A Cerca, Gesta brandinca è Canti di Passione

Fonds Francesca Campana  (Brando - Cap-Corse, 2012-2018)

Issue d’une thèse à l’université de Corse en anthropologie culturelle, la recherche filmée pour l’accès à la connaissance d’une pratique culturelle par le film, rappelle l’approche transdisciplinaire au carrefour où se croisent l’anthropologie et le cinéma, les arts et les lettres. Les manifestations sensorielles de a Cerca, l’audible (le sonore) et le visible (l’image), nourrissent de nouvelles formes d’écritures et de représentations des données sensibles du monde contemporain insulaire, sur le terrain du rite et de la musique. À l’heure des pratiques numériques, la primauté accordée au terrain, à la démarche ethnographique exploratoire filmée, pour la production de connaissances sur l’altérité et la valorisation de ces données, va de pair avec un accent mis sur les smart territories : territoires insulaires connectés en Méditerranée.

Le passage à l’image sonore permet la visualisation des contextes d’exécution des différentes scènes de a Cerca, performance rituelle de Brando (Cap-Corse) pendant a Settimana Santa (la Semaine Sainte). Expression artistique de tradition orale, la Musique rituelle de la Fédération des 4 confréries de Brando, identifiée à la prise de vue, est authentifiée par le montage. En partenariat épistémique avec les acteurs - les agents - de ce patrimoine, cette démarche de type inductive implique la recherche de terrain de longue durée, étayée par la connaissance de la langue, de l’histoire et de la culture, avec des retours répétés sur les mêmes lieux de tournage. La communication des données patrimoniales, en accord avec les confrères au moment des entretiens filmés, œuvre à leur mise en réseau interactive, pour leur partage en ligne, ainsi qu’à leur conservation. L’intégralité des films en open access sur la plateforme M3C, vise prioritairement, au transfert du savoir vers la société comme résultantes, déontologique et méthodologique, de la recherche filmée.

La restitution à la Fédération des confréries de Brando de 9 films ethnographiques complémentaires du film documentaire ethnomusical de synthèse : A Cerca, gesta brandinca è Canti di Passione, sur support DVD, accroit la conscience patrimoniale des confrères par la valorisation de ce patrimoine multicentenaire au moment de sa diffusion. La scénographie interactive de liens hypermédia organise le chapitrage des films sur le support DVD, espace de présentation et d’exposition des films, résultats de la rencontre avec i cantori (les chantres). Elle permet le croisement de regards et l’écoute comparée, à l’intérieur de la Fédération des confréries de Brando.

La transmission, par le geste documentaire, de nouvelles représentations, et la création de nouvelles formes d’écriture et de narration, visent à la mise en réseau d’un dispositif de diffusion des gestes de l’oralité, données communes au Monde méditerranéen. Le dispositif numérique de la recherche filmée en révèle l’enjeu scientifique. L’interactivité de ce dispositif, à l’interface des interactions entre le chercheur, les confrères de Brando et l’internaute, milite en faveur de la mise en présence avec le public. L’accès, libre et gratuit, à la connaissance, participe de la construction d’une Anthropologie du son et de l’espace des mondes méditerranéens multiculturels.

6. Entretiens filmés

Paroles de l'historien : Jean-Christophe Liccia

Paroles de chantres :

  • La confrérie Santa Croce de Porettu : Mémoire et transmission
  • La confrérie San Teramu d'Erbalunga : Maintien des traditions ancestrales
  • La confrérie Santa Maria de Castellu : Revitalisation des pratiques cantorales

Paroles de prieurs : 

  • Hyacinthe Polverini : Ancien Prieur de la confrérie San Teramu d'Erbalunga
  • Guy Agostini : Prieur de la confrérie San Bartulumeu de Pozzu

7. Coffret DVD

Jaquette du coffret DVD de Restitution à la Fédération des Confréries de Brando, Copyright : Françoise Campana et Marc Marini

A Cerca

Performance rituelle interconfrérique, circumambulatoire à travers les paysages (Tra mare è Monti) et l’architecture de l’ancienne Pieve di Brandu, l’actuelle commune de Brando (Cap-Corse).

