Résumé : Le droit au bonheur, idée née en Corse au XVIIIe siècle, a connu une considérable postérité, des États-Unis au Bhoutan, en passant par de nombreux pays dont la France. Ce droit a généré une intéressante jurisprudence, tout particulièrement aux États-Unis, et de nombreux chercheurs se sont penchés sur le sujet. Pourtant, un certain nombre de questions demeurent ouvertes : celle de sa nature réelle – le bonheur en question est-il privé ou public ? –, celle de sa portée juridique – quelle justiciabilité peut-on envisager ? –, celle de son contenu possible…
Parmi les pistes faisant l’objet des plus grandes attentions, on s’attachera notamment ici à une hypothèse, séduisante à maints égards : le droit au bonheur ne serait-il pas au fondement de l’ensemble des droits sociaux ?
Mots-clés : Droit au bonheur ; Corse ; Droits sociaux ; TZCLD ; Revenu universel.
Abstract : The right to happiness as a basis for social rights
The right to happiness, an idea that originated in Corsica in the 18th century, has had a considerable following, from the United States to Bhutan, via many countries including France. This right has generated an interesting body of case law, particularly in the United States, and many researchers have examined the subject. However, a number of questions remain unanswered: its actual nature – is the happiness in question private or public? – the question of its legal scope – how justiciable is it ? Among the avenues that are attracting the most attention, we will focus here on a hypothesis that is attractive in many respects : could the right to happiness be the foundation of all social rights ?
Keywords :
Right to happiness; Corsica; Social rights; TZCLD; Universal income.
« La diète générale du peuple de Corse, légitimement maître de lui-même (…) Ayant reconquis sa liberté et désirant donner à son gouvernement une forme durable et constante en le soumettant à une constitution propre à assurer le bonheur de la Nation… »[1]
Ces quelques mots constituent le préambule de la Constitution corse de 1755. Ils ouvrirent une période d’indépendance de l’île qui dura quatorze années et qui ne prit fin que par la force des armes, avec l’annexion française de 1769. Mais revenons à ce préambule de six lignes manuscrites qui recèle quatre innovations politiques d’importance. En premier lieu, la démarche constitutionnelle elle-même, particulièrement précoce car répondant au critère permettant de nos jours de caractériser une loi fondamentale[2]. En deuxième lieu, la notion de « nation » au sens moderne, à savoir l’entité opératrice d’un destin commun et non plus, comme par le passé, l’ensemble des natifs ou originaires d’un territoire[3]. En troisième lieu, le droit des peuples à l’autodétermination, le « peuple de Corse » étant présenté comme « légitimement maître de lui-même ». Enfin, et c’est ce qui nous occupera ici, le droit au bonheur, notion que l’on rencontrera vingt et un ans plus tard dans un document similaire mais autrement célèbre : la déclaration d’indépendance américaine du 4 juillet 1776[4].
La première fois…
De toute évidence, cette mention dans le texte constitutionnel ne doit rien au hasard : on trouve la notion de bonheur dès les premiers écrits officiels de la Corse révolutionnaire, notamment dans un Manifeste signé par « Les chefs de la nation corse »[5], en 1730, soit l’année ayant suivi la première insurrection. Le manifeste débute d’ailleurs par ces mots : « À tous les vrais nationaux, salut et félicité ! » et se termine par la formule « Vivez heureux » que l’on retrouvera régulièrement, avant et après la Constitution paolienne[6]. Citons encore la dernière phrase du Manifeste du 24 mai 1761 qui associe « bonheur » et « gloire de la patrie » :
« Vous avez trop bien prouvé votre fermeté à défendre et à maintenir notre liberté pour que nous ne soyons pas remplis de reconnaissance pour votre fidélité et votre valeur et pour que l’Europe entière ne soit pas persuadée de notre union inaltérable, moyennant laquelle nous affermirons notre bonheur, en augmentant la gloire de la Patrie »[7].
Mais le geste véritablement fondateur aura été d’insérer cette notion de droit au bonheur dans un texte de nature constitutionnelle, celui de 1755. Le Professeur Antonio Trampus, de l’Université de Venise, souligne ce caractère novateur de la Constitution corse dans sa Storia del costituzionalismo italiano nell’età dei Lumi, observant que deux à trois décennies plus tard les rédacteurs des documents constitutionnels américains et européens iront dans le même sens[8]. Dans un ouvrage consacré spécifiquement à la question, Il diritto alla felicità. Storia di un’idea, l’auteur consacre une section à « La rivoluzione corsa » et au rôle précurseur à cet égard de la constitution de 1755 :
« Il s’agit d’un document de grand intérêt, parce qu’il nous montre de quelle manière le thème du bonheur, qui a d’abord été une idée religieuse et philosophique puis un principe politique, s’inscrit dans la culture constitutionnelle, en se transformant en droit. Dans le préambule, pour la première fois, le mot bonheur apparaît à côté de deux idées typiques de toute constitution moderne : celle d’un moment « constituant », c’est-à-dire la conscience de vivre une phase de rupture dans les événements historiques qui permet de construire un nouvel État, et celle de la naissance d’un nouveau sujet politique, qui est le peuple réuni en assemblée[9] ».
Antonio Trampus souligne par ailleurs avec insistance l’impact qu’eut la Corse de Paoli sur les révolutionnaires américains, dont témoignent la presse de l’époque ainsi que les localités qui portent le nom du Général corse[10].
Une considérable postérité
Cette innovation se répandit aussitôt – nous le soulignions précédemment – en Europe en en Amérique. Si le texte le plus prestigieux demeure la déclaration d’indépendance des États-Unis, il avait été précédé quelques jours plus tôt par la déclaration des droits de l’État de Virginie votée le 12 juin 1776 et qui mentionnait « la recherche et la jouissance du bonheur et de la sécurité »[11].
Bien que la Constitution des États-Unis (1787) n’ait pas fait mention de cette idée, plusieurs dizaines d’États fédérés américains la reprirent dans leurs constitutions. En France, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 – ayant, aujourd’hui encore, valeur constitutionnelle – fait référence dans son préambule au « bonheur de tous ». Dans un commentaire de cette Déclaration pour les éditions Dalloz, le professeur Wanda Mastor rappelle l’antériorité de la Corse en la matière[12]. Quant à la déclaration introduisant la Constitution de 1793, son article 1er souligne solennellement que « Le but de la société est le bonheur commun ».
