La « Société Nationale des Sciences et des Arts » de Condorcet, entre démocratisation et émancipation du système éducatif
Fabien Gallinella
Résumé :
À travers les très nombreux travaux qui leurs sont consacrés, les vues de Condorcet en matière d’éducation semblent bien connues. Pourtant, un élément clef de sa pensée reste encore à mettre en valeur : son ambition de créer un système d’éducation républicain qui ne soit pas dépendant du pouvoir politique.
Matériellement, cette indépendance du système éducatif aurait été rendue possible par la création d’une « Société Nationale des Sciences et des Arts » et par une démocratisation du système éducatif – les enseignants étant, en grande partie, élus. L’étude de ce système sera au cœur de l’analyse proposée ici.
Un système qui aurait aussi permis de trouver un débouché nouveau aux académies de l’Ancien Régime car, au sein des différents courants révolutionnaires, de véritables tensions existaient entre les défenseurs des anciennes académies et ceux qui, au contraire, souhaitaient les abattre définitivement. Plus qu’une opposition aux institutions de l’Ancien Régime, ce conflit traduit un antagonisme, plus radical encore, entre des esprits – comme Condorcet – convaincus par la science « officielle » délivrée et débattue au sein des académies ; et des personnages plus marginaux qui, comme Marat et Brissot, se passionnent pour des pseudo-sciences telles que le magnétisme animal.
Ce dernier point permettra de montrer que le projet véritable de Condorcet était une tentative pour créer un système qui puisse préserver les jeunes consciences à la fois des « obscurantismes passés » – Église et pouvoir politique – et, aussi, des théories pseudo-scientifiques et crypto-religieuses qui étaient en vogue aux aurores de la Révolution.
Mots-clés : Condorcet, Girondins, Républicanisme, Éducation, Progrès
Résumé
INTRODUCTION
Reconnaitre l’éducation comme un droit comme le fit la Constitution de 1791 dans son titre premier, était une étape indispensable mais qui appelait aussitôt une autre question : celle de la construction d’un système d’instruction publique efficace. Pour Nicolas de Caritas, Marquis de Condorcet (1743-1794), l’éducation n’est pas seulement un droit, elle est avant tout « un devoir de la société à l’égard des citoyens ». Habité par un schéma historique linéaire, Condorcet est convaincu que l’humanité, jadis engluée dans une fange obscurantiste, a rendez-vous avec un avenir glorieux.
Précisons ses buts. Pétri d’une vision linéaire de l’histoire, Condorcet croit que le genre humain tend à s’améliorer à mesure que le temps passe, que les civilisations se raffinent et que les « sciences » et les « arts »[1] s’améliorent. À la différence de nombre de ses contemporains, il n’est pas nostalgique d’une Antiquité vertueuse ; il ne croit pas que l’accroissement des richesses et des savoirs entrainerait la décadence, bien au contraire[2].
Plus encore, Condorcet est convaincu que la société libre qui fera suite à la Révolution, a fortiori si elle s’organise en république, devrait impérativement être composée de personnes éduquées capables de raisonnements rationnels détachés de toute superstition. Au surplus, son modèle constitutionnel repose tout entier sur la possibilité d’un perfectionnement continu de la constitution au fil des générations afin d’y intégrer le progrès social – ce qui, fatalement, oblige le législateur à mettre en place un système éducatif apte à faire germer ce progrès intellectuel tant désiré[3]. Puisque Condorcet conçoit ici la liberté des citoyens comme l’absence d’inégalité entrainant une dépendance – soit la « soumission aveugle à la raison d’autrui »[4] – en négatif, prévient-il, une trop forte inégalité d’instruction ferait immanquablement le lit de la tyrannie. L’objectif immédiat de l’instruction publique, qui va parler aux révolutionnaires bien plus que des spéculations sur l’avenir de l’humanité, c’est donc d’empêcher une résurgence de la « tyrannie ».
La question se pose donc : compte tenu de la puissance d’un tel outil, quelle combinaison de système faut-il adopter pour que l’instruction publique demeure un vecteur de progrès et de liberté ? Parce qu’il surplomba le Comité d’instruction publique de l’Assemblée législative, Condorcet fut en mesure d’imposer ces solutions et proposa, pour répondre à cette question, la création d’un système d’instruction publique dirigé par une institution unique : la Société Nationale des Sciences et des Arts.
I – Les missions de la Société Nationale des Sciences et des Arts
A – Un organisme unique détaché de l’État pour superviser l’éducation
Puisque les peuples qui ont « leurs prêtres pour instituteurs ne peuvent rester libres »[5], Condorcet entend bien mettre un terme au monopole que l’Église s’est constitué sur l’école. La tâche est on ne peut plus ambitieuse puisque sortir les ecclésiastiques du système scolaire revient, en cette fin de XVIIIe siècle, à repartir de zéro. Une ardeur audacieuse mais nécessaire car, pour Condorcet, non seulement la mainmise des religieux sur les consciences est préjudiciable au perfectionnement des sciences mais, surtout, le tandem Église-Monarchie forme un couple politique : qu’elle le veuille ou non, l’Église s’attribue un rôle politique et permet la survie du système social inégalitaire grâce à un enseignement conforme à sa théologie.