Parcours sonore du sacré

A Cerca

se déroule dans la parenthèse du Triduum pascal du Jeudi Saint au soir au Vendredi saint au soir. Une parenthèse spatio-temporelle paraliturgique de 24h contenue à l’intérieur du calendrier liturgique de a Settimana Santa (La Semaine Sainte) - temporalité commune - au mouvement confraternel en Méditerranée occidentale. A Cerca, procession interconfrérique se déroule dans un mouvement, en alternance cyclique, à l'inverse des aiguilles d'une montre, et se déploie dans l’espace Trà Mare è Monti, à travers les paysages (Mer et montagne) et l'architecture de l’ancienne Pieve di Brandu, l’actuelle Commune de Brando.

Quatre confréries

Santa Maria - San Bartoli - Santa Croce - San Teramu, partent en même temps de leur hameau pour effectuer la Visite aux Sepolcri. Ces installations éphémères comparables à des décors de théâtre sont aménagés par les femmes (quelques jours avant a Cerca), à l'intérieur des 11 édifices religieux qui rythment le parcours cyclique de la procession sur le territoire. La durée du parcours (près de 6 heures), son déploiement dans l’espace (sur 11 kilomètres) créent les conditions de la mise en résonance pour l’appropriation symbolique et identitaire du territoire. Le son est amplifié par l’acoustique des édifices religieux au moment de l’exécution du Stabat Mater de la Cérémonie au Sepolcru et les sons territoires trouvent leur caisse de résonance naturelle dans l’encaissement du Paysage des Due Valle (des Deux Vallées).

La restitution

La politique du terrain mise en œuvre par la médiation filmique de l’ethno-cinéaste, en interaction avec les partenaires de la recherche, questionne une anthropologie de la restitution liée aux modes de production des données en anthropologie culturelle. La coproduction de connaissances - en permettant aux confrères, acteurs de la performance rituelle, de sélectionner les informations produites par l’anthropologue et par eux-mêmes, au cours des rencontres sur les scènes du rite,transforme par conséquent, les méthodes et l’épistémologie de la recherche filmée.

Les pratiques confraternelles spatiales et cantorales constituent le socle de la tradition et leur transmission assure à la communauté un sentiment d’appartenance et d’identité pérennes. En ce sens, la médiation filmique relaie la tradition orale, face à la fragilité des modes de transmission des répertoires du cantu in paghjella - chant polyphonique traditionnel corse (profane et liturgique) nécessitant une sauvegarde urgente - inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en novembre 2009. La médiation filmique, considère de concert, les problématiques éthiques de la conservation, de la diffusion des ressources patrimoniales et de leur exploitation. Elle soumet à la réflexion de chacun, les interrogations concernant le tourisme en Corse, le partage du territoire pour le mieux vivre ensemble et la présence au monde. À l’ère du développement des technologies numériques et de leurs différentes méthodologies, correspond l’ère des identités minorées de plus en plus menacées de disparition. Celles des cultures régionales fragilisées par une non-reconnaissance étatique et qui tentent de résister au raz-de-marée de plus en plus perceptible de la globalisation. La recherche filmée questionne, par le biais de l’outil cinématographique, instrument de connaissance du monde, les enjeux contemporains de la mondialisation et propose une alternative aux risques de dissolution des identités culturelles et de la disparition des ressources patrimoniales vivantes au niveau insulaire corse. Elle propose une solution durable à la conservation de cet important corpus patrimonial constitué des répertoires de l’identité, communs aux espaces méditerranéens insulaires multiculturels. La médiation filmique milite en faveur de la visualisation des contextes d’exécution des musiques de tradition orale et replace les enjeux patrimoniaux (inflation patrimoniale, mise en tourisme/mise en spectacle..) à un niveau mondial. Elle interroge la variation constante des échelles d’analyse entre approche régionale (Microstoria) et approche globale (Mediterranean studies) de ces mémoires communes pour replacer les territoires corses, avec leur diversité, au coeur de la mondialité.

