Les laïcités de Pasquale Paoli, Nicolas de Condorcet et Louis-Joseph Papineau : telle nation, tel rapport à la religion ?

Résumé

Malgré leurs ressemblances initiales, les modèles de laïcité de Pasquale Paoli (1725-1807), de Nicolas de Condorcet (1743-1794) et de Louis-Joseph Papineau (1786-1871) présentent des différences notables, influencées par leurs contextes philosophiques (Lumières françaises, Illuminismo ou Enlightenment) et les trajectoires historiques de leurs sociétés.

Ces modèles illustrent le poids de l’histoire sur les idées, tout en soulignant l’impact des legs philosophiques novateurs. Aujourd’hui, les traductions contemporaines de ces modèles divergent : le modèle québécois (loi 21) tend vers la laïcité française, tandis que la Corse maintient un rapport privilégié avec le culte catholique. Un fond idéologique commun, issu de la conception illuministe des rapports entre État, religions et sociétés, persiste. Mais dans ce creuset universel se distinguent trois modèles spécifiques d’affirmation nationale à travers la question religieuse : le corsicanisme, le gallicanisme et le québecanisme.

Mots clés : Lumières, Corse, Québec, Nation, Laïcité

 

Summary

Despite their initial similarities, the secular models of Pasquale Paoli (1725-1807), Nicolas de Condorcet (1743-1794), and Louis-Joseph Papineau (1786-1871) exhibit notable differences, influenced by their philosophical contexts (French Enlightenment, Illuminismo, or Enlightenment) and the historical trajectories of their societies.

These models illustrate the influence of history on political ideas while highlighting the impact of innovative philosophical legacies. Today, contemporary translations of these models diverge: the Quebec model (Bill 21) leans towards French secularism, while Corsica maintains a privileged relationship with the Catholic church. A common ideological foundation, stemming from the Enlightenment conception of the relationships between State, religions, and societies, persists. However, within this universal crucible, three specific models of national affirmation through the religious question emerge: Corsicanism, Gallicanism, and Quebecanism.

Key words: Enlightenment, Corsica, Quebec, Nation, Laïcité

Résumé

La laïcité est une vieille idée qui, réduite à sa plus simple expression, ne signifie pas autre chose que l’autonomie ou l’indépendance à l’égard de « toutes Églises et confessions »1 « Laïcité », Dictionnaire de l’Académie française, 9ème édition.. Chacun sait aujourd’hui combien cette idée s’est raffinée avec les temps, les espaces et les cultures, pour donner naissance à une prodigieuse diversité d’appréciations. Jean Baubérot, soucieux de démêler les tendances à l’œuvre dans les débats qui entourent la conception de la loi de 1905, n’en distinguent pas moins de quatre, et croit en voir trois autres aujourd’hui2 Jean Baubérot, Les sept laïcités françaises, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2015, p. 9-18.. C’est donc en tout sept modèles de laïcité, concentrés dans le même pays, qui se disputent le droit de définir les contours d’un concept élastique, et il faut encore imaginer les variations infinies qui se déploient dans d’autres pays, sous d’autres latitudes. Ces modèles, on le devine, s’adossent à des conceptions particulières de la vie commune dans lesquelles le rapport à la religion joue un rôle parfois prépondérant. Le cas français l’illustre éloquemment.

Comme le souligne Philippe Raynaud, la laïcité française doit être regardée comme le produit d’une singularité nationale. Il n’y a « pas beaucoup de sens », écrit-il, à clamer que « l’État seul est laïc »3 Philippe Raynaud, La laïcité. Histoire d’une singularité française, Paris, Gallimard, 2019, p. 74. : c’est toute la société qui est imprégnée de la laïcité républicaine, laquelle « ne se limite pas à l’organisation de la coexistence entre les religions mais vise à libérer la société de la contrainte religieuse »4 Ibid., p. 105.. S’il existe bien des modèles concurrents, la laïcité française « officielle » n’échappe donc pas tout-à-fait à nos efforts de définition, et ce malgré ses nombreuses exceptions, en Alsace-Moselle ou en Outre-mer. Il n’empêche : l’État a cherché à gagner son autonomie par rapport à l’Église de Rome, en particulier depuis le conflit originel entre Philippe le Bel et le pape Boniface VIII en 1303. Le gallicanisme souligne déjà le caractère profondément politique de cette lutte rejouée entre le sacerdoce et l’Empire, commencée dès la conversion de Constantin. Le roi de France se veut maître en ce bas-monde ; en d’autres mots, il oppose la souveraineté royale – et bientôt nationale – aux prétentions temporelles du pape5 Lire à ce sujet la thèse de Nicolas Sild, Le Gallicanisme et la construction de l’État (1563-1905), thèse de doctorat en Histoire du droit, sous la direction de Stéphane Rials, Paris II, 2015.. Intégrée et développée par les Lumières, la dimension politique du gallicanisme est exprimée en ces termes, ici par Voltaire : « Tous les gouvernements sentiront que l’Église est dans l’État, et non l’État dans l’Église. Le sacerdoce, à la longue, mis à sa véritable place, fera gloire enfin, comme nous, d’obéir à la magistrature »6 Voltaire, Sermon de Josias Rossette [1768], dans Œuvres complètes de Voltaire, Paris, Garnier, t. 26, 1879, p. 590.. La constitution civile du clergé de 1790, en même temps qu’elle installe un premier régime de séparation, habilite un nouvel opérateur, la « nation », déclarée souveraine dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La laïcité française peut ainsi se concevoir comme un prolongement du gallicanisme, c’est-à-dire de cette opposition historiquement éprouvée du politique aux prétentions temporelles de l’Église à gouverner les corps en plus de commander les âmes.

Composante incontournable de l’ethnie appelée, par sa politisation, à devenir une nation, une culture distincte et partagée inclut presque toujours un certain rapport à la religion7 Anthony D. Smith, The Ethnic Origins of Nations [1986], Gloucester, BasilBlackwell, 2002, p. 26-28.. Or la culture, écrit Alain Touraine, doit être « construite par et pour la nation, débordant les cultures traditionnelles et locales qui résistent aux changements »8 Alain Touraine, Critique de la modernité, Paris, Fayard, 1992, p. 177-178.. Le rapport à la religion est donc ici inséparable d’une histoire et d’une identité nationales. De l’autre côté de la Manche, l’émergence de l’anglicanisme ne dit d’ailleurs pas autre chose. Le culte anglican, en effet, se conçoit d’abord comme un culte national9 L’Église anglicane fut par exemple d’un appui considérable à l’Empire britannique en Australie, où elle parvint à canaliser l’identité australienne dans les frontières de la nation britannique. Voir Brian H. Fletcher, “Anglicanism and Nationalism in Australia, 1901-1902”, Journal of Religious History, 2022, Vol. 23, n° 2, 1999, p. 215-233. Concernant cette influence en Amérique du Nord, lire Peter M. Doll, Revolution, Religion and National Identity: Imperial Anglicanism in British North America, 1745-1795, Madison/Teaneck, Fairleigh Dickinson University Press/London Associated University Presses, 2000, 336 p.. Cujus regio, ejus religio, disait alors l’adage dans le Saint-Empire : « tel prince, telle religion ». En 1688, le roi d’Angleterre et d’Irlande Jacques II, à qui l’on permettait à peine d’être catholique, perdit son pays en voulant que son fils partage la même foi. Un roi protestant, Guillaume d’Orange, le remplace à la fin de la Glorious revolution et devient chef de l’Église anglicane comme tous ses prédécesseurs depuis Henri VIII et les Actes de Suprématie de 153410 Lire à ce sujet l’ouvrage de référence de Bernard Cottret, La Glorieuse Révolution d’Angleterre : 1688, Paris, Gallimard, 2013, 384 p.. Désormais, et c’est la grille d’analyse proposée ici pour la comparaison, cujus natio, ejus religio : « telle nation, telle religion ». À chaque lutte, à chaque affirmation de la souveraineté d’une nation pourrait être attaché un modèle original de rapport à la religion. Une telle hypothèse ne souffrirait sans doute guère l’examen systématique de toutes les formes de nationalisme ou de souverainisme qui s’agitent ou se sont déjà agités dans le monde. Si des cas comme l’Irlande ou le Pakistan offrent des illustrations transparentes, il est par exemple moins évident que le nationalisme padan de la Lega Nord induise un rapport à la religion qui soit différent de celui de l’Italie toute entière, bien que le recours aux arguments religieux ait pu servir à justifier des positions plus conservatrices vis-à-vis du Sud11 Luca Ozzano, “Populism and Religion in the Lega’s Discourse and Policies”, in Karine Tournier-Sol et Marie Gayte (dir.), The Faces of Contemporary Populism in Western Europe and the US. Palgrave Macmillan, Cham, 2021, p. 129-146..

Sans hasarder ici une démonstration téléologique, nous nous proposerons donc de remonter aux sources de trois modèles distincts de laïcité qui semblent aujourd’hui fort similaires, en examinant les rapports à la religion de trois figures attachées à des mouvements nationalistes historiques : Pasquale Paoli, chef de la Corse indépendante (1755-1769), Nicolas de Condorcet, philosophe et révolutionnaire girondin (mort en 1794 pendant la Terreur), et Louis-Joseph Papineau, seigneur, orateur et chef séparatiste du Bas-Canada pendant la révolte des Patriotes (1837-1838). Tous trois représentants des Lumières dans des contextes différents, tous trois enthousiastes des premières heures de la Révolution française, tous trois citoyens de territoires dans lesquels se déploient de jure une laïcité « à la française », mais tous trois concepteurs de rapports originaux vis-à-vis de la religion et en particulier de l’Église catholique. Les nationalismes corse et québécois, qui cherchent a minima une autonomie politique par rapport à l’État unitaire français et l’État fédéral canadien respectivement, peuvent-ils trouver et mobiliser dans leur histoire les traces d’une laïcité proprement nationale ? La proto-laïcité exposée par Condorcet en 1790 emprunte-t-elle les mêmes logiques gallicanes qui peuvent aujourd’hui présider aux résistances françaises à l’intégration européenne12 Thibaut Dauphin, « La souveraineté et l’idée européenne dans les œuvres de Voltaire et de Rousseau », Politique européenne, n°82, 2023/4, p. 86-114. ? Une certaine idée de la nation, pour le poser plus simplement, est-elle toujours associée à une certaine idée des rapports à entretenir avec la religion ? 

