Le républicanisme girondin, un projet politique en rupture avec l’Antiquité
Fabien Gallinella
Au regard du nombre et de la qualité des travaux académiques croisant les thèmes de la Révolution et de l’Antiquité, le monde de la recherche semble donner pleinement raison à la sentence de Jacques Godechot : « On ne peut comprendre la révolution française si on ignore l’influence que l’Antiquité a eu sur elle »[1].
Parmi cette masse d’écrits produits depuis presque deux siècles, certains travaux offrent des clefs de lecture indispensables pour saisir la pensée et, pour reprendre l’expression de Michel Vovelle, la mentalité révolutionnaire[2]. On doit par exemple à Jacques Bouineau d’avoir su quantifier le phénomène pour démontrer la profonde pénétration que l’Antiquité eut dans l’imaginaire collectif français à la fin du XVIIIe siècle[3]. Du mobilier d’intérieur aux prénoms en passant par la toponymie, l’antiquomanie ne fut pas qu’une mode intellectuelle réservée aux salons littéraires parisiens.
Dès lors, il paraît difficile de prétendre à l’analyse des modèles constitutionnels révolutionnaires sans aborder l’impact qu’eut l’Antiquité sur la pensée de leurs auteurs. Ces derniers ne pouvaient en effet ignorer ce point de repère. Dans les écoles et collèges de l’Ancien Régime que fréquentaient les futurs révolutionnaires, « les humanités classiques saturaient le programme : les élèves étaient submergés par la Rome ancienne et son langage au point d’avoir une plus grande connaissance de la culture romaine que de l’histoire récente de la France »[4]. De ce fait, il est indéniable que « l’Antiquité a joué un rôle décisif dans la formation morale de ces générations des dernières décennies de l’Ancien Régime »[5] au point de mettre en péril les fondations mêmes de la monarchie puisque, de l’aveu même de Camille Desmoulins, l’antiquomanie ambiante du système éducatif de l’époque avait formé des « républicains de collège »[6].
Les girondins ont bien évidemment baigné dans cet univers et, comme nous le verrons, ne restèrent pas insensibles aux charmes des récits de Plutarque. La légende – noire ou dorée – accolée aux girondins voudrait entre autres que ceux-ci soient les héritiers d’une Athènes libérale et policée face à l’austérité spartiate dont les montagnards seraient, eux, les épigones[7]. Face à Robespierre déclamant que « Sparte brille comme un éclair dans des ténèbres immenses »[8] pour mieux justifier l’instauration de la fête de « l’Être suprême », les girondins, rationalistes et libéraux, auraient opté pour un contre-modèle dérivé de la démocratie athénienne.
Cette assimilation des girondins – fantasmés – aux Athéniens – tout autant fantasmés – participe à la réinterprétation de la gironde, « visage humain » plus présentable de la Première République que les coupeurs de têtes de la Terreur. Cette trame historique n’est pas sans qualité et n’est pas totalement erronée mais, et nous allons tenter de le démontrer, manque l’essentiel : les girondins sont allés au-delà du simple inventaire historique et se sont employés à séparer leur idéal républicain des modèles antiques.
Comme nous le verrons, bien qu’ils n’échappent pas aux représentations fantasmagoriques et caricaturales qui caractérisent la lecture de l’Antiquité à l’époque, les girondins disposaient de sources suffisamment précises pour se forger un avis allant au-delà de la seule idéalisation.
Une fois leur fougueuse imagination tempérée par une analyse plus poussée, les girondins durent admettre que, non seulement l’Antiquité ne constituait plus un modèle, mais surtout, en plusieurs points essentiels, elle était aux antipodes du modèle de société que ces enfants des Lumières désiraient.
Le présent article ne vise pas à analyser comment les girondins ont été abreuvés de références antiques mais de montrer, au contraire, comment leur rejet de l’Antiquité participe à la structuration d’une identité républicaine spécifique à la gironde.
La vastitude du sujet nous a cependant obligé à quelques sacrifices que le lecteur nous pardonnera. Nous avons ainsi fait le choix de nous focaliser sur des personnages, des thématiques et des ouvrages précis car une étude plus dense et plus large n’aurait pas convenu au format imposé.
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[4](P.) MCPHEE « Robespierre et la République » in 1792 Entrer en République…
[5](M.) DORIGNY « La Grèce dans le discours Girondin : le libéralisme athénien…
[6](M.) DORIGNY, « La république avant la république quels modèles pour…
[7]Une Athènes précurseur des salons littéraires du XVIIIe siècle : « la référence à…
[8]« Le genre humain respecte Caton mais se courbe devant le joug de César. La…
I – Du questionnement philosophique à la réprobation politique
L’exploitation biaisée (et intéressée) de l’Antiquité[9] concerne d’abord et avant tout la question de la morale publique qui doit animer la société républicaine (A). Si les girondins ne sont pas réticents à exploiter l’Antiquité dans leurs mercuriales et leurs réflexions philosophiques sur le rôle de la morale, ils deviennent en revanche beaucoup plus réticents lorsqu’il est question de décalquer les modèles antiques pour esquisser la future constitution de la république (B).
A – L’Antiquité peut-elle être un « puit de morale » pour la république ?
- L’histoire, les légendes et les mythes des cités grecques et romaines faisait office de « puit de morale »[10] pour les consciences de la Révolution, lesquelles y trouvaient un arsenal prestigieux pour démoniser les tyrans, glorifier les vertueux héros ou vilipender les arrivistes.