Le film documentaire ethnomusical

A Cerca : Gesta brandinca è Canti di Passione

52:11:04
FAIRE A CERCA : MISE EN RÉSONANCE ET APPROPRIATION COMMUNAUTAIRE DU TERRITOIRE

Dans la microrégion du Cap-Corse, à Brando, les confréries performent a Cerca. La performance rituelle se déroule dans la parenthèse du Triduum pascal, du Jeudi Saint au soir, au Vendredi saint au soir. Une parenthèse spatio-temporelle paraliturgique de 24h contenue à l’intérieur du calendrier liturgique de a Settimana Santa (La Semaine Sainte) - temporalité commune - au mouvement confraternel en Méditerranée occidentale. La procession inter-confrérique, vaste scénographie audiovisuelle, se déroule dans un mouvement, en alternance cyclique, à l'inverse des aiguilles d'une montre et se déploie dans l’espace acoustique Trà Mare è Monti, à travers les paysages (Mer et montagne) et l'architecture de l’ancienne Pieve di Brandu, l’actuelle Commune de Brando (Cap-Corse). Le film documente les manifestations spatiales et sonores des gestes de l’oralité.

Les films ethnographiques

L’Uffiziu di e Tenebre

04:14
DONNER LE DÉPART : LE SIGNAL SONORE DU VACARME

 Le Jeudi soir, l’Uffiziu di e Tenebre (L’office des Ténèbres), performé par les confrères de Porettu, est issu du plan-séquence (durée de 56:36) tourné dans l’épaisseur d’une obscurité totale amenée progressivement, par l’auto-mise en scène des confrères. Le Vacarme performé par les instruments (bois et végétal) annonce le départ le lendemain matin pour a Cerca. Cette séquence, éminemment sonore, met en scène La mort annoncée dans la Casazza de Porettu, comme nous l’explique Michel Peretti, Président de la Fédération des Confréries de Brando.

I Palmi

20:38
TRANSMISSION ET MÉDIATION FILMIQUE

Une semaine avant a Cerca, les femmes de la confrérie de Castellu se réunissent dans la Casazza, attenante à l’église Santa Maria, pour réaliser i Palmi. Le film montre le deuxième jour de ces préparatifs quand l’activité de tressage est déjà avancée. Les femmes sont à la réalisation de la décoration en forme de boule : i riciuli. Le temps nécessaire à la réalisation des deux Palmes (I Palmi) est relativement important et les personnes engagées dans ce travail de confection ne sont pas très nombreuses. Elles ne sont plus que quatre personnes à tresser, nous dit Nelly, la jeune femme de Castellu à qui Lucie, habitante de Musuleu, a transmis le geste et le savoir-faire. Les femmes viennent travailler l’après-midi - après le travail - à la casazza. Le soir elles emportent des feuilles de palmier pour continuer le travail chez elles. Toutes ont à coeur de perpétuer cette tradition. Nelly passionnée par l’activité de tressage, regrette de ne pas avoir l’occasion de voir les réalisations des autres confréries de la commune et celles des autres confréries en Corse. La description filmique de ce savoir-faire est indissociable de la documentation de son lieu d’exécution. La médiation filmique souligne la double mise en scène du patrimoine immatériel et matériel de Castellu (Silgaghja- Musuleu) et ses deux fils conducteurs. D’une part, l’auto-mise en scène de Lucie, détentrice d’une technique de tressage ancestrale, menacée de disparition par la contamination des palmiers, et l’abandon progressif de ce savoir-faire. D’autre part, le lieu patrimonial : a Casazza Santa Maria (Chapelle de confrérie Sainte-Marie (1487)). Le film documente l’édifice religieux de l’ancienne Pieve di Brandu inventorié par l’association Petre Scritte (1985) et récemment par la Collectivité Territoriale de Corse (2013). L'ensemble de l’édifice : a Parocchia, (l’ancienne Piévanie de Brando) datant de la fin du 15e siècle, laissée à l’abandon, nécessiterait une restauration des murs porteurs de fresques recouverts entièrement à la chaux et de la peinture à l’huile située au-dessus de l’autel, partiellement délabrée.