Pour répondre à ces questions, nous bornerons l’analyse à un corpus volontairement restreint, compte-tenu de la richesse des trois cas étudiés. De la Corse paolienne, nous retiendrons l’emblématique affaire du juif de l’Île rousse bien sûr, mais également ses rapports complexes avec le clergé local d’une part, et la papauté d’autre part. De Condorcet, nous étudierons principalement un texte riche et caractéristique du modèle laïc français, publié peu avant le vote de la constitution civile du clergé et intitulé « Sur le décret du 13 avril 1790 ». De Papineau enfin, ce sont plusieurs positions et petits textes qui occuperont notre attention, pour mieux cerner le caractère évolutif des rapports entre nation et religion dans la révolte du Bas-Canada face à l’administration coloniale britannique. Ces rapports peuvent s’envisager au travers de deux attitudes : face d’abord aux prétentions temporelles de l’Église catholique de Rome d’une part, ce qui inclut le clergé national, et face aussi aux religions ou à la religion elle-même d’autre part.

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[1] « Laïcité », Dictionnaire de...

« Laïcité », Dictionnaire de l’Académie française, 9ème édition.

[2] Jean Baubérot, Les sept laïcités...

Jean Baubérot, Les sept laïcités françaises, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2015, p. 9-18.

[3] Philippe Raynaud, La laïcité. Histoire...

Philippe Raynaud, La laïcité. Histoire d’une singularité française, Paris, Gallimard, 2019, p. 74.

[4] Ibid., p. 105.

Ibid., p. 105.

[5] Lire à ce sujet la thèse de Nicolas...

Lire à ce sujet la thèse de Nicolas Sild, Le Gallicanisme et la construction de l’État (1563-1905), thèse de doctorat en Histoire du droit, sous la direction de Stéphane Rials, Paris II, 2015.

[6] Voltaire, Sermon de Josias Rossette...

Voltaire, Sermon de Josias Rossette [1768], dans Œuvres complètes de Voltaire, Paris, Garnier, t. 26, 1879, p. 590.

[7] Anthony D. Smith, The Ethnic Origins...

Anthony D. Smith, The Ethnic Origins of Nations [1986], Gloucester, BasilBlackwell, 2002, p. 26-28.

[8] Alain Touraine, Critique de la...

Alain Touraine, Critique de la modernité, Paris, Fayard, 1992, p. 177-178.

[9] L’Église anglicane fut par exemple d’un...

L’Église anglicane fut par exemple d’un appui considérable à l’Empire britannique en Australie, où elle parvint à canaliser l’identité australienne dans les frontières de la nation britannique. Voir Brian H. Fletcher, “Anglicanism and Nationalism in Australia, 1901-1902”, Journal of Religious History, 2022, Vol. 23, n° 2, 1999, p. 215-233. Concernant cette influence en Amérique du Nord, lire Peter M. Doll, Revolution, Religion and National Identity: Imperial Anglicanism in British North America, 1745-1795, Madison/Teaneck, Fairleigh Dickinson University Press/London Associated University Presses, 2000, 336 p.

[10] Lire à ce sujet l’ouvrage de référence...

Lire à ce sujet l’ouvrage de référence de Bernard Cottret, La Glorieuse Révolution d’Angleterre : 1688, Paris, Gallimard, 2013, 384 p.

[11] Luca Ozzano, “Populism and Religion...

Luca Ozzano, “Populism and Religion in the Lega’s Discourse and Policies”, in Karine Tournier-Sol et Marie Gayte (dir.), The Faces of Contemporary Populism in Western Europe and the US. Palgrave Macmillan, Cham, 2021, p. 129-146.

[12] Thibaut Dauphin, « La souveraineté...

Thibaut Dauphin, « La souveraineté et l’idée européenne dans les œuvres de Voltaire et de Rousseau », Politique européenne, n°82, 2023/4, p. 86-114.

I. L’Église contre la nouvelle nation ? « Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures13 La Bible, trad. Segond, Romains, 13-1. »



Dans la plupart des nations occidentales, la modernité a accouché du processus de séparation de l’Église et de l’État, appelé securalism dans la langue de Molière. Loin d’être le seul produit du XVIIIème siècle, ce processus a souvent des racines profondes, qui peuvent varier en fonction des contextes nationaux. C’est ce que Condorcet rappelle en introduction de son texte : « Il a été un temps où l’enthousiasme religieux entrait dans toutes les agitations des peuples, et décidait de presque toutes les grandes révolutions », rappelant qu’on envoyait « l’épée et la toque bénites » aux militaires pour allumer des guerres dans tout le continent14 Nicolas de Condorcet, « Sur le décret du 13 avril 1790 », Journal de la Société, n°2, 12 juin 1790, dans Œuvres complètes de Condorcet, Paris, Didot, 1847, p .95-96..

Mais ce qui fut vrai pour la France ne l’a pas forcément été pour la Corse du XVIIIème siècle. En 1730, lorsque l’Europe couronnée repoussait de plus en plus vivement toutes les prétendues souverainetés papales, les insurgés corses rappelait à Clément XII ses droits légitimes à la souveraineté sur l’île. Le pouvoir du pape était alors jugé plus désirable que celui de Gênes, honni par la population insulaire. À la tête d’une nation indépendante mais en sursis, Pasquale Paoli est placé dans une situation paradoxale. Le haut clergé était acquis à la République de Gênes, qui maintenait ses prétentions sur la Corse. La lutte nationale se muait donc bientôt en lutte contre lui :

Nos évêques, au lieu d’être reconnaissants, au lieu d’agir en pasteurs et en pères, se sont comportés en ennemis. Ils ont déserté leurs diocèses et se sont retirés sur le territoire de nos ennemis. Ils ont prêté de grosses sommes d’argent pour continuer la guerre ; ils ont même manifesté une hostilité terrible par leurs armes spirituelles, et ont obstinément refusé de retourner à leurs troupeaux.15 James Boswell, An Account of Corsica [1768], Oxford/New York, Oxford University Press, 2006, p. 107. Toutes les citations de cet ouvrage sont librement traduites de l’anglais

Contre toute attente, puisque le pape Benoît XIV avait condamné les révolutionnaires corses en 1756, Rome accepte finalement d’envoyer un visiteur apostolique en 1759. Il est vrai que la démarche avait un certain intérêt sur le plan religieux. James Boswell estimait le clergé corse « pas encore très instruit »16 Ibid., p. 108., du fait notamment de l’ignorance organisée par l’occupant génois. Le pape lui-même espérait reprendre le contrôle sur les affaires spirituelles insulaires. Mais pour Paoli, il s’agissait là d’un véritable coup politique. Il y cherchait le sceau de la reconnaissance de la Corse comme unité politique à part entière, aux yeux et à la barbe de Gênes. Il forçait aussi la main du pape, contraint d’agir, faute de quoi des élections et des nominations d’officiels religieux auraient été organisées. Son gouvernement s’était déjà emparé d’un certain nombre de leviers politiques autrefois réservés au clergé, comme la justice ou la dîme17 Pour davantage de détails, voir Pascal Marchetti, « Un visiteur apostolique en Corse au XVIIIème siècle (1760-1770) », conférence donnée à Cervione, 18 juillet 1972, consultable au lien suivant : https://adecec.net/parutions/une-visite-apostolique-en-corse-au-XVIIIme-si%C3%A8cle.html (consulté le 28/08/2024).. L’autorité papale servait à Paoli à abîmer le joug génois, à miner sa légitimité, et à trouver du même coup un protecteur susceptible de refroidir les prétentions françaises et anglaises sur l’île. Lorsque le doge génois mit la tête du visiteur apostolique à prix, Rome déclara l’édit nul et Corte le fit brûler le 7 mai 1760.

Pasquale Paoli a-t-il fait ici aveu d’ultramontanisme, en soutenant les prétentions politiques du pape ? C’est le contraire qui semble vrai. Comme l’écrivait d’ailleurs Boswell, « [Les Corses] sont des ennemis jurés du pouvoir temporel de l’Église »18 Boswell, op. cit., p. 104.. Durant la plus grande partie de sa vie, Paoli cherchera un protecteur puissant qui permette à la Corse de se gouverner elle-même – et seulement à cette condition19 « Quelle que soit la main qui donne la liberté, je la baise avec toute la sincérité de zèle et d’empressement », Pascal Paoli, Lettre à M. de Gentili, traduite et reproduite dans la Gazette nationale ou le Moniteur universel, vendredi 25 décembre 1789, p. 507 ; « Je préfère largement l’association avec les autres provinces françaises à une liberté indépendante. On nous en priverait ou quelqu’un la vendrait ou s’en ferait tyran », Lettre de Pascal Paoli à l’abbé Andrei, janvier 1790, cité par Antoine-Marie Graziani, Pascal Paoli. Père de la patrie corse, Paris, Tallandier, 2002, p. 276.. Peu importe que trois papes aient successivement condamnés les révolutions corses et la tenue des assemblées démocratiques, les consulte. La Diète est souveraine et personne, pas même l’autorité romaine, ne pourrait y mettre de freins.

