la science qui nous renseigne sur les ressources économiques des peuples étrangers, qui signale leurs produits naturels, qui insiste sur les facilités d’extraction et de mise en œuvre des matières premières, sur les routes du commerce ; qui provoque constamment la comparaison sur les ressources similaires de la France, qui nous montre par là où nous en sommes nous-mêmes, quels efforts nous avons à faire, quel terrain à regagner, quelles positions à conserver ou à défendre.[7]

Pour ce qui est de la Corse, l’enjeu de l’enseignement de la géographie est double. Il s’agit, d’une part – avec le concours des cartes et des manuels scolaires – de détacher symboliquement la Corse de l’espace italique pour la placer dans le giron de la République française, et d’autre part, de montrer que les ressources de la Corse doivent contribuer à la prospérité de la France, ce en quoi, d’ailleurs, il n’est pas exagéré de dire que la Corse subit un traitement assez proche de celui des colonies dans les manuels scolaires [8]. Ainsi, un inspecteur primaire en poste à Corte s’indignait-il, en 1880, qu’on enseigne encore en italien dans les écoles corses, au mépris de l’unité nationale que devait répandre l’école républicaine.

Il y a aujourd’hui 112 ans que la Corse est française, par le patriotisme et le cœur autant que par la conquête et c’est seulement en 1836 ou 1837 qu’on commence à enseigner la langue nationale dans les écoles ! Oui, on l’enseigne en classe, officiellement, dans la grammaire, dans le livre de lecture ; mais dans la conversation entre camarades, dans la famille, c’est encore le patois Corse qui est journellement en usage, j’ai pu le constater moi-même dans mes tournées d’inspection ; je vais même plus loin, il y a encore des instituteurs qui se servent de l’Italien pour faire leur leçon ! Eh bien ! c’est contre cette fâcheuse habitude que nous devons tous réagir, nous qui sommes chargés de la surveillance et de la direction de l’enseignement. Il faut que dans la grande patrie française, l’unité soit complète, autant sous le rapport de la langue que de la division administrative[9].

Nous sommes à l’époque du manuel le plus emblématique de l’école républicaine, Le Tour de France par deux enfants[10], réédité 400 fois entre 1877 et 1923. Il est une illustration parfaite de la conception patrimoniale de la République. Les deux jeunes protagonistes de ce roman scolaire fuient Phalsbourg arrachée à la France par les Prussiens, et ils parcourent le pays avec émerveillement, découvrant ses richesses naturelles et folkloriques. Au terme de leur voyage, ces deux anciens citadins se fixent à la campagne, dans un monde rural idyllique, pour travailler à la ferme, selon un mouvement absolument contraire à celui que vivait en réalité la France de l’époque du fait de l’industrialisation et de l’exode rural. L’image que donne ce livre de la France reflète une conception en apparence non agressive, reconnaissante des diversités, mais surtout soucieuse de construire, au-delà d’elles, l’unité républicaine par l’école, en niant les luttes sociales et les inégalités locales.

Figure 3 : Préface expliquant le fondement civique de l'ouvrage et le départ d'André et Julien de Moselle.
Figure 4 : Les deux enfants ne se rendent pas en Corse. Toutefois, l’île est évoquée lors d’un dialogue avec des marins à Marseille. L’accent est mis sur les terres incultes mais également sur les progrès de l’instruction publique qui orienteront les enfants vers le travail de la terre.

La construction idéologique d’une grande et unique patrie constituée de petites patries idéalement intégrées aux intérêts nationaux [11] ne va pas sans tension avec les progrès de la géographie scientifique et en particulier avec l’idée vidalienne que la géographie scolaire doit transmettre des savoirs véritables. Cette tension est très sensible chez Henri Hauser, économiste, historien et géographe à l’Université de Dijon au début du XXe siècle, qui fut aussi l’auteur de manuels scolaires de géographie [12] . Henri Hauser, en tant qu’universitaire, s’était intéressé à la Corse et il ne pouvait ignorer que les intérêts de ce territoire insulaire et celui de ses habitants ne coïncidaient pas avec l’exploitation économique qu’en faisait la République française :

[La Corse], une terre qui n’arrive pas à nourrir ses 300 000 habitants, et qui mourrait positivement de faim si un accident imprévu - guerre, grève, succession de tempêtes - empêchait pendant plusieurs semaines l’arrivée des navires qui lui apportent du continent sa provision de farine, de pommes de terre, de sucre ; une agriculture rudimentaire, une économie à la fois enfantine et ruineuse, l’argent sortant constamment de l’île pour payer les subsistantes et la main d’œuvre, et n’y rentrant que sous la forme de traitements et des pensions que le Trésor paie à ses fonctionnaires ou à ses retraités ; voilà, en sa réalité désolante, la Corse telle qu’elle est, la Corse qui se cache derrière un merveilleux décor, chatoyant et embaumé. Cette Corse-là est pour la France une honte, en attendant qu’elle devienne un péril.[13]

 

 

Figure 5 et 6 : Henri Hauser, professeur à l'Université de Dijon au début du XXe siècle, a porté sur la Corse et son exploitation par le gouvernement de la France un regard critique dans deux ouvrages très documentés de 1909. On ne retrouvera pas la même sévérité dans les manuels scolaires qu'il allait publier quelques années plus tard, preuve de la visée patriotique des manuels scolaires d'avant 1914."

Hauser démontre la manière dont la France a exploité la Corse. Il explique comment la production industrielle de l’acide gallique est devenue son ennemi le plus redoutable. En y installant une industrie de transformation dont les produits étaient demandés par les usines du monde entier, la France a produit la déforestation qui détruit l’économie locale. Le déboisement imposé par l’exploitation forestière à marche forcée augmente l’ampleur des inondations, perturbe l’écoulement des eaux fluviales et aggrave l’insalubrité de la plaine orientale.

Dans les gares de Casamozza, de Ponte-Lecchia, de Francardo, de Folelli, sur presque toute la ligne de Bastia jusqu’à Corté, on voit s’entasser en amas régulier les bûchettes écorcées de bois rougeâtre, tandis qu’en face de vous la montagne se dénude chaque jour davantage. Bientôt la Castagniccia ne sera plus qu’un mot vide de sens. […] Sous la splendeur de la flore, la misère apparaît ; dans ces âmes robustes, mais peu compliquées, c’est le découragement qui naît ; chez ce peuple que nous n’avons pas su fortement relier à la vie nationale, c’est peut-être demain, la désaffection qui commence.[14]

Voilà un jugement sévère pour le traitement réservé par le gouvernement de la République à ses provinces. Mais quand l’universitaire devient auteur de manuels scolaires, c’est aux Corses qu’il fait porter la responsabilité de leurs malheurs.

La Corse n’est pas à beaucoup près ce qu’elle devrait être. L’Île de Beauté est une « Île de misère ». Le paysan corse n’a pas su mettre en valeur le sol sur lequel il vit. Passionnément attaché à ses montagnes, le Corse est avant tout un pâtre, qui fait brouter dans le maquis ses troupeaux de chèvres et de moutons.[15]

Figure 7 : La figure 289 du même manuel d'Henri Hauser montre une autre dimension de la géographie vidalienne: le souci de l'objectivité par l'administration de la preuve, fondée sur des données scientifiques. Cette objectivité n'est pas incompatible avec une visée idéologique, bien au contraire, puisqu'elle en assure l'étayage.
Figure 8 : La légende de cette photographie insérée dans le manuel de 1912 d'Henri Hauser à l’usage des écoles primaires supérieures, illustre le lien établi désormais entre milieu naturel et exploitation économique, dans le sillage de Vidal de La Blache.

L’école, à travers les manuels de géographie, apparaît comme le révélateur des contradictions du rapport entre la Corse et la nation française. Le projet d’en faire une région comme une autre conduit progressivement à polir les rugosités attribuées à l’ethnotype corse. Initialement présenté comme un homme trapu et vigoureux, mais rebelle et sourd aux mutations du monde moderne, l’habitant de la Corse subit peu à peu l’assimilation dans la catégorie des citoyens de la République. De la même manière, la géographie scolaire déplace physiquement la Corse pour la rapprocher de la France, au point de lui réserver, dans les cartes, une case qui la place à un jet de pierre de Nice et de Marseille. La Corse devient comparable, sur certains points, à l’Aquitaine et à la Provence, et les Corses, aux Bretons ou aux Savoyards.

La plupart des manuels conçus en Corse agissent dans le même sens, en minimisant l’intérêt propre du territoire et de la population corses lorsqu’il ne s’accordait pas avec l’intérêt national. Au plan strictement disciplinaire, les progrès de la géographie universitaire, dont les manuels se veulent la transposition, imposent un étayage scientifique que l’on voit se développer durant l’entre-deux-guerres. C’est ainsi que la comparaison des régions de France entre elles s’appuie de plus en plus sur des indicateurs et des données objectives, renonçant aux jugements péremptoires et aux affirmations gratuites. Cette démarche comparative, cependant, doit être regardée comme le résultat d’un processus de normalisation où la visée idéologique demeure à l’œuvre, mais d’une façon implicite, et certainement plus efficace, puisque c’est, en quelque sorte, la science qui parle. À nous de la mettre au jour.

[1] Voir Garnier, Bruno, Figures de l’égalité, Deux siècles de rhétoriques politiques en éducation (1750-1950), Louvain, Académia Bruylant, 2010, p. 145 et suivantes.

[2] Chapoulie, Jean-Michel, L’École d’État conquiert la France, Deux siècles de politique scolaire, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p. 54.

[3] Garnier, Bruno, « Programmes et contenus », Gherardi, Eugène F.-X. [dir.], Être instituteur en Corse sous le Second Empire, Ajaccio, Albiana – Università di Corsica, Coll. Bibliothèque d’histoire de la Corse, 2012, p. 71-75.

[4] La périodisation ici proposée est librement tirée de Claval, Paul, Histoire de la géographie française de 1870 à nos jours, ouvrage réalisé sous la direction de Jean-Robert Pitte, Nathan Université, 1998.

[5] Levasseur, Émile, L’étude et l’enseignement de la géographie, Paris, Delagrave, 1872, p. 56.

[6] Texte cité par Marchand, Philippe, L’histoire et la géographie dans l’enseignement secondaire, Texte officiels, Tome 1, Paris, INRP, 2000, p. 387.

[7] Texte cité par Marchand, Philippe, L’histoire et la géographie dans l’enseignement secondaire, Texte officiels, Tome 1, Paris, INRP, 2000, p. 518.

[8]Voir sur ce point Boyer, Gilles, Clerc, Pascal, Zancarini-Fournel, Michelle [dir.], L’école aux colonies, les colonies à l’école, ENS Éditions, 2013.

[9] C. Schuwer, inspecteur primaire à Corté, Quelques mots sur l’instruction primaire en Corse avant et depuis 1789, Corté, Imprimerie typographique Icard-Fournier, septembre 1880, p. 28-29.