11 Sepolcri

04:07
LA VISITE AUX SEPOLCRI : PROCESSUS DE TERRITORIALISATION PARALITURGIQUE
INVARIANT DU RITE DE LA GESTE DE BRANDO

Les 4 confréries : Santa Maria - San Bartoli - Santa Croce - San Teramu, partent en même temps de leur hameau pour effectuer la Visite aux Sepolcri. Ces installations éphémères, dont certaines comparables à des décors de théâtre, sont aménagées par les femmes (quelques jours avant a Cerca), à l'intérieur des 11 édifices religieux qui rythment le parcours cyclique de la procession sur le territoire. La durée du parcours (près de 6 heures), son déploiement dans l’espace (sur 11kilomètres) créent les conditions de la mise en résonance pour l’appropriation et le partage symbolique et identitaire du territoire. Dans l’ordre circumambulatoire en partant du hameau de Castellu : Chapelle ST Joseph de CASTELLU, Chapelle Ste Lucie de SILGAGHJJA, Chapelle ST Joseph, Couvent i Cappucini, Église ST Jean Baptiste de POZZU, Église de l’Annonciation de PORETTU, Église Nte Dame de Lavasina LAVASINA, Église St Érasme d’ERBALUNGA, Chapelle Nte Dame du Mont Carmel de CASTELLU-MUSULEU, Chapelle Ste Catherine de CASTELLU-MUSULEU, Église Santa Maria de CASTELLU. Les sons territoires, trouvent leur caisse de résonance naturelle comme perspective sonore (U ribombu) dans l’encaissement du Paysage des Due Valle (des Deux Vallées).

4 Versi

31:17
4 CUNFRATERNE, 4 VERSI : VARIABILITÉ DU CANTU IN PAGHJELLA
LES GESTES VOCAUX DE LA CÉRÉMONIE AU SEPOLCRU

Le passage des 4 Confréries est filmé dans l’église Santa Maria di Castellu (Brando) où le son est amplifié par l’acoustique de l’édifice religieux au moment de l’exécution du Stabat Mater de la Cérémonie au Sepolcru. En tant que dispositif rituel immersif de projection sonore, U Sepolcru, véritable théâtre de mémoire, opère la temporalisation de l’espace où le son devient créateur de la scène du rite.

Signatures performancielles

08:52
LA RECHERCHE D’UN SON : CARACTÉRISTIQUE PRINCIPALE DE LA CONSTRUCTION IDENTITAIRE DU VERSU

La performance de la culture dans l’exécution du Stabat Mater du Sepolcru et la très riche variabilité dans la construction identitaire du Versu donne à entendre la signature performancielle du Cantoru désigné pour la Cérémonie au Sepolcru. La tradition orale se caractérise par une grande diversité de versions à partir d’un tronc commun. Les pratiques polyphoniques font appel à un vécu mémorisé donc forcément différent à chaque exécution. Même s’il y a répétition rituelle, il ne peut y avoir répétition du même à l’identique. C’est la caractéristique fondamentale, le ‘’hic et nunc’’ de la performance dans le jaillissement de l’instant. Chaque chanteur, porteur du chant (a seconda), va donner son interprétation qui deviendra ‘’une version’’, sa version, sa signature performancielle. La grande variabilité du Versu dépend de la fusion timbrale, mais aussi, des différents styles d’exécution que les chanteurs retiennent. Les signatures performancielles de chaque interprète, soulignent une esthétique particulière, dans la façon de porter le chant, elles marquent une époque. La recherche d’un son, caractéristique de la construction identitaire du Versu, ne dépend pas seulement de la fusion des timbres. Cette recherche de la part des chanteurs, varie et se forme au contact des styles et des esthétiques différentes qui marquent les périodes antérieures. Les chanteurs se positionnent soit dans la reproduction, soit dans l’opposition, mais les différents styles coexistent et chaque chanteur en subit l’influence, quelques soient ses choix et l’importance de son engagement identitaire. À Brando, deux styles d’exécution se détachent distinctement. L’esthétique de la tradition cantorale des ’’fameux chantres de Pozzu’’, dans la pure tradition du Cantu in paghjella (dont se souvient M. Peretti l’actuel chantre de Porettu), s’oppose à la tradition du Bel Canto des ténors de l’Opéra de Bastia (situé à quelques kilomètres de Brando). La confrontation de ces deux esthétiques, mise en place par le biais de l’interactivité du dispositif numérique (le chapitrage des 4 Versi sur le support DVD et le chapitrage du film : Signatures performancielles à Pozzu), va permettre l’écoute comparée et l’écoute partagée pour tous les cantori de Brando. Une nouvelle esthétique, façonnée par la rencontre de deux styles (à Pozzu, notamment), devrait en ressortir dans un futur proche. La perspective pour le chercheur d’un retour sur le terrain.