Fatalement, les girondins n’échappèrent pas à ce processus et, dans leurs écrits aussi bien que dans leurs discours, recoururent à l’incantation antique pour galvaniser la France révolutionnaire. Dans la rhétorique de Vergniaud, la figure de Démosthène, orateur de la Grèce résistante face à l’invasion macédonienne, est ainsi employée (détournée ?) pour promouvoir, non la résistance à une invasion, mais la décision d’une guerre préventive contre les coalisés[11]. Dans ce discours du 18 janvier 1792 précédant de quatre mois l’entrée en guerre contre les coalisés, le propos est on ne peut plus clair : si la France ne veut pas périr comme jadis les cités grecques face à Alexandre, alors elle ne devra pas pécher par hésitation.
Récidive six mois plus tard, en juillet 1792, lorsque le même Vergniaud reprend l’idée en comparant, dans son fameux discours pour proclamer « la Patrie en danger », les rois d’Europe coalisés au tyran spartiate Lysandre qui mit à genoux Athènes durant la Guerre du Péloponnèse[12]. Une fois de plus, la France est assimilée à Athènes, phare de la civilisation luttant seul contre l’oppression. Une fois de plus, l’histoire antique est utilisée pour pousser les Français et leurs représentants à la hardiesse afin que puissent « se renouveler les prodiges qui ont couvert d’une gloire immortelle plusieurs peuples de l’antiquité »[13]. Enfin, Vergniaud, appelle à l’unité entre le petit peuple et l’élite parisienne en reprenant l’exemple des patriciens de Rome s’alliant aux plébéiens du Mont Aventin pour sauver la patrie[14].
Également conscient que l’Antiquité était la référence historique la plus commune et la mieux susceptible de stimuler l’imaginaire de ses auditeurs, Kersaint se fendit d’une flatteuse comparaison pour rassurer les Français acculés sur leurs chances de succès :
Si nous comparons l’Attique à la France, et le Péloponnèse à l’Europe, nous ne pourrons douter de nos avantages sur les Athéniens ; et dans leurs destinées, nous n’apercevons qu’une vérité : c’est que les nations qui combattent entières sont invincibles[15]
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L’Antiquité est ici utilisée pour enhardir le moral des Français alors que la Révolution achève de prendre un tour dramatique. Pire, dans ces moments critiques, l’incantation antique pour stimuler l’imaginaire devient un discours performatif censé maquiller l’absence de stratégie de la même manière que l’héroïsation du soldat volontaire combattant pour la liberté avait pour but de faire oublier ses maigres chances de succès face à une troupe entraînée et disciplinée.
Autant qu’elle permet aux orateurs girondins de placer la France dans une prestigieuse lignée de résistance à la tyrannie et l’oppression, l’Antiquité offre des exemples réconfortants de succès inattendus alors que la République est dans une impasse stratégique.
- Toutefois, si l’utilisation des exploits antiques pour sublimer un discours n’est pas un problème pour les girondins – et s’inscrit parfaitement dans la logique de théâtralisation de la vie politique sous la Révolution[16] –, des réserves sont émises dès qu’il est question de l’indépassable moralité des anciens Grecs et Romains. Si ces derniers sont convoqués pour rassurer dans les moments difficiles, ils sont surtout une référence incontournable de la pureté morale et aucun écrit de l’époque révolutionnaire touchant aux topos de la vertu et de la morale ne fait l’économie d’une réflexion sur l’Antiquité.
Pourtant, les écrits girondins n’échappent pas tous aux stéréotypes de leur temps. Brissot loua ainsi : « Le profond Licurgue [qui] avoit senti que les bonnes mœurs ou les mœurs patriotiques pouvoient prévenir les crimes »[17]. Brissot est en effet l’un de ceux qui s’est le plus intéressé à la question de la morale au sein d’une république car il pose, bien avant la Révolution, une dichotomie entre régime monarchique/tyrannique vivant de la corruption et régime républicain/libre ne pouvant survivre qu’en s’appuyant sur des mœurs publiques (et privées[18]) irréprochables[19].
Dès 1781, dans sa Théorie des loix criminelles, il affirme ainsi que le crime n’est rien d’autre que le résultat le plus manifeste des mauvaises mœurs[20]. Pourtant, si son analyse du droit pénal romain est assez poussée, Brissot n’en reste finalement pas moins dubitatif sur les modèles antiques. S’interrogeant sur l’opportunité d’intégrer les mœurs dans la législation pénale, il exprime ainsi un réel scepticisme quant à la pertinence de calquer les « mœurs » antiques :
On ne cesse de nous prôner Sparte & Rome, mais Sparte n’auroit été qu’une très petite ville en France, & Rome n’eut plus ce qu’on appelle bonnes mœurs, lorsqu’elle eut un peu étendu son territoire.
(…)
Que les philosophes modernes cessent donc leurs tristes jérémiades sur la dépravation de la morale ; qu’ils cessent de nous crier que c’est en retranchant aux jouissances des hommes qu’on peut ajouter à leur bonheur ; qu’ils cessent de nous rappeler la frugalité forcée de Sparte & de Rome, la chasteté de ces Romaines, dont personne ne pouvoit payer les faveurs, la simplicité de ces consuls qui n’avoient ni argent, ni manufactures, ni étoffes brillantes[21].