[10] G. Bruno [Augustine Fouillée], Le tour de France par deux enfants, Devoir et Patrie, Paris, Belin, 1877.

[11] Voir Chanet, Jean-François, L’école républicaine et les petites patries, Paris, Aubier, 1996.

[12] Nous en citerons deux : Allain, M., Hauser, Henri, Les principaux aspects du globe, La France, Cours de géographie à l’usage des écoles primaires supérieures (programme du 26 juillet 1909), Paris, Alcan, 1912 et Allain, M., Hauser, Henri, La France et ses colonies, Cours de géographie à l’usage des écoles primaires supérieures (programme du 18 août 1920), Paris, Alcan, 1923.

[13] Henri Hauser, En Corse, Une terre qui meurt, Paris, Éditions de la Revue du Mois, 1909, p. 1.

[14] Henri Hauser, En Corse, Une terre qui meurt, p. 12-13.

[15] Allain, M., Hauser, Henri, Les principaux aspects du globe, La France, Cours de géographie à l’usage des écoles primaires supérieures (programme du 26 juillet 1909), Paris, Alcan, 1912, p. 357.

2. Présentation du corpus

Les manuels de géographie de la France

Sur la période 1833-1938, les éditions de manuels scolaires se développent parallèlement aux progrès de l’instruction et à ceux de l’imprimerie.

Dans notre corpus, les ouvrages les plus anciens remontent au début de la monarchie de Juillet, régime qui introduit une importante réforme de l’école avec la loi Guizot. En effet, selon J.Y Mollier, il n’existe pas de marché du livre élémentaire avant 1833 [1]. Souvent anonymes ou signés uniquement par des initiales, sans illustration ni cartographie, ces premiers manuels paraissent d’un abord assez austère. Classés par grandes régions, les données géographiques présentées aux scolaires, si elles peuvent paraître assez modestes, sont pourtant loin d’être exemptes d’intérêt.

Sous le Second Empire, quelques progrès sont notables. Les manuels sont signés et leurs auteurs revendiquent leurs liens avec la sphère scolaire, qu’ils soient professeurs, proviseurs ou membres de l’inspection académique. Les ecclésiastiques sont encore nombreux parmi les auteurs de manuels et leurs ouvrages ne sont pas utilisés que dans les établissements privés. C’est le cas de l’abbé Claude Drioux chez Belin à partir de 1844[2]. Mais, selon Claval, la géographie ne joue toujours qu’un rôle restreint à l’école primaire, le souci essentiel demeurant d’apprendre à lire et à compter [3].

C’est évidemment la IIIème République avec la nouvelle législation scolaire et la libéralisation du monde du livre qui signe l’apogée de l’édition des manuels scolaires. Ces nouveaux livres scolaires sont alors officiellement estampillés manuels et suivent les programmes officiels. Ce développement est aussi le résultat de l’intérêt croissant que les Français portent à leur région[4] et prend sa place dans l’apprentissage de l’amour de la patrie à l’époque de la Revanche.

Sur la forme, la cartographie est plus présente et devient même la norme au début du XXe siècle. Les illustrations gagnent aussi en importance.

La longueur des présentations de la Corse varie selon les auteurs de manuels. D’une manière générale, les contenus se développent et l’on voit apparaître des paragraphes décrivant les mœurs et les coutumes des populations. La production de manuels s’accélère au début du XXe s et les nouveaux programmes de 1902 entraînent un effort de modernisation sensible[5].

Dans l’entre-deux guerres, par contre, la géographie connaît un temps de pause. Le nombre de publications diminue, le marché devenant moins attractif.

Les auteurs de manuels sont souvent de grands noms de l’histoire ou de la géographie

Victor Duruy (1811-1894) : Agrégé d’histoire, ministre de l’instruction publique sous le Second Empire, de 1863à 1869, il invite les professeurs « à s’inspirer pour leur enseignement, de ce patriotisme éclairé qui met l’honneur et l’intérêt du pays au-dessus de toutes les questions »[6]. Il rend l’enseignement de l’histoire obligatoire à l’école primaire en 1867.

Emile Levasseur (1828-1911) : Normalien, agrégé en 1854, il devient professeur de lycée avant d’entrer au collège de France en 1868. En 1871, il dresse avec Auguste Himly un tableau de l’enseignement de l’histoire et de la géographie. Ce projet aboutit en 1890 aux Instructions officiels qui donnent à la géographie l’ambition d’apprendre aux élèves la partie visible et de l’associer au récit historique afin de donner cops à l’âme française.[7]

Adolphe Joanne (1813-1881) : Journaliste, à la suite de voyages, il entreprend la publication des Guides Joanne chez Hachette, contenant des renseignements historiques et géographiques.

Julet Michelet (1798-1874) : Sous la monarchie de Juillet soucieuse de s’engager dans le financement public de la recherche, il obtient la direction de la Section historique des Archives. Docteur en lettres, il est l’auteur de plusieurs manuels historiques : un Tableau chronologique de l'histoire moderne (1825), un Précis de l'histoire moderne (1828), qui devait être suivi d'un Précis d'histoire de France (1833). Partisan d’une philosophie de l’histoire, il démontre dans un style romantique, le processus d’unification au cours duquel la France se constitue, acquiert sa personnalité.

[1] Mollier, (Jean-Yves), Louis Hachette, Fayard, 1999, p. 125

[2]Garcia, Leduc, L’enseignement de l’histoire en France de l’ancien régime à nos jours, p 80

[3]Claval, (Paul), Histoire de la géographie française, Nathan université, 1999, p. 45

[4]Claval, idem, p 54

[5]Claval, idem, p 63

[6]Garcia, Leduc, L’enseignement de l’histoire en France de l’ancien régime à nos jours, Armand Colin, 2003, p 53

[7]Delacroix, Dosse, Garcia, Les courants historiques en France, 19e-20esiècle, Armand Colin, 1999, p 84-85.

Les manuels dédiés à la Corse

C’est dans le cadre de la phase d’expansion de l’imprimerie corse au XIXe s que sont apparus les premiers manuels corses. Dans une première période, de la monarchie de Juillet (1830-1848) à la seconde république (1848-1851) sont publiés surtout des abécédaires et des manuels de morale. Cependant, c’est à cette époque, en 1837 exactement, qu’a été édité le Manuel patriotique du jeune Corse que l’on peut considérer comme le premier manuel d’histoire corse, même s’il conserve une ligne ouvertement moralisatrice. Il s’agit également du premier manuel en langue française à une époque, où une majorité des ouvrages littéraires corses sont encore imprimés en italien. A l’image de cette époque, où les manuels sont écrits par des notables, son auteur J.M. Giacobbi (1804-1870), déjà auteur d’une Histoire de la Corse, datant de 1830, est avocat à la Cour Royale de Bastia.

Photographie issue de la Bibliothèque patrimoniale Tommaso Prelà, Bastia (Fonds corse)

Sous le Second Empire, l’édition scolaire se développe en Corse comme sur le continent. En 1852, deux ouvrages scolaires sont publiés L’Histoire de la Corse depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours de Camille de Friess, archiviste du département dont l’objectif scolaire est clairement indiqué sur la couverture : « ouvrage autorisé par le conseil de l’instruction publique ». Le premier manuel de géographie voit le jour la même année. Il est rédigé par Francesco Costantino Marmocchi (1805-1858) patriote italien exilé en Corse. Il est paru grâce à des aides financières de vingt et une personnes dont la liste est publiée en début du livre. Ce sont des personnages influents de la ville de Bastia issus du milieu politique comme Lazarotti, l’ancien maire, du milieu économique avec le banquier Gregorj, et intellectuel avec Philippe Caraffa, le bibliothécaire. Ceci montre l’intérêt que ces personnes portaient à l’enseignement de leur pays à leurs enfants. En outre, cet ouvrage comporte un avant-propos dans lequel l’auteur explique sa démarche : « Jusqu’ici la Corse avait manqué d’un livre de Géographie à l’usage des écoles (…) J’ai entrepris de combler cette lacune ». Ce manuel est destiné au collège de Bastia. Ces manuels peuvent intéresser un public plus large car, malgré leur intention didactique, ils se présentent plus comme des livres de lecture. Ils appartiennent au genre « abrégé » et non au genre « manuel ».

A partir de la IIIe République, et plus encore après 1880, les éditions de manuels scolaires se multiplient et sont désormais rédigés uniquement par des membres de l’enseignement.

L’édition de manuels se concentre alors sur les domaines spécifiques de l’histoire et la géographie. Les manuels scolaires reflètent la place de plus en plus importante accordée à l’histoire. Un professeur du lycée de Bastia, D.M. Mancini, publie en 1883 Géographie physique, politique, historique et économique de la Corse chez Ollagnier à 900 exemplaires. C’est un résumé des cours qu’il a donné aux élèves de Bastia :« vous y trouverez le résumé des leçons que vous écoutiez avec un intérêt qui me touchait, montrant ainsi que, comme moi, vous aimiez notre beau pays, si digne d’être aimé. » Cette précision montre qu’il existait un enseignement de l’histoire de la Corse dans le secondaire.

Photographie issue de la Bibliothèque patrimoniale Tommaso Prelà, Bastia (Fonds corse)

En 1898, l’Abbé Girolami-Cortona publie, chez Piaggi, une version résumée en 36 pages sous le nom de Chronologie ou résumé de l’histoire de la Corse à l’usage des écoles. D’après une indication parue dans la Géographie générale de la Corse, édition de 1914, l’ouvrage aurait été imprimé à 10 000 exemplaires et l’auteur en aurait fait don aux écoles de la Corse.

A la fin du XIXe et au XXe siècle, plusieurs manuels adressés spécifiquement aux écoles de Corse ont été édités sur le continent. Cette période est surtout marquée par les éditions régionales de grandes maisons d’éditions scolaires. Charles Delagrave, éditeur parisien, publie en 1873 une Petite géographie pour le département de la Corse au sein d’une collection de géographies départementales de la France dirigée par E. Levasseur. Son auteur, Gallerand est vice-recteur de la Corse. La maison Hachette a lancé une collection de monographies départementales dirigée par le journaliste Adolphe Joanne. Elle sort en 1880 une géographie du département de la Corse rééditée à cinq reprises (1884, 1891, 1893, 1899, 1906). La grande maison d’édition Mame à Tours publie également une série d’histoire et de géographie de province au sein d’une collection de bibliothèques des familles et des maisons d’éducation. L’ouvrage relatif à la Corse est publié en 1898 et réédité en 1900, 1907 et 1911.

Par ailleurs, Henri Hantz, proviseur du lycée de Bastia et Robert Dupuch, professeur d’histoire, ont rédigés une Petite histoire de la Corse chez Félix Juven à Paris. Cette petite maison d’édition, est spécialisée dans les manuels scolaires.