Au contraire d’une politique ultramontaine, Paoli s’assurera de placer un clergé acquis à la cause nationale aux postes d’importance. Les professeurs de son université compteront une majorité d’ecclésiastiques, et ceux-ci se trouvent d’ailleurs partout dans son entourage, à commencer par l’abbé Salvini, auteur de la Giustificazione20 Don Gregorio Salvini, Justification de la Révolution de Corse, trad. François Piazza, Ajaccio, Alain Piazzola, 2010.. À noter également que le clergé a une voix consultative au sein de la Diète générale, et qu’il est appelé à connaître des questions religieuses, et religieuses uniquement. En somme, Pasquale Paoli développe ici un rapport qui n’est pas fort éloigné du gallicanisme de Bossuet, qui réclamait que « les règles, les mœurs et les constitutions reçues dans le royaume doivent être maintenues et les bornes posées par nos Pères demeurer inébranlables »21 Jacques-Bénigne Bossuet, Déclaration des Quatre Articles, 19 mars 1682, Documents relatifs aux rapports du clergé avec la royauté de 1682 à 1705, Picard, 1893, p. 27-31, Article III.. Il s’agit, comme le résume Ange Rovere, de « contrôler l’Église sans la réformer »22 Ange Rovere, Pascal Paoli. De Lumières et d’ombres, Paris, Classiques Garnier, 2024, p. 151-155.. La Corse s’était donnée pour reine la Vierge Marie, mais n’ambitionnait pas moins de garantir la prééminence du politique sur les affaires publiques. Ce « corsicanisme », s’il est permis de l’appeler ainsi, s’accorde d’ailleurs avec les idées de la révolution française en la matière. Pascal Paoli a applaudi avec enthousiasme la constitution civile du clergé, qu’il accusait en Corse d’avoir encouragé la passivité face au despotisme avec l’appui des Écritures23 Graziani, op. cit., p. 292., et nous retrouvons bien sûr cet esprit chez Condorcet.

Le courant qu’il représente au début de la révolution est celui des Lumières libérales. Fervent disciple de Voltaire, dont il décrit une biographie en 1787, il est aussi le défenseur acharné de la cause des esclaves noirs et du droit des femmes. Dans les rangs des girondins, il fut favorable à la République, mais également à l’abolition de la peine de mort, y compris concernant Louis XVI pour lequel il voulut un procès équitable, car « les rois ne sont que des hommes aux yeux de la raison ; et le temps approche où ils ne seront aussi que des hommes aux yeux de la politique »24 Nicolas de Condorcet, « Opinion de Condorcet sur le jugement de Louis XVI », Archives parlementaires de 1787 à 1860, première série (1787-1799), vingt-neuvième annexe, 3 décembre 1792, p. 146-153.. Condorcet est donc un républicain convaincu, associé à l’émergence de la nation française pendant les évènements révolutionnaires. Ses contributions ont également influencé les débats préparant la loi de 190525 Charles Coutel, « Condorcet et la genèse de la loi de 1905 », Humanisme, n° 332, 2021/3, p. 8-16. ; il se fait l’apôtre d’une séparation entre la religion – chrétienne – et l’État : « le christianisme devint un parti puissant, se mêlant aux querelles des Césars ; il mit Constantin sur le trône et s’y plaça lui-même à côté de ses faibles successeurs »26 Nicolas de Condorcet, Extrait du Tableau historique, Esquisse, Cinquième époque, dans Jean-Pierre Schandeler et Pierre Crépel (dir.), Tableau historique des progrès de l’esprit humain – Projets, Esquisse, Fragments et Notes (1772-1794), Paris, INED, 2004, p. 311.

Dans son commentaire du décret du 13 avril 1790, Condorcet critique le monopole de la religion catholique, en particulier dans les matières civiles. Il pilonne les arguments en faveur d’un culte national qui serait celui de la religion catholique romaine :

Appelez-vous culte national celui dont la nation paye les dépenses ? Mais de quel droit assujettissez-vous les citoyens aux dépenses d’un culte qu’ils rejettent, et les obligez-vous à payer des cérémonies qu’ils regardent ou comme des sacrilèges ou comme des superstitions méprisables ?27 Condorcet, Sur la religion catholique, op. cit., p. 98.

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[13] La Bible, trad. Segond, Romains, 13-1.

La Bible, trad. Segond, Romains, 13-1.

[14] Nicolas de Condorcet, « Sur le décret...

Nicolas de Condorcet, « Sur le décret du 13 avril 1790 », Journal de la Société, n°2, 12 juin 1790, dans Œuvres complètes de Condorcet, Paris, Didot, 1847, p .95-96.

[15] James Boswell, An Account of...

James Boswell, An Account of Corsica [1768], Oxford/New York, Oxford University Press, 2006, p. 107. Toutes les citations de cet ouvrage sont librement traduites de l’anglais

[16] Ibid., p. 108.

Ibid., p. 108.

[17] Pour davantage de détails, voir...

Pour davantage de détails, voir Pascal Marchetti, « Un visiteur apostolique en Corse au XVIIIème siècle (1760-1770) », conférence donnée à Cervione, 18 juillet 1972, consultable au lien suivant : https://adecec.net/parutions/une-visite-apostolique-en-corse-au-XVIIIme-si%C3%A8cle.html (consulté le 28/08/2024).

[18] Boswell, op. cit., p. 104.

Boswell, op. cit., p. 104.

[19] « Quelle que soit la main qui donne...

« Quelle que soit la main qui donne la liberté, je la baise avec toute la sincérité de zèle et d’empressement », Pascal Paoli, Lettre à M. de Gentili, traduite et reproduite dans la Gazette nationale ou le Moniteur universel, vendredi 25 décembre 1789, p. 507 ; « Je préfère largement l’association avec les autres provinces françaises à une liberté indépendante. On nous en priverait ou quelqu’un la vendrait ou s’en ferait tyran », Lettre de Pascal Paoli à l’abbé Andrei, janvier 1790, cité par Antoine-Marie Graziani, Pascal Paoli. Père de la patrie corse, Paris, Tallandier, 2002, p. 276.

[20] Don Gregorio Salvini, Justification...

Don Gregorio Salvini, Justification de la Révolution de Corse, trad. François Piazza, Ajaccio, Alain Piazzola, 2010.

[21] Jacques-Bénigne Bossuet, Déclaration...

Jacques-Bénigne Bossuet, Déclaration des Quatre Articles, 19 mars 1682, Documents relatifs aux rapports du clergé avec la royauté de 1682 à 1705, Picard, 1893, p. 27-31, Article III.

[22] Ange Rovere, Pascal Paoli. De...

Ange Rovere, Pascal Paoli. De Lumières et d’ombres, Paris, Classiques Garnier, 2024, p. 151-155.

[23] Graziani, op. cit., p. 292.

Graziani, op. cit., p. 292.

[24] Nicolas de Condorcet, « Opinion de...

Nicolas de Condorcet, « Opinion de Condorcet sur le jugement de Louis XVI », Archives parlementaires de 1787 à 1860, première série (1787-1799), vingt-neuvième annexe, 3 décembre 1792, p. 146-153.

[25] Charles Coutel, « Condorcet et la...

Charles Coutel, « Condorcet et la genèse de la loi de 1905 », Humanisme, n° 332, 2021/3, p. 8-16.

[26] Nicolas de Condorcet, Extrait du...

Nicolas de Condorcet, Extrait du Tableau historique, Esquisse, Cinquième époque, dans Jean-Pierre Schandeler et Pierre Crépel (dir.), Tableau historique des progrès de l'esprit humain - Projets, Esquisse, Fragments et Notes (1772-1794), Paris, INED, 2004, p. 311

[27] Condorcet, Sur la religion catholique...

Condorcet, Sur la religion catholique, op. cit., p. 98.
La liberté de conscience devient alors le flambeau pour mettre à bas la domination de l’Église catholique et romaine sur la chose publique. Le clergé est accusé de professer seulement ce qui le favorise, et à entretenir un système qui, « au lieu de se perfectionner par le progrès de la raison humaine, tende au contraire à la retarder ou à l’égarer, et qui ait pour objet, non d’éclairer les hommes sur leurs devoirs, mais de les gouverner par les terreurs de la conscience »28 Ibid., p. 103.. S’il n’exclut pas que la République puisse salarier les ministres d’un culte particulier, c’est à la condition que la puissance publique puisse décider de la constitution à donner à ce culte. Il résume ainsi son programme :

Que les actes qui constatent la naissance, le mariage, la mort des citoyens, soient soustraits à une autorité étrangère, et ne reçoivent leur authenticité que d’officiers civils établis par la loi ; que la morale fasse partie d’une éducation publique commune à toutes les classes de citoyens ; que l’on écarte avec soin de cette éducation toute influence sacerdotale ; que les prêtres nous exhortent à remplir nos devoirs, mais ne prétendent plus au droit d’en fixer l’étendue et les limites.29 Ibid., p. 100.

La France n’est plus fille aînée de l’Église, et n’entretient plus un culte national attaché à la souveraineté du pouvoir politique. Cette souveraineté est au contraire déployée dans toute son étendue, et dépasse le spectre des libertés gallicanes. Comme l’avait pressenti Voltaire, « ce mot de libertés suppose l’assujettissement. Des libertés, des privilèges sont des exemptions de la servitude générale »30 Voltaire, Le Siècle de Louis XIV [1751], dans Œuvres complètes, op. cit., t. 14, chap. II, p. 583.. Or l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 est clair : « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». Condorcet a-t-il pour autant rompu avec l’esprit du gallicanisme, qui suppose un lien entre le fait national et le fait religieux ? Là encore, c’est la réponse négative qui s’impose. Comme les deux prochains siècles le démontreront, la République française fera de la non-reconnaissance, de la neutralité et de la liberté de conscience le caractère le plus singulier, et par conséquent le plus national de son modèle de laïcité.

