Résumé
L’île, de par sa taille réduite, se présente comme un laboratoire d’expérimentation sociale. Les caractéristiques géographiques de l’espace insulaire, à savoir sa séparation des autres terres, contribuent à la préservation d’une spécificité qui se prête à des usages politiques. L’article souhaite mener une réflexion sur l’île-utopie en tant que « lieu de bonheur » en se penchant notamment sur l’œuvre du socialiste utopique Étienne Cabet, auteur du Voyage en Icarie (1840).
Mots-clés
Île, utopie, bonheur, Cabet, Icarie
Abstract
The island utopia as a ‘place of happiness’ in the thought of Étienne Cabet
The small size of the island makes it a laboratory for social experimentation. The geographical characteristics of the island space, namely its separation from other lands, contribute to the preservation of a specificity that lends itself to political uses. This article examines the island utopia as a “place of happiness”, focusing in particular on the work of the utopian socialist Étienne Cabet, author of Voyage en Icarie (1840).
Keywords
island, utopia, happiness, Cabet, Icaria
Introduction
Lieu par excellence pour « inverser les systèmes de valeurs culturisés et générer des dystopies, des mondes alternatifs, des mondes à l’envers », l’île-utopie est avant tout un lieu imaginaire qui possède une particularité unique : « la véritable essence de l’île est de produire des passions. L’île, en réalité, n’existe donc pas : c’est toujours Neverland, l’île qui n’existe pas. L’île de nos désirs et de nos sentiments. »[1]. « L’île exprime en effet “la condition logique de la possibilité” : cela signifie que l’espace insulaire est particulièrement adapté à la réalisation d’expériences de nature sociale » [2]. Les caractéristiques physiques de l’île font en sorte que le trait distinctif de l’espace insulaire soit précisément la discontinuité par rapport au reste du territoire. Cela exprime pleinement l’idée d’une « opposition cosmologique terre vs eau ».[3]. Cette séparation physique entraîne des difficultés pour atteindre l’île. Cependant, une fois débarqué sur le sol insulaire, l’île devient facile à contrôler. En raison de ces caractéristiques, l’espace utopique insulaire est « fermé par un cadre – la mer – qui le délimite ».[4] Par conséquent, l’île devient par antonomase l’espace de l’utopie, car sa condition d’enclave en elle-même fait d’elle la « projection homogène d’un seul point de vue axiologique et/ou idéologique ».[5] L’île, en tant qu’espace utopique par excellence, présente des éléments d’altérité très marqués par rapport au « territoire ordinaire et connu des lieux de l’expérience et des conflits qui y sont habituellement vécus et éprouvés ».[6] De plus, dans l’imaginaire, l’île, surtout si elle est située dans l’Océan, se prête, en raison de la difficulté des connexions avec le continent, à devenir un lieu « imperméable aux menaces susceptibles de porter atteinte à sa pureté – et à devenir un modèle communautaire idéal ».[7] Associée à l’idée de paradis, l’île est donc, comme le soutient Anne Meistersheim, le territoire de l’utopie par excellence. [8] L’adhésion à la fiction collective qu’est l’identité territoriale insulaire révèle un caractère utopique. L’utopie peut être décrite, selon l’expression de Jean-Jacques Wunenburger, comme une sorte de jeu interne d’images, une représentation kaléidoscopique de symboles liés à l’espace et au temps, conditionnée par certaines évolutions structurelles de la société et de la culture.[9] L’île possède une forte valeur propulsive dans l’imaginaire insulaire, fécond en termes d’imagination active, qui suscite ce que Wunenburger définit comme « puissance imaginaire ».[10]
Îles et utopies à l’époque moderne : d’Utopie à Robinson Crusoé
L’utopie est avant tout un genre littéraire à caractère politique : « en plus d’être un “lieu qui n’existe pas” et un “lieu de ce qui doit être”, l’utopie n’est, à cette condition, qu’un “lieu de ce qui peut être”, du changement et de la transformation de l’existant. »[11] C’est Karl Mannheim qui confère de la valeur à l’utopie : dans son ouvrage Idéologie et utopie, il souligne qu’à la différence de l’idéologie, qui a une fonction conservatrice et naît de la volonté des dominants de ne pas altérer la réalité, l’utopie doit être comprise comme l’expression des aspirations des groupes subordonnés.
La réhabilitation du concept d’utopie est menée par des intellectuels comme Ernst Bloch, qui, dans Le Principe Espérance, fait référence à « l’utopie concrète », éliminant ainsi l’apparente contradiction entre utopie et réalité. Il tente d’orienter vers un projet rationnel ces aspirations humaines tendues vers le bonheur. En 1967, Herbert Marcuse parle lui-même de la fin de l’utopie, la faisant coïncider avec la fin de l’histoire : ces aspirations utopiques ne verront jamais le jour en raison des contraintes imposées par les hommes et du système socio-politique cherchant à préserver le status quo.