Après la première guerre mondiale, de nouveaux manuels apparaissent. Ambroise Ambrosi-Rostino (1877-1942) agrégé d’histoire, est l’auteur de deux manuels scolaires dans les années 1920 aux éditions Piaggi.

Le dernier manuel scolaire a être publié avant la Seconde Guerre mondiale est également le premier manuel en langue corse : Manualettu di a storia di Corsica. Ecrit en 1925, chez l’imprimerie Cordier et Fils par Ghjuvan Petru Lucciardi (1862-1928) directeur d’école primaire et écrivain dialectal de premier ordre. C’est un livret dans lequel l’auteur lance un appel à la jeunesse corse afin qu’elle prenne goût à cette étude et conforter une admiration et un amour indéfectible pour leur patrie corse.

Une grande hétérogénéité des regards est présente dans ces manuels qui ne véhiculent pas une vision uniforme de la Corse.

Liste des manuels étudiés

  • Anonyme, Géographie abrégée de la France, Dijon, V. Lagier, 1833
  • FIRMIN-DIDOT, HACHETTE, Petite géographie de la France, Paris, Hachette, 1834
  • JACOBBI, Manuel patriotique du jeune Corse, Bastia, Batini, 1837
  • DURUY, Victor, Géographie physique, servant d’introduction au cours de géographie universelle, Paris, Chamerot libraire –éditeur, 1840
  • SAINT ROMAN, Peines de la vie d’un instituteur, ses voyages en France et à l’étranger. Suivi d’un petit traité de géographie sur la France, divisées en anciennes provinces et sur les mœurs de ses habitants, Nemours Baillard, 1840
  • L.C, F.P.B., Abrégé de géographie commerciale et historique comprenant la division de la France par bassins … à l’usage des écoles primaires, Mame, Tours et Poussielgue-Rusand, Paris, dix-septième édition, 1841
  • SAILLET, A de, Géographie de l’Europe et de la France, Paris, A. Dessert, 1841
  • DUSSIEUX, Géographie historique de la France ou histoire de la formation du territoire français, Paris, Firmin-Didot frères, 1843
  • FRIESS, Histoire de la Corse depuis les temps les plus reculés, Bastia, Fabiani,1852
  • MARMOCCHI, Abrégé de la géographie de la Corse, Bastia, Fabiani, 1852
  • OGER, Félix, Géographie physique, militaire, historique, politique, administrative et statistique de la France rédigée conformément au programme officiel des candidats à l’école militaire, Paris, Maillet-Bachelier imprimeur-libraire,1860
  • CORTAMBERT, E., Cours de géographie comprenant la description physique et politique et la géographie historiques des diverses contrées du globe, Paris, Hachette, 1862
  • BRAVARD, R., De la BRUYERE, Histoire, géographie, statistique de la France, de l’Algérie et des colonies, Paris, Fayard, 1873
  • GALLERAND, Petite géographie pour le département de la Corse, Paris, Charles Delagrave, 1873
  • DRIOUX, Claude-Joseph, abbé, Nouveau cours de géographie, géographie physique et politique de la France, classe de 4e, Paris, Belin, 1874
  • FABRE, J.H, Géographie, coll Cours complet d’instruction élémentaire à l’usage de la jeunesse dans les collèges et dans les institutions de jeunes gens, Paris, Delagrave, 1876
  • COTAMBERT, E. [Ancien président de la Commission centrale de la Société de géographie, Bibliothécaire de la section géographique de la Bibliothèque nationale], Géographie de la France, précédée de la révision sommaire des notions générales de géographie, contenant les matières indiquées par les programmes officiels du 23 juillet 1874, Cours complet à l’usage des lycées et des collèges, Paris, Hachette, 1877
  • JOANNE, Adolphe, Géographie du département de la Corse, Paris, Hachette, 1880
  • MALTE-BRUN, BOUTNY, La France illustrée, géographie, histoire, administration statistique, Paris, J. Rouff éditeur, 1881
  • CORTAMBERT, E., Cortambert, Richard, Géographie de la France, Cours complet à l’usage des lycées et des collèges, Paris, Hachette, 1882
  • MANCINI, Géographie physique, politique, historique et économique de la Corse, Bastia, Ollagnier,1883
  • MICHELET, Jules, Notre France, Sa géographie, son histoire, Paris, Marpon et Flammarion, 1886 MONTI, Jérôme, Histoire de la Corse à l’usage des écoles primaires, Paris, A. Dupret, 1886
  • LEVASSEUR, E. [Membre de l’Institut, Professeur au Collège de France et au Conservatoire des Arts et Métiers], Cours de géographie, rédigé conformément aux programmes officiels du 10 août 1886, Paris, Delagrave, 1887
  • LEHUGEUR, Paul, Géographie de la France enseignée à l’aide du dessin et à l’usage des écoles primaires et des institutions, Paris, Paul Dupont éditeur, 1887 BRUNO, Le tour de France par deux enfants : devoir et patrie. Livre de lecture, Paris,Belin, 1889
  • PIGEONNEAU, M. H., Géographie de la France, Paris, Belin frères, 1890
  • CHIAPPINI, Géographie départementale de la France : la Corse, Guérin, 1892
  • GIROLAMI -CORTONA, Histoire de la Corse, Ajaccio, Pompeani,1893
  • CHAMPION, Paul, Manuel de géographie descriptive, historique et sociale de la France, Paris, H. Champion, 1896
  • GUILLOT, E. [Agrégé de l’université, professeur d’histoire et de géographie au lycée Charlemagne, professeur de géographie commerciale à l’école supérieure de commerce], La France et ses colonies, Cours complet de géographie rédigé conformément aux programmes officiels de 1890 et de 1891, Classe de rhétorique (enseignement classique), Classe de seconde (enseignement moderne), Préparation à l’École militaire de Saint-Cyr, Paris, Belin, 1898
  • LEVASSEUR, E, Cours complet de géographie à l’usage des maisons d’éducation, Paris, librairie CH. Delagrave, 1898
  • GOCHET, Alexis-Marie, La France pittoresque du Midi. Histoire et géographie des provinces d’Auvergne, Gascogne, Béarn, Foix, Languedoc, Roussillon, Comtat, Nice, Provence, Corse, Tours, Mame, 1900
  • GIDEL, Philippe, La France et ses colonies, classe de 1ère, programme 1902, Paris, H. Garnier éditeur, s.d.
  • LEMONNIER, SCHRADER, Géographie de la France et étude sommaire des 5 parties du monde, Paris, Hachette, 1902
  • HANTZ, DUPUCH, Petite histoire de la Corse, Félix Juven, sd, DODU, Gaston, Géographie de la France et de ses colonies, accompagnée de croquis, 1904
  • FERRAND, L.H., Géographie de la France et de ses colonies, Cours moyen, certificat d’études, Edouard Cornely & Cie éditeurs, 1904
  • LABROSSE, J, Questions et réponses sur la géographie de la France et de ses colonies (programme du 7 juin 1902), baccalauréat ; sections ABCDJ, librairie Crouille-Morant, 1905
  • LE LEAP, H., BAUDRILLARD, J., La France, métropole et ses colonies ; les cinq parties du monde à l’usage du cours moyen des écoles primaires et des classes élémentaires des lycées et collèges, CH. Delagrave, 1905
  • MANE, Frédéric, Géographie élémentaire de la France et de ses colonies, Marseille, M. Lafitte, 1905
  • SCRADER, F., Gallouédec, L., Géographie élémentaire de la France, Rédigée conformément aux programmes du 31 mai 1902 à l’usage de l’enseignement secondaire, Classe de Troisième, Paris, Hachette, 1905
  • MURGIER, H., Cours pratique de géographie. La France et les cinq parties du monde. Deuxième livre destiné à servir pour deux années d’études, avec un texte spécial pour chaque année, Eugène Malouan éditeur, 1906
  • GIROLAMI-CORTONA, Chronologie ou résumé d’histoire de la Corse, Ajaccio, Pompeani, 1906
  • FALLEX, M, MAIREY. A., La France et ses colonies, programme 1902, Delagrave, 1907
  • PONCIN (P), La France étude physique-politique-économique-administrative précédé de Notions sur la Terre et d’une révision des 5 parties du monde, Géographie 2ème année, Paris, Armand Colin, 1907
  • ALLAIN, M., HAUSER, Henri, Les principaux aspects du globe, La France, Cours de géographie à l’usage des écoles primaires supérieures (programme du 26 juillet 1909), Paris, Alcan, 1912
  • DUBOIS, Marcel, LEMONNIER, Henry, SCHRAEDER, F., Eléments de géographie. Cours Moyen, certificat d’études. Géographie de la France et étude sommaire des cinq parties du monde, Paris, Hachette, 1918
  • GALLOUEDEC, MAURETTE, Géographie de la France, classe de première, Paris, Hachette, 1918
  • BLANCHARD, Raoul, ARBOS, Ph. Abrégé-manuel de géographie, classe de 1ère, La France, Paris, Belin frères, 1919
  • ALLAIN, M., HAUSER, Henri, La France et ses colonies, Cours de géographie à l’usage des écoles primaires supérieures (programme du 18 août 1920), Paris, Alcan, 1923
  • AMBROSI-R, Géographie de la Corse, Bastia, Piaggi,1924
  • BLANCHART, Raoul [Professeur de géographie à la Faculté des Lettres de Grenoble], Faucher, J. [institutrice], D. Faucher [Professeur de géographie à la Faculté des Lettres de Toulouse], Cours de Géographie, Cours Élémentaire, Paris, Geldalge, 1925
  • LUCCIARDI, Manualettu di a storia di a Corsica, 1925
  • GALLOUEDEC, Louis, MAURETTE, Géographie de la France et de ses colonies, classe de 4e, Paris, librairie Hachette, 1926
  • DEMANGEON, Albert [Professeur de géographie à la Sorbonne], François, Louis [Agrégé d’histoire et de géographie, Professeur au lycée Henri IV], La France, Classe de Quatrième, Ouvrage conforme aux programmes officiels, Paris, Hachette, 1938
  • [anonyme], Cours de géographie, Classe de Sixième, Paris, École Universelle par Correspondance de Paris, 1941
  • BLANCHART, Raoul [Professeur de géographie à la Faculté des Lettres de Grenoble], Faucher, J. [institutrice], D. Faucher [Professeur de géographie à la Faculté des Lettres de Toulouse], Cours de Géographie, Géographie locale, Les plans et les cartes, La France et la France d’Outre-mer, Cours Moyen (Programmes du 17 octobre 1945), Paris, Geldalge, 1946
  • CLOZIER, René [Inspecteur général de l’Instruction publique], Fénelon, Paul [Institutrice de la Seine, Professeur de Cours complémentaire], Géographie La France La France d’Outre-Mer, Cours moyen, classes de huitième et septième, Certificat d’études, Paris, Larousse, 1947
  • MOREAU, J.-P. [docteur ès lettres, agrégé de l’Université], Pasquier, Y. [agrégé de l’Université], Mme Ozouf [agrégée de l’Université], Nouveau cours de géographie pour l’enseignement du second degré, Classe de Première des lycées et collèges, Paris, Nathan, 1956
  • DEBRESSE-ARVISET, L. [Ancienne élève ENS Fontenay, DES géographie, professeur EN], Menty, M. [Ancien élève ENST, agrégé de géographie, professeur au lycée de Bordeaux], La France et les pays africaines d’expression française Classe de Troisième, Paris, Baillière & Fils, 1964

3. La présentation géographique de la Corse

Le positionnement de la Corse

La présentation géographique de la Corse est riche en enseignements sur la manière dont on se représente cette île. Peu de manuels (14 de notre corpus) abordent la Corse sans l’insérer dans un espace déterminé. Dans ceux-ci, la Corse apparaît comme un département comme un autre. Cette absence de situation géographique est surtout fréquente parmi les ouvrages les plus anciens.