A Parata diurne

19:28
PARTAGER LA SCÈNE : A PARATA DIURNE : ENJEUX TERRITORIAUX

A Parata diurne entre les deux confréries des hameaux voisins de Pozzu et de Porettu - A Cunfraterna Santa Croce di Purettu è a Cunfraterna San Bartulumeu di Pozzu - n’a lieu que si ces dernières se rencontrent sur le parcours de a Cerca. Ce mouvement cyclique alterné dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, met en jeu les 4 confréries qui se suivent sur le même parcours sans jamais se rencontrer. Pour cela la confrérie qui précède l’autre sur le parcours, ne doit pas perdre de temps - dans le cérémoniel de la Visite au Sepolcru - de crainte de se voir rattrapée par celle qui la suit. Quand cela se produit - de manière ‘’accidentelle’’ - les deux confréries se retrouvent en co-présence sur le même lieu. Alors la confrérie ‘’retardataire’’ devra faire a Parata à celle qui la précède. De fait, elle se retrouve ‘’entravée’’ sur le parcours et interrompue dans son mouvement processionnel circumambulatoire. Le rite de a Parata performé - entre théâtralisation et spécularisation - met en jeu l’appropriation symbolique de l’espace. La dimension performative du rite de passage semble accidentelle, à première vue, cependant les confrères à qui on pose la question ne semblent pas d’accord, notamment sur le sens du trajet suivi par la procession. A Parata est un terme polysémique, qui comprend deux significations, analysé dans le sens communicationnel de l’interaction confraternelle. La première du verbe parà (arrêter) signifie l’arrêt. La seconde (parer) signifie la parade formée par les deux rangées : la haie d’honneur que traverse la confrérie arrivée la première au moment où elle sort de l’église pour rejoindre son village. Il s’agit bien là d’une forme protocolaire de ‘’recevoir ‘’ qui met en scène ‘’l’apparat’’ identitaire de chacune des deux confréries engagées dans la communication. Un confrère de Porettu enseignant en langue corse traduit a Parata par l’expression : « en grande pompe ». Il faut y voir les deux significations dont celle, la moins apparente, mais toute aussi significative, de l’arrêt du mouvement circumambulatoire de la confrérie qui ‘’fait’’ a Parata.

A Parata nocturne

28:50
INTERAGIR : RITE INTERCONFRÉRIQUE ENTRE PORETTU-POZZU

La reprise du mouvement de a Parata nocturne, le Vendredi Saint au soir, a lieu entre les deux confréries des hameaux voisins de Pozzu et de Porettu. Le protocole rituélique bisannuel veut qu’une année sur l’autre, une confrérie ‘’reçoit’’ l’autre dans son village pour performer la Visite au Sepolcru. L’année suivante le protocole est inversé. Le partage symbolique du territoire, à travers les lieux cérémoniels dédiés à la pratique confraternelle de la Visite au Sepolcru, au moment paroxystique de l’exécution du Stabat Mater du Sepolcru, met en scène les performances rituelles protocolaires entre la confrérie San Bartolomeu de Pozzu et la confrérie Santa Croce de Porettu.

