Le plan de gouvernement pour la Corse de Rousseau au miroir de la République d’Océana : l’hypothèse d’une influence harringtonnienne
François Quastana
Découverts en 1861, les cahiers de notes manuscrits de Rousseau consacrés à la Corse, ont fait récemment l’objet d’une réédition critique sous le titre Affaires de Corse[1]. Resituant ces textes dans leur contexte en en proposant de nouvelles pistes de lecture, les différents contributeurs de cette publication ont rappelé à juste titre l’importance du plan de gouvernement pour la Corse demeuré longtemps méconnu dans l’œuvre du philosophe genevois et rédigé concomitamment avec ses célèbres Lettres écrites de la Montagne.
Dans un moment de questionnement sur les liens entre propriété, distribution des richesses et république, et à une époque où la question foncière et immobilière en Corse présente un enjeu fondamental dans la perspective d’une hypothétique autonomie politique de l’île aux contours encore mal définis, les idées développées par Rousseau dans ce texte acquièrent une singulière résonnance.
La conception de la propriété de Rousseau, on le sait, est l’un des thèmes les plus difficiles à appréhender de son œuvre[2]. S’il critique à plusieurs reprises l’invention de la propriété privée, le philosophe n’en reconnaît pas moins que « le droit de propriété est le plus sacré de tous les droits des citoyens »[3], parce qu’il est également le garant de l’indépendance du citoyen et de sa liberté. La propriété particulière ne saurait donc être niée ni même détruite, elle doit en revanche être subordonnée à une fin supérieure qui est le bien public. Or cette volonté de subordination de la propriété à des considérations civiques n’apparaît sans doute jamais de façon aussi claire que dans ses notes manuscrites sur la Corse conservées dans les Bibliothèques de Genève et de Neuchâtel.
Ce que l’on voudrait aborder dans le cadre de cette étude, c’est une source d’inspiration probable mais méconnue de Rousseau dans ce texte qui n’a jamais été identifiée par les différents commentateurs de cet écrit mais qui permet selon nous de mieux comprendre la place accordée par Rousseau à la question de propriété dans sa pensée politique et constitutionnelle : The Commonwealth of Oceana de James Harrington.
À l’heure actuelle, dans un moment où le creusement des inégalités à l’échelle planétaire conjugué à la main mise croissante des grands groupes économiques et financiers sur la détermination des politiques gouvernementales paraissent redonner une certaine vigueur à la thèse de l’existence d’un lien central entre la propriété et le pouvoir politique ou plus largement à celle de l’influence de la répartition des richesses sur la détention de la souveraineté, se replonger dans certains éléments de ce vieux débat qui agite la pensée politique antique depuis les réflexions de Platon et d’Aristote sur l’expérience spartiate[4] jusqu’à l’épisode des Gracques, tournant historique pour la République romaine et sa relecture par Plutarque[5] n’est sans doute pas inutile. Dans la pensée politique moderne, une telle thèse trouve sa systématisation la plus poussée chez le républicain anglais James Harrington, inventeur de l’aphorisme célèbre selon lequel « la balance du domaine ou de la propriété » détermine l’équilibre du pouvoir ou la « balance de l’empire ».
Avant d’entreprendre une étude croisée de ces deux textes et pour leur bonne compréhension, une présentation de Harrington et de son axiome fondamental s’avère nécessaire. Nous tenterons ensuite d’apporter un éclairage sur la manière dont Rousseau est susceptible d’avoir pu accéder à ce corpus harringtonnien à la lumière du contexte de la rédaction de son plan de gouvernement pour la Corse.
James Harrington ou la propriété comme base du pouvoir politique
Né en 1611, James Harrington est issu de la noblesse anglaise. Il intègre le Trinity college d’Oxford avec le statut privilégié de Gentleman commoner, mais quitte l’université sans avoir achevé sa formation académique pour entreprendre à vingt ans, comme beaucoup de gentlemen de son temps un grand tour à travers l’Europe. Ses pérégrinations le conduisent à visiter la Hollande, l’Allemagne, la France, la Suisse et bien sûr l’Italie, berceau de la Renaissance culturelle et politique européenne. Son voyage est surtout marqué intellectuellement par la découverte des grands auteurs politiques italiens du Cinquecento : Machiavel et Guichardin et des institutions de la République de Venise qui vont exercer une grande influence sur le développement de sa propre réflexion politique. Lorsqu’éclate la guerre civile en Angleterre en 1642, il n’apparaît pas particulièrement engagé et gravite dans l’entourage du Roi Charles Ier Stuart. L’exécution du monarque, qui survient en 1649 constitue pour lui un profond traumatisme. Ce n’est qu’après l’instauration du Protectorat de Cromwell, en 1653, que Harrington surgit pour la première fois dans le débat idéologique avec la publication en 1656 d’un important traité politique intitulé The Commonwealth of Oceana[6].
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Cet ouvrage se présente comme une contribution à la construction du gouvernement républicain qu’il appelle de ses vœux dans son pays sous la conduite de Cromwell. Sous une forme en apparence utopique, Harrington y livre un projet politique et constitutionnel complet visant à l’instauration d’une « République égale » (An equal commonwealth), fondée sur la « balance de la propriété ».
