Colloque : L’Éducation une affaire d’État ?

« L’éducation est un service public national, dont l’organisation et le fonctionnement sont assurés par l’État, sous réserve des compétences attribuées aux collectivités territoriales pour les associer au développement de ce service public. 

L’État a pour missions :

La définition des voies de formation, la fixation des programmes nationaux, l’organisation et le contenu des enseignements, la définition et la délivrance des diplômes nationaux, le recrutement et la gestion des personnels qui dépendent de sa responsabilité, la répartition des moyens qu’il consacre à l’éducation, afin d’assurer en particulier l’égalité d’accès au service public, le contrôle et l’évaluation des politiques éducatives, en vue d’assurer la cohérence d’ensemble du système éducatif »…

Cet extrait, issu du site educ.gouv.fr du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, définit en 2023, les rapports existants entre l’État et l’Éducation en France.

Cette situation est le produit de l’histoire et d’une tradition née des Lumières, la fonction éducative étant antérieurement confiée à l’Église, dans le prolongement des pratiques médiévales. Avant même le XVIIIe siècle, on vit certains États prendre des initiatives en matière éducative, s’agissant par exemple de l’enseignement militaire. On pourrait citer également la création du Collège de France par François Ier en 1530.

En ce qui concerne l’Université, l’un des premiers auteurs à remettre en cause la tradition médiévale et à préconiser qu’elle devienne une institution de l’État chargée d’en former les cadres fut le Napolitain Giambattista Vico, maître des pré-Lumières italiennes[1]. Dans les années 1760, Pasquale Paoli, dirigeant de la Corse (1755-1769), qui avait reçu à Naples les enseignements d’Antonio Genovesi, lui-même disciple de Giambattista Vico, mettra cette idée en pratique en fondant l’Université de Corse, dont les étudiants étaient destinés à devenir des cadres de l’État insulaire.

Sur un plan plus général, dans la première moitié du XIXe siècle, l’éducation devient pleinement une « affaire d’État » non seulement en France (l’Université de Napoléon 1er, Loi Guizot…) mais aussi, dans de nombreux pays européens : des structures sont créées pour encadrer et favoriser son développement.

En raison des besoins économiques et pour répondre à l’émergence des nations, les États organisent l’éducation de leurs populations. La sécularisation de l’école est en marche à des rythmes différents.

Ce rôle prééminent de l’État éducateur ne cessera de s’accroître dans la deuxième moitié du XIXe siècle (lois Ferry en France…).

Il s’accentue dans la première moitié du XXe siècle dans des contextes politiques divers (démocratiques – ex. en France : création du ministère de l’éducation en 1932 – ou totalitaires – ex. : lo stato educatore fasciste).

La deuxième moitié du XXe siècle voit se renforcer la place prééminente de l’État afin de répondre à la massification scolaire et aux enjeux de démocratisation (essentiellement dans le cadre des États nations et ce, malgré le développement de la coopération européenne).

Depuis la fin des années 1970 le mouvement de décentralisation généralisé en Europe entraîne une certaine déconcentration articulée à une décentralisation du pouvoir des acteurs de l’éducation. Cependant les situations sont bien différentes selon les pays.

Aujourd’hui, face aux enjeux de l’intégration européenne, aux affirmations des identités territoriales, aux flux migratoires, à une économie mondialisée, à l’importance globale de la transformation des savoirs dans la perspective climatique et écologique, à la question du rapport entre l’Homme et la nature, la question stato-éducative apparue avec la Modernité est plus que jamais d’actualité.

Cette problématique, « L’éducation, une affaire d’État ? », n’est pourtant pas nouvelle. De nombreux travaux ont déjà été consacrés à cette question. Parmi ceux-ci :

Christian Nique utilisa cette expression marquante dans un ouvrage publié en 1990, Comment l’école devient une affaire d’État (1815-1840) aux éditions Nathan.

En 2007 une journée d’études fut consacrée aux stratégies de l’État éducateur, études de cas, problématiques à la Maison de la Recherche à Paris. Il convient également de se référer aux travaux du colloque international Histoire des éducations dans et hors l’école, Université de Corse Pasquale Paoli, Corte des 9-11 octobre 2014, organisé par l’UMR CNRS 6240 LISA et l’ATRHE (Association Transdisciplinaire pour les recherches Historiques sur l’Éducation) sous la direction scientifique de notre collègue le Pr Bruno Garnier qui aboutirent à l’ouvrage collectif sous la direction de Bruno Garnier et Pierre Khan, Éduquer dans et hors l’école. Lieux et milieux de formation. XVIIe-XXe siècle, PuR, Rennes, 2016.

Ce colloque organisé par la Chaire Unesco Devenirs en Méditerranée de l’Université de Corse Pasquale Paoli souhaite faire un nouvel état des lieux des rapports étroits entre État et Éducation, au regard de l’actualité brûlante et des évolutions de la société de ces 20 dernières années, par des études de cas liées aux collectivités territoriales, aux tiers-lieux ou aux mobilisations sociales qui pourraient indiquer les changements et les limites des politiques éducatives (langues, diversité culturelle…) dans le cadre français, à travers les exemples de la Méditerranée, des territoires insulaires ou notamment des territoires engagés dans la décolonisation des savoirs.

Nous chercherons à faire dialoguer les disciplines et les nombreux acteurs du monde de l’éducation, sans exclusive.