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[16](H.) BURSTIN, Révolutionnaires. Pour une anthropologie politique de la…
[17](J.P.) BRISSOT, Théorie des loix criminelles, I, Berlin, 1781, p. 46
[18]« Ils font, ces hommes immoraux, la distinction des mœurs publiques et des…
[19][(J.-P.) BRISSOT], Le Philadelphien à Genève. Ou lettre d’un américain sur la…
[20]« Les vices sont en effet aux mœurs ce que les crimes sont aux lois, & le vice est…
Chez Brissot, la morale reste un pilier de la société républicaine mais Rome et la Grèce ne sont plus des modèles de sociétés morales efficients. C’est d’autant plus vrai que l’éminence grise de la gironde a trouvé un autre modèle de moralité autrement plus intéressant pour sa république, en l’occurrence le modèle du propriétaire terrien américain dont l’archétype le plus pur est le fermier Quaker.
Puisque les mauvaises mœurs aboutissent à des sociétés criminogènes alors, en toute logique, la Constitution de Pennsylvanie – meilleure des constitutions américaines aux yeux de Brissot car la plus proche de l’idéal moral et démocratique des Quakers – provoquera la disparition du crime[22]. Fort de ce nouveau modèle, Brissot n’a plus besoin ni de la morale chrétienne qu’il a vigoureusement critiqué dès ses écrits de jeunesse[23] ; ni de recourir à des contritions intellectuelles pour rattacher son idéal républicain à des institutions politiques vieilles de dizaines de siècles. Autant Manon Roland avoue avoir été convertie au républicanisme par l’exaltation des vertus publiques chez Plutarque[24] ; autant Brissot, lui, doit davantage ce choix idéologique à sa lecture de Sidney[25] et à ses pérégrinations en Angleterre et aux Etats-Unis.
B – L’Antiquité peut-elle inspirer des mécanismes constitutionnels ?
L’anecdote veut qu’Héraut de Séchelles, pressé par la rédaction expéditive de ce qui deviendra la Constitution de l’an I, aurait demandé avec insistance à l’abbé Desaulnays, conservateur de la Bibliothèque nationale, « de nous procurer sur-le-champ les lois de Minos[26], qui doivent se trouver dans un recueil des lois grecques. Nous en avons un besoin urgent »[27]. Volonté d’imiter le législateur antique ou simple frénésie explicable par le – trop bref – délai dont le rédacteur montagnard bénéficiait pour coucher son ouvre sur le papier ? Il n’en demeure pas moins que cette anecdote est symptomatique du tropisme des figures montagnardes pour leurs inspirateurs antiques[28].
Même si, in fine, leur constitution ne semble pas tant en souffrir que cela, il faut toutefois constater que leur réflexion constitutionnelle, elle, fut davantage marquée par les systèmes antiques. Citons à ce titre la volonté de Saint-Just de faire de la future constitution l’égale de la loi fondamentale spartiate, laquelle, pour respecter les derniers vœux de Lycurgue, était volontairement irréformable :
Si vous voulez rendre l’homme à la liberté, ne faites des lois que pour lui, ne l’accablez point sous le faix du pouvoir. Le temps présent est plein d’illusions ; on croit que les oppresseurs ne renaîtront plus : il vint des oppresseurs après Lycurgue, qui détruisirent son ouvrage. Si Lycurgue avait institué des Conventions à Lacédémone pour conserver sa liberté, ces mêmes oppresseurs eussent étouffé ces Conventions. Minos avait, par les lois mêmes, prescrit l’insurrection ; les Cretois n’en furent pas moins assujettis : la liberté d’un peuple est dans la force et la durée de sa Constitution ; sa liberté périt toujours avec elle parce qu’elle périt par des tyrans qui deviennent plus forts que la liberté même.
Songez donc, citoyens, à fortifier la Constitution contre ses pouvoirs et la corruption de ses principes. Vous avez décrété qu’une génération ne pouvait point enchaîner l’autre ; mais les générations fluctuent entre elles ; elles sont toutes en minorité, et sont trop faibles pour réclamer leurs droits.
(…)
Nous n’avons point à craindre maintenant une violente domination : l’oppression sera plus dangereuse et plus délicate. Rien ne garantira le peuple qu’une Constitution forte et durable, et que le gouvernement ne pourra ébranler[29].
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[22](J.-P.) BRISSOT, « Réflexions sur le Code de Pennsylvanie » in Bibliothèque…
[23]Rupture que ne firent pas tous les girondins. V. (F.) GALLINELLA, « Jean-Henry…
[24](M.) ROLAND, Mémoires, Paris, ed. Plon, 1864, p. 145
[25]Notamment (A.) SIDNEY, Discours, I, op. cit., p. 297.
[26]Pour rappel, les lois de Minos seraient ici celles du roi semi-légendaire crétois…
[27]La survie de cette lettre n’était guère garantie : l’abbé Desaulnays fut enfermé…
[28]« En se définissant comme législateur-rédacteur, Hérault de Séchelles s’inscrit…
Pour le compagnon d’infortune de Robespierre, cette idée est révélatrice d’une croyance plus large : celle selon laquelle toute altération de la constitution dans le futur conduirait inexorablement à sa décadence. Afin que la société reste pure – à l’image de ses fondateurs –, la constitution doit rester inviolée. Sans grand effort, on devine ici la crainte sclérosante de la décadence qui oblige le jeune député de l’Aisne à concevoir la constitution comme un bloc de marbre indestructible.