La réflexion harringtonnienne porte moins sur les origines de la propriété, il n’en traite quasiment pas dans Océana, que sur la propriété comme source du pouvoir et sa destination politique[7]. Elle s’inscrit dans l’intense débat sur ce thème qui se déroule aux temps de la Première Révolution anglaise (1647-1659), alimenté notamment par la revendication des Levellers sur l’extension du droit de suffrage et celle, plus radicale des Diggers, visant à l’instauration d’une Communauté d’égaux restreinte, fondée sur un mode de vie exclusivement agraire[8]. Si Harrington ne partage aucunement les vues de ces derniers, il n’en estime pas moins, que c’est de la propriété foncière et de l’évolution de sa répartition en Occident qu’il faut partir pour saisir les raisons et les enjeux du renversement de la monarchie en Angleterre. La question de la distribution de la propriété foncière dans l’État détermine en effet, tout le système politique et constitutionnel complexe qu’il entend proposer. La propriété étant pour lui la base où la matière de tout gouvernement, la nature du régime en procède tout comme son « architecture » constitutionnelle. Prenant acte du transfert de la propriété dans les mains du « peuple » en Angleterre, Harrington trace les plans de l’édifice d’une république « égale » qu’un législateur pourra édifier à partir de ces nouvelles « fondations ». Mais il nous faut maintenant quitter Harrington et les rivages d’Océana pour rejoindre ceux d’une autre île, au cœur de la Méditerranée et un autre républicain ô combien célèbre, le Genevois Rousseau.
Le plan du gouvernement pour la Corse de Rousseau et l’Océana de Harrington
Depuis la fin du mois d’octobre 1764, la nouvelle s’est répandue dans les milieux littéraires, en France, en Angleterre, en Hollande, en Suisse et en Allemagne, que les Corses en lutte pour leur indépendance contre la République de Gênes, se sont adressés à Rousseau afin qu’il rédige à leur intention « un plan de gouvernement ».
Appelé par le capitaine Matteo Buttafoco, alors proche de Pasquale Paoli et aide-major dans l’infanterie française au régiment Royal Italien, à devenir le « Législateur » des Corses, c’est avec enthousiasme que Rousseau répond à cette proposition qui dit-il lui « élève l’âme » et le « transporte »[9]. Il commence aussitôt à regrouper les matériaux indispensables à l’élaboration d’un plan de gouvernement, se renseignant, sur l’Histoire de l’île, sa démographie, sa géographie et les mœurs de ses habitants et se met visiblement rapidement à l’ouvrage[10]. Persécuté de toutes parts pour ses écrits, accusé à la fin de l’année 1766 d’être le « Cromwell de Genève »[11] par Voltaire lequel était allé deux ans plus tôt, jusqu’à demander sous le voile de l’anonymat, la peine capitale pour l’écrivain séditieux, Rousseau songe même un temps à trouver refuge en Corse, mais cette idée comme d’ailleurs son plan constitutionnel resteront à l’état de projets[12]. Dans les notes qui nous sont parvenues, Rousseau adopte l’attitude prudente d’une sorte de conseiller politique du général Paoli, l’illustre chef des insulaires qui depuis 1755 sont parvenus en grande partie à libérer l’île de la domination génoise et à se doter d’un gouvernement d’esprit républicain. Néanmoins, et bien qu’il s’en défende, l’ambition d’être lui-même Législateur en titre semble également nettement poindre comme on le verra, à la lumière de certains passages. Si le titre de Projet de constitution pour la Corse donné à ses différents papiers est apocryphe et si Rousseau n’a certes pas livré un texte constitutionnel formel divisé en chapitres et en articles, on ne doit pas pour autant minorer la dimension constitutionnelle de ce qu’il nomme précisément « un plan de gouvernement bon pour la Corse[13] » notamment au regard des propositions contenues dans le manuscrit de Genève Ms 229.2 qui forme une sorte de cahier de travail.
Le terme constitution, convient-il de le rappeler, n’a jamais au milieu du XVIIIe siècle, cette acception purement formelle, qu’il prendra par la suite sous la plume des constitutionnalistes. À cette époque, dans le vocabulaire juridico-politique une Constitution est synonyme de « plan de gouvernement ». Ainsi, ce n’est pas par hasard que certains textes constitutionnels américains s’intituleront « constitution » ou « plan » ou « frame of government ». C’est d’ailleurs semble-t-il dans ce sens que Rousseau utilise l’expression dans sa lettre à Deleyre lui confiant sa foi dans la possibilité de « donner une bonne constitution à la Corse »[14]. Et c’est bien pour « fixer la Constitution »[15] que Buttafoco anticipant le vocabulaire des Constituants de 1789[16], a fait appel à lui. Simplement pour Rousseau comme pour la plupart des auteurs républicains, la formation d’une bonne constitution ne s’est jamais réduite au tracé d’un texte juridique formel et articulé, elle s’inscrit dans une dimension plus large. Visant à l’institution d’un peuple, elle obéit aux grands principes qui forment l’art du législateur, ce que Harrington a appelé the Art of Lawgiving.
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[9] Lettre de Rousseau à Buttafoco (Môtiers, 22 septembre 1764) in P. Castellin…
[10] Lettre de Rousseau à Buttafoco (Môtiers, 15 octobre 1764), Ibid., p. 36-37.
[11] Lettre de Voltaire à Tabareau 10 décembre 1766, Correspondance, éd…
[12] Lettre de Rousseau à Buttafoco (Môtiers-Travers, 24 mars 1765), in…
Si dans ces notes manuscrites sur la Corse, ni à aucun autre endroit de son œuvre, Harrington n’est explicitement mentionné, nous croyons pouvoir déceler une série de correspondances entre ce texte et celui d’Océana suffisamment marquantes pour permettre d’accréditer notre hypothèse d’une influence de l’œuvre du républicain anglais sur le Genevois.
Partons d’abord d’une correspondance évidente de situation. Comme Océana, la Corse est une île, comme elle, son territoire fournit tout en abondance. La description de Pline de l’antique Bretagne et de ses forêts nourricières comme « la plus fortunée des contrées », comblée par la nature de toutes les faveurs du ciel et de la terre [17]» citée par Harrington fait écho dans le texte de Rousseau à celle de Diodore de Sicile qui présente les richesses naturelles d’une Corse « pleine de bois et arrosée de grands fleuves » pourvoyeuse de miel et de viande[18]. Rousseau, choisit quant à lui d’opérer un rapprochement avec l’ancienne Suisse des cantons montagnards, qu’il affectionne tout particulièrement[19].