Parmi les différentes pistes de recherche, il serait possible d’aborder les thématiques suivantes :

  • Ce sont les notions mêmes d’Éducation et d’État (unitaire, fédéral…) qui peuvent être interrogées à travers l’histoire, le droit…
  • Les acteurs de l’éducation à la sortie de l’anthropocène.
  • Les enjeux curriculaires entre institutions éducatives.
  • L’égalité des chances, un monopole d’État ?
  • Revisiter les politiques nationales des pays européens au cours de l’histoire dans le cadre chronologique de la fin du XVIIIe siècle à nos jours. (choix libres de séquences historiques).
  • Regards (régionaux) territoriaux sur une éducation centralisée par des études de cas.
  • La place des territoires dans l’Éducation nationale.
  • Les États face aux grands classements internationaux.
  • Un pays, une langue, ou faire nation dans la diversité.
  • Les laïcités, une construction étatique.
  • Éduquer pour s’émanciper ou éduquer pour contrôler ?
  • « Éducation » ou « instruction » publique ?
  • Les pédagogies, un outil d’unification ?
  • La place de l’élève dans l’histoire de l’Éducation nationale en France et ailleurs.
  • L’éducation, un enjeu d’influence entre États.
  • Pluralité des acteurs et des institutions de l’éducation, hier et aujourd’hui.
  • Études comparatives des politiques d’éducation en Méditerranée.
  • Constructions des éducations nationales des États nés des décolonisations.
  • Éducation, l’affaire de tous ?
  • Les relations Ecole-famille.
  • Le corps enseignant et l’État : une histoire complexe.
  • République(s) et Éducation.
  • Les universités : des rapports chaotiques avec l’État.
  • Unification linguistique par l’État éducateur, histoire et perspectives.

Le colloque s’inscrit dans le cadre des travaux portés par l’UMR CNRS 6240 LISA de l’Université de Corse et par la Chaire Unesco Devenirs en Méditerranée. Il se situera dans le prolongement du projet « Paoli-Napoléon » (Projet initié en 2014 et associant la Collectivité de Corse, trois Communautés de communes – Costa Verde, Oriente, Fiumorbu-Castellu – et l’Université, relatif aux travaux scientifiques et à la valorisation économique autour des figures de Pasquale Paoli et Napoléon Bonaparte, ainsi que de la Révolution de Corse).

Les actes du colloque seront publiés dans le n°4 de la revue Lumi, consacrée aux études sur l’âge des Lumières et des révolutions et leur postérité, créée en décembre 2022.

La revue en open edition est consultable à cette adresse : m3c.universita.corsica/lumi/

Modalités de soumission

Une proposition de communication au colloque (une quinzaine de lignes maximum), assortie d’une brève présentation de l’auteur, sera soumise avant le jeudi 28 décembre 2023 à midi.

Le comité de lecture fera connaître sa décision à chaque auteur d’une proposition avant le 15 janvier 2024 :

  • Soit la proposition n’est pas retenue ;
  • Soit la proposition est retenue en vue d’une participation au colloque avec une éventuelle publication d’un article dans le numéro 4 de la revue Lumi qui sera édité en juillet 2024.

Dans le deuxième cas, l’auteur devra faire parvenir le texte de sa communication (maximum 40 000 signes espaces compris) aux organisateurs du colloque avant le lundi 15 avril à midi.

Le colloque « L’Education, une affaire d’État ? » aura lieu les 22 et 23 mai 2024 à Corte.

S’agissant de la publication dans la quatrième livraison de la revue Lumi (juillet 2024), l’article sera préalablement évalué (en double aveugle).

Les propositions d’articles devront suivre la feuille de style de la revue Lumi

Merci de transmettre vos propositions aux trois adresses suivantes:

  • talamoni_jg(at)univ-corse.fr
  • jouffroy(at)univ-corse.fr
  • n-guyen-van-hoan_t(at)univ-corse.fr
  • mattei_an@univ-corse.fr
  • lumi(at)universita.corsica

Feuille de style

[1] Voir notamment : Maria Teresa Maiullari, « Giambattista Vico (1668-1744) », Perspectives: revue trimestrielle d’éducation comparée (Paris, UNESCO : Bureau international d’éducation), vol. XXIV, n° 3/4, 1994 (91/92), p. 763-774.

Formulaire d'envoi

Lumi

Cette revue s’inscrit dans le sillon scientifique tracé depuis 2014 à l’Université de Corse et à l’UMR CNRS 6240 LISA, à travers le projet Paoli-Napoléon. Ce dernier a généré de nombreux séminaires et colloques internationaux organisés dans une logique résolument transdisciplinaire autour de ces deux grandes figures historiques, mais également des Lumières, des révolutions, ainsi que de leurs postérités jusqu’à nos jours. Les disciplines convoquées à travers ces travaux sont nombreuses : histoire, droit, littérature, science politique, histoire des idées, histoire de l’imaginaire, mais également – dans une perspective de valorisation – les sciences de gestion et le développement territorial…

Rivista di studii nantu à l’età di i Lumi è di e Rivoluzioni, è nantu a so pusterità.

Revue d’études sur l’âge des Lumières et des Révolutions, ainsi que sur leur postérité.

Science journal about the age of Enlightment and the Revolutions as well as their posterity.

Rivista di studi sull’Età dei Lumi e delle Rivoluzioni, e sulla loro posterità.

Rivista de istùdios in contu de s’edade de sos Lumes e de sas rivolutziones e subra sa posteridade issoro.

Revisió dels estudis sobre la Il·lustració i les Revolucions, i sobre la seva posteritat.

Revisión de estudios sobre el Siglo de las Luces y las Revoluciones, así como sobre su posteridad.

Επιστημονική ανασκόπηση για την Εποχή του Διαφωτισμού και τις επαναστάσεις, καθώς και τις επιπτώσεις τους.

כתב עת מדעי על עידן הנאורות והמהפכות, כמו גם השפעותיהם.

مَجَلَّة الدِّراسَات حَوْلَ عَصْرِ التَّنْوِير والثَّوْرَاتوالأَجْيال اللَّاحِقَة