Pour les girondins à l’inverse, et tout spécifiquement pour Condorcet, la constitution doit être évolutive – grâce, surtout, aux Conventions de révision que dénonce Saint-Just dans son discours. L’éducation et le savoir, démocratisés par la république, vont enclencher une dynamique positive d’évolution intellectuelle et morale. Les lumières vont se diffuser à l’ensemble de la population et favoriser, de façon exponentielle, le progrès social[30]. De ce point de vue, encadrer définitivement la société avec une constitution intouchable ne ferait que restreindre le florissement du progrès social.
Là est le point le plus essentiel de la pensée politique girondine : la constitution est un outil modulable qui, tout en soumettant l’ordre politique aux droits de l’Homme, doit intégrer les progrès sociaux à venir. Car la Révolution n’est pas un aboutissement mais le commencement d’une ère nouvelle annonciatrice de bienfaits inédits. La foi dans ce futur mélioratif est affirmée avec limpidité dans l’Esquisse d’un tableau des progrès de l’esprit humain, rédigé par Condorcet dans les ultimes mois de son existence. Dans cet ouvrage, l’Antiquité est loin d’y être dépeinte comme une période idyllique qui devrait servir de boussole. Les Romains y sont jugés avec une grande sévérité :
Un tableau vrai de la constitution de cette ville dominatrice [Rome], ne sera point étranger à l’objet de cet ouvrage : on y verra l’origine du patriarcat héréditaire, et les adroites combinaisons employées pour lui donner plus de stabilité et plus de force, en le rendant moins odieux ; un peuple exercé aux armes, mais ne les employant jamais dans ses dissensions domestiques ; réunissant la force réelle à l’autorité légale, et se défendant à peine contre un sénat orgueilleux qui, l’enchainant par la superstition, l’éblouissoit par l’éclat de ses victoires ; une grande nation tour à tour jouet de ses tyrans ou de ses défenseurs, et pendant quatre siècles la dupe patiente d’une manière de prendre ses suffrages, absurde mais consacrée.
On verra cette constitution, faite pour une seule ville, changer de nature sans changer de forme, quand il fallut l’étendre à un grand empire ; ne pouvant se maintenir que par des guerres continuelles, et bientôt détruite par ses propres armées ; enfin le peuple roi avili par l’habitude d’être nourri aux dépens du trésor public, corrompu par les largesses des sénateurs, vendant à un homme les restes illusoires de son inutile liberté.
Sans nier aux Grecs leur grande « sagacité » et sans leur enlever aucun de leurs prodiges, Condorcet porte un regard lucide sur les défauts des systèmes politiques grecs, obligatoirement immatures du fait de leur ancienneté dans l’histoire humaine :
Comme on supposoit que ces lois, presque toujours liées à la religion, et consacrées par des sermens, auroient une durée éternelle, on s’occupoit moins d’assurer à un peuple les moyens de les réformer d’une manière paisible, que de prévenir l’altération de ces lois fondamentales, et d’empêcher que des réformes de détail n’en altérassent le systême, n’en corrompissent l’esprit.
On chercha des institutions propres à exalter, à nourrir l’amour de la patrie qui renfermait celui de la législation, ou même de ses usages, et une organisation de pouvoirs, qui garantit l’exécution des lois contre la négligence ou la corruption des magistrats, le crédit des citoyens puissans, et les mouvemens inquiets de la multitude.
Les riches, qui seuls étoient alors à portée d’acquérir les lumières, pouvoient, en s’emparant de l’autorité, opprimer les pauvres, et les forcer à se jeter dans les bras d’un tyran. L’ignorance, la légèreté du peuple, sa jalousie contre les citoyens puissans, pouvoient donner à ceux-ci le désir et les moyens d’établir le despotisme aristocratique ou livrer l’état affoibli à l’ambition de ses voisins[31].
Fatalement, singer le passé serait un non-sens de ce point de vue. L’horizon des girondins, et tout particulièrement de Condorcet, c’est l’avenir, pas le passé. Les Grecs, du fait de n’avoir atteint leur apogée qu’à une époque in fine reculée, n’ont pas réussi à produire un modèle idéal ; leur système législatif « n’a fait que tirer parti des préjugés, des vices, plutôt que de les réprimer ou de les dissiper » car il n’a été pensé qu’à partir de l’homme de l’époque, « corrompu par les préjugés, par les passions factices et par les habitudes sociales »[32].
En définitive, les modèles grec et romain, quoiqu’ayant de réels mérites, n’en demeurent pas moins inacceptables pour la fin du XVIIIe siècle car n’étant que le produit de leur époque. Pétri d’une philosophie linéaire de l’Histoire, Condorcet, convaincu que l’Humanité s’améliore au fil des siècles, ne peut pas admettre que des modèles vieux de plusieurs millénaires puissent constituer l’horizon d’une réflexion constitutionnelle moderne.
II – Abandonner l’Antiquité pour redéfinir la notion d’égalité dans une société libre
Pour ses fondateurs, la république est plus qu’un assemblage institutionnel, c’est aussi et avant tout un modèle social reposant sur l’égalité et sur la liberté. Dans cette perspective, la notion d’égalité, âprement débattue tout au long de la Révolution, ne peut pas créer sa définition à partir des modèles antiques, du modèle spartiate en particulier (A). Surtout, au nom de l’égalité, les girondins vont définitivement rompre avec les modèles antiques à cause de l’esclavage, aussi central dans la réflexion girondine que capital dans les systèmes économiques antiques (B).