Les autres livres scolaires, intègrent la Corse dans une évolution chronologique. Des grandes tendances peuvent alors être mises en place même si les ouvrages scolaires peuvent professer des opinions différentes.

La Corse est géographiquement italienne

Dans un premier temps, la Corse est considérée géographiquement italienne. Elle fait physiquement corps avec l’Italie en opposition avec son rattachement administratif à la France.

L’île de Corse, qui dépend géographiquement de l’Italie appartient à la France (Dussieux, 1844, p 26)

Cette contradiction se retrouve également dans la présentation de la population corse.

Cette île est physiquement une partie de l’Italie plutôt que de la France : la proximité, le climat, la rattachent à l’Italie, cependant les habitants sont vivement dévoués à leur patrie politique (Cortambert, 1877, p 297)

JOANNE Aldophe, Le Département de la Corse, Hachette, 1880.

Peu à peu, à la fin du XIXe siècle, cette vision de la Corse italienne disparaît. Toutefois, la Corse demeure prioritairement située, sur le plan de la cartographie, par rapport aux côtes italiennes.

Elle est distante de 85 kilomètres des côtes d’Italie ; de 180 des côtes de France ; de 450 des côtes d’Espagne ; de 460 de celles d’Afrique, de 11 à 12 des côtes de Sardaigne (Marmocchi, p 4, 1852)

Encart : les cartes géographiques de la Corse

Les cartes sont présentes dans les manuels à partir de la fin du XIXe s. Le premier à en proposer une est Le Département de la Corse, d’Aldophe Joanne chez Hachette en 1880.

Dans ce manuel, consacré uniquement à la Corse, l’île est présentée de manière isolée. Aucune mention n’est faite de l’Italie ni de la mer tyrrhénienne, le seul nom de mer est celui de la Méditerranée. Toutefois, il est difficile d’établir une chronologie rigoureuse car il peut y avoir des représentations contradictoires.

La Corse est française mais plus proche de l’Italie fin XIXe- début XXe

Au large de Nice, mais plus près de la côte italienne que de la côte française, se trouve la grande île de Corse. (Lehugueur, p. 24, 1888)

Plus rapprochée de l’Italie que des côtes françaises (Guillot, p 115, 1898)

Elle est plus rapprochée de l’Italie que de la France : 145 kilomètres séparent le cap Corse de Nice, 80 kilomètres Bastia de Livourne. (Gidel, p. 388, 1898)

La Corse, placée plus près de l’Italie que de la France, est séparée de la Sardaigne par le détroit de Bonifacio. (Mane, p. 34, 1905)

 

 

Positionnement de la Corse par rapport à la France

Une évolution est amorcée dans certains manuels à la fin du XIXe siècle qui deviendra la règle à partir du XXe s. La Corse est positionnée en premier par rapport à la France, l’Italie n’est mentionnée qu’ensuite.

Placée entre la France, l’Italie, l’Espagne ; la Sardaigne et l’Afrique, elle est à 180 kilomètres des côtes de France, à 75 de Livourne et 10 seulement de la Sardaigne (Malte Brun, 1881, p 54)

Ceci est visible également dans les manuels écrits par des insulaires.

La Corse est la troisième des îles de la Méditerranée en étendue : à 180 kil. de la France, à 75 kil. de l’Italie et 11 kil. de la Sardaigne (Mancini, p 7, 1883)

On insiste alors sur le fait que la Corse est visible des côtes françaises, afin de la rapprocher de manière symbolique de la France en oubliant de préciser que ce phénomène se produit en moyenne altitude et uniquement par beau temps.

En ce pays de lumière, où l’on peut voir parfois en mer à vingt ou trente lieues, si ce n’est davantage, si vous montez sur les épaules de l’un des bons géants, peut-être, verrez-vous au loin, flottante comme une vague apparition, notre petite patrie d’adoption, la Corse. (Michelet, p 140, 1886)

Du haut des montagnes qui bordent la côte d’Azur, on aperçoit les sommets de la Corse, à 180 kms de la France (6 h de navigation) (Ferrand 1904)

Image de gauche : Photographie issue de la Bibliothèque Municipale d'Ajaccio

Cette île montagneuse, qui mesure 180 kms sur 80 et que l’on aperçoit de la côte française (Le Léap, p. 57)

Le polygraphe insulaire, Ambrosi-Rostino essaie de minimiser la distance de la Corse par rapport à l’Italie par des imprécisions « par une grande étendue d’eau » qui dénotent dans un ouvrage qui ne manque pas, par ailleurs, de précision scientifique.

La Corse est une île dans la zone tempérée, au milieu de la Méditerranée. (…) Elle est à égale distance des pays très chauds et des régions très froides. (…) Elle est séparée à la fois de la France et de l’Italie par une grande étendue d’eau ; elle touche à la Sardaigne. Il y a au moins 82 kilomètres entre notre pays et le point le plus rapproché d’ltalie ; il y en a 164 entre lui et la côte française. (Ambrosi, p 9, 1924)

L’Italie disparaît du positionnement au XXe siècle

Une autre tendance est visible dès les années 1900 chez certains auteurs, l’Italie est absente du positionnement de la Corse. Ceci devient la norme à partir de l’entre-deux guerres.

Le département de la Corse comprend l’île de même nom, située au sud-est de la France, dont elle est éloignée de 170 kilomètres. (Gochet, p. 349, 1900)

Située à 170 kilomètres au Sud-Est du continent français, la Corse est une île montagneuse (Fallex, p 88, 1907)

A 170 kilomètres environ de la côte provençale, émerge une grande île, la Corse (Moreau, 1956)

La Corse apparaît dans une vision française de la Méditerranée

La Corse et l’Algérie font de la Méditerranée occidentale un lac en grande partie français (Ferrand p 11)

La Corse, un territoire isolé dans la Méditerranée

Cette attitude est adoptée dans certains manuels sur l’ensemble de la période.

Cette île, située dans la Méditerranée » (Bravard, 1873)

La Corse se dresse comme une haute montagne isolée au milieu de la mer. (Debesse, p. 23, 1964)

L’établissement de comparaisons avec d’autres régions françaises

A partir du début du XXe siècle, au sein des descriptions générales de la Corse, des comparaisons peuvent être effectuées avec d’autres régions françaises. L’objectif est de l’insérer dans les paysages de la France. La côte orientale de la Corse, par son aspect, plat, sablonneux et marécageux est comparée à celle du Languedoc. La côte occidentale, rocheuse, découpée avec des falaises et des golfes est rapprochée de la Provence.

« A l’Orient et à l’Occident, les côtes offrent un aspect tout différent : ici, les golfes profonds, les hautes falaises, les bons ports (Saint Florent, Calvi, Ajaccio) bref la reproduction en pleine mer du littoral provençal ; là, les marécages, la reproduction du littoral languedocien (Dodu, p 72, 1904)

La côte orientale de la Corse est plate et sablonneuse, comme celle du Languedoc ; la côte occidentale est rocheuse et échancrée, comme celle de la Provence. (Fallex, p. 220, 1907)

 

La Corse est une Provence à l’W, un Bas-Languedoc à l’E (Allain, Hauser, p. 229, 1912)

La côte de la Corse présente, à l’Est, le type languedocien, aux côtes basses et plates, le long de la plaine marécageuse d’Alesia (sic) ; on y trouve un seul abri : le port de Bastia. A l’Ouest, au contraire, domine le type provençal, découpé, riche en abris ; les principaux sont les golfes de Saint Florent, de Calvi, d’Ajaccio et le port de Bonifacio. (Gallouedec, p 27, 1918)

La Corse présente à l’ouest une côte ressemblant à la côte de Provence avec ses montagnes granitiques qui se terminent par des falaises échancrées de calanques et de golfes majestueux (golfe de Porto, golfe d’Ajaccio). A l’est les aspects de la côte bordant une plaine sont languedociens avec des étangs prisonniers derrière un long cordon littoral. (Debesse, p. 57, 1964)

Seule, la Bretagne fait l’objet d’une autre comparaison pour l’aspect découpé de ses côtes.

A l’occident, le rivage est profondément échancré, semblable à celui de la Bretagne (Mane, p. 35, 1905)

La géographie historique ou l’union de la Corse à la France

Trente manuels (16 de géographie et 14 manuels dédiés à la Corse) évoquent l’union de la Corse à la France, même de manière succincte. Par exemple, Félix Oger, auteur de Géographie physique, militaire, historique, politique, administrative et statistique de la France suggère le rattachement de la Corse à la France à travers la rubrique Lieux remarquables : Pontenuovo, vict. Du Comte de Vaux sur Paoli en 1769. [1]

Dans cette thématique, les différences entre les points de vue « français » et « corse » sont porteuses de significations différentes. L’étude du vocabulaire utilisé est, à ce niveau, particulièrement instructive.

L’union vue par les manuels de géographie

Dans les manuels de géographie, la Corse a été « vendue » ou « cédée » c’est le point de vue officiel, celui du traité de Versailles ou de la défaite militaire de Ponte Novu, qui est retenu.

Termes utilisés dans les manuels de géographie

Les termes « vente/achat » et « cession », expression plus neutre, sont employés dans des proportions égales.

Ce pays fut cédé à la France sous Louis XV, depuis cette époque il nous appartient. (Saint Roman, p 13, 1840)

 

Ces vocables de vente/achat sont pourtant impropres sur le plan historique puisque le traité de Versailles ne les contient pas. Selon les termes du traité, la souveraineté de la Corse est donnée à la France en échange de l’effacement d’une dette (les frais des missions militaires françaises en Corse). Néanmoins, ce traité, élaboré sans qu’ils aient été consultés, est ressenti comme un acte de vente par les insulaires et les esprits éclairés des Lumières, comme Voltaire.