A Granitula Pozzu et Porettu

17:44
METTRE EN SCÈNE LA SPATIALISATION DU REGARD : A GRANITULA, SENSORIUM INCARNÉ DE LA CHORÉGRAPHIE RITUELLE

Pour clore la reprise du mouvement nocturne de la procession circumambulatoire de a Cerca, les deux confréries, en se re-groupant, s’engagent dans la chorégraphie rituelle sonore de forme spiralaire : a Granitula. Elles re-tissent périodiquement la résilience rituelle du lien social qu’un des confrères de Porettu nomme ‘’le fil invisible’’ qui relie tous les acteurs (confrères et participants) de la performance rituelle. Ce que les confréries re-jouent et re-constituent, chaque année, dans l’auto-mise en scène du protocole performanciel - chorégraphique et sonore - de a Granitula, c’est la réitération de l’homogénéité communautaire. A Granitula corse, comme laboratoire de l’interspatialité, s’avère placée au centre d’un dispositif complexe sur l’ensemble du maillage symbolique du territoire insulaire. Pratique processionnelle, relative au temps pascal en Méditerranée occidentale, à l’interface de la Liturgie (Temps pascal des calendriers liturgiques catholique et orthodoxe) et du paraliturgique (le mythe labyrinthique), a Granitula, pratique confraternelle interconfrérique de Brando, incarne le paradigme de la dimension temporelle de l’espace. Elle met au jour les espaces et révèle la temporalité des pratiques rituelles (liturgiques et paraliturgiques) en coprésence sur le territoire insulaire. La caméra permet le partage des regards comparés de l’auto-mise en scène spatiale de cette performance chorégraphique rituelle, en présence simultanée, sur le même territoire.

E Granitule d’Erbalunga

25:48
MYTHE ACTÉ : LA GESTE SPIRALAIRE ET LES CORPS SONORES DE LA PERFORMANCE

La performance rituelle se déroule sur le territoire de la commune d’Erbalunga ouverte sur la mer, ancien village de pêcheurs autrefois tourné vers les activités de commerce maritime et les activités de la pêche. Du point de vue du paysage, c’est une presqu’île appelée «l’île dans l’île » et ses vallées abruptes et étroites tombent à pic dans la mer. Située dans la vallée de Santa Maria dominée par l’église de Santa Maria de Castellu qui a donné son nom à la confrérie la plus ancienne de la Piève de Brando. La confrérie d’Erbalunga est placée sous la protection de Saint Erasme, sa confrérie porte le nom du Saint Patron du village. La cospatialité, caractérisée par la mise en relation de deux espaces occupant la même étendue, montre la coexistence sur le territoire de plusieurs Granitule : celles des confréries de Pozzu et de Porettu et celles d’Erbalunga : e Granitule : spiraliforme et cruciforme. La coexistence de formes processionnelles, à géométrie variable, pendant la Semaine Sainte révèle la cospatialité des pratiques confraternelles. Leur mise en résonance simultanée, pour l’appropriation et la mise en réseau symbolique des territoires, a pour dénominateur commun une sorte de gigantesque sensorium sonore, axé sur le palimpseste d’une géographie sacrée, sur les traces du double mythe (christique et labyrinthique) en Méditerranée occidentale. En témoignent les répertoires, seules traces sensibles, dont le Stabat Mater commun, présent dans les mondes insulaires de la Méditerranée occidentale (Corse, Sardaigne, Sicile, Lampedusa, Malte, Gozo, Majorque, Chypre). Ces mécanismes identificatoires spéculaires, spectacle que la communauté s’offre à elle-même, comportent cependant le risque sous-jacent de la spectacularisation de la performance rituelle : la mise en tourisme - mise en spectacle qui draine les foules de badauds venus assister à ce qui ressemblerait davantage à un spectacle qu’à un acte de pénitence.

 

Entretiens filmés

Mode de production de données, les entretiens filmés mettent en liens les prémisses d’une relation dialogique entre le filmeur et les personnes filmées. La co-construction de connaissances, à l’intérieur du dispositif cinématographique, invite à l’échange de regards et d’écoutes. Les enjeux de ces rencontres pour la constitution d’un partenariat épistémique sont multiples. Créer du lien entre filmeur/filmés et permettre au chercheur de se présenter, de préciser les buts et les enjeux de la recherche filmée : la mise en place du pacte ethnographique. Permettre aux acteurs d’expliquer le sens et les valeurs qu’ils donnent eux-mêmes à leurs pratiques pour échanger des regards d’une confrérie à l’autre : connaitrele rituel de l’autrePartager avec le chercheur et l’ensemble des confrères des connaissances, directement issues des pratiques cantorales organisatrices du rite. Créer des représentations de la performance rituelle insulaire : spécificités du style culturel identifiable et authentifiable par le film : les 4 Versi. Créer un monde, composé de regards croisés et d’écoutes comparées, partageable avec le spectateur.