Depuis le XVIIIe siècle, nombre de pays ont repris cette notion dans leurs textes constitutionnels, parmi lesquels Haïti, le Japon, les Seychelles, les deux Corée (en des termes évidemment différents), ainsi que l’Égypte en 2014… Sans compter le Bhoutan qui, dès 1972, a écarté l’indicateur de PIB (Produit Intérieur Brut) au bénéfice du BNB (Bonheur National Brut)[13] et qui l’a intégré dans sa constitution en 2008 ! Citons encore le Venezuela : dans sa « Constitution bolivarienne » de 1999 est mentionné l’objectif de permettre à tous les citoyens de « rechercher leur bonheur » (buscar su felicidad)[14]. Dans ce rapprochement entre droit et bonheur, l’Amérique latine est d’autant moins en reste qu’elle n’a pas oublié – comme l’indique l’intitulé du texte constitutionnel du Venezuela – sa figure historique emblématique, Simón Bolívar, lequel avait fait de cette idée un élément central de sa pensée politique. Son célèbre discours d’Angostura, le 15 février 1819, avait présenté les éléments principaux de sa doctrine constitutionnelle. On y relevait plus d’une dizaine d’occurrences du mot « felicidad » :
« Le système de gouvernement le plus accompli est celui qui produit la plus grande qualité de bonheur possible, la plus grande quantité de sécurité sociale, et la plus grande stabilité politique[15] ».
Fort logiquement, on devait retrouver cette idée dans la Constitution de Cúcuta créant la République de Colombie en 1821[16]. On sait que Simon Bolivar était un admirateur de Napoléon Bonaparte, dont il avait d’ailleurs assisté au sacre parmi les anonymes, le 2 décembre 1804. Or le futur empereur, formé dans la tradition politique et constitutionnelle paolienne, n’avait pas manqué d’insérer l’idée de « bonheur du peuple » dans le sénatus-consulte organique de la Constitution du 16 thermidor An X (4 août 1802)[17] ainsi que dans celui de la Constitution du 28 floréal An XII (18 mai 1804)[18]. Dans ces deux cas, il s’agissait d’une mention essentielle puisqu’elle avait sa place dans les serments devant-être prêtés, y compris par l’Empereur. Dès ce début de XIXe siècle, la notion s’était répandue en Amérique comme en Europe, ce qui complexifie aujourd’hui toute tentative de retracer les fils exacts de la généalogie intellectuelle : quels rôles respectifs auront joué chez Bonaparte sa formation politique corse et la pensée révolutionnaire française ? Quelle influence sur Bolivar[19] ? Toutefois, deux choses demeurent patentes : en premier lieu, c’est bien en Corse que l’idée de bonheur fut intégrée pour la première fois à un texte constitutionnel ; en second lieu, cette notion n’a jamais fait autant qu’aujourd’hui l’objet de commentaires quant à sa portée juridique, et ce à l’échelle internationale[20].
La portée juridique du droit au bonheur
Dans la Déclaration d’indépendance des États-Unis, la « poursuite »[21] du bonheur apparaît comme un droit naturel inaliénable. L’esprit du préambule de la Constitution corse de 1755 était manifestement très proche : on sait que les penseurs insulaires de l’époque s’inscrivaient résolument dans le cadre de la théorie du droit naturel, et revendiquaient à cet égard leur filiation avec les théologiens catholiques de l’école de Salamanque dont l’apport à cette théorie a été considérablement réévalué ces dernières décennies[22]. Toutefois, il n’était pas davantage question au XVIIIe siècle qu’aujourd’hui de faire du droit au bonheur en tant que tel un droit subjectif, une prérogative individuelle appartenant à chaque citoyen et opposable aux pouvoirs publics. Ces derniers ne sauraient garantir à chacun un accès concret à l’état de félicité ! Pourtant, la notion ne constitue pas non plus une vague aspiration ou un vœu pieux dépourvu de portée juridique, dès lors qu’elle est insérée dans un texte constitutionnel. Il existe, depuis fort longtemps, une abondante jurisprudence sur la question. Un arrêt de 1857 de la Cour suprême de Californie a rappelé l’importance de la mention du droit au bonheur dans l’article 1 section 1 de la Constitution de l’État[23], et il l’a fait en des termes dépourvus d’ambiguïté :
« Ce principe est aussi vieux que la Magna Carta[24]. Il est au fondement de tout gouvernement constitutionnel et constitue la condition de l’existence de la liberté civile et d’institutions libres. Il n’a pas été incorporé à la légère dans la Constitution de cet État comme l’un de ces dogmes politiques destinés à titiller l’oreille populaire et ne véhiculant aucune signification ou idée substantielle ; mais comme l’un de ces principes fondamentaux du gouvernement éclairé, sans l’observance rigoureuse desquels il ne saurait exister ni liberté ni sûreté pour le citoyen[25] ».
Observons qu’à cet égard, la Constitution californienne est dans sa rédaction particulièrement audacieuse, puisqu’à la différence de la Déclaration d’indépendance de 1776, il n’y est pas seulement question du droit de rechercher le bonheur mais également de celui de l’obtenir (« …pursuing and obtaining safety, happiness, and privacy ») ! Cette formulation laisserait presque entrevoir l’existence d’un droit subjectif à atteindre le bonheur opposable à l’État californien, ce qui, comme nous l’observions précédemment, ne saurait être le cas. Toutefois, ce que montre cet arrêt de la Cour suprême de l’État c’est que le droit au bonheur, lorsqu’il est affirmé dans un texte constitutionnel, n’est pas nécessairement dénué d’effectivité, ni même de justiciabilité : il n’est pas par nature hors du champ du pouvoir de juger des juridictions et il peut donc donner lieu à des recours judiciaires. En témoigne l’abondante jurisprudence qu’il a déjà générée, aux États-Unis et dans d’autres pays. Une fois admise cette potentielle justiciabilité du droit au bonheur, demeurent de nombreuses problématiques.
La nature du droit au bonheur
La première question à se poser lorsqu’on se penche sur la notion de droit au bonheur est de savoir si elle fait référence à un bonheur privé (individuel), ou bien à un bonheur public (collectif). Sur ce sujet, le professeur Lemaire a opposé la conception américaine que reflèterait la formulation de la Déclaration d’indépendance – un droit naturel et inaliénable dont chaque individu serait doté – et l’approche française qui serait sous-tendue par les mots utilisés dans la Déclaration de 1789, où un bonheur public (« de tous ») s’opposerait aux « malheurs publics » évoqués dans le même texte[26]. Marthe Fatin-Rouge Stéfanini et Laurence Gay considèrent en revanche pour leur part que « les dimensions individuelle et collective du bonheur sont étroitement imbriquées dans la Déclaration d’indépendance américaine »[27]. Nous partageons ce dernier point de vue, d’autant que, concrètement, il est difficile d’imaginer un bonheur public qui ne serait pas aussi celui des individus. S’agissant de la Constitution corse de 1755, dont l’historienne britannique Linda Colley a souligné l’antériorité dans un récent ouvrage[28], elle est indiscutablement inspirée par le courant du droit naturel qui reconnait à l’homme, du fait de sa nature, un certain nombre de prérogatives. Aussi faut-il comprendre à la lecture de son préambule que le « bonheur de la nation » est aussi celui des nationaux.