Au début de l’époque moderne, le projet du paradis terrestre devient un genre littéraire. Le premier à utiliser le terme utopie est Thomas More en 1516, lui attribuant le sens de non-lieu (ou-topos), c’est-à-dire une dimension spatiale non réelle, et de lieu du bonheur (eu-topos), un contexte où il est possible de réaliser une société harmonieuse et sans conflits.[12] L’Utopie de Thomas More est composée de deux volumes. Dans le premier livre, une large place est accordée à la Grande-Bretagne et à ses habitants, animés par la soif de gain et l’avidité. La critique à l’égard de la propriété privée y est sévère, celle-ci étant perçue comme un obstacle au bien-être de tous les membres de la société, en imposant des dynamiques conflictuelles.
L’utopie littéraire est caractérisée par le voyage. Ainsi, le deuxième livre a pour protagoniste Raphaël Hythlodée, marin et compagnon de voyage d’Amerigo Vespucci, qui raconte son périple sur l’île d’Utopie. En réalité, Utopie est à l’origine une péninsule, transformée en île par la volonté d’Utopos, qui y mène une population rude et inculte, la conduisant à un stade de civilisation: « s’il faut en croire des traditions, pleinement confirmées, du reste, par la configuration du pays, cette tèrre ne fut pas toujours une île. Elle s’appelait autrefois Abraxa, et tenait au continent ; Utopus s’en empara et lui donna son nom ».[13]
L’Utopie prend la forme d’une île distincte, séparée, autarcique et à l’abri de l’histoire. Sa fondation apparaît comme un acte décisif imposé à la nature et aux hommes par le roi Utopos, qui fait couper l’isthme la reliant au continent. Cette division topographique est aussi une rupture temporelle, dans la mesure où l’« autre » utopique est épargné par l’histoire.
En incarnant l’opposition sémantique entre ouverture et fermeture, l’île de More devient ainsi le symbole du double rôle joué par la mer : elle peut aussi bien ouvrir la voie vers l’extérieur que servir d’obstacle et de protection. Par cet acte fondateur, Utopos inaugure une nouvelle ère, caractérisée par le principe du bonheur. À ce sujet, More souligne que, pour les Utopiens, le bonheur correspond au fait de vivre selon la nature: « le bonheur, disent-ils, n’est pas dans toute espèce de volupté ; il est seulement dans les plaisirs bons et honnêtes. C’est vers ces plaisirs que tout, jusqu’à la vertu même, entraîne irrésistiblement notre nature : ce sont eux qui constituent la .félicité. Ils définissent la vertu : vivre selon la nature ».[14] De plus, Utopie est caractérisée par la coexistence de plusieurs religions vivant en parfaite harmonie: « les religions, en Utopie, varient non seulement d’une province à l’autre, mais encore dans les murs de chaque ville en particulier ; ceux-ci adorent le soleil, ceux-là divinisent la lune ou toute autre planète. Quelques-uns vénèrent comme Dieu suprême un homme dont la gloire et la vertu jètèrent autrefois un vif éclat ».[15]
Dans la tradition utopique littéraire, l’île est une métaphore de l’« ailleurs ». C’est un espace délimité qui représente une dimension autosuffisante et protégée, où règne le bonheur.
L’île porte en elle une dualité intrinsèque : elle est tantôt représentée comme un Éden habité par des natifs vivant en paix et profitant d’une nature luxuriante, tantôt comme un lieu de réclusion et d’isolement, devenant ainsi un espace potentiellement dangereux.
Dans l’incipit du deuxième livre, More en donne une description très détaillée, laissant transparaître cette dualité de l’île:
L’île d;Utopie a deux cent mille pas dans sa plus grande largeur, située, à la partie moyenne. Cette largeur se rétrécit graduellement et symétriquement du centre aux deux extrémités, en sorte què l’île entière s’arrondit en un demi-cercle de cinq cents miles de tour, et présente la forme d’un croissant […] L’entrée du golfe est dangereuse, à cause des bancs , de sable d’un côté, et des écueils de l’autre. [16].
De plus, la forme de l’île en croissant de lune est interprétée comme une référence au ventre maternel, qui protège et contraste avec la spatialité géométrique de la ville, symbole du pouvoir patriarcal. [17] L’île utopique de More devient un laboratoire scientifique régi par un principe rationnel strict, rendu possible précisément par la géographie insulaire. Les éléments extérieurs peuvent perturber cet ordre et, pour cette raison, il est nécessaire de se prémunir contre la menace de ceux qui pourraient le subvertir.