Afin (de) d’élever un peuple libre, l’indépendance du système éducatif n’est pas négociable[6] ; par conséquent il convient donc de délivrer la société de ce que Condorcet pointe du doigt comme la cause de tous les malheurs d’un peuple : la manipulation du savoir par une minorité de clercs et de politiques. Plus que de vaincre l’Église en particulier, il s’agit de libérer l’humanité – notamment les plus démunis[7] – d’un parasitisme moral et intellectuel qui l’entrave depuis la nuit des temps[8]. Plus globalement, la liberté serait mise en péril si d’aventure l’éducation était mise au service d’un projet politique autre que celui de l’émancipation des consciences. De ce point de vue, rien n’est plus éloigné de la vision condorcétienne en matière d’éducation que le modèle promu par le pasteur Rabaut Saint-Etienne dans son Projet d’éducation nationale[9]. À l’enthousiasme patriotique et quasi-mystique du député de l’Aude, Condorcet oppose le rationalisme scientifique et, surtout, il propose un modèle détaché de l’État, de toute interférence politique ou idéologique[10].
La Société Nationale des Sciences et des Arts est une solution logique si l’on cherche à éviter une mainmise du pouvoir politique sur les esprits tout en évitant une anarchie dans l’éducation et la recherche scientifique qui serait préjudiciable à la marche en avant de l’humanité. Homme d’ordre, Condorcet n’adhère pas à un angélisme libertarien ou crypto-anarchiste qui bannirait l’idée même d’autorité en matière scientifique ou éducationnelle. Bien qu’il réduise le rôle de l’État au décaissement[11], Condorcet arrête la nécessité d’organiser le système éducatif de manière pyramidale avec, à son sommet, un organe unique présidant aux destinées de l’éducation des citoyens. Ici, la filiation avec son mentor Turgot est des plus limpides. En effet, dès 1775, ce dernier, dans son Mémoire au Roi sur les municipalités, sur la hiérarchie qu’on pourrait établir entre elles et sur les services que le gouvernement pourrait en tirer, déplore que l’organisation d’un système éducatif efficace, tout en étant le sujet le plus crucial pour le devenir d’un royaume, soit si peu réfléchi et, in fine, abandonné à l’irrationalité[12].
Turgot proposait un modèle permettant de mettre ces énergies dispersées en synergie tout en accordant une nouvelle mission au système éducatif : la formation morale et intellectuelle des jeunes hommes pour en faire des citoyens à part entière. Cette réforme ambitieuse aurait eu pour organe clef un « Conseil de l’instruction nationale »[13]. L’objectif est donc des plus ambitieux et ne départirait même pas de certains projets révolutionnaires qui, eux aussi, ne juraient que par l’avènement de « citoyens zélés » au service de la Nation. Compte tenu du rapport étroit liant les deux hommes en 1775, il est fort probable que Condorcet ait eu connaissance du travail de Turgot sur le « Conseil d’instruction nationale ». Peut-être même a-t-il participé à la rédaction de ce Mémoire ? Rien n’est exclu – d’autant plus que Condorcet, en 1775, publie déjà des ouvrages sur la réforme de l’administration locale.
En reprenant la réflexion de Turgot, Condorcet évacue l’hypothèse d’une éducation organisée spontanément sans cohérence ni guide. En plus d’assurer un développement du système scolaire plus harmonieux et rapide, ce système aurait un autre avantage important aux yeux de l’académicien Condorcet. Quel est-il ? Le rôle qu’assigne Condorcet à la Société Nationale des Arts et des Sciences nous éclaire : ce « denier d’instruction est […] instituée pour surveiller et diriger les établissements d’instruction, pour s’occuper du perfectionnement des sciences et des arts, pour recueillir, encourager, appliquer et répandre les découvertes utiles »[14]. En d’autres termes, on a affaire ici à un « centre de recherche » qui, avant tout, aurait dû vérifier la crédibilité scientifique des connaissances enseignées. Plus qu’un lieu de formation mettant en œuvre la dynamique professeur-élève, c’est une fédération des esprits savants pour évaluer la qualité des travaux et des enseignements.
Tout comme pour le Conseil de l’instruction nationale proposé naguère à Louis XVI par Turgot, cette Société Nationale affiche une ambition qui va bien au-delà de la simple gestion administrative ou de la formation réduite à dimension professionnalisante. Pour Condorcet, « ce n’est plus de l’instruction particulière des enfants ou même des hommes qu’il s’agit, mais de l’instruction de la génération entière, du perfectionnement général de la raison humaine ; ce n’est pas aux lumières de tel individu en particulier qu’il s’agit d’ajouter des lumières plus étendues ; c’est la masse entière des connaissances qu’il faut enrichir par des vérités nouvelles, c’est à l’esprit humain qu’il faut préparer de nouveaux moyens d’accélérer les progrès, multiplier ses découvertes »[15].
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[6]Cette indépendance est « le seul moyen de s’assurer que l’instruction se…
[7]Ceux-ci étant plus vulnérables aux manipulations. V. la réflexion…
[8]CONDORCET, Esquisse d’un tableau des progrès de l’esprit humain…
[9]CWIKOWSKI (C.), « Rabaut Saint-Etienne : le projet d’éducation de 1792…
[10]Ce qui le place en porte-à-faux des idées de son collègue le docteur…
[11]Et encore, l’État n’aurait pas eu le monopole du nerf de la guerre : Condorcet…
B – Héritière des académies dans leur lutte contre les pseudo-sciences
Soulignant que les hommes de la fin du XVIIIe siècle se passionnaient davantage pour les premiers vols en montgolfières que pour les spéculations philosophiques de Rousseau, l’historien américain Robert Darnton interrogea le scientisme des années 1770-1780 et en arriva à la conclusion que de nombreux courants pseudo-scientifiques – dont le plus significatif était le mesmérisme – eurent un impact considérable sur l’époque[16]. Or, pour prendre le cas du mesmérisme et de ses adeptes, l’ambition politique sous-jacente était des plus radicales puisqu’il s’agissait d’une remise en cause subtile mais totale des principes fondamentaux de l’Ancien Régime. Des républicains comme Jacques-Pierre Brissot fusionnèrent ainsi leur républicanisme avec le mesmérisme, le promurent et exploitèrent la popularité de ce dernier pour avancer leurs théories radicales – notamment, à travers la dissidente Société de l’Harmonie de Nicolas Bergasse et Guillaume Kornmann.