La seconde question est celle de savoir si un tel droit relève de la catégorie des « droits-libertés » ou bien des « droits-créances » ? Dans la première hypothèse, les pouvoirs publics devraient simplement s’abstenir d’entraver la marche des citoyens vers leur bonheur, par exemple par une intrusion dans leur vie privée. Dans la seconde hypothèse, ces mêmes pouvoirs publics auraient l’obligation d’intervenir pour créer les conditions d’une vie heureuse des citoyens. Lorsque l’on examine la question en privilégiant à nouveau un point de vue concret, on est conduit à considérer que les déclinaisons possibles du droit au bonheur supposent à la fois que la puissance publique s’abstienne de porter atteinte à la sphère privée des personnes et qu’elle ait un rôle actif pour favoriser le bonheur individuel, donc le bonheur collectif.
La troisième question consiste à se demander si le droit au bonheur peut appartenir à l’éminente catégorie des « droits fondamentaux », à savoir les droits essentiels reconnus aux individus en démocratie, qui sont présents tant dans les systèmes juridiques internes que dans les textes internationaux. S’agissant de notre continent, la « Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne » reconnait notamment la dignité humaine, le droit à la vie, le droit à l’intégrité de la personne, le droit à la liberté et à la sûreté, le droit au respect de la vie privée, la liberté de pensée, la liberté d’expression, mais aussi le droit à l’éducation, le droit de travailler, le droit de grève, le droit de propriété, la protection de la santé, la protection de l’environnement, le droit de vote, la présomption d’innocence, les droits de la défense… Pas de droit au bonheur, en revanche. Tout juste trouve-t-on dans le texte, à l’article 24, une référence au « bien-être » (« version minimale » du bonheur[29]), mais il s’agit de celui de l’enfant. L’autre grand texte européen, la « Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », évoque à l’article 4 le « bien-être de la communauté » et à l’article 8 le « bien-être économique du pays ». Enfin, la Déclaration universelle des droits de l’homme comporte à l’article 25 une référence au « bien-être » auquel chaque personne aurait droit et à l’article 29 mention d’un « bien-être général dans une société démocratique ». Observons que si les notions de bien-être et de bonheur peuvent être rapprochées, elles ne sauraient être confondues. Cela paraît évident lorsqu’on lit dans la Convention européenne les mots « bien-être économique du pays » : même si l’expression a étrangement pu être utilisée[30], on peine à imaginer ce que pourrait être, au sens strict, un « bonheur économique »…
En revanche, rien ne nous semble s’opposer à l’insertion du droit au bonheur parmi les droits fondamentaux énumérés dans les textes internationaux que nous venons de citer. La notion de bonheur serait-elle trop floue, trop impalpable ? On pourrait répondre à un tel argument que la jurisprudence a donné à des notions tout aussi imprécises des conséquences bien concrètes, par exemple en France lorsqu’en 2018 le Conseil constitutionnel a reconnu que la fraternité était un « principe à valeur constitutionnelle » et qu’il a considéré qu’en découlait la liberté d’aider autrui, y compris une personne en situation de séjour irrégulier dans le pays[31]. Observons que le Conseil constitutionnel pourrait très bien, s’il le souhaitait, s’emparer de la même façon de la question du droit au bonheur puisque la notion est mentionnée dans la Déclaration de 1789, laquelle fait partie du « bloc de constitutionnalité » (ensemble des normes juridiques de valeur constitutionnelle). Pour sa part, le professeur Lemaire estime qu’il serait envisageable de faire du bonheur « le fondement en même temps que le but de tous les droits et libertés fondamentaux », autrement dit « la norme hypothétique fondamentale que cherchent désespérément les constitutionnalistes à la suite de Kelsen : la fameuse “Grundnorm” »[32]… Cette idée judicieuse – même si ce n’est encore qu’une idée – nous paraît faire écho, par-delà les siècles, à la Constitution française de 1793 dont les rédacteurs semblent en avoir eu l’intuition : « Le but de la société est le bonheur commun »[33]. Si l’objectif de la société est bien celui-là, alors il n’est pas interdit de penser que le droit au bonheur se situe au sommet de toutes les hiérarchies des normes juridiques, au-dessus de toutes les constitutions. Y compris de celles qui, à la différence de la Constitution corse de 1755, ne comportent pas expressément cette notion.
Le contenu du droit au bonheur
Nous en venons à présent aux conséquences concrètes du droit au bonheur en tant que droit fondamental, voire – comme nous venons de l’envisager – de droit prééminent dont découleraient les autres droits fondamentaux. À la lecture de la « Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne » précédemment évoquée, on observe que les droits protégés par le document sont répartis en six chapitres : Dignité, Libertés, Égalité, Solidarité, Citoyenneté, Justice. Il semble évident que l’atteinte de ces six objectifs concourt à la réalisation du bonheur, tant individuel que collectif. Aussi pourrait-on considérer que l’ensemble des droits mentionnés dans ce texte et dans les diverses déclarations des droits découle logiquement du droit au bonheur. Ce dernier présenterait alors un caractère subsumant non seulement de tous les droits d’ores et déjà reconnus, mais encore de ceux qui le seraient dans l’avenir, soit par la norme juridique, soit par la jurisprudence. Mais quelles pourraient être les principales applications de ce droit au bonheur ?
Pour leur part, les politiques et auteurs américains ont, depuis le XVIIIe siècle, longuement médité sur la question. Comme le soulignent Marthe Fatin-Rouge Stéfanini et Laurence Gay, citant James Madison : « Dans la pensée des pères fondateurs, le gouvernement le plus apte à garantir la poursuite du bonheur était un régime républicain, à savoir “un gouvernement dans lequel l’idée de représentation existe”»[34]. Ce lien entre participation à la vie politique et bonheur semble confirmé par les enquêtes sociologiques réalisées de nos jours sur le sujet :
« Lorsque la démocratie règne et que la participation à la vie politique publique est importante, lorsque les institutions sont stables et légitimes, le bien-être subjectif est plus élevé. Le fédéralisme, les référendums populaires et, plus généralement, la participation à la vie civique, rendent les citoyens plus heureux. La Suisse, où la démocratie est, pour une part importante, directe, en est un très bon exemple, indépendamment de son niveau économique[35] ».