Le vote récent de la loi sur la laïcité au Québec pose plusieurs questions. L’État a-t-il connu des développements similaires à la France pour aboutir à un modèle d’apparence fort semblable ? L’histoire québécoise et même canadienne nous indiquent le contraire. Un bref panorama s’impose ici pour présenter au lectorat européen des faits avec lesquels il est souvent moins familier. Peu après la défaite française de la Guerre de Sept ans et l’invasion du Québec par les forces britanniques, l’Acte de Québec entre en vigueur en 1774 et garantit aux populaires canadiennes-françaises le libre-exercice de la religion catholique et du droit civil. L’Acte constitutionnel de 1791 ne revient pas sur ces acquis, et la province du Bas-Canada, qui concentre l’essentiel des francophones, sera longtemps marquée par l’omniprésence du culte catholique romain dans l’essentiel des couches de la vie sociale. Des « Canadiens » (c’est ainsi qu’on appelait les francophones d’alors), René Dumont dira que « la langue et la religion leur fournissent des références de base semblables »31 Fernand Dumont, Genèse de la société québécoise [1993], Montréal, Boréal, 1996, p. 84.. Au point que l’ultramontanisme, qu’on aurait crû plus faible de l’autre côté de l’Atlantique, passe pour une opinion populaire au sein du clergé francophone. Ce dernier est chargé d’éduquer, d’accompagner, et même parfois de contrôler des communautés autrement désunies et souvent peu instruites. Il est le vecteur de l’identité canadienne-française, et peut à bon droit se présenter comme un agent puissant de la conservation de cette culture, appelée « nationalité » dans les écrits de l’époque.

Dans les années 1830 cependant, le ton change. Les abus répétés de l’administration coloniale britannique excitent le Parti Patriote, majoritaire au Conseil législatif du Bas-Canada, qui se trouve forcé d’adopter des options tantôt séparatistes, annexionnistes ou indépendantistes. Ce mouvement nationaliste donne lieu à la tenue d’assemblées populaires, et une bonne partie de la société québécoise paraît alors gagnée par la fièvre révolutionnaire. La révolte des Patriotes, qui court entre 1837 et 1838, se soldera toutefois par un échec cuisant ou tout ou presque aura manqué.

C’est dans ce contexte qu’intervient Louis-Joseph Papineau, seigneur de la Petite-Nation, chef des Patriotes et orateur au Conseil. Comme Paoli, il a hérité de son père le combat pour la liberté de sa patrie. Comme lui aussi, il est un produit et un acteur des Lumières. Comme lui encore, il est républicain, et rêve même d’un État francophone souverain au sein des États-Unis d’Amérique. Et comme lui enfin, il a entretenu des rapports complexes avec l’Église catholique et un clergé résolument opposés à la révolution.

Comment en effet articuler un mouvement nationaliste capable de soulever les consciences lorsque ces dernières semblent sous le contrôle de prêtres convaincus d’honorer Dieu en obéissant à l’autorité légitime de l’Empire britannique ?  Or même Papineau le reconnaissait en 1848 : « comme politique, je répète que l’accord et l’affection entre notre clergé et nous a été et sera toujours l’un des plus puissants éléments de conservation de notre nationalité »32 Louis-Joseph Papineau, « Discours à l’assemblée du marché Bonsecours », Le Canadien, 21 avril-8 mai 1848, p. 39.. Personnellement agnostique et anticlérical, quoiqu’entouré d’une famille très croyante (à l’exception notable de son fils Amédée), Papineau n’aura de cesse de défendre une séparation de l’Église et de l’État, sachant les risques qu’il prenait dans une opinion très attachée à son clergé. Comme Condorcet, il soutient la position selon laquelle « le despotisme se fortifie à l’appui de la religion d’État ». Il s’oppose ainsi au monopole de la religion catholique ; or « la remise en question de l’exclusivisme religieux a forcément entraîné celle de l’exercice de l’autorité de la force publique, qui lui est intimement liée » 33 La formule est d’Anne-Marie Sicotte, Papineau. Par amour avant tout, Carte Blanche, 2021, p. 159.. Car « l’impérialisme catholique ultramontain »34 Sicotte, op. cit., p. 239. au Bas-Canada n’est pas une menace éloignée comme elle avait pu l’être dans la France de la fin du XVIIIème siècle, ou le parlement de Paris avait inventé le gallicanisme parlementaire35 Sild, op. cit., p. 5-6.. Son pouvoir est considérable, et cherche à saper les racines importées de l’ancienne métropole. Mgr Bourget peut ainsi se féliciter que « l’administration du diocèse de Montréal avait toujours, dès le principe, été dirigée d’après les saines doctrines de l’ultramontanisme, afin d’en extirper le gallicanisme »36 Document comprenant 21 articles, sans doute publié en 1872 et exploité par Philippe Sylvain dans « Libéralisme et ultramontanisme au XIXème siècle. Quelques aspects de l’ultramontanisme canadien-français », RHAF, vol. 25, n° 2, 1971, p. 240.. L’autorité supérieure du pape y est très bienvenue, et le clergé bas-canadien se mêle aisément des affaires publiques – à commencer par l’éducation. Il est devenu une idéologie qui a réponse à toutes les problématiques du temps, au même titre que le marxisme ou le libéralisme37 René Rémond, Religion et société en Europe. La sécularisation aux XIXe et XXe siècles, 1789-2000, Paris, Éditions du Seuil, 1998, p. 119.. Ce n’est rien de moins que « l’indépendance de l’Église par rapport à l’État »38 Jean-François Lanel, « L’Église-nation canadienne-française au siècle des nationalités : regard croisé sur l’ultramontanisme et le nationalisme », Études d’histoire religieuse, vol. 81, n° 1-2, 2015, p. 30.  (et non l’inverse) qui est réclamée, aux fins de réaliser la véritable universalité de la religion catholique (catholicus/katholikos : universel). Paradoxalement cependant, l’ultramontanisme bas-canadien aboutit à créer un espace particulier, au milieu d’une Amérique-du-Nord protestante, et participe à la conservation et à la vitalité de la « nationalité » canadienne-française39 Ibid., p. 35-37..

Papineau jugeait dément le « bigotisme des prêtres, qui voient dans la déclaration de la souveraineté du peuple le renversement du catholicisme »40 Louis-Joseph Papineau, Lettre à Julie, 9 novembre 1835, APQ, Collection Papineau-Bou:rassa, 48 a, publié dans le Rapport de l’ Archiviste de la Province de Québec, (53-55), p. 361., car il considère que leur obéissance au gouvernement protestant signerait la disparition de leur culte :

Ils sont ou fourbes ou inconséquents quand ils ne voient pas que c’est une maxime à laquelle le gouvernement anglais ne renoncera jamais, que celle qu’il doit nous dénationaliser pour nous anglifier, et que pour parvenir à ce but, il n’a pas moins d’ardeur à attaquer le culte que les lois, les mœurs, la langue du pays.41 Idem.

Page 3

[28] Ibid., p. 103.

Ibid., p. 103.

[29] Ibid., p. 100.

Ibid., p. 100.

[30] Voltaire, Le Siècle de Louis XIV...

Voltaire, Le Siècle de Louis XIV [1751], dans Œuvres complètes, op. cit., t. 14, chap. II, p. 583.

[31] Fernand Dumont, Genèse de la...

Fernand Dumont, Genèse de la société québécoise [1993], Montréal, Boréal, 1996, p. 84.

[32] Louis-Joseph Papineau, « Discours...

Louis-Joseph Papineau, « Discours à l’assemblée du marché Bonsecours », Le Canadien, 21 avril-8 mai 1848, p. 39.

[33] La formule est d’Anne-Marie Sicotte...

La formule est d’Anne-Marie Sicotte, Papineau. Par amour avant tout, Carte Blanche, 2021, p. 159.

[34] Sicotte, op. cit., p. 239.

Sicotte, op. cit., p. 239.

[35] Sild, op. cit., p. 5-6.

Sild, op. cit., p. 5-6.

[36] Document comprenant 21 articles...

Document comprenant 21 articles, sans doute publié en 1872 et exploité par Philippe Sylvain dans « Libéralisme et ultramontanisme au XIXème siècle. Quelques aspects de l’ultramontanisme canadien-français », RHAF, vol. 25, n° 2, 1971, p. 240.

[37] René Rémond, Religion et société...

René Rémond, Religion et société en Europe. La sécularisation aux XIXe et XXe siècles, 1789-2000, Paris, Éditions du Seuil, 1998, p. 119.

[38] Jean-François Lanel, « L’Église-nation...

Jean-François Lanel, « L’Église-nation canadienne-française au siècle des nationalités : regard croisé sur l’ultramontanisme et le nationalisme », Études d’histoire religieuse, vol. 81, n° 1-2, 2015, p. 30.

[39] Ibid., p. 35-37.

Ibid., p. 35-37.

[40] Louis-Joseph Papineau, Lettre à...

Louis-Joseph Papineau, Lettre à Julie, 9 novembre 1835, APQ, Collection Papineau-Bou:rassa, 48 a, publié dans le Rapport de l' Archiviste de la Province de Québec, (53-55), p. 361.

[41] Idem.