Plus largement encore, le débat autour du sérieux scientifique des théories de Mesmer entraina une polémique sur la légitimité des académies puisqu’en 1784 celles-ci, institutions scientifiques légitimées par le pouvoir[17], avaient complètement démonté les théories fumeuses sur le magnétisme animal. Au détour de leurs démonstrations, les académiciens s’étaient montrés particulièrement inquiets quant à l’émergence d’un nouvel obscurantisme dans les recoins du foisonnement intellectuel d’alors[18]. Aussitôt assimilées à des créatures du régime monarchique par les partisans de Mesmer, les académies furent violemment remises en cause et leur indépendance fut questionnée par des pamphlétaires qui, tel Marat, était souvent furieux d’avoir été rejeté par cette corporation scientifique. Convaincu de complicité avec la monarchie déchue, les académies furent supprimées par décret de la Convention le 8 aout 1793[19]. Même mort, Marat avait finalement obtenu sa revanche sur les « charlatans » des académies[20].
À l’inverse des infortunés Brissot et Marat, marginaux de la république des lettres, Condorcet, lui, avait évolué au sein des académies puisque membre de l’Académie Royale des Sciences depuis 1770. Non seulement il réprouvait scientifiquement le mesmérisme[21] mais, au surplus, il ne pouvait que défendre les académies qui, dans le contexte d’alors, lui paraissaient être un rempart contre le charlatanisme pseudo-scientifique[22]. Avant même d’être au centre d’une organisation éducative, les académies jouent un rôle de contrôle afin de séparer le bon grain de l’ivraie parmi toutes les théories nouvelles. La polémique sur le mesmérisme n’a pu que le confirmer dans cette conviction.
Ainsi, loin de faire tabula rasa du monde académique, le projet de Condorcet entend donner un pouvoir éducatif aux académiciens tout en les délivrant des entraves politiques. On le devine, le fonctionnement de la Société Nationale des Sciences et des Arts vise à permettre la reconstitution d’un monde académique grâce à des mécanismes de cooptation et de validation par les pairs. Néanmoins, il ne s’agit pas de réhabiliter un corporatisme protégé par l’État qui avait montré ses limites à la fin de l’Ancien Régime. En effet, c’est un autre point important du projet de Condorcet : la consécration d’un droit d’association à but artistique ou scientifique et la suppression des lettres patentes autorisant les sociétés savantes – celles-ci continuant à exister sans que le pouvoir politique n’ait à donner sa permission[23]. La Société Nationale des Sciences et des Arts aurait ainsi évolué en parallèle d’un écosystème d’associations savantes et intellectuelles parmi lesquelles elle aurait pu trouver un vivier de recrutement pour ses membres.
II – Organisation et fonctionnement de la Société Nationale des Sciences et des Arts
A – Le sommet d’une organisation hiérarchisée de l’instruction publique
Schématiquement, l’organigramme pyramidal du système scolaire proposé par Condorcet en 1792 compte cinq degrés. Au sommet, une seule « Société Nationale des sciences et des Arts ». En deçà d’elle, neuf « Lycées » répartis dans toute la France (et qui auraient pour mission de remplacer les vingt-deux universités qui existaient à la fin de l’Ancien Régime et qui étaient alors vouées à la suppression[24]). Ensuite, au troisième degré, chacun des 83 départements serait pourvu d’un « Institut »[25]. Ces instituts superviseraient, à leur tour, les écoles secondaires – chaque district et chaque ville de plus de 4 000 habitants ayant son école secondaire. Enfin, à la base du système, une école primaire pour 400 habitants, soit 31 000 établissements dans toute la France [26].
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[17]BRET (P.) et THEBAUD-SORGER (M.), « Académies et sociétés…
[18](Coll.), Exposé des expériences qui ont été faites pour l’examen du…
[19]Après un rapport écrit au vitriol par l’Abbé Grégoire au nom du Comité…
[20]MARAT (J.-P.), Les Charlatans modernes, ou lettres sur le charlatanisme…
[21]Dans un manuscrit non publié. « Sur les raisons qui m’ont empêché jusqu’ici…
[22]McCLELLAN (J. E.), « Un manuscrit inédit de Condorcet : Sur l’utilité des…
Première remarque : tout en demeurant dans un système centralisé à Paris, il y a une volonté de répartir aussi harmonieusement que possible les centres d’éducation et d’éviter une trop grande concentration des écoles dans les seules zones urbaines alors que le pays demeure encore massivement agricole. Condorcet le souligne, notamment pour les écoles secondaires : elles sont nécessaires pour « qu’il y ait une égalité réelle entre les habitants des villes et ceux des campagnes, entre ceux qui s’occupent des arts et ceux qui se livrent à l’agriculture »[27]. On pourrait alors craindre que la Société Nationale des Sciences et des Arts ne devienne un organe purement parisien mais Condorcet prévoit la parade : la moitié des membres résiderait à Paris, l’autre moitié dans les départements[28]. En nombre arrêté et fixe[29], les membres de la Société se coopteraient les uns les autres afin que les seuls hommes éclairés soient juges de leurs pairs – évitant ainsi toute interférence du pouvoir politique. Afin d’éviter que ce mécanisme de cooptation n’entraine une sclérose corporatiste, Condorcet ne prévoit aucun mécanisme, car l’expérience des académies a démontré, selon lui, que tous les savants dignes de ce nom ont été reconnus par elles. Dans le doute, Condorcet, un brin idéaliste quant au pouvoir de la vérité sur l’opinion publique, exige une transparence dans le processus de validation et de sélection afin que le monde savant puisse alerter la société civile en cas de dérive[30].