A – La condamnation de la violence inhérente aux modèles antiques
Même Robespierre, pourtant admirateur indéfectible du modèle lacédémonien, avait critiqué le galvaudage de la notion d’égalité par les Homoioi. L’Incorruptible avait conscience qu’il ne pouvait lutter contre le suffrage censitaire alors en débat en 1791 tout en promouvant un système constitutionnel spartiate reposant sur une stratification sociale stricte et cruellement inégalitaire – à l’encontre des Hilotes notamment[33].
Cette critique était bien entendu partagée par les girondins mais ceux-ci allèrent beaucoup plus loin dans leurs conclusions. Citons là-encore Vergniaud qui, alors que la constitution était en débat au printemps 1793, a parfaitement résumé le point de vue girondin sur la question :
Nous voulons tous la République. Quelle sera la nature du gouvernement que nous donnerons à cette République ?
(…)
Rousseau, Montequieu et tous les hommes qui ont écrit sur les gouvernements, nous disent que l’égalité de la démocratie s’évanouit là où le luxe s’introduit ; que les républiques ne peuvent se soutenir que par la vertu ; et que la vertu se corrompt par les richesses.
Pensez-vous que ces maximes appliquées seulement par leurs auteurs à des Etats circonscrits, comme les républiques de la Grèce, dans d’étroites limites, doivent l’être rigoureusement et sans modification à la république française ? Voulez-vous lui créer un gouvernement pauvre et guerrier comme celui de Sparte ?
(…)
Il est vrai que de pareilles lois [les lois de Sparte] qui établissent l’égalité entre les citoyens, consacrent l’inégalité entre les hommes ; que si elles ont fait fleurir pendant plusieurs siècles la liberté de Sparte, elles ont maintenu pendant plusieurs siècles l’oppression des villes de la Laconie et la servitude d’Helos.
(…)
Il est vrai qu’un partage des terres et le nivellement des fortunes sont aussi impossibles en France que la destruction des arts et de l’industrie, dont la culture et l’exercice tiennent au génie actif que ses habitants ont reçu de la nature. Il est vrai que l’entreprise seule d’une pareille révolution exciterait un soulèvement général, que la guerre civile parcourrait toutes les parties de la République, que tous les moyens de défense contre d’insolents étrangers seraient bientôt évanouis, que le plus terrible des niveleurs, la mort, planerait sur les villes et les campagnes. Mais je conçois que la ligue des tyrans puisse nous faire proposer, au moins indirectement, par les agents qu’elle soudoie, un système d’où résulterait pour les Français, la seule égalité du désespoir et des tombeaux, la destruction totale de la République.
Voulez-vous fonder, comme à Rome, une république conquérante, et votre orgueil se flatterait-il que les nations étrangères, impuissantes pour vous asservir, le seront aussi pour se défendre contre vos invasions ?
Je vous dirais que, dans les républiques, les conquêtes durent presque toujours funestes à la liberté ; qu’un gouvernement trop militaire l’environne chaque jour de nouveaux dangers. J’ajouterais avec Montesquieu, que rien n’est plus redoutable pour les peuples libres, que l’ivresse des grands succès ; que la victoire de Salamine perdit Athènes, comme la défaite des Athéniens perdit Syracuse[34].
Ce passage a souvent été cité pour démontrer l’hostilité girondine à l’encontre de « l’égalité de disette »[35] promue par Robespierre et Saint-Just mais, en réalité, il traduit quelque chose de bien plus profond : le refus de s’appuyer sur des modèles sociaux surannés et intrinsèquement violents pour fonder une société libre. La rupture philosophique est loin d’être anecdotique : Vergniaud explique ici que la coercition et la force ne peuvent être les matrices fondamentales d’une société républicaine moderne.
B – L’abolitionnisme ou la mort de l’antiquomanie girondine
De loin, le point de friction le plus problématique qui antagonise les aspirations girondines et l’Antiquité reste la question de l’esclavage. En effet, l’économie des sociétés antiques reposait en grande partie sur l’exploitation d’une main d’œuvre servile[36]. Si la grande légitimation juridique vint avec la réification de l’esclave dans le droit romain, la justification philosophique était contenue dans le célèbre incipit de la Politique d’Aristote :
C’est la nature qui, par des vues de conservation, a crée certains êtres pour commander, et d’autres pour obéir. C’est elle qui a voulu que l’être doué de raison et de prévoyance commandât en maître ; de même encore que la nature a voulu que l’être capable par ses facultés corporelles d’exécuter des ordres, obéît en esclave ; et c’est par là que l’intérêt du maître et celui de l’esclave s’identifient[37] .
Autant vis-à-vis de la sujétion de la Femme à l’égard de l’Homme que vis-à-vis de la soumission de l’esclave envers le maître, les girondins se montrent extrêmement critiques. La raison de cette critique de l’anthropologie aristotélicienne est somme toute simple : si le Stagirite croit que seuls quelques hommes peuvent s’estimer doués de raison, les girondins estiment, eux, que la raison est une capacité inhérente au genre humain, qu’importent l’ethnie, le rang social ou le sexe.