Idem.
Quoique très respectée par ses concitoyens, Papineau n’aurait jamais pu prétendre mettre fin à l’influence extraordinaire que pouvait avoir le clergé canadien sur les consciences. Révolutionnaire presque malgré lui, sa passion pour la modération ne le portait pas non plus à embrasser les vues radicales prises plus tard par certains membres du Parti rouge. Contraint de composer avec un clergé populaire et opposé à la révolte, c’est en fait toute l’Église qui semblait s’ériger contre l’entreprise nationaliste de Louis-Joseph Papineau, quand Paoli pouvait bénéficier d’un certain soutien de la part d’une bonne partie du clergé corse. Reprenant une partie de l’argumentaire gallican, Papineau a « éprouvé le besoin de redéfinir en termes laïcs la société canadienne-française »42 La formule est de Fernand Ouellet, dans « Papineau », Cahiers de l’Institut d’Histoire, n° 1, Presses Universitaires Laval, 1958, p. 45.. La suprématie législative lui paraissait, comme Paoli et Condorcet, la donnée la plus essentielle d’un régime républicain, et cela incluait le clergé. L’affaire des fabriques, qui rappelle la création de l’Université de Corse par Pascal Paoli, ou le Rapport sur l’instruction publique de Condorcet, est celle d’une lutte patriotique pour que la nation reprenne le contrôle sur les affaires publiques43 Votée en 1839 et remaniée en 1965, la loi sur les fabriques est d’ailleurs toujours en vigueur et constitue une exception à la laïcité québécoise, alors que les associations cultuelles ont remplacé les fabriques en France depuis la loi de 1905 (sauf en Alsace-Moselle).. Papineau brocarde le Clergé qui exclurait peu à peu les laïcs. Les mots de Condorcet s’y retrouvent presque à l’identique :

Ils prétendent former dans l’État, dans la Société civile, au milieu des citoyens tous assujettis aux lois, un ordre privilégié, indépendant et que sur des matières relatives à des intérêts purement temporels, est seul et même exclusivement à la Législature du pays en droit de statuer et d’ordonner comment seraient employés une partie de fruit du travail des Citoyens.44 Louis-Joseph Papineau, Question des fabriques. Du droit des citoyens et des laïcs de participer aux délibérations des curés et des Marguilliers et aux conseils sur les intérêts paroissiaux, Archives de la Province, Collection Papineau-Bourassa, carton III. Cité par Ouellet, ibid.

Au total – et c’est là l’originalité du cas bas-canadien – le rapport à la religion revêt une dimension tout aussi nationalitaire chez les ultramontains que chez les gallicans comme Papineau. Il s’agit de deux options originales, qui prétendent chacune définir exclusivement les termes de la nation québécoise. Même le chef des Patriotes ne le niait pas, et pouvait facilement reconnaître que le « digne évêque et le séminaire de Saint-Sulpice [fort influencé par l’ultramontanisme], président à l’œuvre nationale, dans laquelle nous sommes engagés »45 Louis-Joseph Papineau, Discours à l’assemblée du marché Bonsecours, op. cit., p. 39. C’est nous qui précisons.. Il aura fallu attendre la Révolution tranquille à partir des années 1960 pour que les gallicans reprennent le dessus, et la loi 21 sur la laïcité de 2019 pour que les laïcs triomphent.

*

Les rapports entre l’Église et une nation émergente ou survivante sont souvent cahotants. Les destinées de Paoli, Condorcet et Papineau l’illustrent éloquemment, mais n’épuisent pas la question plus large des relations entre la ou les religions, voire avec le fait religieux lui-même. Le fond idéologique commun au mouvement illuministe fait en général peu de cas du clergé ou du culte dominant, car souvent jugé oppresseur, mais professe presque toujours une tolérance religieuse. Comment cette attitude s’articule-t-elle avec le nationalisme ? Quelle forme prend-t-elle au gré des contextes nationaux ?

II. Corsicanisme, gallicanisme, québecanisme : l’affirmation nationale dans un creuset universel



C’est une chose d’établir une forme plus ou moins stricte de séparation entre un État et une Église à prétention universelle ; c’en est une autre de proclamer la reconnaissance ou la non-reconnaissance de tous les cultes. En adoptant une telle attitude vis-à-vis des religions, et donc en écartant ou en banalisant le culte majoritaire ou national, le mouvement nationaliste ne risque-t-il pas de se couper d’un héritage culturel aisément mobilisable ?

Il est vrai que Pasquale Paoli a eu des démêlés avec le clergé et la papauté, mais la société corse d’alors restait très profondément enracinée dans la chrétienté. Alors que le chant marial Dio Vi Salvi Regina avait été déclaré « hymne national » par les insurgés, le général déclara le 8 décembre, jour de l’Immaculée Conception de la Vierge (souveraine tutélaire de l’île), fête de la nation corse. Le corsicanisme46 Nous employons l’adjectif comme on emploie « gallicane » ou « anglicane ». de Paoli n’a pas abîmé une référence catholique qui semble assez puissamment liée à la nation pour survivre encore aujourd’hui47 Eugène F.-X. Gherardi, « La Vierge, les lycéens, la Corse. La fête « nationale » du 8 décembre », Ethnologie française, Vol. 38, 2008/3, p. 479-188., même sous des formes culturelles assimilables au « nationalisme banal »48 Michael Billig, Banal nationalism, Londres/Los Angeles/New Delhi/Singapour/Washington, Sage, 1995, 208 p.. Or justement, loin des aventures essentialistes menées par quelques groupes politiques, l’attitude du chef de la nation corse faisait preuve, surtout au XVIIIème siècle, d’une remarquable ouverture à la diversité des pratiques religieuses. L’affaire du « juif de l’Île-Rousse » en est bien sûr le témoignage le plus éclatant49 En plus des éléments biographiques exploités dans les ouvrages d’Antoine-Marie Graziani (Pascal Paoli. Père de la patrie corse, Paris, Tallandier, 2002) et de Michel Vergé-Franceschi (Paoli. Un Corse des Lumières, Paris, Fayard, 2005), lire l’analyse donnée par Jean-Guy Talamoni (« Pasquale Paoli et le « juif de l’Île-Rousse » », Robba, 31 mai 2024)..

Chaque province ou cité pouvait envoyer un représentant/mandant à la consulte, consacrée « Diète générale du peuple de Corse » par la Constitution de 1755. L’un de ces territoire, l’Île-Rousse, avait été développé par Pasquale Paoli pour constituer une ville portuaire hors du giron génois50 Graziani, op. cit., p. 174. et accueillait de nombreux commerçants. Or qu’arriva-t-il en 1767 ? C’est Paoli qui raconte :

Ce nouvel établissement, bien que composé en majorité d’étrangers de diverses nations et confessions, a pu envoyer son mandataire à la cunsulta. On a voulu empêcher un juif de voter lors de l’élection ; mais il se fit entendre et obtint gain de cause. La liberté en Corse ne confesse pas et ne consulte pas l’Inquisition51 Lettre du 5 juillet 1767 à Corte. Lettres de Pascal Paoli, publiées par le Docteur Louis-Antoine Perelli, Société des Sciences Historiques et Naturelles de la Corse, Ollagnier, Bastia, 1899, p. 53 sq. La traduction est de Jean-Guy Talamoni, op. cit..

La dernière phrase peut faire figure de slogan. Elle indique non seulement un rapport distancié par rapport à la papauté – nous le savions déjà – mais surtout une inclination pour une tolérance religieuse assumée. Les Ragguali, journal officiel du gouvernement, détaillent en outre la décorrélation entre la nationalité et l’appartenance à la religion catholique :

Tous les étrangers de toutes les nations qui ont ici une résidence fixe y sont considérés comme des nationaux et jouissent de tous les privilèges, et ils ont pour cette raison participé au vote pour l’élection de ce représentant. Un juif, qui s’était établi ici depuis quelque temps, a demandé lui aussi à être admis à donner son vote, et l’affaire ayant été débattue il a été décidé que lui aussi devait jouir des privilèges des nationaux.52 Ragguagli dell’Isola di Corsica, 1760-1768, Edition critique établie par Antoine-Marie Graziani et Carlo Bitossi, Ed. Alain Piazzola, Ajaccio, 2010, année 1767, p. 654 sq. Traduction d’A.-M. Graziani.

Deux types d’explication peuvent être avancés, sans d’ailleurs s’exclure mutuellement. L’une, politique, tient au « projet pleinement républicain qui est celui de Pasquale Paoli »53 Talamoni, op. cit., rétif à toute discrimination entre les citoyens membres du commun. Paoli jure par Cicéron et les libertés anglaises, et ne saurait imaginer une société monoconfessionnelle. Ce sont les idées, les positions politiques et philosophiques du chef de la nation corse qui auraient motivé une telle ouverture. L’autre explication, anthropologique, serait un produit de l’insularité et même de l’iléité54 Abraham A. Moles, « Nissonologie ou sciences des îles », L’espace géographique, t. 11, n° 4, 1982, p. 281-289., et c’est « au cœur du particulier, plus exactement du singulier, que l’universel se révèle et prend toute sa signification »55 Ange-Laurent Bindi (dir.), La Corse – Autour, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 14.. C’est pour Eugène Gherardi un « trait identitaire commun aux populations insulaires » qui génère « la conscience d’appartenir à un groupe auquel chacun des membres s’identifie », dans un « refus des identités prescrites » et notamment des identités religieuses56 Gherardi, op. cit., p. 485.. L’iléité pourrait ainsi induire un rapport plus ouvert à la nationalité, où le partage d’un destin commun sur un même territoire dispenserait ses habitants d’une identité religieuse conforme au culte national.

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[42] La formule est de Fernand Ouellet...

La formule est de Fernand Ouellet, dans « Papineau », Cahiers de l’Institut d’Histoire, n° 1, Presses Universitaires Laval, 1958, p. 45.

[43] Votée en 1839 et remaniée en 1965...

Votée en 1839 et remaniée en 1965, la loi sur les fabriques est d’ailleurs toujours en vigueur et constitue une exception à la laïcité québécoise, alors que les associations cultuelles ont remplacé les fabriques en France depuis la loi de 1905 (sauf en Alsace-Moselle).

[44] Louis-Joseph Papineau, Question...