De manière plus révélatrice, on retrouve dans le texte de Rousseau l’idée du lien intrinsèque existant entre la situation économique et le système politique d’un peuple déjà mise en exergue par Harrington dans Océana. Avant d’aborder la question centrale de la répartition de la propriété, Rousseau fait valoir dans ses notes l’utilité du développement de l’agriculture et de l’accroissement démographique de l’île. Ces deux conditions sont jugées nécessaires pour que les Corses soient assez nombreux pour se nourrir et surtout pour défendre leur liberté car écrit-il : « Quiconque dépend d’autrui et n’a pas de ressources en lui-même ne saurait être libre »[20]. Or, c’est précisément la même vertu que Harrington accorde à la propriété qui constitue à ses yeux un moyen de s’affranchir de l’empire d’autrui : « car celui qui a besoin de nourriture est le serviteur de celui qui le nourrit »[21].
Cette valorisation de l’activité agricole est également présente chez l’auteur anglais lorsqu’il évoque l’« idée admirable et profonde » de Panurge (Henri VII), le Roi d’Océana qui avait érigé l’agriculture au fondement de son Royaume en faisant « peindre des fermes et des métairies sur son étendard ». Par ce moyen et le maintien d’une répartition équilibrée des terres, il permit à son peuple de ne pas être réduit à une condition servile et de connaître l’abondance. Dans la suite du texte, Harrington établit une corrélation entre nation agricole, bon système militaire et gouvernement républicain : « le labourage formant de bons soldats forme aussi de bons républicains »[22]. Rousseau affirme quant à lui que « la culture de la terre forme des hommes patients et robustes tels qu’il en faut pour devenir bons soldats » et que « la véritable éducation du soldat est d’être laboureur »[23]. Et, de même que Harrington considère, à la suite d’Aristote, « la vie de la campagne plus favorable à la république » et estime que « la charrue rend le propriétaire meilleur citoyen et crée un meilleur esprit pour la république »[24], Rousseau, de son côté, fait l’éloge de « la simplicité de la vie rustique » comme gage de l’« amour de la patrie » et de l’attachement du peuple à « sa constitution »[25].
Pour l’auteur anglais « partout où le propriétaire tient l’épée », il s’en sert pour défendre sa propriété. C’est pourquoi selon lui, « le peuple d’Océana a toujours été libre en proportion de sa propriété »[26]. Pour Rousseau, le législateur ne doit pas seulement partir de la distribution de la propriété pour déduire la forme de gouvernement mais constituer la nation corse pour qu’elle puisse être à même de se gouverner démocratiquement dans un cadre constitutionnel républicain[27]. À l’instar de Harrington, il estime qu’il convient, en partant des fondations, c’est-à-dire du territoire et de ses habitants, de bâtir la superstructure. Après l’égalisation la plus poussée possible du « sol national » par la division du territoire de l’île en circonscriptions égales en surface et en population, il faut « tâcher de tracer le plan de l’édifice qu’il faut élever »[28]. Dans cet extrait, la correspondance des idées de l’Anglais et du Genevois est pour le moins singulière. La métaphore architecturale de l’édifice semblant bien provenir directement de l’auteur d’Océana qui insiste également comme plus tard celui du Contrat social sur les « grands avantages » d’un législateur unique qui bâtirait « entièrement » en une seule fois la constitution : « Car une république entièrement constituée au même instant, en est bien plus assurée et sans s’exposer à la foi des hommes, elle s’élance immédiatement dans l’empire des lois »[29].
Un passage de la lettre de Rousseau à Buttafoco en date du 15 octobre 1764 semble d’ailleurs directement faire écho à la méthode et au vocabulaire harringtonnien :
Un gouvernement provisionnel a ces inconvénients : quelque attention qu’on ait à ne faire que les changements nécessaires, un établissement tel que celui que nous cherchons ne se fait point sans un peu de commotion et l’on doit tâcher au moins de n’en avoir qu’une. On pourrait d’abord jeter les fondements, puis élever plus à loisir l’édifice ; mais cela suppose un plan déjà fait, et c’est pour tracer ce plan même qu’il faut le plus méditer[30].
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De façon providentielle, il se trouve que les conditions historiques sont en Corse favorables à un tel établissement, la féodalité n’existant déjà quasiment plus dans l’île. Rousseau constate qu’avec la destruction des grands fiefs et des droits féodaux et seigneuriaux par les Génois eux-mêmes, les Corses se trouvent dans la situation avantageuse de pouvoir opérer une répartition équilibrée des terres au profit du peuple. Or c’est à peu près la situation de l’Angleterre au temps d’Henri VII que décrit Harrington dans Océana ou le roi Panurge a abattu par différentes lois successives, le pouvoir de la noblesse et anéanti la constitution féodale. Faisant « tomber la puissance aux mains du peuple » il a ainsi ouvert la voie au renversement de la monarchie et à l’avènement du régime républicain[31]. En Corse, ce sont les Génois eux-mêmes, même si une grande partie des élites corses comme son interlocuteur Butaffoco le déplorent, qui en anéantissant les titres de noblesse ont préparé sans le savoir les conditions de la liberté de la nation.
D’autres éléments du texte de Rousseau semblent de nouveau renvoyer de manière irrésistible au schème institutionnel harringtonnien. Comme Lord Archon, le législateur d’Océana, Rousseau opère la division du peuple corse en « classes selon la qualité, l’âge, la richesse, le lieu de résidence ou de l’habitation »[32]. La première « classe » ou « ordre », Rousseau semble avoir hésité sur le terme, est celle des « citoyens », la seconde, celle des « patriotes », la troisième celle des « aspirants »[33]. Ces divisions ne correspondent certes pas totalement au modèle océanien beaucoup plus complexe mais l’inspiration paraît là encore assez évidente. Rousseau estime aussi nécessaire de répartir le plus uniformément possible la population sur l’ensemble du territoire insulaire en fonction du lieu de domicile. Le but de l’institution étant selon lui de maintenir « la population partout en équilibre »[34]. Il semble ici faire sienne la distribution méthodique du peuple prônée par Harrington dans le Quatrième ordre d’Océana. Ainsi écrit-il :
Pour que toutes les parties de l’État gardent entre elles autant qu’il est possible, le même niveau que nous tâchons d’établir entre les individus, on règlera les bornes des districts, pièves et jurisdictions de manière à diminuer l’extrême inégalité qui s’y fait sentir[35].