 

 

La Corse, capitale Ajaccio, achetée aux Génois sous Louis XV, en 1768 (Lemonnier, Schrader, 1902, p 19)

D’autres auteurs mettent l’accent sur la conquête militaire, par exemple Malte Brun :

L’offre de Gênes fut acceptée en 1768 (15 mai), et le comte de Marbeuf parut avec une armée sur les côtes d’Ajaccio pour soumettre tout le pays. La soumission eut lieu, non pas sans beaucoup de sang répandu de part et d’autre. Paoli, quoique réduit à des forces très peu considérables et à l’occupation de quelques petits forts sans importance, sut résister au marquis de Chauvelin, qui avait remplacé M. de Marbeuf. M de Vaux succéda au marquis de Chauvelin ; une action générale fut engagée près de Ponte-Nuovo, et Paoli poursuivi de près, écrasé par le nombre ne dut son salut qu’à la vitesse de son cheval. Il se réfugia en Angleterre, royaume auquel il avait voulu soumettre la Corse.» (Malte Brun, p 13, 1881)

L’expression « appel à la France » est liée à la vision romantique de la construction de la France de l’historien Jules Michelet. Historiquement erronée et employée qu’une seule fois, elle est non représentative des opinions des historiens et géographes de l’époque.

La Corse. Africaine comme Malte, dans des luttes parfois terribles, qu’elle engagea, jadis, pour la défense de ses libertés, elle n’appela jamais à son secours les Italiens mais toujours la France ; sous Charles VI, Henri II, Louis XV. Petite île, grand peuple à ses moments, qui fut toujours des nôtres par le cœur. (Michelet, 1886, p 140)

L’Union vue par les manuels corses

La date de l’union avec la France est différente selon les ouvrages. Elle est ressentie d’une manière générale comme la fin d’une histoire spécifiquement corse qui va alors se fondre dans l’histoire de la France participant ainsi à la construction de la « grande patrie ». Contrairement aux manuels continentaux, les dates de 1768 et 1769 (le traité de Versailles ou la défaite militaire de Ponte Novu) sont rarement choisies comme fin de l’histoire corse. L’année 1796, celle de la chute du royaume anglo-corse, est préférée dans la plupart des manuels : « A partir de 1796, l’histoire de la Corse se confond avec celle de la France » (Chronologie Cortona p 29) ou encore « a partir de ce moment (1796) la Corse cessa d’avoir une existence propre. Ses destinées furent celles de la mère patrie, la France, qui l’avait conquise et qui, toute idée d’indépendance mise à part, lui offrit de nouveaux horizons »[2]. L’année 1796, représente l’avantage, contrairement à 1768, d’offrir une version volontaire des Corses de se donner à la France, en faisant oublier « l’achat » du traité de Versailles.

Plus tardivement encore, le 18 brumaire, c'est-à-dire le coup d’Etat de Bonaparte qui mit un terme au Directoire, est choisi comme fin car « il acheva d’attacher la grande majorité de ses habitants à la France, et rien ne rompra désormais cette union plus que séculaire aujourd’hui. »[3]. Il a en outre le privilège de faire ressortir le rôle d’un Corse, Napoléon Bonaparte « qui vengea son pays, anéantit la République génoise et se fit maître de la France et de l’Europe. »

L’union de la Corse et de la France s’est réalisée, selon ces divers manuels, d’une part par le sang des guerres et la gloire des champs de bataille alors qu’en Corse l’armée revêt une grande importance en raison des nombreux Corses qui peuplent ces rangs : « le sang versé sur les divers champs de bataille par les deux peuples, a cimenté leur union ».

D’autre part, les valeurs issues de la Révolution française pour lesquelles la Corse luttait depuis des siècles sont mises en avant : « Il y a donc une nation corse avec ses défauts et ses qualités propres. Elle accepte aujourd’hui par reconnaissance, d’être unie à la grande nation française, parce qu’elle lui a donné l’ordre et la liberté, l’instruction et l’égalité. »

La vision historique de ces ouvrages est résumée par Chiappini : « Les Corses n’ont pas oubliés leur histoire et leur patriotisme se compose de trois choses : l’admiration des aïeux, la haine du Génois, l’amour de la France. »

Image de gauche : Photographie issue de la Bibliothèque patrimoniale Tommaso Prelà, Bastia (Fonds corse)

L’image des Génois

Les deux types de manuels se retrouvent, par contre, sur l’image des Génois, vus de manière extrèmement négative. La révolte contre eux est, de ce fait, pleinement justifiée. Les Génois sontprésentés comme des êtres injustes, cruels et ne s’étant que peu préoccupés de l’état de l’île. Le chapitre traitant de la période génoise dans le Manualettu di a storia di Corsica de Lucciardi est intitulé Tempi bughj di a Corsica : temps sombres de la Corse, cette même période est qualifiée de « domination des plus arbitraires et des plus tyranniques. » par Mancini.

Alexis-Marie Gochet, dans son ouvrage consacré à La France pittoresque du Midi se permet de longs développements et laisse une place à la domination génoise :

Leur domination [des Génois] justement détestée à cause de leur mauvaise administration, subsista jusqu’en 1769, interrompue toutefois par de nombreuses révoltes. Telles furent celles de 1553 à 1559, dirigé par le brave Sampiero, avec l’aide de notre roi Henri II ; celle de 1735, qui fit momentanément de la Corse un royaume pour l’aventurier allemand Théodore de Neuhoff ; celle de 1752 à 1768, dirigée par les deux Paoli. Incapable de dominer plus longtemps, Gênes vendit ce territoire à la France, qui l’avait soutenue dans ces dernières luttes, et Louis XV en proclama l’annexion le 15 août 1768, un an jour pour jour, avant la naissance du plus célèbre Corse, Napoléon Bonaparte. (Gochet, p. 348, 1900)

Certains manuels relatent même l’impuissance des Génois à rétablir l’ordre en Corse :

La Corse appartint depuis le quatorzième siècle aux Génois qui, ne pouvant réprimer la révolte excitée dans l’île par Pasqual Paoli (1763), la cédèrent à la France moyennant une somme de 40 millions (1768) (Guillot, p 120, 1898)

La présence de résistance face à la France, après la signature du traité de Versailles, est présente dans trois manuels comme par exemple, chez Cortambert.

La Corse appartenait depuis longtemps aux Génois, quand Paoli chercha à l’ériger en république indépendante, en 1755. Gênes, ne pouvant soumettre les Corses insurgés, vendit, en 1768, ses droits à la France, qui s’empara de l’île après quelque résistance, une année avant la naissance de Napoléon Ier. (Cortambert, 1877)

L’image de Paoli

Personnage incontournable de la lutte pour l’indépendance, Pascal Paoli est omniprésent dans l’ensemble des manuels dédiés à la Corse. Il est alors, sans surprise, célébré autant sur le point de vue de ses qualités personnelles que pour sa grande œuvre politique et législative. Sa présence est plus discrète (6 mentions) dans les manuels de géographie où il est souvent mentionné sans qualificatif particulier. Toutefois, il est caractérisé du terme « héros » par Guillot en 1898, texte repris intégralement dans l’ouvrage de Mane datant de 1905 :

Soumis malgré eux à la domination génoise, ils ont vaillamment lutté pour secouer le joug de leurs oppresseurs. Quand la France, sous le règne de louis XV, a acheté l’île à la République de Gênes, les corses, sous la conduite du héros Paoli, ont résisté à l’étranger. Mais, depuis qu’en 1769 est né à Ajaccio le plus grand capitaine des temps modernes, Napoléon Ier, qui a porté le nom français si haut dans tout l’univers, la Corse, s’est loyalement donné à notre pays. (Mane, p 35, 1905)

L’image de Napoléon

Les visions des deux types de manuels se retrouvent, par contre, sur l’image de Napoléon qui représente celui qui a scellé le sort de la Corse à la France.

Mais, depuis qu’en 1769 est né à Ajaccio le plus grand capitaine des temps modernes, Napoléon Ier, qui a porté le nom français si haut dans tout l’univers, la Corse s’est loyalement donnée à notre pays. (Lehugeur, p. 35, 1888)

Napoléon est alors retenu par Lucciardi : « Un fu l’attu di cessione chi ci feceFrancesi. No. Ma e simpatie ci hanusempreattiratuversu su populueroicu e generosu ; e forse, ancu, pè a più grande parte a gloria cusisplendurente chi li deteunu d’i nostri : Napulione ! » (Lucciardi p 23)

Fort de cette symbolique, l’image de Napoléon envahit alors les manuels de géographie.

Etude des ressources économiques de l’île

Dans le dernier quart du XIXe siècle, la production d’ouvrages, de manuels scolaires consacrés à l’histoire et à la géographie est importante. La IIIe République impose l’écriture du Roman national à travers l’apprentissage de l’histoire, de la géographie et de l’éducation civique, association nouvelle et singulière dans le paysage éducatif européen.

Un décret de 1880 impose une heure par jour d’enseignement de l’histoire et de la géographie en classe. Cette association entre la terre et le temps se concrétise dans une approche chronologique à travers l’étude des territoires de France.

Généralement, les manuels d’histoire et de géographie traitent des régions en commençant par les régions les plus ancrées dans l’histoire de la France. C’est la raison pour laquelle la Corse est souvent abordée à la fin des développements historiques avec, en corollaire, la Savoie et les Alpes Maritimes.

D’un point de vue géographique, le processus est identique, la Corse est à la marge de la métropole.

Quels sont donc les marqueurs des capacités agricoles de l’île qui se retrouvent dans de nombreux ouvrages ?

Premièrement : les piètres qualités du sol

Ainsi, on relève dans le nouveau cours de géographie rédigé par l’abbé Drioux pour les classes de 4ème chez Belin en 1880 : « le sol de l’île est en général pierreux et mal culturé… ; la Corse est une île montagneuse » et dans le nouveau cours de géographie de la France et de ses colonies, programme de 1902, de Fallex et Mairey : « le maquis est la seule richesse incessamment rongé par la dent des chèvres et des moutons ».

Deuxièmement : l’agriculture.

L.H. Ferrand, dans son manuel : Géographie de la France et de ses colonies, fondée sur la cartographie, écrit pour le cours moyen, certificat d’études : « une grande partie est inculte ». Philippe Gidel, dans La France et ses colonies, ouvrage destiné aux classes de 1ère, préparation à l’examen de St Cyr, donne la même information.

Les potentialités agricoles

Certains auteurs mettent en avant les grandes potentialités des sols de la Corse. Mancini, par exemple, dans sa géographie physique, politique, historique et économique de la Corse, écrit à la page 79 : « le sol de la Corse est des plus fertiles et se prête à toute espèce de culture, négligée pendant longtemps l’agriculture y fait de grands progrès aujourd’hui, chaque année plus de 12000 italiens y vont faire la culture des terres et la récolte ».