J’ai procédé, dans un premier temps, à une série de rencontres ‘’hors caméra’’ avec les acteurs du rite : L’historien chercheur de la microrégion du Cap-corse Jean Christophe Liccia; les chantres de Porettu Michel Peretti et Jean Yves Casalta; le chantre de Castellu Patrick Ambrosi; le chantre d’Erbalunga Alain Muselli; l’ancien prieur d’Erbalunga Hyacinthe Polverini et l’actuel prieur de Pozzu Guy Agostini. Je leur ai proposé dans un second temps, un entretien devant la caméra, notamment aux confrères Cantori plus engagés dans la transmission des chants liturgiques et paraliturgiques issus des répertoires de a Settimana Santa (Semaine Sainte). J’ai utilisé les plans les plus explicites pour le film ethnographique (qui s’adresse à un public de spécialistes) : ceux où les confrères donnent des explications techniques sur le sens de leurs pratiques issues des gestes de l’oralité. Les plans où les confrères parlent de leur engagement social et culturel, des valeurs du rite et de la foi pour les uns, l’engagement scientifique pour l’historien chercheur, sont autant de plans sélectionnés pour le film documentaire (qui s’adresse à un public plus large).

Remarques: nous assistons à l’amorce d’une collaboration scientifique avec le chercheur historien Jean-Christophe Liccia qui rappelle que les archives ne nous disent strictement rien sur le sens de la performance rituelle et que l’’’Histoire’’ reste à écrire. Il soulève la question de l’interprétation. Ce que pourrait être le futur de ces passés, sans traces archivistiques. Il devient possible alors pour le chercheur-filmant, qui observe les traces sensibles du présent, d’écrire une autre histoire – une histoire fictive, contrefactuelle, mais offrant des ressources de mise en récit à l’action, en dehors de l’évidence du présent. La collaboration des deux chercheurs autorise l’expérience d’écritures qui peuvent alors se rencontrer dans le partage d’une expérience artistique de mise en récit polyphonique. C’est l’exemple de réalisation du film documentaire de création qui nous permet d’interroger l’absence de traces écrites (du document et de l’archive) pour un usage artistique des traces sensibles (des gestes de l’oralité). Une approche intéressante sur le statut de la fiction et les régimes de véridicité dans la réalisation du film documentaire anthropologique partagé : A Cerca, Gesta brandinca è Canti di Passione.

Paroles de l'historien

Durée : 23:13
- Jean-Christophe Liccia, Historien Chercheur

 Paroles de chantres

Durée : 31:28
- La confrérie Santa Croce de Porettu : Mémoire et transmission
- La confrérie San Teramu d'Erbalunga : Maintien des traditions ancestrales
- La confrérie Santa Maria de Castellu : Revitalisation des pratiques cantorales

Paroles de prieurs

Durée : 21:52
Hyacinthe Polverini : Ancien Prieur de la confrérie San Teramu d'Erbalunga
- Guy Agostini : Prieur de la confrérie San Bartulumeu de Pozzu

Coffret DVD

Jaquette du coffret DVD de Restitution à la Fédération des Confréries de Brando, Copyright : Françoise Campana et Marc Marini

L’acte de restitution passe par la création du coffret DVD, contre-don numérique à la Fédération des Confréries de Brando, dans le contexte de leurs pratiques religieuses, culturelles et sociales avec l’émotion de leur vécu. Espace d’exposition, il présente l’ensemble de la réalisation filmique aux acteurs de la performance rituelle, i cantori, héritiers « des fameux chantres de Pozzu », partenaires de la rencontre. L’archivage du dvd, consultable à la Bnf, gage de la sauvegarde des données et de la scientificité de la démarche.

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