Comme Harrington avait fait des « paroisses » anglaises la « première division des terres »[36] et la base de son système politique, Rousseau part des « pièves » corses, circonscriptions ecclésiastiques et administratives, pour établir la répartition de la propriété et la distribution du pouvoir[37]. C’est uniquement au sein de leur seule « piève » de domicile que les hommes pourront posséder une propriété foncière qui sera inscrite sur un registre[38].
Harrington avait fait de la division des terres, par ce qu’il appelait la loi agraire, la « loi fondamentale » qui « conserve l’égalité dans ses racines »[39]. De la même manière, pour Rousseau « la loi fondamentale » de l’institution des Corses « doit être l’égalité »[40]. Mais il y a plus, comme son illustre prédécesseur, le Genevois est amené à réfléchir à partir de l’exemple archétypal des Gracques sur l’opportunité de l’introduction d’une « loi agraire » pour opérer cette répartition et empêcher l’accumulation des terres dans les mains de quelques-uns. Harrington estimait que les mesures prises à Rome pour maintenir la balance des propriétés n’avaient jamais connu un début véritable d’exécution. Il arguait qu’à l’époque de Tiberius et Caius Gracchus, la noblesse s’était déjà accaparée l’ensemble des terres de l’ager publicus, les plébéiens ne possédant plus alors « qu’à titre de serviteurs et de redevanciers ». Il en concluait que l’administration du « remède » ayant été à la fois trop tardive et trop brutale, loin d’amorcer la guérison, fut la cause de la perte de la République romaine[41]. Cet extrait du texte de Rousseau semble lui faire directement écho:
Les Romains virent la nécessité des lois agraires quand il n’était plus le temps de les établir […] les Gracques voulurent ôter aux Patriciens leurs terres, il eut fallu les empêcher de les acquérir. Il est bien vrai que dans la suite ces mêmes Patriciens en acquirent encore malgré la loi mais c’est que le mal était invétéré quand elle fut portée et qu’il n’était plus temps d’y remédier[42].
Respectueux de la propriété privée, Rousseau pose alors comme règle qu’« aucune loi ne peut dépouiller aucun particulier d’aucune portion de son bien » mais c’est pour immédiatement préciser que « la loi peut seulement l’empêcher d’en acquérir davantage » [43]. Non rétroactive, une législation de ce type doit fixer des règles uniquement pour l’avenir en limitant l’accumulation des possessions et en confisquant au profit du domaine public, les terres indument et illégalement possédées, même par legs ou par donation. Nous ne sommes donc là encore guère éloignés des propositions de Harrington en matière de règles successorales qui prévoyaient l’égalité entre héritiers mâles et l’interdiction des donations et des dots en faveur des femmes[44]. En effet, Rousseau, comme le républicain anglais pense que « les lois concernant les successions doivent tendre à ramener les choses à l’égalité, en sorte que chacun ait quelque chose et personne n’ait de trop »[45]. Le « véritable esprit de la propriété publique est que la propriété particulière soit très forte dans la lignée et très faible ou nulle dans les collatéraux »[46]. C’est la raison pour laquelle il croit nécessaire de limiter l’usage des testaments[47] et des dots en faveur des filles, une proposition dont la source première est à rechercher chez Aristote[48] et que Harrington et Rousseau à sa suite reprennent à leur compte. Soucieux d’encourager le développement agricole et démographique, il souhaite enfin que tout propriétaire soit également laboureur et lie directement l’accession au titre de citoyen au fait d’être marié ou veuf, père d’au moins deux enfants, et à la propriété d’un fonds de terre[49].
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En ce qui concerne le régime politique, la préférence de Rousseau va comme Harrington, il convient de le souligner, à un gouvernement mixte. En raison de sa taille, supérieure à celle d’une Cité, il estime que la Corse doit adopter une forme démocratique tempérée d’aristocratie. Il entend par là, un gouvernement où « le peuple ne s’assemble que par parties et où les dépositaires du pouvoir sont souvent changés »[50]. Là encore cette dernière affirmation n’est pas sans faire penser à la rotation des magistrats préconisée dans Océana. Rousseau précise encore que l’administration ne doit être confiée qu’à un petit nombre de gens éclairés formant en quelque sorte une aristocratie naturelle, tout en permettant le concours de tous les membres de l’État à la souveraineté[51].
À ce propos, on notera que, dans la définition qu’il opère entre deux types de noblesse, le philosophe semble reprendre à nouveau à son compte une distinction établie avant lui par Harrington. En effet, dans Océana, l’auteur anglais avait opposé à une mauvaise noblesse : la noblesse titrée, caractéristique de la monarchie et incompatible avec le gouvernement républicain, une bonne noblesse, dont la place dans l’État ne reposait pas sur la propriété terrienne ou des « armoiries » mais sur les mérites propres de ses membres et sur les « services rendus à la République »[52]. Et il jugeait la seconde « non seulement utile mais nécessaire au mélange naturel qu’exige une république bien ordonnée »[53]. Dans son texte, Rousseau en vient, de même, à distinguer une « noblesse féodale ou militaire » qui « appartient à la monarchie » et se compose de plusieurs ordres dont les « droits héréditaires » sont « individuels et particuliers mais attachés à chaque famille » et ce qu’il nomme « la noblesse politique ». Une noblesse dont les membres unis en un seul corps, sont « égaux par leur naissance, en privilèges et en autorité »[54]. Désirant la suppression totale et définitive de la noblesse féodale dans l’île, Rousseau reconnaît en revanche le caractère bénéfique d’une forme d’aristocratie politique, en affirmant, dans la lignée de Harrington, que « L’État ne doit accorder des distinctions qu’au mérite, aux vertus et aux services rendus à la patrie » et que « ces distinctions ne doivent pas être plus héréditaires que ne le sont les qualités sur lesquelles elles sont fondées »[55].