Nous l’avons déjà évoqué plus haut, le titre VII du projet de Condorcet est on ne peut plus explicite quant à la mission organisationnelle de la Société Nationale : « Direction et surveillance de l’enseignement »[31]. Comment cette mission se matérialise-t-elle ? Puisque le système de Condorcet est strictement pyramidal, il n’est pas question, pour les membres de la Société Nationale d’assurer une police de l’enseignement au niveau des écoles élémentaires. En revanche, des membres de la Société auraient été choisis par leurs pairs pour former un directoire en charge de se prononcer sur les difficultés rencontrées par les Lycées et de présenter, pour ceux-ci, des améliorations à apporter. En aucun cas il ne s’agit d’une inspection académique, le rapport de force hiérarchique n’est ici pas de mise puisque l’essentiel des missions de police dans les neuf Lycées nationaux sera assuré par un inspecteur élu par les enseignants du Lycée eux-mêmes et parmi les professeurs officiant dans l’établissement. Cet inspecteur élu aurait eu la charge de communiquer au directoire de la Société Nationale toutes les difficultés rencontrées par l’établissement et ses enseignants.
Compte tenu de leur importance, ces neuf Lycées auraient eux-mêmes eu un devoir d’inspection vis-à-vis des établissements hiérarchiquement inférieurs, les Instituts départementaux. Le système est répliqué ensuite jusqu’à l’échelon le plus bas : les membres des Instituts désignent à leur tour, parmi eux, un inspecteur en charge de correspondre avec l’inspecteur du Lycée et d’organiser la surveillance des écoles secondaires et primaires.
Au niveau départemental, celui des Instituts, tout un chacun aurait pu candidater pour occuper un poste vacant et c’est à un conseil général de professeurs des lycées que serait revenu la tâche de former la liste en coopération avec le conseil municipal de la ville où aurait été situé l’Institut avant que les professeurs de la section du lycée concernée par la vacance du poste ne désignent le titulaire. Ce n’est donc qu’à partir de l’échelon départemental que les autorités publiques commencent à disposer d’un droit de regard sur la nomination des enseignants. Enfin, tout en bas de la hiérarchie scolaire, au niveau des écoles primaires, l’élection des enseignants aurait été démocratique – même si le collège électoral se serait réduit aux seuls pères de familles de la ville où l’enseignant aurait exercé et que leur choix aurait été limité par la liste de candidats établie par les professeurs de l’institut départemental[32].
Si Condorcet prévoit un mécanisme d’élection avec plusieurs filtres sélectifs, c’est aussi parce qu’il confère à la fonction enseignante un caractère perpétuel : les professeurs « seront nommés à vie » et ne pourront être révoqués qu’après une procédure de destitution impliquant un vote à la majorité qualifiée (deux tiers des voix). On le devine avec ce dernier point, la masse conséquente de professeurs salariés aurait réclamé un budget de fonctionnement considérable pour ce système (que Condorcet chiffre à un peu moins de 25 millions de livres, dont 15 millions rien que pour les écoles primaires) et il faut noter ici que la Société Nationale n’aurait, elle, représenté qu’une fraction infime de cette dépense – puisque Condorcet estime son cout de fonctionnement à 300 000 livres par an.
Quoiqu’il en soit, c’est sur cette question bassement comptable que le projet manqua de trébucher lors de sa présentation à l’Assemblée législative même si plusieurs députés ne manquèrent pas de souligner qu’une telle mesquinerie financière de la part de certains élus n’était pas à la hauteur de l’enjeu[33].
B – Division de la Société Nationale en fonction des différentes disciplines
Si la division verticale du système éducatif répondait à un but hiérarchique, la division horizontale aurait été, quant à elle, de nature thématique, en fonction des différentes disciplines. Quatre « classes » sont ainsi distinguées au sein de la Société Nationale : une première dédiée aux « sciences mathématiques et physiques », une deuxième consacrée aux « sciences politiques et morales » (droit, histoire, économie et philosophie), une troisième pour « l’application » des mathématiques et de la physique aux « arts » (médecine, agronomie, construction, navigation) et, enfin, une quatrième pour la langue (grammaire, éloquence, orthographe, etc). Ces classes auraient elles-mêmes été subdivisées en « sections » traitant d’une discipline précise. Le volume d’une classe aurait été fonction du nombre de sections (autrement dit, du nombre de disciplines concernées) : ainsi, la classe comptant le plus de membres aurait été celle dédiée à « l’application des sciences aux arts » puisqu’elle aurait intégré dix « sections » alors que les autres classes n’en auraient compté que cinq ou six.