Si l’on veut préserver le bonheur de la communauté, objectif du projet utopique, il faut alors veiller fermement au maintien des normes qui régissent la société utopienne. Les voyageurs en visite doivent revêtir le rôle de témoins de la perfection de ce monde, retournant dans leur patrie pour glorifier le modèle utopique. Comme nous le voyons, cet aspect se retrouve également dans l’œuvre d’Étienne Cabet.
Un siècle plus tard, en 1627, Francis Bacon écrit La Nouvelle Atlantide, où il donne une dimension mythico-religieuse à son projet de société utopique. L’île de Bensalem devient un lieu de salut pour les voyageurs condamnés à une mort certaine en mer. Une île que Dieu aurait choisie pour l’évangélisation et qui devient un espace d’expérimentation scientifique, où l’on peut mettre à l’épreuve le pouvoir de la technologie pour dominer la nature.
Les habitants de Bensalem vivent en communion, s’appelant entre eux « frères » et suivant des principes inspirés du christianisme, de l’alchimie, de l’hermétisme, de l’astrologie et de la kabbale.[18]
Dans les utopies des Lumières, l’île devient la dépositaire du mythe des origines, un lieu où l’on peut mettre en scène toutes les étapes évolutives de l’humanité.[19] La littérature de voyage domine le genre. En 1719, Daniel Defoe publie le roman Robinson Crusoé, où l’île déserte sur laquelle échoue le protagoniste est présentée comme un jardin d’Éden, et le naufrage devient l’emblème d’une renaissance. Le bonheur atteint par Robinson Crusoé réside dans le fait d’avoir tourné le dos à son passé et d’avoir entamé une nouvelle vie dans un lieu idyllique représenté par l’île.
Defoe ne propose pas de solutions politiques stricto sensu, mais s’appuie sur une vision jusnaturaliste, affirmant l’existence d’un état de nature où les individus jouissent de droits naturels avant l’instauration de l’État civil. Exalter la nature non contaminée revient à préfigurer un scénario idyllique pour la vie humaine, où la nature est préservée des interventions humaines.
La « robinsonnade » est une expérience qui participe à la construction imaginaire de l’isolement et se déroule en trois étapes : elle commence par un naufrage, se poursuit par une période de solitude marquée par la lutte pour la survie et se termine par l’établissement d’une nouvelle relation avec l’île. De cette manière, Robinson Crusoé prend l’apparence d’un héros civilisateur, établissant une relation de communion avec l’île.[20] En 1726, Jonathan Swift publie Gulliver’s Travels, un roman en quatre parties où l’île n’est pas un lieu de bonheur, mais au contraire un espace hostile à quiconque y accède. Elle abrite des créatures monstrueuses qui mettent en danger le voyageur et ébranlent sa capacité à trouver une harmonie avec son environnement.
L’île y apparaît comme un univers clos sur lui-même, repoussant les étrangers. Le protagoniste est ainsi confronté en permanence à l’altérité propre à l’île et à son isolement intrinsèquement excluant.
L’île-utopie de Cabet : Voyage en Icarie
L’échec de la Révolution française engendre une désillusion générale, contribuant à affaiblir les projets utopiques élaborés à l’époque moderne. Un nouvel intérêt pour la littérature utopique renaît à la suite du développement industriel et de l’affirmation du capitalisme. L’œuvre d’Étienne Cabet, Voyage en Icarie, marque le début d’une nouvelle ère, où les principaux protagonistes sont ceux que Marx qualifie de manière péjorative de « socialistes utopistes » : Henri de Saint-Simon, Robert Owen et Charles Fourier.
Les socialistes utopistes, parmi lesquels Étienne Cabet, cherchent à proposer un modèle alternatif à un contexte social et politique dominé par la conflictualité sociale, dessinant le profil d’une société idéale, prospère en termes de ressources, pacifique et marquée par la justice sociale et l’égalité de ses membres. Seule la politique, selon eux, peut garantir les conditions d’égalité et de justice sociale, permettant aux hommes de s’émanciper des contraintes sociales et d’atteindre le bonheur.[21]. Ces penseurs considèrent en effet que les difficultés inhérentes à l’homme dans l’atteinte du bonheur ne proviennent pas de la nature humaine elle-même, mais de la condition sociale dans laquelle l’homme se trouve. Partant de ce postulat, l’accomplissement du bonheur est possible grâce à une pratique politique.