Les voies d’accès possibles de Rousseau à la connaissance de l’œuvre de Harrington à la lumière du contexte de la rédaction du projet pour la Corse
Au terme de cette analyse intertextuelle, les correspondances établies entre le texte de Rousseau et celui de Harrington apparaissent plus que troublantes. Elles semblent trop nombreuses pour être simplement fortuites. Pourtant, nous l’avons déjà souligné, jamais Rousseau ne cite Harrington dans ce texte ni d’ailleurs à aucun endroit de son œuvre ou de sa correspondance. Cette absence de citation directe ne nous apparaît pas pour autant décisive car il est rare que Rousseau mentionne les auteurs modernes qu’il utilise lorsqu’ils vont dans son sens. Le fait qu’il ne se réfère pas directement à Harrington ne permet donc pas de conclure à une non-connaissance de l’œuvre de ce dernier. Cette absence de citation trouve peut-être son explication dans le désir de Rousseau de ne pas prêter le flanc à l’accusation d’utopisme associée au républicain anglais et dont il sera d’ailleurs lui-même en partie l’objet quelques années plus tard à propos de ses Considérations sur le Gouvernement de Pologne. Il n’ignorait visiblement pas le célèbre passage de l’Esprit des Lois (XI, 6) où Montesquieu reprochait à Harrington d’avoir « bâti Chalcédoine en ayant le rivage de Byzance devant les yeux », critique que Jaucourt venait d’ailleurs de reprendre, en partie, à son compte dans l’article « Rutland » consacré à Harrington dans l’Encyclopédie en 1765[56] et qu’on retrouvera également sous la plume de Hume mais aussi dans un autre contexte sous celle de Paoli[57] !
Demeure la question de l’accès de Rousseau au texte de Harrington. Malgré deux recensions littéraires dans les Nouvelles de La république des Lettres, il n’existait en effet à cette époque aucune traduction d’Océana[58]. Si Rousseau n’avait vraisemblablement qu’un degré de connaissance limitée de langue anglaise, au regard des développements précédents, une lecture du texte dans une édition originale paraît néanmoins envisageable d’autant que Rousseau connaissait bien d’autres textes républicains anglais comme les Discours d’Algernon Sidney. Un autre élément contextuel peut plaider également en faveur de l’hypothèse d’une inspiration de Harrington dans cet écrit. En effet dans le même temps que Rousseau rédige ses manuscrits entre décembre 1764 et août 1765, il songe à gagner l’Angleterre, et est en contact avec David Hume avec qui il entamera une légendaire querelle[59]. Or il se trouve que le philosophe écossais grand connaisseur de l’œuvre de Harrington avait rédigé en 1752 un discours politique librement inspiré d’Océana et intitulé Idea of a perfect Commonwealth dans lequel il se livrait à une adaptation critique de l’utopie harringtonnienne et des principes constitutionnels du républicanisme[60]. Cet écrit traduit dès 1754 en français à Amsterdam par Eléazard de Mauvillon puis Jean-Bernard Leblanc fut inséré dans le deuxième tome des Discours politiques de Hume[61]. Déjà dans Les Premiers Principes du gouvernement publiés en anglais dès 1741 au sein de ses Essays moral and Political partiellement traduits en 1759 et dont la seconde édition française parut en 1764, il procédait au « renversement de l’énoncé harringtonnien »[62] contestant l’idée que l’exercice du pouvoir soit exclusivement et toujours fondé sur la distribution de la propriété[63]. Une autre référence directe à Harrington et à sa prophétie démentie se trouvait également dans l’Examen de la question : De quel côté le Gouvernement d’Angleterre penche le plus vers la monarchie absolue ou vers l’État républiquain ?[64] Enfin, dans le Quatrième essai où l’on prouve que la politique peut être réduite en forme de science, Hume mentionnait explicitement l’exemple de l’ « Isle de Corse » sous le joug tyrannique de la République de Gênes[65]. Si malheureusement, en l’état actuel des recherches, rien ne permet non plus d’établir que le républicain Rousseau ait pu lire les Essais du tory Hume[66], on peut tout de même faire l’hypothèse qu’il ait eu un accès à ces textes dans leur traduction française et en tout cas à l’Idée d’une République parfaite qui pourrait l’avoir mis sur la piste de Harrington.
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[59] H. Guillemin, « Cette affaire infernale » : l’affaire J.-J. Rousseau – Hume…
[60] G. Robel, « Idea of a perfect Commonwealth où le réalisme utopique de…
[61] Discours politiques de Monsieur Hume, Amsterdam, 1754, t. 2, p. 326-382.
[62] C. Gautier, Hume, les savoirs et l’histoire, Paris, Vrin, EHESS, 2005…
[63]Essais moraux et politiques traduits de l’anglais de Mr. Hume…
[66] J. Voisine, « Deux contrats sociaux : Hume et Rousseau » in R. A Leigh…
Quoi qu’il en soit cet ensemble de correspondances est, il faut en convenir, pour le moins troublant. Mais il y a plus. Deux ans plus tard, en 1767 l’historienne britannique radicale Catharine Macaulay, rivale de Hume, devait également prendre la plume pour tracer à l’intention de Paoli un « plan de gouvernement démocratique ». Or cette esquisse constitutionnelle intitulée A short sketch of a Democratical form of Government, in a Letter to Signior Paoli était exactement calquée sur les principes harringtonniens[67].