Louis-Joseph Papineau, Question des fabriques. Du droit des citoyens et des laïcs de participer aux délibérations des curés et des Marguilliers et aux conseils sur les intérêts paroissiaux, Archives de la Province, Collection Papineau-Bourassa, carton III. Cité par Ouellet, ibid.

[45] Louis-Joseph Papineau, Discours...

Louis-Joseph Papineau, Discours à l’assemblée du marché Bonsecours, op. cit., p. 39. C’est nous qui précisons.

[46] Nous employons l’adjectif comme on...

Nous employons l’adjectif comme on emploie « gallicane » ou « anglicane ».

[47] Eugène F.-X. Gherardi, « La Vierge...

Eugène F.-X. Gherardi, « La Vierge, les lycéens, la Corse. La fête "nationale" du 8 décembre », Ethnologie française, Vol. 38, 2008/3, p. 479-188.

[48] Michael Billig, Banal nationalism...

Michael Billig, Banal nationalism, Londres/Los Angeles/New Delhi/Singapour/Washington, Sage, 1995, 208 p.

[49] En plus des éléments biographiques...

En plus des éléments biographiques exploités dans les ouvrages d’Antoine-Marie Graziani (Pascal Paoli. Père de la patrie corse, Paris, Tallandier, 2002) et de Michel Vergé-Franceschi (Paoli. Un Corse des Lumières, Paris, Fayard, 2005), lire l’analyse donnée par Jean-Guy Talamoni (« Pasquale Paoli et le "juif de l’Île-Rousse" », Robba, 31 mai 2024).

[50] Graziani, op. cit., p. 174.

Graziani, op. cit., p. 174.

[51] Lettre du 5 juillet 1767 à Corte...

Lettre du 5 juillet 1767 à Corte. Lettres de Pascal Paoli, publiées par le Docteur Louis-Antoine Perelli, Société des Sciences Historiques et Naturelles de la Corse, Ollagnier, Bastia, 1899, p. 53 sq. La traduction est de Jean-Guy Talamoni, op. cit.

[52] Ragguagli dell’Isola di Corsica...

Ragguagli dell’Isola di Corsica, 1760-1768, Edition critique établie par Antoine-Marie Graziani et Carlo Bitossi, Ed. Alain Piazzola, Ajaccio, 2010, année 1767, p. 654 sq. Traduction d’A.-M. Graziani.

[53] Talamoni, op. cit.

Talamoni, op. cit.

[54] Abraham A. Moles, « Nissonologie...

Abraham A. Moles, « Nissonologie ou sciences des îles », L’espace géographique, t. 11, n° 4, 1982, p. 281-289.

[55] Ange-Laurent Bindi (dir.), La...

Ange-Laurent Bindi (dir.), La Corse - Autour, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 14.

[56] Gherardi, op. cit., p. 485.

Gherardi, op. cit., p. 485.
En tous les cas, le modèle de laïcité de Pasquale Paoli fait écho à ce que Jean Baubérot appelle la laïcité concordataire57 Jean Baubérot, Les sept laïcités françaises, Paris, Éditions de la maison des sciences de l’homme, 2015, p. 99-109.. Elle fait référence au Concordat napoléonien, toujours en vigueur en Alsace-Moselle. Le Concordat de 1801-1802 stipule à la fois l’attachement particulier de la France avec l’Église catholique romaine, mais aussi plusieurs cultes, et notamment le protestantisme et le judaïsme à qui il accorde une protection. Or Pasquale Paoli a installé de facto un régime assez similaire, où il propose à des juifs désireux de s’installer sur l’île « un statut de citoyenneté et les privilèges pour se gouverner avec leurs propres lois » 58 Pascal Paoli, Correspondance, Édition critique établie par Antoine-Marie Graziani et Carlo Bitossi, Alain Piazzola, 2010, vol. IV, p. 58 et suivantes.. La Corse paolienne, tout comme la France napoléonienne qui lui emprunte souvent, peuvent ainsi être réunies dans ce modèle concordataire qui s’applique d’ailleurs dans des territoires insulaires français comme la Polynésie française, Saint-Pierre et-Miquelon, Wallis et Futuna, Mayotte, la Guyane et les Terres australes et antarctiques59 Jean Baubérot & Jean-Marc Régnault (dir.), Relations Églises et autorités outre-mer. De 1945 à nos jours, Paris, Les Indes savantes, 2007.. Au milieu du XVIIIème siècle, le nationalisme corse s’exprime ainsi, non par une appartenance à la religion catholique (qui reste une matrice culturelle majoritaire), mais bien avec une attitude originale – nationale – à l’égard de toutes les religions. Ce rapport différencié par rapport au continent a par exemple pu s’exprimer en 2017 à travers un questionnaire conçu par des chercheurs de l’Université de Corse, et destiné à des écoliers et lycéens, à qui il aurait été demandé leur appartenance religieuse aux fins de procéder à « un état des lieux », d’après les mots de Jean-Guy Talamoni, alors Président de l’Assemblée de Corse au sein de l’union nationaliste Pè a Corsica60 Jean-Guy Talamoni, « Précisions sur le projet de questionnaire sur la gestion de la diversité culturelle », Communiqué de Presse de l’Assemblée de Corse, 19 mars 2017.. Il précise dans une lettre au président de l’Université que « la société corse est culturellement hétérogène et l’objectif assigné consiste à élaborer un modèle de gestion de cette diversité », en mentionnant des « échanges d’expérience »61 Jean-Guy Talamoni, Lettre au président de l’Université de Corse Paul-Marie Romani, 10 février 2017. avec le Québec et son modèle interculturel, dont nous parlerons plus après. De nombreux exemples existent pour souligner ces différences entre la Corse et le continent. En somme, la conclusion tirée de la première partie de ce travail est la même ici : le nationalisme corse, depuis Pasquale Paoli jusqu’à aujourd’hui, induit un rapport particulier avec les religions, comme l’écrit encore Eugène Gherardi :

Le nationalisme corse ne s’est pas inscrit en faux contre cette présence de la religion dans la vie publique. Au contraire, dès sa résurgence contemporaine, il a étroitement associé la religion à ses grandes manifestations publiques.62 Eugène F.-X. Gherardi, « La Vierge, les lycéens, la Corse. La fête « nationale » du 8 décembre », Ethnologie française, Vol. 38, 2008/3, p. 483.

Communiant avec Paoli dans les premières années de la Révolution française, Condorcet aurait-il approuvé un tel modèle ? Pas question pour lui d’établir un culte unique, car alors,

[…] parmi les religions qui existent, toutes, hors une seule, sont nécessairement fondées sur l’erreur ; […] alors vous blessez les droits de la conscience dans ceux qui ne croient pas tous les cultes indifférents, […] vous établissez entre les citoyens une inégalité contraire à la justice. Vous établissez des distinctions entre les citoyens, vous jetez entre eux des semences de discorde.63 Condorcet, Sur le décret du 13 avril 1790, op. cit., p. 98.  

La diversité religieuse est donc encouragée au nom de la liberté de conscience et non plus de la tolérance, qui suppose un conflit préexistant ou potentiel, et une liberté qui est « accordée » au lieu d’être un droit naturel qui serait le partage de l’humanité. C’est même, écrit Condorcet, le secret de la paix religieuse qui a tant fait défaut à l’Europe et en particulier à la France, parce que « le système absurde des religions nationales ou exclusives y régnait universellement »64 Ibid., p. 99.. Il fait l’éloge des jeunes États-Unis d’Amérique, où « tout citoyen peut suivre la voix de sa conscience dans le choix d’une religion, et contribue sans contrainte aux dépenses du culte de celle qu’il a choisie » 65 Idem., à l’image de la formule voltairienne selon laquelle « un Anglais, comme homme libre, va au Ciel par le chemin qui lui plaît »66 Voltaire, « Sur la religion anglicane », Lettres philosophiques [1734], Lettre V, Paris, Flammarion, 1964, p. 42.. Il ne fait donc guère de doute que Condorcet aurait accueilli très favorablement l’attitude de Paoli à l’égard des commerçants juifs comme à l’égard de tous les citoyens de quelque religion que ce soit.

Il exclut toutefois tout rapport exclusif avec l’Église catholique, même dans le cas où elle ne devait être que la religion de la majorité au lieu d’être un culte exclusif. Condorcet semble vouloir rompre explicitement avec le gallicanisme en lui opposant l’universalisme républicain, en rappelant qu’en « Angleterre comme en France, on a soutenu dans le même temps, et par les mêmes arguments, l’utilité d’une religion nationale plus ou moins exclusive »67 Condorcet, op. cit., p. 100-101.. Au contraire, les fondamentaux du gallicanisme paraissent bien conservés. Il développe d’abord le crédo selon lequel « les religions ne doivent pas former “un corps dans l’État” », faisant écho à la célèbre tirade de Clermont-Tonnerre en 1789 : « Il faut refuser tout aux Juifs comme nation, et accorder tout aux Juifs comme individus ; […] il faut qu’ils ne fassent dans l’État ni un corps politique, ni un ordre ; il faut qu’ils soient individuellement citoyens »68 Stanislas, comte de Clermont-Tonnerre, Extrait du discours à l’Assemblée nationale, séance du mercredi 23 décembre 1789, dans Recueil des opinions de Stanislas de Clermont-Tonnerre, Paris, Migneret, t. II, 1791, p. 220-231. On sait aujourd’hui que les Juifs ne furent admis comme citoyens que collectivement et non individuellement.. Il ouvre également la porte à ce que la République salarie des ministres du culte, auquel cas la nation aurait un droit de regard et serait dans l’obligation de leur donner une constitution libre « qui les rende utiles, qui les empêche de nuire »69 Condorcet, op. cit., p. 103..