Fruit de la philosophie des Lumières, cette croyance en l’universalité de la raison humaine et, conséquemment, à l’égalité des Hommes devant la loi est la base de la philosophie politique girondine :
Nous voulons une constitution dont les principes soient uniquement fondés sur les droits naturels de l’homme antérieurs aux institutions sociales. Nous appelons ces droits naturels, parce qu’ils dérivent de la nature de l’homme ; c’est-à-dire parce que du moment qu’il existe un être sensible, capable de raisonner et d’avoir des idées morales, il en résulte, par une conséquence évidente, nécessaire, qu’il doit jouir de ces droits, qu’il ne peut en être privé sans injustice[38]
La liberté se comprend ici comme l’universalité des droits fondamentaux. Conséquemment, dans le projet politique girondin, l’abolition de l’esclavage n’est pas un problème anecdotique ou une cause exotique : elle est au cœur même de la naissance du groupe.
C’est en effet à travers leur combat abolitionniste que les futurs conventionnels girondins vont se rencontrer via la Société des amis des Noirs puis former un groupe, un réseau soudé autour d’un but politique commun[39]. Surtout, c’est à travers ce combat qu’ils vont définir, avant la Révolution, leur idée de la liberté, matérialisée par la consécration des droits de l’Homme.
Même si l’esclavage – c’est-à-dire, à la fin du XVIIIe siècle, la traite atlantique et l’exploitation d’Africains serviles dans les plantations antillaises – n’est qu’une pratique cantonnée aux marges de la société, dans les colonies, sa seule existence est une entorse trop grave aux principes qui doivent animer le monde nouveau auquel aspirent les girondins. L’esclavage n’est que la manifestation la plus éclatante du caractère tyrannique de la monarchie :
Le despotisme d’un seul, qui, pour satisfaire la voracité d’une foule de nobles et d’aristocrates de toutes les classes, ecrasoit le peuple d’impôts tyranniques ; comme, dans les colonies, le despotisme des planteurs écrase les noirs de travaux tyranniques, pour repaître son insatiable avidité[40].
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Puisque l’esclavage est inhérent aux tyrannies, alors les sociétés antiques étaient des tyrannies qui, soit avaient usurpé l’étendard de la liberté, soit n’avaient pas la maturité pour comprendre la portée de ce concept. Condorcet ne pouvait alors que faire part de ses réserves et rappeler à son lecteur les graves limites handicapant les systèmes constitutionnels antiques :
Presque toutes les institutions des Grecs supposent l’existence de l’esclavage, et la possibilité de réunir, dans une place publique, l’universalité des citoyens ; et pour bien juger de leurs effets, surtout pour prévoir ceux qu’elles produiroient dans les grandes nations modernes, il ne faut pas perdre un instant de vue ces deux différences si imposantes. Mais on ne peut réfléchir sur la première, sans songer avec douleur, qu’alors les combinaisons même les plus parfaites n’avoient pour objet que la liberté ou le bonheur de la moitié tout au plus de l’espèce humaine[41].
Liberté et esclavage ne peuvent cohabiter au sein d’une même société. Dès lors, en 1791, Brissot prophétisa l’abolition de l’esclavage aux Etats-Unis dans un délai maximum de vingt ans[42] tandis que Condorcet, dès l’indépendance américaine acquise, ne doutait pas que les Américains « réparerai[en]t » l’erreur qu’était le maintien de l’esclavage[43]. Conséquemment, les girondins furent la seule « faction » à refuser que l’abolition de l’esclavage soit repoussée sine die – quitte à être jugés responsables, par leurs adversaires, des révoltes d’esclaves survenues à Saint-Domingue[44].
Pour l’ensemble des acteurs girondins, l’abolition de l’esclavage est donc un préalable indispensable à la fondation de la république, d’un régime libre – ce qui ne peut que rendre suspectes, à leurs yeux, les institutions antiques.
Très clairement, la république girondine se voulait porteuse d’un projet politique inédit, bien supérieur à ce qui n’avait jamais été achevé de mémoire d’homme. Créer une république composée uniquement de citoyens égaux entre eux, débarrassée de toute forme d’asservissement et évoluant au même rythme que les progrès sociaux à venir, tel était le but ultime.
Manon Roland pouvait ainsi se consoler de son désespoir de jeunesse :
Je pleurais de dépit de n’être pas née spartiate ou romaine. Je n’ai plus rien à envier aux antiques républiques, un jour plus pur encore nous éclaire, la philosophie a étendu la connaissance des droits et des devoirs de l’homme, nous serons citoyens sans être ennemis des malheureux qui ne partagent pas les bienfaits de notre patrie[45].
Et pour cette raison toute précise, « Ô Romains ! Nous n’avons plus rien à vous envier » pouvait se réjouir Brissot[46]. La Première république naissante, celle dans laquelle les girondins projetaient leurs aspirations, promettait d’être plus qu’une amélioration des républiques antiques mais un modèle social totalement neuf, guidé par la raison, une morale dérivée de la nature, délivrée des superstitions et assurant l’application des droits de l’homme à l’humanité entière.
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[1]Cité par (P.) CATALINO dans « « Peuple » et « citoyens » de Rousseau à Robespierre : les racines romaines du concept démocratique de « république » » in Révolution et République, (M.) VOVELLE (dir.), Actes du colloque en Sorbonne du 21 et 26 septembre 1992, Institut d’histoire de la Révolution, p. 35.
[2](M.) VOVELLE, La mentalité révolutionnaire, Paris, ed. Messidor, 1985, 290p.
[3](J.) BOUINEAU, Les réminiscences de l’Antiquité sous la Révolution française, Paris I, 1984, 1180p. Publié sous le titre Les toges du pouvoir ou la Révolution de Droit Antique, Toulouse, Association des Publications de l’Université de Toulouse-le-Mirail et éditions Eché, 1986, 556p.