Cette légère surreprésentation des disciplines « pratiques » est cohérente, là-encore, avec l’ambition initiale que Condorcet fixe à son projet dans le Premier mémoire sur l’instruction publique[34]. Loin d’être une tour d’ivoire du haut de laquelle les plus brillants esprits toiseraient le monde, la Société Nationale des Sciences et des Arts aurait eu une dimension pratique évidente. A la différence de certains de ces collègues députés, Condorcet n’a pas conçu un plan abstrait tourné uniquement vers l’engagement civique et moral du citoyen. Il avait parfaitement conscience que son modèle éducatif devait offrir une formation professionnelle utile à la masse des Français – sans pour autant réduire ceux-ci à un peuple de « citoyens utiles » comme La Chalotais le fit dans son célèbre Essai d’éducation nationale en 1762[35].
La montée en compétence professionnelle de toute la population est donc au programme. Au demeurant, ces deux objectifs ne sont pas antagonistes et le second n’est pas d’un intérêt inférieur au premier : une formation professionnelle de qualité pour tous les citoyens gommera les inégalités dans le monde du travail et favorisera l’émergence d’une société économiquement plus égalitaire. Le rôle social et économique de la Société Nationale aurait été, on le comprend ici, déterminant : à terme, probablement, elle aurait obtenu un réel pouvoir de réglementation des différentes professions, y compris en matière de sécurité au travail[36].
Afin que l’émulation intellectuelle ne soit pas brimée par un corporatisme quelconque, les membres de la Société auraient pu siéger dans une classe autre que celle à laquelle ils auraient été rattachés : deux classes pour les sciences humaines, et deux pour les sciences formelles. Mathématicien de formation, Condorcet ne cachait pas sa volonté de placer les secondes au centre de l’enseignement au détriment des premières, mais il démontre ici que sa vision est loin d’être manichéenne et que son amour pour les sciences mathématiques ne l’aveugle pas quant à la nécessité des sciences humaines. Reprenant ce qu’avait affirmé Turgot dans son Mémoire de 1775 – et ce qui, d’une manière générale, était au cœur de la réflexion révolutionnaire sur le perfectionnement du politique –, il accole l’enseignement de la politique à celui des mœurs. Cet entrelacs politique-morale lui apparait si évident qu’il souligne ici le caractère superflu de toute justification. A tel point qu’il crée ici un organe ayant pour mission, entre autres, de déterminer ce qui serait moral, juste et vrai en matière politique.
Est-ce là une erreur de Condorcet ? Aussi surprenant que cela puisse paraitre, le « libéral » Condorcet, même s’il demeurait extrêmement méfiant à l’égard du pouvoir politique, n’en cultivait pas moins une défiance à l’égard d’une population à qui l’on accorderait « trop » de libertés. Expliquons. Déjà, tout en reconnaissant le besoin de mettre en place un environnement juridique propice au libre débat en matière politique, Condorcet refusait, dans ses Fragments sur la liberté de la presse, de permettre la publication d’ouvrage séditieux appelant à commettre des atteintes aux biens ou aux personnes[37]. Dans cette optique, la Société Nationale, prise dans sa branche « politique et morale » aurait pu avoir comme mission de distinguer les ouvrages dignes d’intérêt des brûlots purement séditieux. Une mission qui pourrait, in fine, avoir pour finalité de protéger la population contre les mensonges et les erreurs à la source de fièvre populaire[38].
Avant même que surviennent les Massacres de septembre, la Révolution avait déjà donné des exemples d’évènements déclenchés par des rumeurs et des fausses informations. Si à terme, le progrès de l’éducation devait permettre aux citoyens eux-mêmes d’être leur propre censeur ; dans l’immédiat, il convenait de demeurer vigilant et de mettre en place des garde-fous. La Société Nationale des Sciences et des Arts aurait pu être l’un de ces garde-fous.
Enfin, puisqu’il n’est question de négliger ni le cosmopolitisme de la Révolution française, ni l’universalité de la « république des lettres » dont Condorcet se veut ici l’héritier, la Société Nationale aurait compté parmi ses membres des étrangers en plus de correspondre avec les autres sociétés savantes[39]. Quoi de plus normal venant d’un homme qui, dans ses desseins, ambitionnait de créer une langue universelle pour accélérer la diffusion du progrès ?[40]
Notons ici que ces membres étrangers auraient été davantage représentés dans les sciences humaines que dans les sciences formelles. Ainsi, sur les cent membres de la quatrième classe (littérature et beaux-arts), douze auraient été étrangers (12%) et, dans la deuxième classe (sciences morales et politiques), sur 68 membres, 8 auraient été étrangers (12%). Cette proportion, assez significative dans ces deux classes, aurait été moindre dans la première (sciences mathématiques et physiques) et la troisième classes (application des sciences aux arts) – respectivement huit sur cent-quatre (8%) et deux sur cent-quarante-quatre (soit à peine plus d’1% de l’effectif…).
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Le nombre relativement important de membres étrangers dans la classe des « sciences morales et politiques » ne doit rien au hasard. On connait l’importance que le mathématicien Condorcet accorde à la proportionnalité dans ses théories politiques : ainsi, les sections n’auraient pas un nombre identique de membres et, on le devine, le nombre de membres assignés à une discipline aurait été fonction de l’importance sociale de la matière. Dès lors, la section la plus nombreuse (12 membres) aurait été celle dédiée à l’agriculture – ce qui est logique dans un pays massivement agricole – tandis que la moins peuplée aurait été dédiée à la musique (4 membres). Qu’en est-il pour la surreprésentation des étrangers dans la matière juridique et politique ? Pourquoi Condorcet insiste-t-il donc pour que des Prussiens et des Anglais viennent donner leurs avis sur la législation de la république française ?