Pour comprendre l’œuvre de Cabet, il est nécessaire de considérer que la France de la Monarchie de Juillet se trouve dans une phase de transition. Ainsi, la proposition de Cabet cherche à concilier le monde pré-industriel avec le monde moderne, en définissant un système social communautaire efficace.[22] Avocat libéral et partisan d’une monarchie constitutionnelle représentative, Cabet est suspendu à plusieurs reprises de ses fonctions durant la Restauration.
Étienne Cabet naît en 1788 à Dijon, dans une famille d’artisans. Après avoir reçu une éducation catholique, il obtient un doctorat en droit en 1812. En 1820, il est contraint de quitter sa ville natale et de s’installer à Paris, étant considéré comme indésirable. Cabet adhère aux mouvements subversifs, nourrissant un intérêt pour les thèses exposées par Saint-Simon dans Le Nouveau Christianisme (1825), notamment l’idée de progrès et d’association fraternelle, ainsi que pour le programme des Égaux élaboré par Gracchus Babeuf, qui prône l’abolition de la propriété privée et la mise en commun des biens.
En 1818, il se rend à Paris où il dirige le Journal de Jurisprudence. Après la révolution de juillet 1830, il est nommé procureur général de la Corse, mais occupe ce poste moins d’un an, car il prononce un discours contre le gouvernement.[23] En 1831, Cabet est élu député et commence à collaborer avec des journaux ultraradicaux, tels que Le Populaire. Cela entraîne un procès et une condamnation à deux ans de prison. En janvier 1834, Cabet est inculpé pour deux articles publiés dans Le Populaire. Pour échapper à la peine de prison et à une lourde amende, il choisit l’exil politique en Angleterre pour une durée de cinq ans, où il vit dans des conditions de grande pauvreté.
Pendant son séjour à Londres, il abandonne le républicanisme bourgeois au profit du communisme et fait la connaissance de Robert Owen, l’industriel britannique qui a pris la direction des filatures de New Lanark et cherche à réaliser une réorganisation radicale de la société à travers un système rationnel, visant à créer un environnement de travail où les travailleurs peuvent pleinement profiter des fruits de leur labeur. Owen croit que la société doit être organisée de manière à assurer le bonheur des individus sans nuire au bien-être collectif. Selon lui, les individus, s’ils sont placés dans de bonnes conditions économiques et sociales, travailleront pour le bien commun.
Grâce à une amnistie, Cabet retourne à Paris où il se consacre à l’élaboration de son programme utopique, qui repose sur trois points : le renforcement des moyens de propagande pour créer un large mouvement transversal ; la conquête du pouvoir par des moyens légaux ; la proclamation d’un dictateur éclairé pendant la phase de transition, d’au moins cinquante ans, vers le communisme.[24]
Cabet est influencé par les idées d’Owen et, en même temps, s’inspire de la lecture de Utopie de Thomas More pour écrire une utopie littéraire décrivant une société communiste utopique. Il raconte que l’idée d’écrire un roman lui vient alors qu’il étudie dans la salle de lecture du British Museum et qu’il tombe sur une copie de Utopie : « je suis tellement frappé par l’idée fondamentale que je ferme le livre sans vouloir me souvenir des détails, afin de pouvoir méditer profondément sur le concept de communauté ». [25] Cabet considère que la forme du roman est « le moyen le plus simple et naturel pour faire comprendre au public le système le plus complexe et difficile ». En effet, il souhaite atteindre tous les groupes sociaux, y compris les femmes, qu’il pense pouvoir devenir « des apôtres perspicaces de la véritable cause de l’humanité ».[26]
La première édition officielle est publiée en 1840 à Paris, en deux volumes, sous le titre complet : Voyage et aventures de Lord William Carisdall en Icarie. La deuxième édition paraît deux ans plus tard en un seul volume sous le titre Voyage en Icarie : Roman philosophique et social.
Le roman est divisé en deux parties : dans la première, sont décrites les institutions politiques, économiques et sociales de la nation imaginaire d’Icarie, avec une comparaison avec celles de la France et de la Grande-Bretagne ; dans la seconde, l’histoire de la révolution icarienne est retracée.
Le protagoniste de son ouvrage, Lord William Carisdall, un jeune noble anglais, décide de partir en voyage pour visiter l’île d’Icarie après avoir lu une grammaire icarienne qui suscite en lui un vif enthousiasme.
eh bien, voici une langue parfaitement rationnelle, régulière et simple, qui s’écrit comme elle se parle, et se prononce comme elle s’écrit ; […] ce serait donc enfin ma langue universelle si désirée ! -Oui, je n’en doute pas, chaque Peuple l’adoptera tôt ou tard, en remplacement de la sienne ou conjointement avec celle- ci , et cette langue d’Icarie sera quelque jour la langue de toute la Terre. Mais quel est donc ce pays , l’Icarie ? Je n’en ai jamais entendu parler . Je le crois bien : c’est un pays inconnu jusqu’à présent, et qui vient d’être découvert tout récemment; c’est une espèce de Nouveau Monde[27].