Image de gauche : Photographie issue de la Bibliothèque patrimoniale Tommaso Prelà, Bastia (Fonds corse)

On retrouve cette propension à mettre en avant des possibilités importantes des terres de l’île, chez Chiappini : « Le ciel est presque toujours beau, grâce à sa position géographique et à l’exposition variée de ces coteaux, la Corse réunit la végétation de l’Italie à celle de la France ».

Durant notre période d’étude et plus encore à partir de la fin du XIXe siècle, cette analyse positive des potentialités d’exploitation agricole n’est pas partagée par de nombreux auteurs continentaux de manuels d’ histoire et de géographie traitant du territoire national.

Identité de l’agriculture insulaire

Pour la plupart des auteurs, la Corse représente, en quelque sorte, l’ensemble des paysages de Méditerranée, une méditerranée en miniature à l’instar de ce que disait Fernand Braudel : « Mille choses à la fois, non pas un paysage mais d’innombrables paysages ».

Il est intéressant de relever l’analogie faite entre les hommes et ce territoire dans l’expression de Philippe Gidel, page106 de son manuel destiné en 1902 aux classes de première, afin de préparer l’examen d’entrée à l’école de Saint Cyr , La France et ses colonies, édité aux éditions Garnier : « Le paysage corse est vide et pierreux, ce paysage purement corse, c’est le contraire d’un paysage civilisé » ; et chez Ambrosi, dans sa géographie de la Corse en 1924, on peut lire à la page 69 : « qu’il y a une forte similitude entre les habitants et les cultures pratiquées ».

Déjà sous-jacente dans ces écrits, l’idée de double lecture du paysage, à la fois un patrimoine et un enjeu, va se développer. A travers les éléments mis en avant de la part de ces concepteurs de manuels, il est clair que l’agriculture insulaire est analysée par le prisme d’une grille de lecture issue de la tradition des géographes français depuis la fin du XVIIIe siècle et ce jusqu’aux années 1850. Cette vision mêle à la fois la géographie dite « utilitaire », selon l’expression de Joseph Martinetti, avec une optique de développement commercial et économique et la promotion de la « Mediterranéité » par le biais des paysages ruraux diversifiés de Corse avec la volonté de mettre en exergue une dimension esthétique de l’île. Ce regard particulier se concrétise chez de nombreux auteurs par l’emploi de formules élogieuses ou empreintes de considérations de beauté, dénuées d’analyse objective du bilan agricole, par exemple :

  • « La côte orientale est une plaine fertile ». (Fallex/Mairey, p.215, 1902) ;
  • « Cette île au climat délicieux est un de nos plus grands départements ». (L-H Ferrand, p.9, 1902) ;
  • « La Corse est à part, elle mériterait d’être mieux connue ». (Leap /Baudrillard, p.17, ?) ;
  • « Les cultures les plus diverses se superposent, les bois d’oliviers et les sombres forêts de châtaigniers énormes et touffus ». (F Mane, p.36) ;
  • « Aucune n’a une forme plus originale et gracieuse, belle, la plus belle, notre Corse est l’île des beautés. La Corse ressemble à un flacon de parfum dont le Cap est le goulot ». (Ambrosi, p.9, 1924).

Enfin, il y a un troisième regard associant de façon plus factuelle et analytique les données de l’agriculture corse avec les caractéristiques physiques de l’île et les perspectives économiques. On retrouve ce processus chez certains auteurs qui font une place à l’expression plus identitaire de ces territoires français particuliers, d’après l’analyse de joseph Martinetti. Nous adhérons à ses conclusions qui montrent que les manuels scolaires expriment également la conciliation entre : « régions, personnalité régionale et nation à un moment où s’affirme en France le réveil des provinces ».

Ces manuels sont au cœur d’une conjoncture historique de conciliation entre ce que l’on a appelé les petites patries(les provinces françaises dont la Corse fait partie à ce moment- là) et la grande patrie la nation française. Cette vision transparaît en particulier dans les manuels de Mancini et de Chiappini qui font la part belle à l’exaltation de la Corse dans sa singularité.

Ils s’inscrivent dans la tradition établie en particulier par Levasseur dans ses ouvrages consacrés à la Géographie pour l’enseignement primaire supérieur ou pour ses cours complets de Géographie à l’usage des maisons d’éducation en s’appuyant sur des données factuelles qui allient une étude scientifique et une visée politique.

Photographies issues de la Bibliothèque patrimoniale Tommaso Prelà, Bastia (Fonds corse)

Dans l’ensemble des manuels étudiés, il est clair que la part consacrée à l’agriculture prédomine car elle représente à la fois une réalité économique incontournable de l’île et une projection de l’imagerie archétypale des territoires méditerranéens dans les représentations des auteurs.

Nature des productions

  • Les productions végétales

La plupart des concepteurs de manuels s’accordent pour dire que les cultures vivrières et arboricoles traditionnelles du bassin méditerranéen sont les cultures majeures en Corse, essentiellement représentées par la trilogie céréales, vignes, oliviers. Cependant l’analyse d’autres cultures n’est pas oubliée et ce dès les premières années de notre période d’étude.

  • L’oléiculture

La place de la culture des oliviers est bien soulignée de la part des auteurs : On retire de l’huile, à Bastia il y a d’excellentes olives, à Calvi des huiles d’olive (L’abbé Drioux, p. 29, 1880)

On fait du commerce d’huile (Géographie abrégée de la France A Dijon)

Elles peuvent rivaliser avec les meilleures du continent (Mancini, p. 81, 1883)

Les cultures rappellent celles de Provence et sont étagées, l’olivier est très répandu dans la Balagne près de Calvi ( Labrosse, p121 ,1905).

En revanche parfois les données sont loin de correspondre à la réalité, par exemple Ambrosi dans sa Géographie de la Corse en 1924 parle de : il y a 135000 hectares d’olivettes qui donnent 40000000 de kilogrammes d’olives (p.79). Cette affirmation est fausse en réalité les surfaces oléicoles couvrent en Corse près de 12000 hectares à cette époque ! Il faut être vigilant sur les données chiffrées, on peut également le vérifier s’agissant des altitudes attribuées aux sommets de l’île : En général, la vigne, les céréales, l’olivier, le Châtaignier et les Forêts sont le fond de la richesse agricole de la Corse. (Mancini, p. 80, 1883).

  • La viticulture

Les vins sont partout délicieux ( Chiappini, p.6, 1893)

300000 hectolitres aujourd’hui ( Mancini, p.81, 1883)

  • Autres cultures

Puis viennent ensuite les autres cultures, le châtaignier, les arbres fruitiers…, l’évocation des différentes productions répond à une analyse logique de la part des nombreux auteurs, cela correspond à la réalité du paysage agricole insulaire de la période d’étude où de multiples tentatives d’améliorations, et des essais de nouvelles cultures sont réalisées. Les comices agricoles, les sociétés d’agriculture les enquêtes agricoles témoignent des préoccupations des habitants et des autorités publiques afin d’optimiser les potentialités des différents terroirs de l’île.

En revanche cette période d’étude est également le temps des grandes crises agricoles de la fin du XIXe siècle essentiellement les crises oléicole, céréalière, phyloxérique, les manuels globalement ne traitent pas de cet aspect fondamental de l’histoire agricole de ce temps.

Les manuels apportent à a fois des informations chiffrées telles que des quantités annuelles de production, exemple : 950000 hectolitres de céréales en moyenne (Mancini,p.81, 1883.) mais surtout des jugements qualitatifs du type : il y a cependant des régions bien exploitées, les territoires de cargese, vico,la cinarca les environs d’ajaccio, les vallées de l’Ornano et du Rizzanese et surtout les environs de Bastia, la Casinca et la vallée du Regino sont admirablement cultivés et dédommagent largement l’agriculture. (Chiappini, p.9, 1893.)

S’agissant de l’élevage les informations sont plus laconiques dans les différents manuels, la priorité est donnée aux productions végétales.

Les voies de communications et les transports en Corse

A travers les manuels scolaires, on constate une approche à deux niveaux afin de traiter de la question des voies de communication et en corollaire des transports. Le caractère insulaire de la Corse influe directement sur l’analyse des différents auteurs. Premièrement la problématique des liaisons maritimes avec la « Terre Ferme » est une préoccupation relativement constante.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, certains auteurs français mettent en avant les progrès réalisés grâce à l’action de la puissance publique française en matière d’améliorations des infrastructures portuaires, des liaisons maritimes… Par exemple Blanchart écrit dans son manuel de géographie pour la classe de première sur la France édité chez Belin : « Quoique insulaire la Corse a peu d’activité maritime. Cependant, l’occupation française en développant les relations avec l’extérieur a favorisé les villes littorales Bastia, Ajaccio. » En 1880, l’abbé Drioux dans son manuel pour les classes de quatrième, Nouveau cours de géographie, Géographie physique et politique de la France édité chez Belin aussi soulignait la qualité des ports principaux de l’île Bastia et Ajaccio et d’un point de vue géographique rattachait la Corse à la frontière méditerranéenne de la France (page 33).

La cartographie économique de l’île

En revanche, la cartographie à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle des manuels scolaires traitant de la Corse parmi les autres départements français omet très souvent encore de situer la Corse dans le bassin méditerranéen en ne faisant référence qu’au seul hexagone.

Photos des cartes pages 8, 11, 29, 32 du livre Cours de Géographie, La France et ses colonies d’Elicio Colin et Antonin Fraysse, Armand Colin, 1925 :

Ou bien lorsqu’elle est présente, elle est souvent mal située par exemple dans le manuel La France et ses colonies d’Elicio Colin et Antonin Fraysse édité chez Colin en 1925, on a la carte de la France sans la Corse, elle est absente des cartes thématiques sur l’agriculture française sur l’industrie française. Par contre on retrouve la carte de la Corse concernant la carte globale sur les transports en France. Par ailleurs le positionnement de la Corse sur les rares cartes ne correspond pas à la réalité géographique ce qui est un inconvénient pour les représentations des publics auxquels sont destinés ces ouvrages. Par exemple la Corse est située à proximité immédiate du département du Var. Ces manuels sont les outils de diffusion de l’iconographie nationale.

Curieusement les deux auteurs corses principaux ne s’attardent pas sur le caractère maritime de la Corse et ne traitent pas de l’enjeu des liaisons maritimes avec le continent français, véritable cordon ombilical pour les échanges économiques de la population insulaire.

Ce n’est pas une priorité dans leur analyse (D.-M. Mancini dans sa Géographie physique, politique, historique et économique de la Corse imprimée chez Ollagnier à Bastia en 1883 et Chiappini dans sa Géographie de la France : La Corse édité chez Guérin en 1892).