Membre de l’Académie des sciences de Turin[41], de l’Académie Royale des sciences de Prusse[42], de ses jumelles suédoise et russe, de l’Université de Cadix, l’American Philosophical Society[43] ou encore de l’Académie américaine des arts et des sciences, il aurait été aberrant que Condorcet limite le recrutement de la Société Nationale aux seuls savants français. Mieux que nul autre, il savait que certains esprits, les plus performants dans leur domaine, ne résidait pas à Paris mais à Milan, Londres, Boston ou Saint-Pétersbourg. Conséquemment, en plus de leur réserver des places au sein de la Société Nationale, Condorcet leur octroie le droit de concourir pour obtenir des postes d’enseignants en France sans aucune forme de discrimination[44]. Toutefois, si ces étrangers peuvent éclairer les Français de leurs lumières, ils ne peuvent s’impliquer pleinement dans la régulation du système scolaire hexagonal puisque le titre VIII du projet de Condorcet précise que les étrangers ne pourront voter lors des délibérations internes à la Société Nationale[45].
CONCLUSION
L’internationalisation des effectifs de la Société Nationale aurait ainsi contribué à faire de celle-ci, non une utopique « Maison de Salomon » à la Francis Bacon[46] mais, plutôt, une mise en pratique de la « république des sciences »[47] chère à Condorcet qui, ainsi, entendait prouver que l’application du savoir scientifique à la vie quotidienne d’une population participerait à la conquête de sa liberté et, in fine, de son bonheur. Ce projet était-il pour autant destiné à ne demeurer qu’un vœu pieu enseveli dans la même tombe que son créateur ? Pas sûr.
La Société Nationale des Sciences et des Arts de Condorcet présente d’étranges similitudes avec l’Institut National des Sciences et des Arts crée par les conventionnels thermidoriens le 3 Brumaire an IV (25 octobre 1795). Quoique l’intitulé, en abjurant le terme « Société », dégage un embrun moins proche de la démocratie républicaine de 1793 et que cet Institut n’obtient pas d’attribution pédagogique, il n’en demeure pas moins que l’institution créée sur proposition de Daunou fédère l’ensemble sous un même toit les différentes « classes » composant les sciences et les arts afin d’accélérer leur « perfectionnement ». En ce sens, il matérialise la promesse de l’article 298 de la Constitution de l’an III : munir la République d’un « Institut national chargé de recueillir les découvertes, de perfectionner les sciences et les arts ». Ambition de Condorcet revue à la baisse ou sauvegarde discutable de l’héritage girondin, cette institution – qui était amené à devenir l’Institut de France, centre fédérateur de nos cinq académies nationales – a permis de renouer le fil, rompu en 1793, entre le monde des académies de l’Ancien Régime et le monde scientifique postrévolutionnaire[48].
Au centre du système de Condorcet, le verbe « perfectionner » se retrouve aujourd’hui encore au cœur de la devise de l’Institut du Quai Conti, celui-là même dont l’entrée est aujourd’hui surplombée par le regard ferme de la statue en bronze de Condorcet.
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[1] Afin d’éviter tout contre-sens, précisons ceci : le terme « arts » ne désigne pas seulement ici les beaux-arts à visée esthétique (musique, peinture, sculpture, etc.) mais, sous la plume d’un homme du XVIIIe siècle comme Condorcet, a un sens beaucoup plus large. Il est synonyme ici de « métiers », « professions », « savoir-faire », « maitrise » ou « industrie ». V. l’entrée « Art » in FURETIERE (A.), Dictionnaire universel, contenant tous les mots françois, tant vieux que modernes, & les termes des sciences et des arts, I, La Haye, ed. Arnoud et Reiniers Leers, 1701.
[2] Nous renvoyons ici à notre contribution publiée dans le volume précédent de la revue Lumi. « Le républicanisme girondin, un projet politique en rupture avec l’Antiquité » in Revue Lumi – Rivista numerica [en ligne], n°3, « République et républicanisme », Université de Corse, Corte, actes du colloque des 11 et 12 octobre 2023.
[3]Sur les rapports du constitutionnalisme dynamique girondin avec l’éducation, v. GALLINELLA (F.), « Aspects de l’éducation dans la pensée girondine : émancipation politique et perfectionnement constitutionnel » in AFHIP XXVII, p. 261-274 et La république des girondins, Paris, ed. Dalloz, 2023, p. 391-468.
[4]CONDORCET, Œuvres, VII, p. 170.
[5]Ibid., p. 288.
[6]Cette indépendance est « le seul moyen de s’assurer que l’instruction se réglera sur le progrès successif des lumières, et non sur l’intérêt des classes puissantes de la société, et de leur ôter l’espérance d’obtenir du préjugé ce que la loi leur refuse ». CONDORCET, Œuvres, VII, p. 309-310.
[7]Ceux-ci étant plus vulnérables aux manipulations. V. la réflexion de Jean-Fabien Spitz à ce propos. SPITZ (J.-F.), Le moment républicain en France, ed. Gallimard, coll. Essais, Paris, 2005, p. 68.
[8]CONDORCET, Esquisse d’un tableau des progrès de l’esprit humain, Paris, 1795, p. 36.