Carisdall arrive sur une île située quelque part dans un coin perdu de l’Atlantique, appelée Icarie, où il n’existe pas d’inégalités, ce qui constitue le fondement de la recherche du bonheur, car :
Pour nous , plus nous étudions l’Histoire , plus nous sommes profondément convaincu que l’Inégalité est la cause génératrice de la misère et de l’opulence , de tous les vices qui sortent de l’une et de l’autre, de la cupidité et de l’ambition , de la jalousie et de la haine , des discordes et des guerres de tous genres, en un mot de tout le mal dont sont accablés les individus et les Nations[28].
Après avoir séjourné à Icarie pendant un an et être tombé amoureux d’une femme d’Icarie, Lord Carisdall retourne en Europe. Alors qu’il est sur le point de se marier, la femme a un accident et tout le monde croit qu’elle est morte. Sur son lit de mort, Lord Carisdall se lamente de n’avoir jamais pu l’épouser, mais soudainement, la femme réapparaît.
Cette société harmonieuse, fondée sur le principe du droit au bonheur, a été créée par Icare, un sage, qui se souciait de mettre en commun les moyens de production.
Heureusement que le dictateur élu par le peuple , le bon et courageux Icar, se trouva le meilleur des hommes ! C’est à lui , c’est à nos généreux ancêtres, ses compagnons , que nous devons le bonheur dont nous jouissons. C’est lui , ce sont eux qui ont organisé la République et la Communauté , après avoir bravé la mort et exécuté d’immenses travaux pour assurer le bonheur de leurs femmes et de leurs enfants.[29]
Par la suite, un comité de sages est instauré pour répondre aux besoins de la population insulaire. Grâce à une organisation étatique efficace confiée à des fonctionnaires, la production alimentaire est assurée. Le système éducatif et le système de santé sont sous le contrôle de l’État, qui gère également l’information à travers un réseau de journaux. Tout cela est régulé par un principe d’équilibre : il existe un journal national, des journaux régionaux (un pour chaque province) et des journaux locaux (un pour chaque commune). Un rôle fondamental est attribué à l’éducation, dispensée par l’État, nécessaire pour préserver l’égalité entre les citoyens selon des principes éthiques, car si c’est l’égalité qui produit le bonheur, la différence en produit le contraire, générant de l’insatisfaction.[30] Même la vie affective est régulée par l’État, qui fixe des normes pour la formation des couples.
dès qu’il est question du mariage pour unejeune fille ou pour un jeune homme, on lui enseigne tous les devoirs, toutes les obligations qu’il impose ; et ce sont surtout les pères et mères qui se chargent de cet enseignement, auquel concourent les livres, les prêtres et les prêtresses. Les époux savent donc parfaitement qu’ils s’associent pour la vie, qu’ils se donnent l’un à l’autre sans réserve, que tout doit être commun entre eux, la peine et le plaisir, et que le bonheur de chacun d’eux dépend de son époux : chacun d’eux s’engage bien volontairement, et en parfaite connaissance de cause, à remplir tous ces devoirs. Et le chef d’œuvre de l’organisation sociale donnée par Icar à son pays, n’est-ce pas d’avoir rendu tous les époux vertueux sans efforts?[31]
L’égalité géométrique correspond à l’égalité sociale : la société imaginaire, fruit de la fiction littéraire de Cabet, est un État insulaire assez vaste, divisé en cent provinces, chacune d’entre elles étant subdivisée en cent communes, avec la capitale située géométriquement au centre de la région. La capitale même d’Icarie, divisée en soixante municipalités, comprend des espaces publics répartis selon une précision géométrique.[32]
Remarquez que tous ces édifices publics sont tellement distribués qu’il y en a dans toutes les rues, et que toutes les rues comprennent le même nombre de maisons avec des édifices plus ou moins nombreux et plus ou moins vastes. Voici maintenant le plan d’une rue. Voyez ! seize maisons de chaque côté, avec un édifice public au milieu et deux autres aux deux extrémités. Ces seize maisons sont extérieurement pareilles ou combinées pour former un seul bâtiment, mais aucune rue ne ressemble complétement aux autres. Vous devez avoir maintenant une idée d’Icara[33].