Bien que Macaulay ne mentionne pas non plus dans son texte directement l’auteur d’Océana, elle n’en reprend pas moins son axiome fondamental selon lequel la balance de la propriété détermine celle du pouvoir et souligne la nécessité pour les Corses, s’ils veulent se doter d’une forme de gouvernement démocratique, de suivre l’exemple des Gracques en établissant une balance populaire de la propriété. Afin d’empêcher le renversement de la balance que le temps ne peut manquer d’entrainer, elle préconise elle aussi l’adoption d’une loi sur les successions qui interdise aux femmes d’hériter des terres de leurs pères et surtout d’apporter en dot des biens fonciers lors de leur mariage. Sous sa plume comme sous celles de ses illustres prédécesseurs, une telle proposition s’explique par la volonté de proscrire l’accumulation des biens dans les familles aristocratiques qui ruinerait la balance populaire[68].
Contrairement à Rousseau dont elle n’a pu évidemment prendre connaissance du projet constitutionnel, pour l’historienne Whig, la source d’inspiration est facilement et clairement identifiable : il s’agit une réflexion de Thomas Hollis, grand passeur des textes républicains anglais du XVIIe siècle, qui, en avril 1766 dans le London Chronicle avait suggéré aux Corses pour l’établissement de leur gouvernement de s’inspirer de l’Océana de Harrington « le plus parfait modèle de république jamais tracé »[69]. On sait enfin, qu’après publication du texte de Macaulay, James Boswell qui le fit connaître à Paoli et qui s’était rendu en Corse, précisément après avoir rencontré Rousseau à la fin de l’année 1764[70], devait offrir après son départ au chef des insulaires un exemplaire des œuvres de Harrington et d’autres républicains anglais[71]. Ce qu’on ignore en revanche c’est si Rousseau s’est ouvert à Boswell de son travail sur la Corse et s’ils ont pu évoquer l’Océana. Ils resteront en tout cas en contact à ce sujet lors du séjour de Rousseau en Angleterre juste avant que la querelle Rousseau-Hume, n’éclate[72]. Interdit de séjour à Genève depuis la publication des Lettres de la montagne, dans lesquelles il vitupérait les magistrats de la ville ; chassé de Môtiers quand on sut, par l’indiscrétion perfide de Voltaire dans le Sentiment des citoyens, qu’il avait eu de Thérèse le Vasseur cinq enfants illégitimes, tous abandonnés à l’hospice des Enfants-Trouvés, il avait reçu de David Hume, alors secrétaire d’ambassade à Paris, une offre d’asile en Angleterre. C’est en compagnie du philosophe écossais que le Genevois avait pris, le 4 janvier 1766, la route de Calais. En janvier 1766, de retour en Angleterre, Boswell se présente comme un ami de Rousseau qui est enthousiaste des Corses et qui s’est vu honoré du titre de Législateur des insulaires. Entre-temps accompagnant Thérèse rejoindre Jean-Jacques à Londres l’Ecossais devint vraisemblablement son éphémère amant ! Le rôle joué par Boswell qui connaît Hume depuis 1757 et dont il apprécie tout particulièrement l’Histoire d’Angleterre, dans la querelle entre les deux philosophes n’est d’ailleurs pas encore totalement éclairci[73].
La grande histoire préférera retenir le formidable succès d’An Account of Corsica, le récit du voyage de Boswell dans l’île et de sa rencontre avec Paoli qui devait faire connaître la cause des Brave Corsicans jusque dans la lointaine Amérique où Harrington mais aussi Rousseau, on le souligne trop peu souvent, devaient devenir quelques années plus tard, une source d’inspiration des Founding Fathers. Au terme de cette étude, le lecteur pourrait donc légitimement s’interroger : Rousseau et Harrington peuvent-ils encore servir de guide à nos législateurs, à nos politiques et à nos constitutionnalistes actuels pour donner à la Corse le système de gouvernement libre auquel elle aspire ? On peut en douter, mais nous serions tentés de répondre en paraphrasant Bernard de Chartres : les nains ne peuvent voir loin, qu’assis sur les épaules de géants !
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[1] C. Litwin (dir.) et J. J Swenson (éd.), Affaires de Corse, Paris, Vrin, coll. « Textes et Commentaires », 2018. Les références paginales dans les notes subséquentes renvoient à cette édition.
[2] M. Xifaras, « La destination politique de la propriété chez Jean-Jacques Rousseau », Études Philosophiques, 2003/3, 66, p. 331-370 ; P. Crétois, Le renversement de l’individualisme possessif. De Hobbes à l’Etat social, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 167-213 ; G. Radica, « Sur Rousseau, la propriété́ et la communauté́ », ZINBUN, 2016, 46, p. 75-88.
[3] J.-J. Rousseau, Discours sur l’Économie politique in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1964, t . III, p. 263.
[4] Voir. J. Ducat « La propriété de la terre à Sparte à l’époque classique. Essai de mise au point », KTÈMA, Civilisations de l’Orient, de la Grèce et de Rome antiques, 45, Université de Strasbourg, 2020, p. 173-196.
[5] C. Nicolet, « L’inspiration de Tiberius Gracchus. À propos d’un livre récent », Revue des Études anciennes, 1965, n° 67, p. 142-158.
[6] Durant le demi-siècle écoulé, l’œuvre harringtonnienne a fait l’objet d’une véritable redécouverte et donné lieu à des interprétations diverses renouvelées qui ont permis de souligner la place singulière de son auteur dans la tradition républicaine anglaise du XVIIe siècle et plus largement dans la pensée politique moderne. Pour un exposé complet et récent de la vie de Harrington et des controverses interprétatives auxquelles son œuvre a donné lieu, on se reportera avec profit à R. Hammersley, James Harrington : An intellectual biography, Oxford, Oxford University Press, 2019.