[9]CWIKOWSKI (C.), « Rabaut Saint-Etienne : le projet d’éducation de 1792 » in AFHIP XXVII, op. cit., p. 235-247 et SLIMANI (A.), « Un huguenot en révolution : l’œuvre de Jean-Paul Rabaut Saint-Etienne à la Constituante » in Revue de la Recherche Juridique. Droit Prospectif, PUAM, 2001-3, n° 89, 26e année, p. 1573 notamment.
[10]Ce qui le place en porte-à-faux des idées de son collègue le docteur François-Xavier Lanthenas qui, lui, souhaitait confier l’éducation aux sociétés populaires. V. notamment LANTHENAS (F.-X.), Des sociétés populaires, considérées comme une branche essentielle de l’instruction publique, extrait de la Chronique du mois (avril), Paris, ed. Imprimerie du Cercle Social, 1792, 18p.
[11]Et encore, l’État n’aurait pas eu le monopole du nerf de la guerre : Condorcet était tout à fait favorable à ce que des acteurs privés puissent financer des écoles ou des centres d’instruction. Cette multiplication des sources de financement aurait même permis d’encourager le développement scientifique car ces acteurs privés auraient pu faire la promotion d’ouvrages anticonformistes. CONDORCET, Œuvres, VII, p. 323 et 372.
[12]TURGOT (A.), DAIRE (E.) (éditeur scientifique) et DUSSARD (H.) (éd. sc.) Œuvres de Turgot. Nouvelle édition classée par ordre de matières avec les notes de Dupont de Nemours, augmentée de lettres inédites, des questions sur le commerce et d’observations et de notes nouvelles, Paris, ed. Guillaumin, 1844, p. 506.
[13]Ibid., p. 506-507.
[14]Malgré la vastitude de l’objectif, il est retranscrit presque mot pour mot dans son projet de décret sur l’instruction publique. CONDORCET, Œuvres, VII, p. 543-544.
[15]Ibid., p. 502
[16]DARNTON (R.), La fin des Lumières. Le mesmérisme et la Révolution, Paris, Perrin, coll. Pour l’Histoire, 1984, 220p. (pour l’édition française).
[17]BRET (P.) et THEBAUD-SORGER (M.), « Académies et sociétés savantes : l’institutionnalisation et la socialisation des sciences et des arts, XVe-XVIIIe siècle » in HILAIRE-PEREZ (L.), SIMON (F.) et THEBAUD-SORGER (M.), L’Europe des sciences et des techniques. Un dialogue des savoirs XVe – XVIIIe siècle, Rennes, ed. PUR, p. 375-385.
[18](Coll.), Exposé des expériences qui ont été faites pour l’examen du magnétisme animal, Paris, ed. Moutard 1784, p. 4. Les adeptes du mesmérisme s’en prirent aussitôt aux académiciens. V. [BRISSOT], Un mot à l’oreille des académiciens de Paris, Paris, 1784, 3p.
[19]Après un rapport écrit au vitriol par l’Abbé Grégoire au nom du Comité d’instruction publique. AP, LXX, p. 519 et s.
[20]MARAT (J.-P.), Les Charlatans modernes, ou lettres sur le charlatanisme académique, Paris, Imprimerie de Marat, 1791, p. 40. « L’ami du peuple » n’avait pas digéré la critique de ses travaux sur l’optique et, surtout, sur la nature physique du feu par l’Académie royale des sciences. V. BLAY (M.), « Les découvertes de Monsieur Marat » in Alliage. Culture, science, technique, 1989, n°1, p. 83-89 et COUTEL (C.), « La controverse entre Marat et Condorcet sur les académies » in HUREL (D.-O.) et LAUDIN (G.) (dir.), Académies et sociétés savantes en Europe (1650-1800), Paris, ed. Honoré Champion, 2000, p. 353-371.
[21]Dans un manuscrit non publié. « Sur les raisons qui m’ont empêché jusqu’ici de croire au magnétisme animal ». BIF, Papiers de Condorcet, manuscrit MS 883, fol. 241 notamment.
[22]McCLELLAN (J. E.), « Un manuscrit inédit de Condorcet : Sur l’utilité des académies » in Revue d’histoire des sciences, 30-3, 1977, p. 248.
[23]CONDORCET, Œuvres, VII, p. 547
[24]Sur le sort des universités françaises sous la Révolution à partir d’un exemple précis, v. CADE (M.), « L’université et la Révolution Française : mort d’une institution (1789-1793) » in L’université de Perpignan. L’une des plus anciennes universités d’Europe, Perpignan, PUP, 2013, p. 165-194.
[25]En théorie du moins car, Condorcet souhaitant que la répartition dépende avant tout de la taille de la population, beaucoup de départements – les plus peuplés – auraient disposé de plusieurs instituts. Ainsi, les Bouches-du-Rhône auraient disposé de trois institut (un à Aix-en-Provence, un à Marseille, un à Avignon) tandis que le département de Paris en aurait eu cinq. Ainsi, pour 83 départements, la France aurait compté 110 instituts. CONDORCET, Œuvres, VII, p. 554-557.
[26]Il ne parvient à ce chiffre approximatif qu’à partir du nombre de communes en France car, souligne-t-il, il n’existe pas de recensement démographique précis de la population française et ni lui, ni Charles-Gilbert Romme (qui l’a secondé dans la rédaction de ce projet), ne sont parvenus à trouver un état des lieux exhaustif de la démographie française. Ibid., XI, p. 453 et VII, p. 565.
[27]Ibid., VII, p. 566.
