Bartulumeu Dolovici : "préserver l'âme d'un peuple" (1915-2009)
Bartulumeu Dolovici naît à Calvi le 27 octobre 1915. Retraité de l’Administration Générale d’Outre-Mer, il meurt en 2009 à l’âge de 93 ans.
Poète Corse, conteur, il participe activement au mouvement de pensée des années du Riacquistu en laissant derrière lui une importante œuvre en langue corse de près de 335 compositions en poésie et en prose [1] ainsi que cinq pièces de théâtre, écrites en langue corse aussi, et appartenant au genre dramatique. Ces dernières œuvres, dont une a même été mise en scène - Ponte Novu, 9 maghju di u 1769 - en mémoire à la bataille sanglante qui s’y déroula, lancent un écho solennel aux sources mêmes de la tragédie antique. Elles transmettent un héritage de coutumes, de croyances et de traditions propres aux époques passées, où se fondèrent les invariants de la société corse.
L’œuvre poétique de Bartulumeu Dolovici est primée et reconnue dans le domaine littéraire. Il reçoit en 1974, le prix Pierre Bonardi pour son roman en langue corse publié en 1973, Veghja cù i morti, ainsi que le prix Rime Corse par la fondation Michel Ange pour son recueil poétique A son’ di cornu mille versi. Bartulumeu Dolivici est inscrit comme auteur à la SDRM (Société pour l'administration du Droit de Reproduction Mécanique des auteurs), il a composé des morceaux restés dans le patrimoine musical corse pour des groupes musicaux et des chanteurs, comme Canta u populu corsu, Antoine Ciosi, Richard Girolami, I Muvrini, Jean-Paul Poletti ou encore Jacky Micaelli.
Reconnu pour son militanstisme en faveur de la langue et de la culture corses, il est à l’origine de la création de l’Associu Ricordu di Ponte Novu, dont la première commémoration a lieu le 11 mai 1969 en présence de plusieurs centaines d’insulaires. Hormis les coupures de presse régionale de l’époque qui témoignent d’une large ferveur populaire autour de cette manifestation, une vidéo inédite de l’événement - la seule - est proposée au sein du fonds Ange-François Flori de la Médiathèque Culturelle de la Corse et des Corses (M3C). On y voit prendre parole tour à tour, quelques-uns des principaux acteurs socio-culturels de notre île dans les années 60 devant une messe célébrée par Mgr Giudicelli et l’abbé Giuliani : Yvia-Croce, Peppu Flori, Ghjanettu Notini, M. Mordiconi président du club Pascal Paoli, le professeur Jean Luciani, le poète Antoine Flori.
Bartulumeu Dolovici a fait partie de la génération de Corses contraints de s’exiler afin de mener carrière en Outre-Mer, sans jamais pouvoir se démettre du regret douloureux de laisser son île derrière lui, et avec une constante volonté de lui rendre hommage. Des textes comme A me Patria, A Corsica Antica, À tutti quelli chì luttanu per a patria y font référence. Nombreux de ses morceaux poétiques laissent échoir un sentiment d’arrachement à sa terre, difficilement vécu, mais qu’il fait ressentir avec une noblesse tragique et si profondément sincère, qu’elle laisse sous un charme certain.
Bartulumeu Dolovici aime à conterautant qu’il compose des poésies, comme c’est le cas dans Fucone d’inguernu et Veghja cù i morti. Dans ce dernier recueil qu’il fait publier en 1973 [2], il raconte avec simplicité et dénuement les chroniques d’une Corse disparue. Lors d’une veille en Castagniccia qui se passe dans la pieve d’Orezza, à l’image de ces veilles ancestrales que faisait vivre la Corse d’antan, il nous parle de l’âme d’un pays et d’un peuple, de la nécessité de les défendre, de les préserver. Il en restitue les vérités oubliées à travers un dialogue teinté d’ardeur et de passion entre des ancêtres morts, mais comme le dit l’auteur dans sa note préfacielle « senza colpi di fucile, ne sangue, ne vindetta ». Il y évoque une île exsangue, aux villages dépeuplés, soumise au travers du progrès et à la disparition des mœurs antiques. De Bartulumeu Dolovici, on peut retenir en quelques mots le militant culturel sincère et pétri d’une passion pour son île, le défenseur des traditions séculaires, le gardien du souvenir de Ponte Novu, animé par une volonté incessante de préserver l’âme d’un peuple.
[1] cf. infra parmi les « éléments de présentation du fonds numérique », les chiffres précis.
[2] Bastia, imprimerie bastiaise, 1973, in-8° carré, 82 p.
Première commémoration de la bataille de Ponte Novu du 11 mai 1969 (document inédit, extrait du fonds Ange-François Flori)
Compositions théâtrales
Poésie et prose
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