[4](P.) MCPHEE « Robespierre et la République » in 1792 Entrer en République, dir. (M.) BIARD, (P.) BOURDIN, (H.) LEUWERS, (P.) SERNA, ed. Armand Colin, Coll. Recherches, Paris, 2013, p. 61-69. Voir aussi l’analyse de Legendre de Saint-Aubin citée par (E.) GOJOSSO, Le concept de République en France (XVI-XVIIIe siècle), PUAM, 1998, p. 430.
[5](M.) DORIGNY « La Grèce dans le discours Girondin : le libéralisme athénien ou le dirigisme spartiate ? » in Colloque Présence de la Grèce antique dans la révolution française, École française d’Athènes, Athènes, 1989 p. 2.
[6](M.) DORIGNY, « La république avant la république quels modèles pour quelle république ? » in Révolution et République, op. cit., p. 112. Constat validé par (C.) MOSSE, L’Antiquité dans la Révolution française, Paris, ed. Albin Michel, p. 12.
[7]Une Athènes précurseur des salons littéraires du XVIIIe siècle : « la référence à la civilisation grecque était pour [les girondins] la référence à l’univers des écrivains, des artistes et des orateurs ». (M.) DORIGNY, « La Grèce Antique dans le discours », art. cit., p. 4.
[8]« Le genre humain respecte Caton mais se courbe devant le joug de César. La postérité honore la vertu de Brutus, mais elle ne la permet que dans l’histoire ancienne. Les siècles et la terre sont le partage du crime et de la tyrannie ; la liberté et la vertu se sont à peine reposées un instant sur quelques points du globe. Sparte brille comme un éclair dans des ténèbres immenses ». (M.) ROBESPIERRE, Rapport fait au nom du comité de salut public sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains & sur les Fêtes nationales, 1794, p. I.
[9]Qui fut loin d’être l’apanage des seuls révolutionnaires français, leurs inspirateurs américains ayant opéré le même processus. (B.) BAILYN, Les origines idéologiques de la révolution américaine, trad. Ludovic Bourniche, ed. Belin, Paris, 2010, p. 29.
[10](E.) GOJOSSO, Le concept de République en France, op.cit., p. 430.
[11]Archives parlementaires de 1787 à 1860, XXXVII, p. 493.
[12]AP, XLVI, p. 82
[13]Ibid.
[14]Ibid.
[15](A.) KERSAINT, Discours sur l’état de l’Angleterre, et les conséquences de la guerre maritime avec ce pays, Paris, 1793, p. 12.
[16](H.) BURSTIN, Révolutionnaires. Pour une anthropologie politique de la Révolution française, ed. Vendémiaire, Paris, 2013, p. 189
[17](J.P.) BRISSOT, Théorie des loix criminelles, I, Berlin, 1781, p. 46
[18]« Ils font, ces hommes immoraux, la distinction des mœurs publiques et des mœurs privées. Fausse et chimérique distinction, imaginée par le vice, pour atténuer son danger […] Veux-tu donc me prouver ton patriotisme ? Laisse-moi pénétrer dans l’intérieur de ta maison ». (J.-P.) BRISSOT, Nouveau voyage dans les Etats-Unis de l’Amérique Septentrionale, I, Paris, ed. Buison, 1792, p.III-IV et X
[19][(J.-P.) BRISSOT], Le Philadelphien à Genève. Ou lettre d’un américain sur la dernière révolution de Genève, sa constitution nouvelle, l’émigration en Irlande, Dublin, 1783, p. 111-112.
[20]« Les vices sont en effet aux mœurs ce que les crimes sont aux lois, & le vice est toujours père du crime ». (J.-P.) BRISSOT, Théorie, I, op. cit., p. 48-49.
[21]Ibid., p. 208 et s.
[22](J.-P.) BRISSOT, « Réflexions sur le Code de Pennsylvanie » in Bibliothèque philosophique du législateur, du
politique, du jurisconsulte, III, 1783, p. 259.
[23]Rupture que ne firent pas tous les girondins. V. (F.) GALLINELLA, « Jean-Henry Bancal des Issarts, ou la « guerre sainte » révolutionnaire comme aboutissement de la morale républicaine » in La pensée républicaine, XXVIIIe colloque international de l’AFHIP, Lyon, 19 et 20 mai 2022 (en cours de publication).
[24](M.) ROLAND, Mémoires, Paris, ed. Plon, 1864, p. 145
[25]Notamment (A.) SIDNEY, Discours, I, op. cit., p. 297.
[26]Pour rappel, les lois de Minos seraient ici celles du roi semi-légendaire crétois, fondateur mythique de la civilisation minoenne. En 1773, Voltaire s’était déjà employé à donner une nouvelle popularité à ces lois à travers une pièce de théâtre éponyme.
[27]La survie de cette lettre n’était guère garantie : l’abbé Desaulnays fut enfermé sous la Terreur et ne fut sauvé qu’à cause du 9 Thermidor. Elle n’a été reproduite en facsimilé qu’en 1827 dans le premier volume de l’Isographie des hommes célèbres à l’entrée « Hérault de Séchelles ».