À cet égard, on peut rappeler le caractère exemplaire, pour l’époque, du régime paolien, comme le fait Linda Colley :
« Dans la pratique (…) et à partir de 1766 par la loi, tous les habitants masculins de l’île âgés de plus de vingt-cinq ans semblent avoir été à la fois électeurs et éligibles à la diète. Cela générait potentiellement en Corse un niveau de démocratie plus large qu’il n’en existait ailleurs dans le monde au milieu du XVIIIe siècle[36] ».
Ainsi, la référence au bonheur dans le préambule de la Constitution de 1755, loin d’être purement rhétorique, s’inscrivait dans une recherche concrète du mieux-être humain, ce que confirme un autre exemple : le caractère central de la question éducative lors du généralat de Paoli. Celui-ci fonda une université d’État à une époque où ce domaine relevait de la compétence de l’Église et non de celle des gouvernements. Ajoutons que des aides étaient prévues en faveur des étudiants issus de familles défavorisées.
Comme on le voit, ces préoccupations déjà prégnantes à l’époque en Corse sont celles que l’on considère aujourd’hui comme essentielles dans la perspective du « bon gouvernement ». Ainsi que l’écrit Cynthia Fleury : « Les questions renvoyant à l’éducation et au soin (au sens large, de la santé à la solidarité sociale) sont déterminantes pour produire chez les individus une “aptitude à la liberté”… »[37]. Nous ajouterons pour notre part que ces questions sont tout aussi décisives pour générer une aptitude au bonheur… Ce sont les mêmes que l’on retrouve dans les critères du BNB (Bouthan) ou dans les travaux des organisations internationales, notamment de l’ONU[38] et de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique)[39].
Parmi les obligations pesant sur les pouvoirs publics et découlant du droit au bonheur, il en est une qui apparaît comme essentielle : garantir à chacun un certain niveau en termes de moyens matériels (logement, travail, santé…) et intellectuels (éducation). Ainsi, les droits sociaux se trouvent-ils aujourd’hui au centre des réflexions sur le droit au bonheur.
Le droit au bonheur comme fondement des droits sociaux
En 2010, une démarche novatrice était engagée au Brésil : la commission « Justice et citoyenneté » du Sénat approuvait un amendement à la Constitution fédérale dit « busca da felicidade » (poursuite du bonheur), visant à introduire cette notion à l’article 6 sous la forme suivante :
« Les droits sociaux essentiels à la recherche du bonheur sont l’éducation, la santé, l’alimentation, le travail, le logement, le repos, la sécurité, la sécurité sociale, la protection de la maternité et de l’enfance et l’assistance aux plus démunis ».
Le promoteur de l’amendement, Cristovam Buarque, ancien ministre de l’Éducation, résumait en ces termes l’objectif de la démarche : « imprimer dans l’imaginaire de la société l’importance de la dignité humaine »[40].
Pour les pays qui, à l’instar de la Corse, ont inséré dans leur texte constitutionnel ce principe fondamental, il reste à mettre en œuvre les mesures d’innovation sociale qui lui donneront un contenu concret. Il y a quelques années, nous avions initié au titre de la Présidence de l’Assemblée de Corse plusieurs réflexions qui s’étaient traduites par des votes formels et parfois unanimes, notamment afin d’instituer dans l’île un « revenu universel » – mesure qui permettrait de réaliser un véritable changement de paradigme pour nos sociétés –, ou d’introduire la démarche « Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée » – qui avait déjà donné des résultats considérables lors de la première vague d’expérimentation[41]. En ce qui concerne le revenu universel, nous avions élaboré, assistés par les meilleurs experts internationaux de la question, un projet concret, validé par l’Assemblée de Corse en avril 2020, prêt à être mis en œuvre mais qui s’était heurté à un obstacle plus politique que juridique : l’hostilité de l’administration d’État, laquelle disposait de la compétence fiscale, incontournable en la matière. Sans doute, davantage de détermination du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse aurait-il permis de dépasser cette difficulté. Aujourd’hui, la question demeure entière, mais je suis pour ma part persuadé qu’il faudra s’engager dans cette voie. S’agissant de « Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée », une démarche prometteuse est actuellement en cours au sein de la Communauté de communes de Costa Verde, dans l’est de l’île.
Ce n’est peut-être pas un hasard si la Corse qui, nous l’avons vu, eut un rôle précurseur en proclamant jadis le droit au bonheur, s’engage aujourd’hui dans d’audacieuses démarches d’innovation sociale que d’aucuns qualifieront peut-être d’« utopies ». Pour notre part, nous ne récuserons pas le mot. Du reste, alors qu’il était autrefois synonyme de chimère, il est aujourd’hui fièrement brandi comme un étendard par des auteurs qui ne craignent plus d’être taxés de naïveté, depuis Rutger Bregman et ses Utopies réalistes[42] jusqu’à Erik Olin Wright et ses Utopies réelles[43]… Le premier a le mérite de rompre avec l’anthropologie pessimiste qui explique tous les comportements, économiques notamment, par le caractère irrémédiablement intéressé de l’homme[44] (idée aujourd’hui largement contestée et pas uniquement par cet auteur[45]). Le second, récemment disparu, s’inscrivait résolument dans une perspective socialiste : les utopies réelles sur lesquelles il s’est penché entrent dans une sorte de programme d’ensemble visant tout à la fois à remédier à des difficultés actuelles générées par le néolibéralisme et à préparer la chute, à terme, du capitalisme. Il s’agit donc non seulement de combattre une politique économique néfaste, mais encore de s’attaquer à un système injuste. Rappelant que le capitalisme lui-même n’a pas succédé au système féodal en un instant mais au terme d’un processus, il propose de préparer le passage à une situation dans laquelle le capitalisme serait « destitué de sa position dominante »[46]. Soulignant qu’aucune économie réelle n’a jamais été purement capitaliste, étatiste ou socialiste[47], et que les systèmes économiques actuels, eux-mêmes hybrides, « associent le capitalisme à de nombreux autres moyens d’organiser la production et la distribution des biens et des services (…) certains d’entre eux étant entièrement non capitalistes et d’autres anticapitalistes »[48], Erik Olin Wright propose de favoriser le développement de ces « autres moyens » dans l’objectif « d’éroder le capitalisme »[49]. Pour ce faire, il préconise le déploiement d’actions émanant du terrain, sans toutefois se priver de la contribution pouvant être apportée par les pouvoirs publics. L’auteur se penche sur certaines démarches susceptibles de contribuer à l’évolution souhaitée : les budgets participatifs municipaux, les coopératives, ou encore le « revenu de base inconditionnel », c’est-à-dire le revenu universel, sujet que nous évoquions à l’instant. Quant au programme « Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée » – procédant, nous semble-t-il, du même esprit –, il constitue non seulement une utopie réaliste, mais une utopie d’ores et déjà réalisée.