La ville à la structure circulaire est divisée en cent rues qui se croisent. Elle est coupée en deux par un fleuve qui, dans l’imaginaire de Cabet, peut évoquer la Seine. Icarie est une Paris « dont l’architecte éclairé revisite l’urbanisme selon des critères de forte symétrie et d’harmonie ».[34]
L’expérience d’Icarie aux États-Unis
Tel est l’impact médiatique du roman que Cabet publie, le 9 mai 1847, dans Le Populaire, un appel intitulé Allons en Icarie, dans lequel il espère la création d’une « Icarie » au Texas, aux États-Unis. À adhérer au mouvement icarien, ce sont principalement les classes ouvrières urbaines constituées des artisans des grandes villes et des petites villes industrielles : ces derniers perçoivent de manière significative la menace pour leur mode de vie représentée par les changements dans les modèles de propriété et l’organisation du travail. La proposition utopique de Cabet, telle qu’elle est décrite dans Voyage en Icarie, prévoit une politique non violente visant à créer une société communiste. Dès 1846, le mouvement commence à montrer des signes de faiblesse, car si, d’un côté, Cabet réussit à imposer le culte de sa personnalité, de l’autre, nombreux sont ceux qui jugent impraticable la voie de la conciliation entre les classes et le pacifisme. Marx lui-même, bien qu’il reconnaisse la valeur humaine de Cabet, exprime son opinion en affirmant que son projet ne peut qu’échouer, car il ne tient pas compte de la division du travail. De plus, l’utopie communiste de Cabet finira par retarder le processus révolutionnaire. La critique de Marx à l’encontre de Cabet est de même nature que celle adressée aux autres « socialistes utopistes ». Dans Le Manifeste du Parti Communiste (1848), Marx et Engels consacrent plusieurs pages aux « socialistes utopistes », les accusant de ne pas avoir compris la conflictualité entre la bourgeoisie et le prolétariat, d’avoir renoncé a priori à la lutte politique et révolutionnaire pour réaliser leurs plans de régénération de la société, de s’être souvent appuyés sur la classe bourgeoise au lieu de se tourner vers le prolétariat et, enfin, de faire preuve d’une confiance excessive dans la science sociale qu’ils avaient imaginée. Ces derniers, selon Marx, ont proposé des projets totalement dépourvus d’une analyse scientifique de la réalité. Bien que le marxisme n’ait pas manqué de visions utopiques, comme la réalisation du socialisme, il se présente sous le masque du réalisme. En effet, Marx fonde son analyse sur un principe utopique, mais exclut totalement une dimension religieuse. Il pense en effet que le bonheur peut se traduire en un bien collectif, œuvre de la société. Comme l’a observé Antonio Trampus, « la suppression de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l’un des prérequis pour son véritable bonheur, afin de renoncer à une condition qui a besoin d’illusions et de se réapproprier la réalité ».[35] C’est pourquoi il accuse à la fois le judaïsme et le christianisme d’avoir promu, à travers la promesse du salut éternel, le désir d’un bonheur ultraterrien qui n’a lieu que dans un avenir messianique pour le judaïsme, paradisiaque pour le christianisme.[36] Selon Marx, cette promesse crée chez l’homme un sentiment d’aliénation, car elle l’incite à renoncer à un bonheur terrestre au nom d’un salut éternel.