[28]« En se définissant comme législateur-rédacteur, Hérault de Séchelles s’inscrit dans une galerie de personnages qu’il tente de faire remonter à la plus haute antiquité. D’imitations en adaptations, il espère remonter jusqu’à l’origine ultime, jusqu’à la loi première pour laquelle il n’est pas de modèle antérieur. Parvenu à la dernière référence possible, Hérault de Séchelles l’identifie d’un nom qui est ici celui d’un législateur mythico-historique grec, figure d’autorité et incarnation parmi d’autres du Législateur suprême. La figure du législateur sert à authentifier la loi présente, proprement historique, par un retour sur le passé : elle autorise la désignation d’un antérieur de la loi actuelle, elle en dessine les étapes, et identifie comme modèle à suivre non seulement tous les législateurs successifs, mais aussi le premier d’entre eux ». DELATTRE (C.), « Figures mythiques du législateur. Réécritures et modélisation » in Cahiers des études anciennes, LVII, 2020, p. 46-47.
[29]AP, LXIII, p. 200-201.
[30]Voir (F.) GALLINELLA, « Aspects de l’éducation dans la pensée girondine : émancipation politique et perfectionnement constitutionnel » in Éducation des citoyens, éducation des gouvernants, XXVIIe colloque international de l’AFHIP, Aix-en-Provence, 19 et 20 septembre 2019, AFHIP XXVII, ed. PUAM, 2021, p. 261-274.
[31]CONDORCET, Esquisse d’un tableau des progrès de l’esprit humain, 1795, p. 92 et s.
[32]Ibid., p. 97
[33](M.) ROSSO, « Les réminiscences spartiates dans les discours et la politique de Robespierre de 1789 à Thermidor » in AHRF, [En ligne], 349 | juillet-septembre 2007, mis en ligne le 01 septembre 2010, consulté le 02 août 2023. URL : http://journals.openedition.org/ahrf/11210. Du même auteur, on consultera avec grand intérêt sa thèse publiée sous le titre La renaissance des institutions de Sparte dans la pensée française, XVIème-XVIIIème siècle, pref. (A.) Leca, Aix-en-Provence, Société française de publications de textes en histoire juridique, PUAM, 2005, 587p.
[34]AP, LXIV, p. 331
[35]Une opposition qui n’est pas spécifique aux seuls girondins puisque l’on doit cette expression à Camille Desmoulins, lui aussi, avec Danton, hostile à l’égalitarisme spartiate. Camille Desmoulins, Le vieux cordelier, Paris, Ebrard, 1834, p. 144-145. Cité par (E.) GASPARINI, « Essai sur la réception de l’œuvre de Thomas Gordon dans la France des Lumières » in La Révolution française – Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française [en ligne], n°5, 2013. URL : https://journals.openedition.org/lrf/1012?lang=en#ftn74
[36]Au point de composer presque la moitié de la population de l’Attique au IVe siècle av. J.C. ou de l’Italie au Ier siècle apr. J.C. Sur la difficulté à quantifier le nombre de serviles durant l’Antiquité, voir (J.) ANDREAU, « Esclavage antique et rentabilité économique » in Cahiers du centre de recherches historiques [En ligne], 34 | 2004, mis en ligne le 05 septembre 2008, consulté le 27 juillet 2023. URL : http://journals.openedition.org/ccrh/229
[37]ARISTOTE, Pol., 1252a. Condorcet reprochera à Aristote de n’avoir pensé la politique qu’à travers l’analyse comparative des différents systèmes existants. Cette démarche empirique aurait privé le philosophe de Stagire d’une vraie réflexion sur le meilleur modèle théorique « fondé sur la nature et la raison ». (N.) CONDORCET, Esquisse, op. cit., p. 95.
[38](N.) CONDORCET « Lettres d’un bourgeois de New-Heaven à un citoyen de Virginie sur l’inutilité de partager le pouvoir législatif entre plusieurs corps » (1787) in Œuvres, IX, p. 14
[39]De l’aveu même de Brissot devant le Tribunal révolutionnaire, c’est son rôle de président-fondateur de la Société des amis des Noirs qui, en plus de renforcer ses liens déjà solides avec Clavière, Bancal et Lanthenas, va lui permettre de rencontrer avec les députés de la Gironde : Vergniaud, Ducos, Guadet. C’est également à partir de son adhésion à cette Société que Condorcet va définitivement unir – pour le meilleur et pour le pire – son destin à celui de Brissot. (J.-P.) BRISSOT, Mémoires, II, Paris, ed. Picard, 1911, p. 159 et 298.
[40](J.-P.) BRISSOT, Réplique à Gouy à la première et dernière lettre de Louis-Marthe Gouy, Paris, ed. Belin, Desenne et Bailly, 1791, p. 17.
[41](N.) CONDORCET, Esquisse, op. cit., p. 95
[42](J.-P.) BRISSOT, Nouveau voyage, II, op. cit., p. 10 et s.
[43](N.) CONDORCET, Œuvres, VII, p. 138 et s.
[44]Voir (W.) NIPPEL, Liberté antique, liberté moderne. Les fondements de la démocratie de l’Antiquité à nos jours, Toulouse, PUM, 2010, p. 125-156
[45](H.) BANCAL, Lettres autographes de Manon Roland adressées à Bancal des Issarts, Paris, ed. Renduel, 1835 p. 8.
[46]Lorsque fut proclamée la République, en septembre 1792. Cité par (P.) SERNA « « La France est République », Comment est né le nouveau régime dans le Patriote Français de Brissot » in 1792 Entrer en République, op. cit., p. 270.
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