Pour un droit au bonheur véritablement reconnu pour tous, et non pas réservé à quelques « heureux du monde »[50], d’autres batailles, nombreuses, attendent d’être livrées.
En attendant, autant que faire se peut, Campate felici !, vivez heureux !
[1] Consulte de Corte des 16, 17, 18 novembre 1755 (préambule du texte constitutionnel).
[1] Consulte de Corte des 16, 17, 18 novembre 1755 (préambule du texte constitutionnel).
[2] Le critère permettant de reconnaître...
[2] Le critère permettant de reconnaître les constitutions modernes est qu’elles s’imposent à tous, y compris, comme ici, au gouvernement.
[3] Le mot « nation » ne désignera plus, désormais, l’ensemble des natifs ou originaires d’un territoire mais l’entité opératrice d’un destin commun.
[3] Le mot « nation » ne désignera plus, désormais, l’ensemble des natifs ou originaires d’un territoire mais l’entité opératrice d’un destin commun.
[4] « Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur ». (Traduction de Thomas Jefferson).
[4] « Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur ». (Traduction de Thomas Jefferson).
[5] Manifeste à la nation corse du 11 septembre 1730. Cité dans : Jacques Gregori, Nouvelle...
[5] Manifeste à la nation corse du 11 septembre 1730. Cité dans : Jacques Gregori, Nouvelle Histoire de la Corse, Jérôme Martineau, Paris, 1967, p. 102 sq.
[6]« Vivete felici ». Ces deux mots concluent notamment la courte introduction de la Giustificazione della Rivoluzione di Corsica, livre mythique de la période révolutionnaire insulaire. Cette formule se rencontrait fréquemment à la fin des préfaces ...
[6]« Vivete felici ». Ces deux mots concluent notamment la courte introduction de la Giustificazione della Rivoluzione di Corsica, livre mythique de la période révolutionnaire insulaire. Cette formule se rencontrait fréquemment à la fin des préfaces dédicatoires au sein de l’espace culturel italien, celui dans lequel baignait la Corse. En langue corse, on dit volontiers « Campate felici ».
[7] Niccolò Tommaseo, Lettres de Pasquale Paoli, traduction de l’italien et commentaires Évelyne Luciani, Albiana, Ajaccio, 2020, pp. 165-167.
[7] Niccolò Tommaseo, Lettres de Pasquale Paoli, traduction de l’italien et commentaires Évelyne Luciani, Albiana, Ajaccio, 2020, pp. 165-167.
[8] « L’insistenza sul momento rivoluzionario come inizio di una fase costituente, insomma, apriva la strada per la trasformazione in realtà giuridica di concetti come la costanza della costituzione e il diritto alla felicità, che due e tre decenni più tardi sarebbero stati accolti nelle carte costituzionali americane ed europee. » (GLF Editori Laterza, Roma-Bari, 2009, p. 79).
[8] « L’insistenza sul momento rivoluzionario come inizio di una fase costituente, insomma, apriva la strada per la trasformazione in realtà giuridica di concetti come la costanza della costituzione e il diritto alla felicità, che due e tre decenni più tardi sarebbero stati accolti nelle carte costituzionali americane ed europee. » (GLF Editori Laterza, Roma-Bari, 2009, p. 79).
[9] « Si tratta di un documento di grande interesse, perché ci mostra in che modo il tema della felicità, che è stato prima un’idea religiosa e filosofica poi un principio politico, entri a far parte della cultura costituzionale trasformandosi in un diritto. Nel preambolo, per la prima volta, la parola felicità appare accanto a due idee...
[9] « Si tratta di un documento di grande interesse, perché ci mostra in che modo il tema della felicità, che è stato prima un’idea religiosa e filosofica poi un principio politico, entri a far parte della cultura costituzionale trasformandosi in un diritto. Nel preambolo, per la prima volta, la parola felicità appare accanto a due idee tipiche di ogni costituzione moderna : quella di un momento « costituente », cioè la consapevolezza di vivere une fase di rottura nelle vicende storiche che consente di costruire un nuovo Stato, e quella della nascita di un nuovo soggetto politico, che è il popolo riunito in assemblea ». (Il diritto alla felicità. Storia di un’idea, Corriere della sera, 2021, p. 188, première édition : Laterza, Roma-Bari, 2008). Dès les premières pages de son livre, l’auteur souligne le rôle précurseur, à cet égard, de la Corse de Paoli. (Ibid., p. 12).
[10] Ibid., p. 189. L’auteur observe en outre la similitude entre les mots utilisés par Pasquale Paoli et ceux de James Otis (« uno dei sostenitori della rivoluzione corsa ») en 1764. (Ibid., p. 196).
[10] Ibid., p. 189. L’auteur observe en outre la similitude entre les mots utilisés par Pasquale Paoli et ceux de James Otis (« uno dei sostenitori della rivoluzione corsa ») en 1764. (Ibid., p. 196).
[11] « …pursuing and obtaining happiness and safety ».
[11] « …pursuing and obtaining happiness and safety ».
[12] « Pourtant, le premier texte à proclamer le droit au bonheur au XVIIIe siècle ne fut pas adopté outre-Atlantique mais en mer Méditerranée. La Diète Générale représentant le peuple de Corse (…) proclame (…) une constitution propre à assurer la félicité de la nation… » (Octobre 2021, p. 13 sq.)
[12] « Pourtant, le premier texte à proclamer le droit au bonheur au XVIIIe siècle ne fut pas adopté outre-Atlantique mais en mer Méditerranée. La Diète Générale représentant le peuple de Corse (…) proclame (…) une constitution propre à assurer la félicité de la nation… » (Octobre 2021, p. 13 sq.)
[13] Le BNB est calculé sur la base de 33 critères prenant en compte les notions de qualité de la gouvernance, ...
[13] Le BNB est calculé sur la base de 33 critères prenant en compte les notions de qualité de la gouvernance, de sauvegarde de la culture, de préservation de l’environnement, de développement personnel des habitants. (Voir : Pierre Grelley, « Contrepoint – Bonheur national brut », Informations sociales, vol. 182, no. 2, 2014, pp. 141-141 ; Celina Whitaker, « Que nous apprend le “bonheur national brut” ? », Revue Projet, vol. 362, no. 1, 2018, pp. 26-30).
[14] « Exposición de motivos de la Constitución bolivariana de Venezuela » (Títolo I. Principios fundamentales).
[14] « Exposición de motivos de la Constitución bolivariana de Venezuela » (Títolo I. Principios fundamentales).