Au nom de l’universalisme, Condorcet consacre pourtant ici la recette gallicane qui sera celle, plus tard, d’Émile Combes et des tenants d’une « laïcité gallicane » inscrite dans l’éthos national français. Comme l’écrit Jean Baubérot : « représentatif d’une politique religieuse séculaire, le gallicanisme reste ancré dans la mentalité française et une laïcité gallicane implicite imprègne de nombreux laïques »70 Baubérot, op. cit., p. 33-34., en prônant notamment « droit d’intervention, de surveillance de l’État ; protection des cultes reconnus (leur clergé est salarié par l’État, les “atteintes” portées contre eux peuvent entraîner des mesures d’interdiction) ; idée que le catholicisme doit être une religion “éclairée” à “la française”»71 Ibid., p. 31.. Les exceptions faites au catholicisme français, depuis les fêtes religieuses jusqu’au président de la République affublé du titre de chanoine de Latran, témoignent de cet héritage culturel considérable. Fortement imprégnée du déisme, de l’irreligion ou de la libre-pensée, la laïcité française « de combat » cache pourtant maladroitement ses penchants gallicans, convaincue que toutes les religions (et en particulier l’Islam) ont vocation à s’intégrer à la société française dans les mêmes termes que le catholicisme72 C’est ce qui explique, selon Philippe Raynaud, le « nouveau problème théologico-politique » lié à l’apparition de l’Islam en France. Voir Raynaud, op. cit., p. 112-117., sous le regard sévère et bienveillant de la République, qui multiplie des lois d’exception sous les aimables auspices de l’universalisme, sans jamais oser prononcer le mot de reconnaissance.

La position de Condorcet est au carrefour de la transition entre un gallicanisme d’Ancien Régime et une laïcité gallicane adaptée aux idées nouvelles. Anticipant de nombreux principes à l’origine de la loi de 1905, il annonce aussi les difficultés inhérentes au compromis postchrétien, c’est-à-dire à une laïcité arcboutée malgré elle sur la référence chrétienne. C’est ainsi que Michel Onfray peut se dire « athée chrétien »73 Michel Onfray, « Je suis un athée chrétien », France culture, « Le Monde selon Michel Onfray », 21 mai 2016., et que Nicolas Sarkozy espère faciliter l’intégration de l’Islam à la société français en créant, sous l’égide du ministère de l’Intérieur, un Conseil français du Culte Musulman sur le modèle clérical du judaïsme et du christianisme, pour notamment contrôler la formation des imams.  « Cette épée de Damoclès, écrit encore Jean Baubérot, permet à la puissance publique de ne pas être neutre, de favoriser les formes religieuses qu’elle considère comme « éclairées », de lutter contre celles qu’elle trouve obscurantistes ou passéistes »74 Baubérot, op. cit., p. 29-30..

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[57] Jean Baubérot, Les sept laïcités...

Jean Baubérot, Les sept laïcités françaises, Paris, Éditions de la maison des sciences de l’homme, 2015, p. 99-109.

[58] Pascal Paoli, Correspondance...

Pascal Paoli, Correspondance, Édition critique établie par Antoine-Marie Graziani et Carlo Bitossi, Alain Piazzola, 2010, vol. IV, p. 58 et suivantes.

[59] Jean Baubérot & Jean-Marc...

Jean Baubérot & Jean-Marc Régnault (dir.), Relations Églises et autorités outre-mer. De 1945 à nos jours, Paris, Les Indes savantes, 2007.

[60] Jean-Guy Talamoni, « Précisions...

Jean-Guy Talamoni, « Précisions sur le projet de questionnaire sur la gestion de la diversité culturelle », Communiqué de Presse de l’Assemblée de Corse, 19 mars 2017.

[61] Jean-Guy Talamoni, Lettre au...

Jean-Guy Talamoni, Lettre au président de l’Université de Corse Paul-Marie Romani, 10 février 2017.

[62] Eugène F.-X. Gherardi, « La....

Eugène F.-X. Gherardi, « La Vierge, les lycéens, la Corse. La fête "nationale" du 8 décembre », Ethnologie française, Vol. 38, 2008/3, p. 483.

[63] Condorcet, Sur le décret du 13...

Condorcet, Sur le décret du 13 avril 1790, op. cit., p. 98.

[64] Ibid., p. 99.

Ibid., p. 99.

[65] Idem.

Idem.

[66] Voltaire, « Sur la religion anglicane...

Voltaire, « Sur la religion anglicane », Lettres philosophiques [1734], Lettre V, Paris, Flammarion, 1964, p. 42.

[67] Condorcet, op. cit., p. 100-101.

Condorcet, op. cit., p. 100-101.

[68] Stanislas, comte de Clermont...

Stanislas, comte de Clermont-Tonnerre, Extrait du discours à l'Assemblée nationale, séance du mercredi 23 décembre 1789, dans Recueil des opinions de Stanislas de Clermont-Tonnerre, Paris, Migneret, t. II, 1791, p. 220-231. On sait aujourd’hui que les Juifs ne furent admis comme citoyens que collectivement et non individuellement.

[69] Condorcet, op. cit., p. 103.

Condorcet, op. cit., p. 103.

[70] Baubérot, op. cit., p. 33-34.

Baubérot, op. cit., p. 33-34.

[71] Ibid., p. 31.

Ibid., p. 31.

[72] C’est ce qui explique, selon...

C’est ce qui explique, selon Philippe Raynaud, le « nouveau problème théologico-politique » lié à l’apparition de l’Islam en France. Voir Raynaud, op. cit., p. 112-117.

[73] Michel Onfray, « Je suis un...

Michel Onfray, « Je suis un athée chrétien », France culture, « Le Monde selon Michel Onfray », 21 mai 2016.

[74] Baubérot, op. cit., p. 29-30.

Baubérot, op. cit., p. 29-30.
Louis-Joseph Papineau, lui non plus, n’aurait pas désavoué la position républicaine de Pasquale Paoli. S’il a été décidé qu’un juif « devait jouir des privilèges des nationaux » en Corse, Papineau demande « pour les protestants ce dont nous jouissons nous-mêmes »75 Louis-Joseph Papineau, « PPBC. Composition des Conseils », 16 janvier 1832, La Minerve, 2 février 1832, cité dans Yvan Lamonde, Un demi-siècle de combats, op. cit., p. 53.. Il était aussi orateur (c’est-à-dire président) de l’Assemblée législative lorsque fut votée à l’unanimité la loi du 5 juin 1832 qui conférait l’égalité politique et la pleine liberté religieuse aux Juifs du Bas-Canada76 Yvan Lamonde et Jonathan Livernois, Papineau. Erreur sur la personne, Montréal, Boréal, 2012, p. 50.. Marqueur de l’identité canadienne-française, le catholicisme ne saurait, de l’avis du chef des Patriotes, triompher aux dépens des autres cultes. S’il critique l’administration coloniale britannique dont les nominations clefs sont « toujours choisies dans la minorité » (anglophone protestante au Bas-Canada), Papineau soutient que « la tolérance religieuse règne en théorie en Canada, mais on n’en trouve guère dans l’acte constitutionnel »77 Louis-Joseph Papineau, « PPBC. Composition des Conseils », op. cit.. Cette ouverture exclut donc bien sûr tout culte national exclusif, et c’est l’argument de la paix civile, comme chez Condorcet, qui justifie le traitement indistinct des cultes :

Où une Église seule règnera, elle sera mal édifiante, elle élèvera des buchers pour les hérésies, les schismes et les sorciers. […] Quand le droit à la libre pensée et à la libre expression de la pensée, religieuse, politique et scientifique, est aussi généralement proclamé qu’il l’est par les lois, les mœurs et les pratiques des jours actuels, il ne peut plus être perdu.78 Louis-Joseph Papineau, Discours devant les membres de l’Institut Canadien, 17 décembre 1867, dans Un demi-siècle de combats, op. cit., p. 410-411.

Le sujet politique qui intéresse Papineau, tout comme Pasquale Paoli, n’est pas le membre servile de quelque congrégation exclusive à la nation ; c’est le citoyen pris pour lui-même, qui n’obéit qu’aux lois qu’il a faites lui-même : « Concitoyens ! Confrères d’une affliction commune ! vous tous, de quelqu’origine, langue ou religion que vous soyez, à qui des lois égales et les droits de l’homme sont chers »79 Louis-Joseph Papineau, « Adresse à la Confédération des Six Comtés, au peuple du Canada », 24 octobre 1837, dans Louis-Joseph Papineau, Un demi-siècle de combats. Interventions publiques, textes établis par Yvan Lamonde et Claude Larin, Montréal, Fides, 1998, édition numérique, p. 294.. Le contexte est bien sûr important. Papineau n’écrit pas au milieu du XVIIIème siècle, mais du XIXème siècle. Bien qu’il soit un enfant de la Révolution française et qu’il partage avec Paoli une affection particulière pour les « libertés anglaises », ce sont les États-Unis qui, en Amérique, font figure de modèle d’une république bien comprise. Visionnaire, il prédit que l’Amérique-du-Nord sera bientôt

[…] composée d’immigrants venant de tous les pays du monde, non plus seulement de l’Europe, mais bientôt l’Asie, dont le trop plein cinq fois plus nombreux n’a plus d’autre déversoir que l’Amérique ; composée, dis-je, de toutes les races d’homme qui, avec leurs mille croyances religieuses, grand pêle-mêle d’erreurs et de vérités sont toutes poussées par la Providence à ce commun rendez-vous pour fondre en unité et fraternité toute la famille humaine.80 Louis-Joseph Papineau, Discours devant les membres de l’Institut Canadien, 17 décembre 1867, op. cit., p. 418.

On retrouve là l’universalisme de Condorcet comme celui des États-Unis d’Amérique, devenus en quelques décennies le port mondial de celles et ceux qui cherchaient une nouvelle vie dans le Nouveau monde.