[7] Cette étude se fonde en majeure partie sur le texte d’Océana avec des références aux autres œuvres postérieures qui ont été republiées et éditées en anglais par J.-G.-A. Pocock (The Political Works of James Harrington, Cambridge University Press, 1977). Pour faciliter la lecture nous utilisons la traduction des Œuvres de Harrington par P.-F. Henry : Œuvres politiques de Jacques Harrington, Ecuyer, contenant la République d’Océana, les Aphorismes et les autres Traités du même Auteur ; précédée de l’Histoire de sa vie par Jean Toland, Paris, Leclère, An III, (Cité désormais Océana).
[8] M. I. Ducrocq, « The Debate on Property during the First English Revolution 1647-1659: A historical perspective », Miranda, 13, 2016: https: //journals.openedition.org/miranda/276; E. M. Wood, Liberty and Property. A social history of Western Thought from Renaissance to Enlightenment, London, Verso, 2012.
[9] Lettre de Rousseau à Buttafoco (Môtiers, 22 septembre 1764) in P. Castellin et J-M. Arrighi, Projets de Constitution pour la Corse, Ajaccio, La Marge, 1979, p. 32.
[10] Lettre de Rousseau à Buttafoco (Môtiers, 15 octobre 1764), Ibid., p. 36-37.
[11] Lettre de Voltaire à Tabareau 10 décembre 1766, Correspondance, éd. Th. Besterman, Paris, Gallimard, la Pléiade, 1977, VIII, p. 778.
[12] Lettre de Rousseau à Buttafoco (Môtiers-Travers, 24 mars 1765), in P. Castellin et J-M. Arrighi, op. cit., p. 41-42.
[13] BPU de Neuchâtel Ms. R 20, Bibliothèque de Genève Ms. 229.1 et 2.
[14] Lettre du 20 décembre 1764, Correspondance complète de J.-J. Rousseau, éd. R. A. Leigh, vol. 22, Genève, Institut et Musée Voltaire, 1974, p. 254.
[15] Lettre de Buttafoco à Rousseau, (Vescovato, 19 octobre 1765) et aussi (Paris, 3 octobre 1764), in P. Castellin et J-M. Arrighi, op. cit., p. 46, et p. 32-33.
[16] M. Ganzin, « Fixer la Constitution, une antienne des constituants de 1789 », Mélanges en l’honneur du professeur Nicole Dockès, Paris, La mémoire du droit, 2014, p. 349-362.
[17] Océana, Introduction, p. 48.
[18] Ms. 229.1, f°28r°, p. 74. Voir M. I. Ducrocq, « Ville, mer, campagne dans l’utopie républicaine de James Harrington, The Commonwealth of Oceana (1656) », Cercles, 30, 2013, p. 31-42.
[19] A. Dufour, « Jean-Jacques Rousseau, Législateur des Corses ou la Corse nouvelle Genève ? L’organisation de la liberté de la Corse, la Suisse et Genève vues des Montagnes Neuchâteloises », F. Quastana et V. Monnier (éd.), Paoli, la Révolution Corse et les Lumières, Genève, Schulthess, Ajaccio, A. Piazzola, 2008, p. 73-98.
[20] Ms. 229.1, f°3r°, p. 62.
[21] Océana, Préliminaires, p. 63.
[22] Ibid., Introduction, p. 49.
[23] Ms. 229.1, f°9r°, p. 65.
[24] Océana, Introduction, p. 50-51 ; t. II p. 99. « L’agriculture est la nourrice d’une nation (…) C’est pourquoi je suis de l’avis d’Aristote, qu’une république de cultivateurs, et, telle est la nôtre, doit être la meilleure de toutes ».
[25] Ms. 229.1, f°8r°, p. 64-65.
[26] Océana, Introduction, p. 49.
[27] Ms. 229.1, f°11r°, p. 66.
[28] Ms. 229.1, f°26r°, p. 73.
[29] Océana, Préliminaires, p. 166-167.
[30] J.-J. Rousseau, Correspondance complète, op. cit., t. XXI, 15 octobre 1764.
[31] Océana, Préliminaires, p. 142-143.
[32] Océana, Plan de la République, p. 178-179.
[33] Ms. 229.1, f°41r°-43r°, p. 80-81.
[34] Ms. 229.1, f°15r°, p. 67.
[35] Ms. 229.1, f°20r°, p. 70.
[36] Océana, Plan de la République, p. 193.
[37] Voir C. Litwin, « Les pièves foyer de vie démocratique du gouvernement mixte », dans Jean-Jacques Rousseau, Affaires de Corse, op. cit., p. 229-244.
[38] Ms. 220.2 f°2v°, p. 128.
[39] Océana, Treizième ordre, p. 221.
[40] Ms. 229.1 , f°19 r°, p. 70.
[41] Océana, Préliminaires, p. 114.
[42] Ms. 229.1, f°67v°-68r°, p. 100.
[43] Ibid.
[44] Océana, op. cit., Treizième ordre, p. 223-232 sur le débat sur les lois agraires.
[45] Ms. 229.2, f°6v°, p. 131.
[46] Ms. 229.2, f°15v°, p. 135.
[47] Ms. 229.2, f°3v°, p. 128.
[48] Aristote, Politique II, 1270a 11-b 6.
[49] Ms. 229.1, f°43r°, p. 81.
[50] Ms. 229.1, f°14r°-15 r°, p. 67.
[51] Ibid.
[52] Océana, op. cit., Vingtième ordre, t. II, p. 9.
[53] Ibid., t. II, p. 6-19.
[54] Ms. 229.1, f°17r°, p. 69-70.
[55] Ms. 229.1 , f°19 r°, p. 70.
[56] C. Spector, « Bâtir Chalcédoine en ayant le rivage de Byzance devant les yeux : Oceana, de Harrington à Montesquieu », James Harrington et le républicanisme à l’âge classique, op. cit., p. 131-148.