[28]Ibid., XI, p. 510
[29]Condorcet désire que le collège des membres demeure numériquement restreint pour éviter la « dérive » que connait, selon lui, la Royal Society de Londres. En grossissant jusqu’à presque un millier de membre, cette société savante est devenue inerte et, afin de poursuivre sa marche, elle a été obligée de créer une « aristocratie » en son sein, c’est-à-dire un comité restreint qui, dans les faits, dirige la société et ses recherches. Ibid., p. 510.
[30]Ibid., VII, p. 512
[31]Pour le paragraphe qui suit, sauf indication contraire, v. Ibid., p. 547-549
[32]Ibid., p. 551
[33] AP, XLII, p. 245-246.
[34]CONDORCET, Œuvres, VII, p. 175-178
[35]LA CHALOTAIS, (L. R. C.) (de), Essai d’éducation nationale, ou plan d’études pour la jeunesse, Paris, 1763, 144p.
[36]Pour une analyse économique du projet éducatif de Condorcet, v. LE CHAPELAIN (C.), « L’instruction publique de Condorcet. Progrès économique et réflexions sur la notion de capital humain » in Revue économique [en ligne], 2010/2, vol. 61. URL : https://www.cairn.info/revue-economique-2010-2-page-281.htm
[37]CONDORCET, Œuvres, XI, p. 258 et s. et WALTON (C.), Policing Public Opinion in the French Revolution: The Culture of Calumny and the Problem of Free Speech, Oxford, ed. Oxford University Press, 2009, p. 58
[38]CONDORCET, Œuvres, XI, p. 44-45.
[39]Une telle proposition était encore possible au printemps 1792, lorsque Condorcet expose le projet du Comité d’instruction publique. Pourtant, la déclaration de guerre à l’Europe qui intervient au même moment que publication de ce projet le condamne sur ce point précis : si la France se montre encore accueillante à l’égard des étrangers en offrant la citoyenneté à ceux qui se sont illustrés dans leur combat pour la liberté (décret du 26 aout 1792), le ton change radicalement à partir de l’été 1793 et, rapidement, les étrangers entrent dans la catégorie des suspects. Le 1er aout 1793, une première loi avait été adopté contre les étrangers présent en France et le 6-7 septembre 1793, un décret précise que les ressortissants des pays avec lesquels la France est en guerre (dont l’Angleterre) seront arrêtés – sauf à prouver qu’ils sont utiles à l’effort de guerre français ou qu’ils ont montré un attachement sincère à la république. V. L’étranger paradoxe de l’universel : analyse du discours politique révolutionnaire sur l’étranger de la Fédération à Thermidor, thèse pour le doctorat en Histoire, Université de Paris I, 1994, 3 vol. L’impossible citoyen : L’étranger dans le discours de la Révolution française, ed. Albin Michel, coll. Bibliothèque Histoire, Paris, 1997, 402p. pour la version publiée.
[40]« Fragments inédits de l’Esquisse des progrès de l’esprit humain ; essai de langue universelle ». BIF, Ms 885/I. Gilles-Gaston Granger a publié une copie in extenso de ce brouillon tout en la commentant du point de vue de l’histoire des sciences. GRANGER (G.-G.), « Langue universelle et formalisation des sciences. Un fragment inédit de Condorcet » in Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, VII, n°2, 1954, p. 197-219. www.persee.fr/doc/rhs_0048-7996_1954_num_7_3_3437
[41]D’où la présence, en outre, d’un manuscrit de Condorcet dans les archives de l’Académie des sciences de Turin. Archivio storico dell’Accademia delle scienze (Turin), IST 5.2.2, « Mémoire sur différentes questions d’Analyse » (1773).
[42]En atteste la correspondance soutenue qu’il entretint les éminents membres de cette société, le mathématicien turinois Joseph Louis de Lagrange et le pasteur huguenot Johann Heinrich Samuel Formey. V. Bibliothèque de l’Institut de France, Ms 476. On ne pourra que saluer le travail considérable de numérisation entrepris par l’Inventaire Condorcet ; le contenu de cette correspondance étant désormais accessible en ligne (URL : https://www.inventaire-condorcet.com/Inventaire/Lieux?ID=27).
[43]American Philosophical Society (Philadelphie), Mss BF 85, inventaire n°9, « Lettre de Condorcet à Benjamin Franklin du 8 juillet 1788 »
[44]CONDORCET, Œuvres, VII, p. 551
[45]Ibid., p. 549
[46]POPELARD (M.), « Voyages et utopie scientifique dans La Nouvelle Atlantide de Bacon » in Études Epistémè. Revue de littérature et de civilisation (XVIe – XVIIIe siècles) [en ligne], n°10, 2006, Science(s) et Littérature(s) II. URL : https://doi.org/10.4000/episteme.951
[47]WAQUET (F.), « Condorcet et les idéaux de la République des lettres » in Mélanges de l’Ecole française de Rome [en ligne], 1996, 108/2, Italie et Méditerranée, p. 555. URL : http://doi.org/10.3406/mefr.1996.4454
[48]Sur le sujet, v. ZEHRFUSS (B.), « L’Institut National des Sciences et des Arts » in Histoire des Cinq Académies [en ligne], 1995, p. 303-311. URL : https://www.cairn.info/histoire-des-cinq-academies–9782262011581-page-303.htm et LECLANT (J.), « Des Académies de l’Ancien Régime à l’Institut National du Directoire » in Mélanges de l’École française de Rome, 1996, 108/2, Italie et Méditerranée, p. 627-641.
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