[15] « El sistema de Gobierno más perfecto es aquel que produce mayor suma de felicidad posible, mayor suma de seguridad social, y mayor suma de estabilidad política ».
[15] « El sistema de Gobierno más perfecto es aquel que produce mayor suma de felicidad posible, mayor suma de seguridad social, y mayor suma de estabilidad política ».
[16] Dans l’article final (art. 191) : « Cuando ya libre toda o la mayor parte de aquel territorio de la República que hoy está bajo el poder...
[16] Dans l’article final (art. 191) : « Cuando ya libre toda o la mayor parte de aquel territorio de la República que hoy está bajo el poder español, pueda concurrir con sus representantes a perfeccionar el edificio de su felicidad… »
[17] Article 44.
[18] Article 53.
[17] Article 44.
[18] Article 53.
[19] Observons par ailleurs la place centrale de l’éducation dans le républicanisme bolivarien, comme dans ceux de Pasquale Paoli et ....
[19] Observons par ailleurs la place centrale de l’éducation dans le républicanisme bolivarien, comme dans ceux de Pasquale Paoli et de Napoléon Bonaparte. Aujourd’hui, le lien entre république et éducation est devenu une constante, voire une banalité, mais en 1755 ce n’était pas le cas.
[20] Voir notamment le site internet du projet « BonDroit : bonheur et droit » de l’Université d’Angers (bondroit.univ-angers.fr).
[20] Voir notamment le site internet du projet « BonDroit : bonheur et droit » de l’Université d’Angers (bondroit.univ-angers.fr).
[21] « Pursuit of Happiness », que l’on a traduit par « recherche du bonheur ».
[21] « Pursuit of Happiness », que l’on a traduit par « recherche du bonheur ».
[22] Voir sur ce point : Jean-Guy Talamoni, Littérature et politique…, op. cit., p. 63.
[22] Voir sur ce point : Jean-Guy Talamoni, Littérature et politique…, op. cit., p. 63.
[23] « …pursuing and obtaining safety, happiness, and privacy ».
[23] « …pursuing and obtaining safety, happiness, and privacy ».
[24] Ici, la référence à la mythique Magna Carta (1215), emblématique dans l’espace anglo-saxon en matière de droits et libertés, renforce l’idée selon laquelle ces derniers sont tous conditionnés pas l’existence du droit au bonheur, quand bien même celui-ci ne serait...
[24] Ici, la référence à la mythique Magna Carta (1215), emblématique dans l’espace anglo-saxon en matière de droits et libertés, renforce l’idée selon laquelle ces derniers sont tous conditionnés pas l’existence du droit au bonheur, quand bien même celui-ci ne serait pas expressément mentionné dans un texte.
[25] « This principal is as old as the Magna Charta. It lies at the foundation of every constitutional government, and is necessary to the existence of civil liberty and free institutions. It was not lightly incorporated into the Constitution of this State as one of those political dogmas designed to tickle the popular ear, and conveying no substantial meaning or idea; but as one of those fundamental principles of enlightened government, without a rigorous observance of which there could be neither liberty nor safety to the citizen ». (Billings v. Hall, 7 Cal. 1, 1857, Supreme Court of California).
[25] « This principal is as old as the Magna Charta. It lies at the foundation of every constitutional government, and is necessary to the existence of civil liberty and free institutions. It was not lightly incorporated into the Constitution of this State as one of those political dogmas designed to tickle the popular ear, and conveying no substantial meaning or idea; but as one of those fundamental principles of enlightened government, without a rigorous observance of which there could be neither liberty nor safety to the citizen ». (Billings v. Hall, 7 Cal. 1, 1857, Supreme Court of California).
[26] Voir en ce sens : Félicien Lemaire, « Le bonheur, un principe constitutionnel ? »...
[26] Voir en ce sens : Félicien Lemaire, « Le bonheur, un principe constitutionnel ? », https://univ-angers.hal.science/hal-02561569/document, consulté le 11.IV.2023, p. 3 sq.
[27] Marthe Fatin-Rouge Stéfanini, Laurence Gay, « Du consentement au pouvoir aux conditions de vie décentes. Itinéraire(s) du bonheur en droit et contentieux,...
[27] Marthe Fatin-Rouge Stéfanini, Laurence Gay, « Du consentement au pouvoir aux conditions de vie décentes. Itinéraire(s) du bonheur en droit et contentieux constitutionnels comparés », Le droit au bonheur, Institut Universitaire Varenne, Collection Colloque & Essais LGDJ, 2016, p. 311.
[28] The Gun, the Ship and the Pen. Warfare, Constitutions, and the Making of the Modern World, Profile Books Ltd, London, 2021.
[28] The Gun, the Ship and the Pen. Warfare, Constitutions, and the Making of the Modern World, Profile Books Ltd, London, 2021.
[29] Félicien Lemaire, « Le bonheur, un principe constitutionnel ? », art. cit., p. 11.
[29] Félicien Lemaire, « Le bonheur, un principe constitutionnel ? », art. cit., p. 11.
[30] En 1998, François-Xavier Chevallier publiait, sous le titre Le bonheur économique, un livre qui prédisait une nouvelle et longue période de prospérité : « le retour des 30 glorieuses » (Albin Michel).
[30] En 1998, François-Xavier Chevallier publiait, sous le titre Le bonheur économique, un livre qui prédisait une nouvelle et longue période de prospérité : « le retour des 30 glorieuses » (Albin Michel).
[31] Décision du 6 juillet 2018.
[31] Décision du 6 juillet 2018.
[32] Félicien Lemaire, « Le bonheur, un principe constitutionnel ? », art. cit., p. 14 sq.
[32] Félicien Lemaire, « Le bonheur, un principe constitutionnel ? », art. cit., p. 14 sq.
[33] Paradoxalement, cette Constitution – qui ne fut jamais appliquée – était élaborée par la Convention au moment même où celle-ci mettait en place les conditions non pas du bonheur de tous mais du malheur de beaucoup.
[33] Paradoxalement, cette Constitution – qui ne fut jamais appliquée – était élaborée par la Convention au moment même où celle-ci mettait en place les conditions non pas du bonheur de tous mais du malheur de beaucoup.
[34] Marthe Fatin-Rouge Stéfanini, Laurence Gay, « Du consentement au pouvoir aux conditions de vie décentes… », art. cit., p. 311.
[34] Marthe Fatin-Rouge Stéfanini, Laurence Gay, « Du consentement au pouvoir aux conditions de vie décentes… », art. cit., p. 311.
[35] Caroline Guibet Lafaye, Penser le bonheur aujourd’hui, UCL, Presses Universitaires de Louvain, 2009, p. 75.
[35] Caroline Guibet Lafaye, Penser le bonheur aujourd’hui, UCL, Presses Universitaires de Louvain, 2009, p. 75.