[57] Reprochant aux Constituants français de déprécier la Constitution anglaise pour se tourner vers celle des Américains, Paoli écrit le 27 octobre 1790 au Père Palmieri : « ils bâtissent Chalcédoine en face de Byzance ». (Sprezzano la costituzione di questo paese, e vanno presso poi a quella de’ presenti Americani ; fabricano Calcedonia in faccia di Bisanzio), N. Tommaseo, Lettere di Pasquale de’ Paoli, Florence, Gio Pietro Vieusseux editore, 1846, p. 321-322).
[58] M. I. Ducrocq, La République de Harrington dans la France des Lumières et de la Révolution, Oxford, Oxford University Press, Studies on the Enlightenment, 2023.
[59] H. Guillemin, « Cette affaire infernale » : l’affaire J.-J. Rousseau – Hume, 1766. Les Philosophes contre Jean-Jacques, Paris, Plon, 1942 ; D. Edmonds et J Eidinow, Rousseau’s Dog : Two Great Thinkers at War in the Age of Enlightenment, New York, Ecco, 2006 ; R. Zaretsky et J. T. Scott, The Philosophers’ Quarrel : Rousseau, Hume, and the Limits of Human Understanding, New Haven (Conn.), Yale University Press, 2009; A. Lilti, « De la dispute à l’affaire, la querelle entre D. Hume et J.-J. Rousseau (1766) », L. Boltanski et al. (éd.), Affaires, scandales et grandes causes. De Socrate à Pinochet, Paris, Stock, 2007, p. 186, M. Cottret, « Le citoyen dans tous ses états : Rousseau au risque de Clio », AHRF, n°370, 2012, p. 3-25 ; O. Mostefai, « Jean-Jacques Rousseau et les différends des Lumières. Le conflit entre David Hume et Jean-Jacques Rousseau », Littératures classiques, 2013/2, n°81, p. 119-129.
[60] G. Robel, « Idea of a perfect Commonwealth où le réalisme utopique de D. Hume, Etudes Ecossaises, 11, L’Utopie, 2008, p. 9-29.
[61] Discours politiques de Monsieur Hume, Amsterdam, 1754, t. 2, p. 326-382.
[62] C. Gautier, Hume, les savoirs et l’histoire, Paris, Vrin, EHESS, 2005, p. 86-88 et également « Hume et la critique du républicanisme. Corruption et Constitution », J.-P. Potier, J.-L. Fournel, J. Guilhaumou (dir.), Libertés et libéralismes. Formations et circulation des concepts, Paris, ENS éditions, 2012, p. 67-86 ; D. Deleule, Hume et la naissance du libéralisme économique, Paris, Aubier, 1979, p. 337 sq.
[63]Essais moraux et politiques traduits de l’anglais de Mr. Hume, 2ème éd., Amsterdam, J. H. Schneider, 1764, p. 65-69.
[64] Ibid., p. 106-117.
[65] Ibid., p. 42 et 49.
[66] J. Voisine, « Deux contrats sociaux : Hume et Rousseau » in R. A Leigh (ed.) Rousseau after two hundred years, Proceedings of the Cambridge bicentennial Colloquium, Cambridge University Press, 1982, p. 37-44.
[67] Loose Remarks on certain positions to be found in Mr Hobbe’s Philosophical Rudiments of Government and Society. With a short sketch of a Democratical form of Government, in a Letter to Signior Paoli, London, T. Davies, T. Cadell, 1767, p. 29-39.
[68] F.Quastana, « Catharine Macaulay et le projet constitutionnel néo-harringtonnien d’une république démocratique pour la Corse paolienne », J.-G. Talamoni (dir.), Héros de Plutarque. Les grandes figures de la Corse. Histoire, mémoires et récits, Ajaccio, A. Piazzola, 2022, p. 43-69.
[69] « To the People of Corsica, felicity. The Oceana of James Harrington, for praticableness, equality and completeness is the most perfect model of a commonwealth that ever was delineated by antient or modern pen » (The London Chronicle, XIX, 10 avril 1766, p. 352).
[70] « Lettre à Jean-Jacques Rousseau, 3 décembre 1764 », C. B. Tinker, Letters of James Boswell, 2 vol., Oxford, Clarendon Press, 1924, vol. 1, p. 58-60. Sur cette entrevue Boswell/Rousseau, on pourra également consulter C. H. Kullman, « Boswell Interviews Rousseau : A Theatrical Production », The South Carolina Review, vol. 21, n° 2, 1989, p. 30-45 ; M. Levy, Boswell, un libertin mélancolique : Sa vie, ses voyages, ses amours et ses opinions, Grenoble, UGA Éditions, 2001 ; F. Beretti, « Témoignages et commentaires britanniques sur Rousseau, l’invitation de Buttafoco et le gouvernement de Paoli (1764-1768) », Études Corses, juin 2008, no 66, p. 79 ; F. Beretti, L’invention de la Corse par les voyageurs britanniques : James Boswell et quelques autres (1764-1769), N. Bourguinat (dir.), L’invention des Midis : Représentations de l’Europe du Sud (xviiie-xxe siècle, Presses universitaires de Strasbourg, 2015, p. 21-29.
[71] J. Boswell, The Journal of a Tour to Corsica in An Account of Corsica, The Journal of a Tour of that Islands and Memoirs of Pascal Paoli, J. T. Boulton et T. O. McLoughlin (ed.), Oxford University Press, 2006, p. 178, note de Boswell.
[72] R. A. Leigh, « Boswell and Rousseau », The Modern Langage Review, Vol. 47 n°3, Jul 1952, p. 289-318. Sp. 301-318.
[73] F. A. Pottle, « The part played by Horace Walpole and James Boswell in the Quarrell between Rousseau and Hume », Philological Quaterly, Iowa City, Vol. 4, (Jan 1, 1925), p. 351 sq.
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