Pourtant, Papineau ne parvient pas entièrement détacher la religion de son discours nationaliste. Les idées de Félicité de La Mennais plaidaient autour de la décennie 1830 pour un catholicisme social favorable à la séparation de l’Église et de l’État et la liberté de conscience et de religion. Contre le discours papal opposé aux révoltes qui éclatent en Europe, le prêtre La Mennais défend la cause populaire et s’attire la sympathie de Papineau81 Ouellet, op. cit., p. 103.. La chose peut paraître étonnante tant l’homme est gagné par la philosophie des Lumières, et par celle de Voltaire en particulier. Comme l’écrit Roger Le Moine, Papineau « avait rejeté les religions comme autant de foyers d’intolérance et de superstition. Marqué comme il l’avait été par les écrivains des Lumières, il n’aurait pu réclamer les secours de la religion sans voir se dérouler devant lui toute l’histoire de l’Inquisition »82 Roger Le Moine, « Un seigneur éclairé, Louis-Joseph Papineau », Revue d’histoire de l’Amérique française, Vol. 25, n° 3, décembre 1971, p. 328.. Pourtant, écrit cette fois Ouellet, « pour des motifs nationalistes et, souvent politiques, Papineau a été, en même temps, un des plus ferme défenseurs du clergé canadien-français. Il croyait au rôle social de la religion »83 Ouellet, op. cit., p. 103., ce qu’atteste sa critique du catholicisme allié au despotisme monarchique, vite désamorcée par cette formule éloquente : « mais des institutions républicaines en font l’ami et le consolateur des peuples »84 Louis-Joseph Papineau, Lettre à Julie, 29 avril 1839, APQ, P-B : 57a, Rapport de l’Archiviste de la Province de Québec, (53-55), p. 418..

Que dire alors du modèle contemporain de laïcité québécoise ? Après la Révolution tranquille, l’Église catholique perd une bonne partie de son influence et de sa capacité à modeler la société québécoise. La loi sur la laïcité de 2019 va plus loin, en neutralisant cette fois l’espace public, motivée, comme en France, par la survenue de plusieurs manifestations religieuses fortement médiatisées entre 2001 et 2007. Cette même année, la Commission Bouchard-Taylor est constituée par le premier ministre Jean Charest comme une réponse à la polémique des accommodements raisonnables.
L’interculturalisme, « le modèle qui a été promu au Québec depuis quelques décennie »85 Accommodements et différences. Vers un terrain d’entente : la parole aux citoyens, Documents de consultation, 2007, p. 21. est opposé au multiculturalisme canadien et à la laïcité française plus offensive issue de la Commission Stasi (1998-2004)86 Jorge Frozini, « Chapitre 2 : L’interculturalisme et la Commission Bouchard-Taylor », L’interculturel au Québec, Montréal, Presses Universitaires de Montréal, 2014, p. 45-62 ; Fonder l’avenir. Le temps de la conciliation, Rapport de la Commission Bouchard-Taylor, 2008, p. 19-20.. On y décrit ainsi l’option québécoise :

Les immigrants et les membres des groupes minoritaires, s’ils le souhaitent, préservent l’essentiel ou une partie substantielle de leur culture, mais en la conjuguant avec des éléments de la culture majoritaire. […] Au gré de ces processus, la culture québécoise demeure une francophonie, largement nourrie de la tradition canadienne-française. Mais la différence culturelle survit au gré d’une dynamique d’interaction respectueuse de l’Autre.87 Accommodements et différences. Vers un terrain d’entente : la parole aux citoyens, op. cit., p. 21.

Comment ne pas penser à Papineau, prophète du « commun rendez-vous pour fondre en unité et fraternité toute la famille humaine » en Amérique-du-Nord qui assurait, en parlant des immigrants, que 

Quiconque vient pour partager notre sort, et comme un égal, est un ami qui sera bien venu, n’importe quel est le lieu de sa naissance ; quiconque vient arrogamment décider à son gré de notre sort et nos intérêts, et avec des prétentions affichées de supériorité, est un ennemi qui sera mal venu n’importe quel est le lieu de sa naissance.88 Louis-Joseph Papineau, « Discours de l’honorable Louis-Joseph Papineau à l’assemblée de Montréal tenue à St-Laurent », 15 mai 1837, dans Un demi-siècle de combats, op. cit., p. 430-431.

Le respect mutuel entre la culture majoritaire et les autres cultures est donc essentiel chez le chef des Patriotes, comme semblèrent le penser les députés peu après la publication du rapport de la Commission Bouchard-Taylor. L’une des propositions concernait en effet le retrait du crucifix présent à l’Assemblée nationale, mais la motion réclamant son maintien obtint l’unanimité des députés. Le rapport différencié avec les signes visibles de telle ou telle religion a bien sûr des racines culturelles et nationalitaires :

Les Québécois ont tendance à s’inquiéter des symboles visibles qui peuvent être considérés comme religieux et qui ne font pas partie de leur histoire. Un récent sondage montre qu’il existe des différences significatives entre les opinions des Québécois et des autres Canadiens en ce qui concerne les restrictions sur les symboles religieux des minorités […] Tant que ces perceptions différentes existeront, les réponses du Québec à la diversité seront probablement en désaccord avec l’État-nation dans son ensemble.89 Daniel Béland, André Lecours et Peggy Shmeiser, « Nationalism, Secularism, and Ethno-Cultural Diversity in Quebec », Journal of Canadian Studies, vol. 55, n° 1, 2021, p. 194.

La loi sur la laïcité de 2019 est donc interprétée comme une réponse au multiculturalisme canadien, qui voudrait « réduire au rang de minorité ethnique la nation québécoise », écrit Christian Houle, car « le peuple québécois a posé un geste important d’affirmation nationale en choisissant de définir lui-même la nature de l’État du Québec » 90 Christian Houle, « Législation : de la laïcité au Canada », Le Devoir, 11 juillet 2019.. Défendre les droits de la majorité culturelle et défendre la souveraineté nationale, à travers le choix d’un rapport particulier à la religion : une nouvelle fois, la définition d’un modèle de laïcité se conjugue avec le nationalisme, dans un québecanisme qui s’origine certes dans le gallicanisme et dans les exemples français et américain, mais aussi et surtout dans l’autodétermination politique et religieuse québécoise à travers toute son histoire.


Mots clés : Lumières, Corse, Québec, Nation, Laïcité

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[75] Louis-Joseph Papineau, « PPBC...

Louis-Joseph Papineau, « PPBC. Composition des Conseils », 16 janvier 1832, La Minerve, 2 février 1832, cité dans Yvan Lamonde, Un demi-siècle de combats, op. cit., p. 53.

[76] Yvan Lamonde et Jonathan...

Yvan Lamonde et Jonathan Livernois, Papineau. Erreur sur la personne, Montréal, Boréal, 2012, p. 50.

[77] Louis-Joseph Papineau, « PPBC...

Louis-Joseph Papineau, « PPBC. Composition des Conseils », op. cit.

[78] Louis-Joseph Papineau, Discours...

Louis-Joseph Papineau, Discours devant les membres de l’Institut Canadien, 17 décembre 1867, dans Un demi-siècle de combats, op. cit., p. 410-411.

[79] Louis-Joseph Papineau, « Adresse...

Louis-Joseph Papineau, « Adresse à la Confédération des Six Comtés, au peuple du Canada », 24 octobre 1837, dans Louis-Joseph Papineau, Un demi-siècle de combats. Interventions publiques, textes établis par Yvan Lamonde et Claude Larin, Montréal, Fides, 1998, édition numérique, p. 294.

[80] Louis-Joseph Papineau, Discours...

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.

[81] Ouellet, op. cit., p. 103.

Ouellet, op. cit., p. 103.

[82] Roger Le Moine, « Un seigneur éclairé...

Roger Le Moine, « Un seigneur éclairé, Louis-Joseph Papineau », Revue d’histoire de l’Amérique française, Vol. 25, n° 3, décembre 1971, p. 328.

[83] Ouellet, op. cit., p. 103.

Ouellet, op. cit., p. 103.

[84] Louis-Joseph Papineau, Lettre...

Louis-Joseph Papineau, Lettre à Julie, 29 avril 1839, APQ, P-B : 57a, Rapport de l’Archiviste de la Province de Québec, (53-55), p. 418.

[85] Accommodements et différences...

Accommodements et différences. Vers un terrain d’entente : la parole aux citoyens, Documents de consultation, 2007, p. 21.

[86] Jorge Frozini, « Chapitre 2 :...

Jorge Frozini, « Chapitre 2 : L’interculturalisme et la Commission Bouchard-Taylor », L’interculturel au Québec, Montréal, Presses Universitaires de Montréal, 2014, p. 45-62 ; Fonder l’avenir. Le temps de la conciliation, Rapport de la Commission Bouchard-Taylor, 2008, p. 19-20.

[87] Accommodements et différences...

Accommodements et différences. Vers un terrain d’entente : la parole aux citoyens, op. cit., p. 21.

[88] Louis-Joseph Papineau, « Discours...

Louis-Joseph Papineau, « Discours de l’honorable Louis-Joseph Papineau à l’assemblée de Montréal tenue à St-Laurent », 15 mai 1837, dans Un demi-siècle de combats, op. cit., p. 430-431.

[89] Daniel Béland, André Lecours et...

Daniel Béland, André Lecours et Peggy Shmeiser, "Nationalism, Secularism, and Ethno-Cultural Diversity in Quebec", Journal of Canadian Studies, vol. 55, n° 1, 2021, p. 194.

[90] Christian Houle, « Législation : de...

Christian Houle, « Législation : de la laïcité au Canada », Le Devoir, 11 juillet 2019.
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