[…] la destruction de la religion, comme bonheur illusoire du peuple, est une exigence de son bonheur réel. Exiger le renoncement à ses illusions sur sa situation, c’est exiger le renoncement à une situation qui a besoin d’illusions. La critique de la religion est donc en germe la critique de la vallée de larmes dont la religion est l’auréole.[37]
Contrairement à Marx, Cabet intègre finalement Dieu dans sa doctrine, comme le montre la publication de Le Vrai Christianisme en 1846. Pendant la Révolution de 1848, Cabet joue un rôle marginal par rapport à d’autres socialistes, car son pacifisme et sa vision utopique le rendent moins influent par rapport à d’autres socialistes plus radicaux, tels que Louis Blanc et Auguste Blanqui. Le 25 février 1848, lorsque la Deuxième République est instaurée à la suite des soulèvements révolutionnaires, Cabet signe la première page de Le Populaire intitulée « Aux communistes icariens », où l’on peut lire :
Demandons des institutions et des garanties pour le bonheur des FEMMES et des ENFANTS, pour que chacun ait la possibilité de se marier, avec la certitude de pouvoir élever sa famille et la rendre heureuse. Fidèle à nos principes de fraternité, d’humanité et de modération, de justice et de raison, crions toujours et partout: Point de vengeance! Point de désordre, point de violences, point d’oppression pour personne! mais fermeté, clairvoyance et prudence, afin d’obtenir justice pour tous![38]
Cabet se présente aux élections pour l’Assemblée nationale constituante, mais il n’obtient pas de siège, ce qui démontre que ses idées ne sont pas partagées par une large partie de la population, qui, à ce moment-là, se tourne vers des solutions plus radicales.[39]
Déçu par le déroulement de la révolution, Cabet juge opportun de concentrer ses énergies sur le projet de la colonie icarienne aux États-Unis, qu’il a déjà commencé à promouvoir en 1847. Sur les conseils de Robert Owen, Cabet obtient une concession de terres au Texas et, en février 1848, soixante-neuf Icariens partent de France, suivis par un deuxième groupe arrivant en août de la même année. En raison de difficultés d’installation, la colonie se transfère à la Nouvelle-Orléans. En janvier 1849, Cabet quitte la France pour rejoindre ses partisans et les guider vers Nauvoo, dans l’Illinois, où les Icariens s’installent sur les terres retirées aux Mormons. Cabet finit par imposer un régime austère fondé sur le contrôle social : il interdit aux Icariens de boire et de fumer, les habitants sont soumis à des mécanismes de surveillance et de délation, des livres et des journaux sont censurés, et ceux accusés d’avoir violé les règles morales de la colonie sont expulsés. En septembre de l’année précédente, Cabet est condamné à deux ans de prison pour avoir trompé ses partisans.[40] En juillet 1851, il retourne en France pour se défendre contre les accusations et obtient son acquittement. Il retourne ensuite aux États-Unis, s’installant avec quelques-uns de ses fidèles dans l’Iowa. Cabet finit par être critiqué par l’assemblée des membres, qui demande son expulsion en 1856, peu avant sa mort. Privés de leur maître, les Icariens tentent de refonder la communauté à Cheltenham, près de St. Louis, qui survit jusqu’en 1864, à Corning, dans l’Iowa, où l’expérience se termine en 1878 ; d’autres colonies émergent en Californie, jusqu’en 1887 et « Nouvelle Icarie », près de Corning, jusqu’en 1894.
Conclusion
Voyage en Icarie est un roman où Cabet expose ses thèses sur les sources de l’injustice, basées sur trois piliers : l’inégalité de la richesse et du bonheur ; le droit à la propriété privée ; l’usage de l’argent. La matrice éclairée de la pensée de Cabet apparaît dans la thèse fondamentale de sa pensée selon laquelle les vices de la société proviennent d’un contrat social injuste fondé sur l’inégalité. Par conséquent, le bonheur est possible en éliminant les germes de l’inégalité entre les individus. Comme nous le voyons, l’utopie littéraire dans sa tentative de se traduire en réalité révèle toutes ses faiblesses et contradictions dues à sa nature particulière : elle ne naît pas d’une matrice populaire, elle n’est pas une conquête sociale, mais apparaît comme une concession de la part de quelques esprits éclairés. Cela se manifeste non seulement dans Icarie mais aussi dans les propositions avancées par Fourier avec ses phalanstères, par Saint-Simon, Owen, dans la Nouvelle Atlantide de Bacon ou dans la Città del Sole de Campanella. Les réalisations politiques fondées sur les projets utopiques mettent souvent en évidence leur visage violent. À Icarie, l’organisation de la société est extrêmement rigide. Tout est régi selon le principe selon lequel le nécessaire a le dessus sur tout le reste : « c’est un principe grave par notre bon Icar, dans notre éducation comme dans notre gouvernement, de rechercher en tout utile et agréable, mais de commencer toujours par le nécessaire ».[41] De plus, l’insistance de Cabet sur la perfection géométrique de la ville d’Icarie révèle une sorte d’obsession pour l’ordre qui anticipe les principes des dictatures technocratiques. La même organisation rationnelle du travail fondée sur l’automatisation anticipe les aspects déshumanisants du fordisme. Cabet décrit cette efficacité dans l’organisation du travail comme étant la source à l’origine de l’harmonie et du bonheur :
La République voulant que chaque chose se fasse le plus rapidement possible, chaque chapeau, par exemple, est combiné de manière à se partager régulièrement en un grand nombre des pièces, qui toutes se fabriquent en masses énormes à la mécanique, en sorte que chaque ouvrière n’a plus qu’à coudre et atta- cher ces pièces, et peut achever un chapeau en quelques minutes. L’habitude qu’a chaque ouvrière de faire toujours la même chose double encore la rapidite du travail en y joignant la perfection. Les plus élégantes parures de tête naissent par milliers chaque matin entre les mains de leurs jolies créatrices, comme les fleurs aux rayons du soleil et au souffle du zephyr[42].