[36] « In practice, though, and from 1766 by law, all of the island's male inhabitants over the age of twenty-five seem to have been eligible both to stand for election to the diet and to vote for its members. Potentially, this provided for a wider level of democracy on Corsica than existed anywere else in the mid-eighteenth-century world. » (The Gun, the Ship and the Pen…, op. cit., p. 20).
[36] « In practice, though, and from 1766 by law, all of the island's male inhabitants over the age of twenty-five seem to have been eligible both to stand for election to the diet and to vote for its members. Potentially, this provided for a wider level of democracy on Corsica than existed anywere else in the mid-eighteenth-century world. » (The Gun, the Ship and the Pen…, op. cit., p. 20).
[37] Ci-gît l’amer. Guérir du ressentiment, Gallimard NRF, 2020, p. 165.
[37] Ci-gît l’amer. Guérir du ressentiment, Gallimard NRF, 2020, p. 165.
[38] En juillet 2011, une délibération de l’ONU...
[38] En juillet 2011, une délibération de l’ONU a appelé à introduire le bonheur comme approche globale de développement, saluant la démarche du Bhoutan.
[39] L’indicateur du vivre mieux de l’OCDE, réalisé sur la base de 38 pays, mesure le bien-être à partir de 11 critères : « le logement, le revenu, l’emploi, les liens sociaux, l’éducation, l’environnement, l’engagement civique, la santé, la satisfaction à l’égard de l’existence, la sécurité et l’équilibre vie professionnelle-vie privée ». (Voir site de l’OCDE : https://www.oecd.org/fr/).
[39] L’indicateur du vivre mieux de l’OCDE, réalisé sur la base de 38 pays, mesure le bien-être à partir de 11 critères : « le logement, le revenu, l’emploi, les liens sociaux, l’éducation, l’environnement, l’engagement civique, la santé, la satisfaction à l’égard de l’existence, la sécurité et l’équilibre vie professionnelle-vie privée ». (Voir site de l’OCDE : https://www.oecd.org/fr/).
[40] Voir : Bernard Gauriau, Droit social, avril 2012, n°4, p. 354-361.
[40] Voir : Bernard Gauriau, Droit social, avril 2012, n°4, p. 354-361.
[41] Voir notamment le site officiel tzcld.fr.
[41] Voir notamment le site officiel tzcld.fr.
[42] Éditions du Seuil, 2017, pour la traduction française.
[42] Éditions du Seuil, 2017, pour la traduction française.
[43] Éditions La Découverte, 2017, pour la traduction française.
[43] Éditions La Découverte, 2017, pour la traduction française.
[44] Voir à cet égard : Rutger Bregman, ....
[44] Voir à cet égard : Rutger Bregman, Humanité. Une histoire optimiste, notamment le chapitre 12 intitulé « L’erreur des Lumières », Éditions du Seuil, 2020.
[45] Emmanuel Petit, « L’homme “intéressé”, une chimère d’économiste ? », 2018. ⟨hal-02894782⟩.
[45] Emmanuel Petit, « L’homme “intéressé”, une chimère d’économiste ? », 2018. ⟨hal-02894782⟩.
[46] Erik Olin Wright, Utopies réelles, ...
[46] Erik Olin Wright, Utopies réelles, op. cit., p. 10.
[47] Ibid., p. 203.
[48] Ibid., p. 9 sq.
[49] Ibid.
[47] Ibid., p. 203.
[48] Ibid., p. 9 sq.
[49] Ibid.
[50] « Chez les heureux du monde » est le titre français d’un ouvrage de la romancière américaine Edith Wharton, publié en 1905, dans lequel elle décrit la haute société new-yorkaise de son époque.
[50] « Chez les heureux du monde » est le titre français d’un ouvrage de la romancière américaine Edith Wharton, publié en 1905, dans lequel elle décrit la haute société new-yorkaise de son époque.
[1] Consulte de Corte des 16, 17, 18 novembre 1755 (préambule du texte constitutionnel).
[2] Le critère permettant de reconnaître les constitutions modernes est qu’elles s’imposent à tous, y compris, comme ici, au gouvernement.
[3] Le mot « nation » ne désignera plus, désormais, l’ensemble des natifs ou originaires d’un territoire mais l’entité opératrice d’un destin commun.
[4] « Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur ». (Traduction de Thomas Jefferson).
[5] Manifeste à la nation corse du 11 septembre 1730. Cité dans : Jacques Gregori, Nouvelle Histoire de la Corse, Jérôme Martineau, Paris, 1967, p. 102 sq.
[6] « Vivete felici ». Ces deux mots concluent notamment la courte introduction de la Giustificazione della Rivoluzione di Corsica, livre mythique de la période révolutionnaire insulaire. Cette formule se rencontrait fréquemment à la fin des préfaces dédicatoires au sein de l’espace culturel italien, celui dans lequel baignait la Corse. En langue corse, on dit volontiers « Campate felici ».
[7] Niccolò Tommaseo, Lettres de Pasquale Paoli, traduction de l’italien et commentaires Évelyne Luciani, Albiana, Ajaccio, 2020, pp. 165-167.
[8] « L’insistenza sul momento rivoluzionario come inizio di una fase costituente, insomma, apriva la strada per la trasformazione in realtà giuridica di concetti come la costanza della costituzione e il diritto alla felicità, che due e tre decenni più tardi sarebbero stati accolti nelle carte costituzionali americane ed europee. » (GLF Editori Laterza, Roma-Bari, 2009, p. 79).
[9] « Si tratta di un documento di grande interesse, perché ci mostra in che modo il tema della felicità, che è stato prima un’idea religiosa e filosofica poi un principio politico, entri a far parte della cultura costituzionale trasformandosi in un diritto. Nel preambolo, per la prima volta, la parola felicità appare accanto a due idee tipiche di ogni costituzione moderna : quella di un momento « costituente », cioè la consapevolezza di vivere une fase di rottura nelle vicende storiche che consente di costruire un nuovo Stato, e quella della nascita di un nuovo soggetto politico, che è il popolo riunito in assemblea ». (Il diritto alla felicità. Storia di un’idea, Corriere della sera, 2021, p. 188, première édition : Laterza, Roma-Bari, 2008). Dès les premières pages de son livre, l’auteur souligne le rôle précurseur, à cet égard, de la Corse de Paoli. (Ibid., p. 12).
[10] Ibid., p. 189. L’auteur observe en outre la similitude entre les mots utilisés par Pasquale Paoli et ceux de James Otis (« uno dei sostenitori della rivoluzione corsa ») en 1764. (Ibid., p. 196).
[11] « …pursuing and obtaining happiness and safety ».