En revanche l’accent est mis sur les transports intérieurs en faisant la part belle à l’innovation majeure en ce dernier quart du XIXe siècle dans l’île, la réalisation du chemin de fer, Mancini insiste sur le caractère nouveau de cette mise en chantier et Chiappini donne des précisions sur le projet et sur l’avancement des travaux.

Il est à noter que l’évocation des transports ferroviaires est une constante dans tous les manuels scolaires en France et en Europe en raison des bouleversements économiques, sociaux et culturels liés au développement de ce mode de transport synonyme de révolution industrielle.

 

 

 

Photographie issue de la Bibliothèque Municipale d'Ajaccio

La place de l'industrie corse dans les manuels scolaires

Victor Duruy, dans son cahier de géographie historique à l’usage des collègues en 1840, écrit à la page 103 : « si une population plus industrieuse habitait cette île, elle deviendrait la plus belle possession de la France car elle renferme tous les genres de richesses, minérales, agricoles, et tous les moyens d’arriver à une grande prospérité ».

Le bilan général sur l’industrie renvoie directement aux analyses faites par les géographes français du XIXe siècle.

En 1883, D.-M. Mancini indique dans son manuel Géographie physique, politique, historique et économique de la Corse, page 88 : « l’industrie et le commerce ont fait en Corse plus de progrès que l’agriculture ; on trouve presque partout des artisans et des négociants ».

L’auteur insiste sur la présence dans l’île de conserveries, de pâtisseries, de salaisons, d’armureries (on fabrique de très bons pistolets à Cervioni et à Pietralba) ; il mentionne trois imprimeries à Bastia, deux à Ajaccio et une à Corté ; les industries métallurgiques sont citées à Toga, Folelli et Stazzona ; les draperies ne sont pas oubliées ; l’implantation des fabriques de pâtes est précisée : Volpajola, Sartène, Olmeto, Bastia… ; il parle également des minoteries.

Enfin, D.-M. Mancini met en lumière la prééminence des importations sur les exportations : 33 millions de francs contre 14 millions.

Quelques années plus tard, Chiappini analyse la situation industrielle différemment : « l’industrie manufacturière est à peine naissante ».

En revanche, il met l’accent sur les productions traditionnelles issues de l’agriculture : « partout, on fait des huiles, des vins, des fromages ; dans bien des endroits, on voit des poteries, des tuileries ».

Il met en exergue le rôle central de la place de Bastia en matière économique : « des tanneries, des fabriques de bouchons, des confiseries de cédrats fonctionnent à Bastia ».

Enfin, il fait allusion aux transformations du bois : « quelques rares scieries débitent nos bois », mais aussi aux richesses minières de l’île susceptibles de connaître des fins industrielles.

Cependant, Chiappini comme la plupart des auteurs de manuels ne met pas en relation les constations faites sur le potentiel de l’île avec les contraintes inhérentes à l’insularité. Par ailleurs tous s’accordent sur le caractère précaire des tentatives industrielles en Corse, ce qui ne traduit pas exactement la réalité du dynamisme entrepreneurial industriel dans la deuxième moitié du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle.

Globalement on peut également constater l’absence de la Corse dans la cartographie consacrée aux activités industrielles françaises. Dans la majorité des ouvrages traitant de l’espace corse la thématique industrielle dans l’île est quasi absente ou du moins négligeable ce qui traduit au-delà d’une réalité perçue une grille d’analyse pour ce thème non transposable à des espaces marginaux.

Photo des cartes industrielles et agricoles chez Poncin, 1907.

La perception des Corses

Il est de tradition, déjà dans les récits de voyageurs ayant parcouru l’île dès le milieu du XVIIIe siècle, de faire un état synthétique de « l’homme corse », à la fois par une approche que l’on peut qualifier d’anthropomorphique : caractères physiques, mais aussi par une approche plus psychologique en faisant l’analyse des traits de caractère supposés « spécifiques ».

Cette façon d’aborder la population insulaire se retrouve très souvent dans de nombreux manuels scolaires de la moitié du XIXe siècle et encore quelques fois dans ceux de la première moitié du XXe siècle.

Néanmoins, on peut observer une différence de traitement de cette question selon l’origine des auteurs. En effet, lorsque les auteurs sont d’origine corse, généralement les aspects négatifs du comportement des insulaires sont gommés ou du moins peu présents. Cette description concerne également les traits de caractère psychologiques communément partagés par l’ensemble des habitants : le premier, la paresse, est sans nul doute le plus récurrent car, au-delà de ces manuels, on retrouve cette assertion chez les auteurs de l’Antiquité. Cette affirmation répétée inéluctablement devient une vérité validée par des manuels officiels approuvés par les autorités publiques et destinés à la formation de la jeunesse française. Ainsi, la force de diffusion de ce médium renforce la perception négative que peut avoir la population hexagonale des insulaires avec, en corollaire, les images nées de la légende noire de la Corse issue de l’ère napoléonienne.

Il est toutefois nécessaire d’ajouter que ce trait de caractère est également commun à l’ethnotype méridional, en raison de la douceur du climat.

Ce panorama mêlant analyse psychologique et constatations présupposées in situ, fruit de l’histoire économique de l’île, est repris dans de nombreux manuels ; il permet d’expliquer la situation économique de la Corse.

Cette critique est également présente chez quelques auteurs corses, en filigrane. On peut relever, par exemple, les remarques de M. Chiappini dans le manuel Géographies départementales de la France - étude physique, historique, administrative, agricole, industrielle et commerciale de chaque département : Corse, par M. Chiappini, inspecteur de l’enseignement primaire. Paris, Gustave Guérin et Cie , éditeurs, 1892, p.2 : « Mais les bras, les capitaux et un peu d’amour du travail manquent » et p.6 : « le pays n’est pas cultivé comme il devrait l’être » ; puis, celles de L.H. Ferrand dans Géographie de la France et de ses colonies, cours moyen certificat d’étude, p.32 : « les plaines devraient produire davantage mais les Corses répugnent en général au travail manuel, laissent aux ouvriers italiens le travail ».

Notons cependant qu’en dehors de ces deux ou trois manuels, la grande majorité des manuels scolaires ne mentionne jamais ces affirmations sur l’attitude des insulaires face au travail. Parfois même, c’est le caractère travailleur, dur à la tâche, qui est cité comme par exemple chez Gidel, La France et ses colonies, p 389 : « Le haut bassin du Golo ou Niolo est habitée par une population presque exclusive de bergers, qui ont gardés les mœurs d’autrefois. C’est une race de travailleurs rude et vaillante. Nulle part, dit un vieux dicton corse, on ne travaille autant que dans le Niolo. »

Cette ambivalence est souvent liée à la personnalité des auteurs, mais aussi à la conjoncture politique dans laquelle sont produits ces ouvrages.

Par ailleurs, si la situation économique désastreuse de l’île ne peut être imputée à la prétendue paresse des insulaires, certains polygraphes corses en font porter la responsabilité aux gouvernements successifs.

Robaglia, Pascal, Questions économiques sur la Corse, 1879.

Aucun auteur de manuel de prend le risque d’émettre un tel avis, contraire à la glorification de la France.

5. La mise en place d’un ethnotype corse

Les habitants de l’île sont décrits d’un point de vue moral essentiellement. Cette juxtaposition de traits de caractères attribués sur leur origine géographique est appelé ethnotype. Est-il cohérent ? Peut-on tracer, à l’issue de la lecture de ces ouvrages, le portrait d’un Corse ?

Avant toute description, les relations entre les caractéristiques du pays et celui des habitants sont mises en avant : « Les manuels développent un discours selon lequel une longue familiarité avec le sol et le climat a forgé la caractère physique et moral des habitants »[1]. Les traits de caractères des habitants résultent donc des spécificités du pays. Ainsi, selon Jérôme Monti, auteur d’une Histoire de la Corse :

« Quel qu’il soit cependant, ce peuple, autochtone ou mélange de diverses races, il a vécu sur un sol particulier, et comme tel, il en a gardé l’empreinte. Tout ce que la terre a produit est en général conforme à la terre »[2]

Ou encore chez Ambrosi : « Si les Corses différent des autres Français dans leurs activités, dans leurs genres de vie, ils le doivent à la terre où ils se sont fixés »

Photographies issues de la Bibliothèque Municipale d'Ajaccio

Une race corse ?

Selon les travaux de A.M. Thiesse, l’unité française est affirmée parallèlement à sa variété (…) la nouvelle définition de la nation énonce la singularité des entités locales tout en leur déniant un autre mode d’existence que celui de l’intégration dans la patrie. [3] Cette idéologie se retrouve dans notre corpus :

Formation de la population de la France

Nombreux sont les éléments qui ont contribué à former la race française : hommes préhistoriques ; Ligures et Ibères ; Celtes et Kymris appelés communément Gaulois ; Phéniciens et Grecs ; Romains ; Francs ; Arabes ; Normands.  

Unité de la population française - La géographie du pays a permis la fusion de ces éléments en un seul peuple. (Dodu 1904,p 134)

Existe-t-il une race française ?

Il n’y a pas de race française car la nation française est le résultat du mélange du grand nombre de races, Celtes et anciens Gaulois, Romains, Francs, etc … Il y a encore aujourd’hui des types assez différents parmi les Français, par exemple le breton, le lorrain, le flamand, le franc-comtois, l’auvergnat, le méridional, etc … Mais les progrès de la civilisation et la facilité des communications tendent à uniformiser de plus en plus ces types variés.

La population corse, est également présentée comme un mélange : La population de la Corse semble venir d’un mélange d’Ibères, de Ligures, de Phéniciens et d’Etrusques. (Guillot, p 116)

Elle est surtout considérée comme un peuple primitif, qui attendrait les lumières de la civilisation, venant de France. On ne peut s’empêcher alors d’établir un rapprochement avec les discours sur la colonisation, très en vogue à l’époque.

La Corse, considérée en un bloc, est à peu près telle qu’elle sortit des mains du créateur. La physionomie générale de l’île a quelque chose de si sauvage qu’on dirait, à la vérité, que les Corses ont toujours à peu près vécu seuls. A part quelques modifications, en effet, introduites dans les villes, et par-ci par-là dans les campagnes, vous trouverez chez les habitants la même manière de penser, de voir et d’agir qui caractérise les peuples au berceau.

La Corse, sur ce point, est considérée comme en retard par rapport à l’hexagone et ce, quel que soit la date d’édition du manuel.