[12] « Pourtant, le premier texte à proclamer le droit au bonheur au XVIIIe siècle ne fut pas adopté outre-Atlantique mais en mer Méditerranée. La Diète Générale représentant le peuple de Corse (…) proclame (…) une constitution propre à assurer la félicité de la nation… » (Octobre 2021, p. 13 sq.)
[13] Le BNB est calculé sur la base de 33 critères prenant en compte les notions de qualité de la gouvernance, de sauvegarde de la culture, de préservation de l’environnement, de développement personnel des habitants. (Voir : Pierre Grelley, « Contrepoint – Bonheur national brut », Informations sociales, vol. 182, no. 2, 2014, pp. 141-141 ; Celina Whitaker, « Que nous apprend le “bonheur national brut” ? », Revue Projet, vol. 362, no. 1, 2018, pp. 26-30).
[14] « Exposición de motivos de la Constitución bolivariana de Venezuela » (Títolo I. Principios fundamentales).
[15] « El sistema de Gobierno más perfecto es aquel que produce mayor suma de felicidad posible, mayor suma de seguridad social, y mayor suma de estabilidad política ».
[16] Dans l’article final (art. 191) : « Cuando ya libre toda o la mayor parte de aquel territorio de la República que hoy está bajo el poder español, pueda concurrir con sus representantes a perfeccionar el edificio de su felicidad… »
[17] Article 44.
[18] Article 53.
[19] Observons par ailleurs la place centrale de l’éducation dans le républicanisme bolivarien, comme dans ceux de Pasquale Paoli et de Napoléon Bonaparte. Aujourd’hui, le lien entre république et éducation est devenu une constante, voire une banalité, mais en 1755 ce n’était pas le cas.
[20] Voir notamment le site internet du projet « BonDroit : bonheur et droit » de l’Université d’Angers (bondroit.univ-angers.fr).
[21] « Pursuit of Happiness », que l’on a traduit par « recherche du bonheur ».
[22] Voir sur ce point : Jean-Guy Talamoni, Littérature et politique…, op. cit., p. 63.
[23] « …pursuing and obtaining safety, happiness, and privacy ».
[24] Ici, la référence à la mythique Magna Carta (1215), emblématique dans l’espace anglo-saxon en matière de droits et libertés, renforce l’idée selon laquelle ces derniers sont tous conditionnés pas l’existence du droit au bonheur, quand bien même celui-ci ne serait pas expressément mentionné dans un texte.
[25] « This principal is as old as the Magna Charta. It lies at the foundation of every constitutional government, and is necessary to the existence of civil liberty and free institutions. It was not lightly incorporated into the Constitution of this State as one of those political dogmas designed to tickle the popular ear, and conveying no substantial meaning or idea; but as one of those fundamental principles of enlightened government, without a rigorous observance of which there could be neither liberty nor safety to the citizen ». (Billings v. Hall, 7 Cal. 1, 1857, Supreme Court of California).
[26] Voir en ce sens : Félicien Lemaire, « Le bonheur, un principe constitutionnel ? », https://univ-angers.hal.science/hal-02561569/document, consulté le 11.IV.2023, p. 3 sq.
[27] Marthe Fatin-Rouge Stéfanini, Laurence Gay, « Du consentement au pouvoir aux conditions de vie décentes. Itinéraire(s) du bonheur en droit et contentieux constitutionnels comparés », Le droit au bonheur, Institut Universitaire Varenne, Collection Colloque & Essais LGDJ, 2016, p. 311.
[28] The Gun, the Ship and the Pen. Warfare, Constitutions, and the Making of the Modern World, Profile Books Ltd, London, 2021.
[29] Félicien Lemaire, « Le bonheur, un principe constitutionnel ? », art. cit., p. 11.
[30] En 1998, François-Xavier Chevallier publiait, sous le titre Le bonheur économique, un livre qui prédisait une nouvelle et longue période de prospérité : « le retour des 30 glorieuses » (Albin Michel).
[31] Décision du 6 juillet 2018.
[32] Félicien Lemaire, « Le bonheur, un principe constitutionnel ? », art. cit., p. 14 sq.
[33] Paradoxalement, cette Constitution – qui ne fut jamais appliquée – était élaborée par la Convention au moment même où celle-ci mettait en place les conditions non pas du bonheur de tous mais du malheur de beaucoup.
[34] Marthe Fatin-Rouge Stéfanini, Laurence Gay, « Du consentement au pouvoir aux conditions de vie décentes… », art. cit., p. 311.
[35] Caroline Guibet Lafaye, Penser le bonheur aujourd’hui, UCL, Presses Universitaires de Louvain, 2009, p. 75.
[36] « In practice, though, and from 1766 by law, all of the island’s male inhabitants over the age of twenty-five seem to have been eligible both to stand for election to the diet and to vote for its members. Potentially, this provided for a wider level of democracy on Corsica than existed anywere else in the mid-eighteenth-century world. » (The Gun, the Ship and the Pen…, op. cit., p. 20).
[37] Ci-gît l’amer. Guérir du ressentiment, Gallimard NRF, 2020, p. 165.
[38] En juillet 2011, une délibération de l’ONU a appelé à introduire le bonheur comme approche globale de développement, saluant la démarche du Bhoutan.
[39] L’indicateur du vivre mieux de l’OCDE, réalisé sur la base de 38 pays, mesure le bien-être à partir de 11 critères : « le logement, le revenu, l’emploi, les liens sociaux, l’éducation, l’environnement, l’engagement civique, la santé, la satisfaction à l’égard de l’existence, la sécurité et l’équilibre vie professionnelle-vie privée ». (Voir site de l’OCDE : https://www.oecd.org/fr/).
[40] Voir : Bernard Gauriau, Droit social, avril 2012, n°4, p. 354-361.
[41] Voir notamment le site officiel tzcld.fr.
[42] Éditions du Seuil, 2017, pour la traduction française.
[43] Éditions La Découverte, 2017, pour la traduction française.
[44] Voir à cet égard : Rutger Bregman, Humanité. Une histoire optimiste, notamment le chapitre 12 intitulé « L’erreur des Lumières », Éditions du Seuil, 2020.
[45] Emmanuel Petit, « L’homme “intéressé”, une chimère d’économiste ? », 2018. ⟨hal-02894782⟩.
[46] Erik Olin Wright, Utopies réelles, op. cit., p. 10.
[47] Ibid., p. 203.
[48] Ibid., p. 9 sq.
[49] Ibid.
[50] « Chez les heureux du monde » est le titre français d’un ouvrage de la romancière américaine Edith Wharton, publié en 1905, dans lequel elle décrit la haute société new-yorkaise de son époque.