En 1841 : La civilisation a fait peu de progrès dans les campagnes (LC, p. 80, 1841)

En 1890 : La Corse, dont les rudes et belliqueuses populations gardent encore leur langue (un dialecte italien) et une partie de leurs habitudes nationales, est un pays primitif, mal peuplé, sans industrie mais réservé à un brillant avenir (Pigeonneau, p. 118, 1890)

En 1904 :

Résumé : La Corse est pauvre et mal peuplée. Elle ne prend que lentement les mœurs et la langue de la France (Ferrand p 34)

Le point de vue des habitants de l’île sur l’évolution des mœurs est radicalement différent et on sent poindre ici une forme de nostalgie :

Aucun des traits essentiels du caractère insulaire ne s’est à vrai dire sensiblement modifié. La solidarité de la famille, le respect de l’autorité paternelle, remplacée par l’aîné quand le père a disparu, l’attachement au foyer et au sol natal, la fidélité conjugale, le culte des morts, l’hospitalité, le courage, la gravité, la sobriété y sont restée en honneur. (Hantz p 65)

Les traits physiques des insulaires

La description physique est présente uniquement chez Ambrosi-Rostino avec des descriptions, pour le moins, contradictoires.

Photographies issues de la Bibliothèque Municpale d'Ajaccio

L’aspect linguistique

L’aspect linguistique de la Corse est assez peu évoqué (seulement 11 manuels de notre corpus), ce qui correspond aux caractéristiques générales des manuels relevés par A.M. Thiesse.

Langue, dialecte ou patois

Aucune mention n’est effectuée concernant une « langue corse », contrairement aux autres régions. Ceci est conforme au sentiment de l’époque où le corse est considéré comme la version parlée de l’italien. Ceci est le cas surtout pour les auteurs les plus anciens :

On parle en Corse la langue italienne, et c’est, après la Toscane, la Romagne et les Etats de Lucques, le pays où cet idiome est le plus pur. (Friess, p. 1, 1852)

Pour les autres auteurs, le corse dérive de l’italien. Les expressions utilisées sont « langue » ou « dialecte ». Le terme de « patois » n’est employé qu’une seule fois dans un manuel sur la constitution du territoire français :

Existe-t-il une race française ?

Pour la langue, l’unité est la plus complète ; les anciens idiomes et patois s’effacent aussi devant le français, langue claire, précise et élégante[1].

Cette situation de « dialecte italien » peut expliquer l’absence du corse dans le relevé des langues régionales effectuées par certains ouvrages scolaires.

Par exemple, Clozier en 1947 : L’unité morale de notre pays s’exprime dans la langue française, que parlent tous les Français. Sans doute, continue-t-on à se servir dans les campagnes des anciens dialectes appelés patois. Près des frontières, en même temps que le français, on utilise encore le flamand dans le nord, l’alsacien dans l’Est, le catalan dans le Roussillon, le basque dans les Basses-Pyrénées et le celte en Bretagne. Mais bien rares sont les personnes qui ne savent pas se servir de la langue nationale.

C’est alors une langue ou un dialecte utilisé uniquement par une classe sociale : le peuple.

  • Le peuple parle la langue italienne (Saint Roman, p 13, 1840)
  • La langue parlée en Corse est un dialecte italien (Guillot, p 117, 1898)

En Corse, la langue officielle est le français mais la langue du peuple est un dialecte qui se rapproche beaucoup de l’italien ; il lui ressemble même plus que certains dialectes de l’Italie.

Seul, Ambrosi-Rostiino explique qu’il s’agit d’un dialecte provenant du latin : Mais ils [les Corses] ne se distinguent ni par la langue qui est un dialecte latin, mélangé de mots ligures et grecs, enrichi de mots étrangers (Ambrosi, p. 63, 1924)

Les progrès de la langue française

Cependant, certains auteurs évoquent également les progrès du français par le biais de l’école.

  • La Corse, dont les rudes et belliqueuses populations gardent encore leur langue (un dialecte italien).
  • Le langage, qui varie suivant les localités, est un dialecte vif et imagé de la langue italienne ; mais aujourd’hui le français est enseigné dans tous les villages de l’île, dont beaucoup d’habitants ignorent même les premiers éléments de l’instruction.

Les traits de caractère

Selon les traits de caractère attribués au Corse comme la sobriété, ce dernier ressemble plus à l’ethnotype paysan avec toutefois quelques spécificités qu’à celui du Méditerranéen, souvent décrit comme exubérant.

C’est une race sobre, hospitalière, adroite aux exercices du corps, pleine de courage, dédaigneuse du confortable, que la plupart des indigènes ne soupçonnent même pas ; mais superstitieuse, peu laborieuse, joueuse et surtout vindicative à l’excès. (Gochet p 352)

Dans le premier manuel écrit par un insulaire, Giacobbi dresse un portrait du Corse idéal à partir d’exemples historiques précis. Les qualités suivantes sont mises en valeur : l’honneur, l’hospitalité, le courage, le patriotisme, la vertu des femmes.

La prédominance de la vendetta

La caractéristique principale attribuée aux Corses est la vendetta. Elle est corrélative de la violence, la jalousie, l’orgueil. La vendetta est popularisée par l’image romantique de Mérimée et est très présente. Celui-ci porte son attention sur les coutumes et les traditions locales et créent des stéréotypes culturels[1]. Au sein des manuels, les descriptions sont parfois longues et le scientifique se transforme volontiers en chroniqueur relatant des anecdotes :

Malgré les progrès de la civilisation, qui sont sensibles surtout dans les villes, il n’est pas rare de se voir transmettre encore comme un héritage sacré cette haine sanguinaire su connue sous le nom de vendetta, et qui armait les familles les unes contre les autres, ensanglantait les villages et peuplait les maquis de bandits. De bandits, c'est-à-dire de proscrits volontaires, fuyant pour échapper aux représailles, ou encore, de nos jours, aux poursuites administratives, mais prêts à se défendre jusqu’au meurtre.

« Le banditisme, dit G. Faure, a fait plus de mal à la Corse que les luttes incessantes qu’elle a eues à soutenir depuis deux mille ans. C’est lui qui a tué dans son sein, le travail, l’agriculture, le commerce et l’industrie, étouffé la littérature, les lettres et les arts, et retenu dans l’engourdissement une des races les plus actives, les plus intelligentes et les plus énergiques de l’Europe. »

Selon Elisée Reclus, « la fréquence des meurtres pendant les siècles passés devait être attribuée à la perte de l’indépendance nationale ; l’invasion génoise avait eu pour résultat de diviser les familles. D’ailleurs, la certitude de ne pas trouver d’équité chez les magistrats imposés par la force portait les indigènes à se faire justice eux-mêmes ; ils en étaient revenus à la forme rudimentaire du droit : le talion.

« En certains endroits, chaque maison de paysan était devenue une citadelle crénelée, où les hommes se tenaient sans cesse à l’affût, tandis que les femmes sortaient librement et vaquaient aux travaux des campagnes. Terribles étaient les cérémonies funèbres, quand on apportait à sa famille le corps d’un parent assassiné. Autour du cadavre se démenaient les femmes en agitant les habits rouges de sang, tandis qu’une jeune fille, souvent la sœur du mort, hurlait un cri de haine, un appel furieux à la vengeance. Ces voceri de mort étaient la poésie populaire des Corses » (Gochet, p 352-353, 1900)

Le maquis. Dans les inaccessibles retraites, les bandits bravent impunément même les gendarmes et les lois.

Le bandit corse n’a jamais à se reprocher des crimes contre l’honneur. A la suite de querelles de famille, il exerce la vendetta, la vengeance. S’il tue son semblable, il proclame hautement qu’il n’est ni détrousseur ni voleur de grand chemin. « Il y a quelques années, deux Italiens, deux chenapans de la pire espèce, viennent travailler dans l’île. Ils assassinent le fermier qui les occupait, le dépouillent et prennent le maquis, où ils se livrent au brigandage, arrêtent les voyageurs et les rançonnent. Indignés, les bandits (les vrais) les tuent et les exposent au coin d’un bois avec un écriteau ainsi conçu : « Ces hommes déshonoraient notre profession ; nous en avons fait justice ; qu’on n’accuse personne de leur mort. »

Des auteurs pensent que ce phénomène va disparaitre assez rapidement.

Dans l’ensemble, les Corses vivent de la vie pastorale ; ils sont encore organisés par clans. Les mœurs se transforment peu à peu ; le banditisme et la vendetta auront bientôt définitivement disparu. (Gidel, p 391)

Un portrait assez équilibré

D’une manière générale, les avis sur les qualités et les défauts de la population sont assez équilibrés. Les qualités retenues sont l’hospitalité, le courage, l’amour de la famille, le respect des traditions : 

  • Les Corses sont un peuple courageux, vif, sobre, hospitalier, avide de gloire non de richesses, susceptible de passions violentes, et trop enclins à la vengeance. (Cortambert, 1877, p 298)
  • Telle est, en résumé, l’histoire de la Corse peuplée encore aujourd’hui par une race d’hommes braves, courageux, intelligents et qui conservent à un très haut degré l’amour de la patrie. (Malte Brun, p 13, 1881)
  • Le Corse est intelligent, énergique et aventureux ; mais orgueilleux, vindicatif, il est animé de passions violentes qui ont maintenu dans ce pays les déplorables coutumes de la « vendetta ». (Guillot, p 116, 1898)
  • Les mœurs. Celles-ci sont caractérisées par l’amour de la famille, le respect des traditions, la simplicité de la vie, l’attachement à la liberté. Tous les historiens ont reconnus aux Corses ces qualités, avec l’intelligence, le courage, le penchant pour l’étude mais aussi avec quelques défauts tels que le goût de la vengeance ; le sentiment de la domination, l’inclination à la jalousie. (Ambrosi p. 63, 1924)
  • Certains auteurs de manuels de géographie ont des avis qui relèvent de la caricature : La population rude et violente (Shrader, p 132, 1905)

Les auteurs corses, mieux conscients de la situation de l’île, évoquent d’autres maux comme par exemple, le clientélisme. Il faut rappeler qu’à la fin du XIX e siècle, c’est le « règne » du député d’Ajaccio, Emmanuel Arène « chef du parti républicain modéré dont l’influence et la détention de ressources multiples lui permettent de distribuer à son gré les sièges de parlementaires, de conseillers généraux ou de place dans l’administration locale, continentale ou coloniale[2].

La pauvreté de certains habitants, qui les met sous la dépendance des familles plus riches, fait que l’esprit de clientèle n’a pas complètement disparu. L’idée de l’Etat, le même pour tous, ne s’est pas encore pleinement substitué à lui. (Hantz p 65)

A l’issue de ces lectures, aucun portrait figé ne ressort. Il existe des différences d’opinions entre les auteurs des manuels même si les traits principaux, comme la vendetta, sont relevés par l’ensemble des ouvrages scolaires. L’intérêt pour la vendetta se retrouve également dans les récits de voyages et dans les essais de juriste comme par exemple : La vendetta, le banditisme et leur suppression

[1]RAGGIO, Osvaldo, « Littérature française et vendetta corse », Dictionnaire historique de la Corse, Albiana, 2006, p 560,

[2]PELLEGRINETTI, J.P., « Emmanuel Arène », Dictionnaire historique de la Corse, Albiana, 2006, p 68.

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