L’éducation à Icarie est également conçue pour éliminer toute forme de différence : de l’adoption d’un seul manuel scolaire à l’interdiction de l’enseignement des langues anciennes et modernes :
Quant à l’étude du latin, du grec, des autres langues anciennes et des langues vivantes étrangères, nous ne voulons pas que nos enfants perdent, dans cette étude ennuyeuse, un temps précieux qui peut être employé bien plus utilement […] Quant à l’étude de ces langues sous le rapport du langage seulement et de la littérature, c’est un si faible avantage […] surtout quand on possède une langue aussi parfaite que la nôtre […] nous sommes convaincus même que nos anciens tyrans n’imposaient ces études stériles que pour empêcher leurs sujets de s’instruire[43].
Il n’est pas surprenant qu’à Icarie, une langue artificielle soit créée, sans exceptions grammaticales. Il en va de même pour la presse, soumise à un contrôle strict. De plus, l’apparente avancée en matière de progressisme envers les femmes en termes d’éducation se heurte à certaines contradictions du point de vue des droits : d’un côté, on parle de « l’égalité entre les époux », mais de l’autre, on affirme que « la voix du mari » est « prépondérante ».[44] Cabet décrit une société gouvernée par une morale puritaine stricte en matière de sexualité :
Considérant le ménage et la fidélité conjugale comme la base de I’ordre dans les familles et dans la nation, donnant à chacun une excellente éducation, une existence assurée pour sa famille et pour lui, toute facilité de se marier et le remède du divorce, la République flétrit le célibat volontaire, comme un acte d’ingratitude et comme un état suspect, et déclare que le concubinage et l’adultère sont des crimes sans excuse; et cette déclaration suffit, sans que des pièces soient nécessaires, parce que I’éducation habitue à regarder ces crimes avec horreur, et que l’opinion publique serait sans pitié pour les criminels[45].
La conviction de Cabet selon laquelle seul un contrôle social rigide peut garantir le bonheur collectif se révèle être un cauchemar totalitaire. Comme l’observe le sémiologue Omar Calabrese,
la plupart des utopies placent au centre de leur traitement le thème du bonheur, tandis que les dystopies créent des mondes insupportablement malheureux. Les transitions entre euphorie et dysphorie sont peut-être le véritable centre des récits se déroulant sur des îles […] Habituellement, on passe de l’état de catastrophe dysphorique, représentée par le naufrage, à l’adaptation dans le nouveau territoire, à la satisfaction de la survie et de l’atteinte d’une certaine forme de confort, pour ensuite revenir à l’inquiétude, au désir du retour, et enfin revenir dans sa demeure[46].
L’Icarie de Cabet représente cette dimension : l’arrivée sur l’île constitue pour Lord William Carisdall la découverte de la dimension du bonheur dans un lieu idyllique et non corrompu. Cependant, pour utiliser les mots de Calabrese, « l’euphorie » se transforme en « dysphorie » lorsque, en raison du contrôle rigide sur la société, l’île devient une prison autoritaire.
[1] Omar Calabrese, « La forma dell’isola (che non c’è)....
[1] Omar Calabrese, « La forma dell’isola (che non c’è). Letteratura, immaginario, passioni », in Isole. Un arcipelago semiotico, Franciscu Sedda (dir.), Milano, Meltemi, 2019, p. 188.
[2] Isabella Pezzini, « Isole ai confini. Dalle terre leggendarie alle utopie », in Isole. ...
[2] Isabella Pezzini, « Isole ai confini. Dalle terre leggendarie alle utopie », in Isole. Un arcipelago semiotico, Franciscu Sedda (dir.), Milano, Meltemi, 2019, p. 157.
[3] Ibid., p. 159.
[3] Ibid., p. 159.
[4] Omar Calabrese, op. cit., p. 179.
[4] Omar Calabrese, op. cit., p. 179.
[5] Isabella Pezzini, op. cit., p. 160.
[5] Isabella Pezzini, op. cit., p. 160.
[6] Ibid., p. 161.
[6] Ibid., p. 161.
[7] Omar Calabrese, op. cit., p. 179.
[7] Omar Calabrese, op. cit., p. 179.
[8] Anne Meistersheim, Figures de l’île, Ajaccio, Siciliano, 2001, p. 130.
[8] Anne Meistersheim, Figures de l’île, Ajaccio, Siciliano, 2001, p. 130.
[9] Jean-Jacques Wunenburger, L'utopie ou la crise de...
[9] Jean-Jacques Wunenburger, L'utopie ou la crise de l'imaginaire, Paris, J. P. Delarge, 1979, p. 60.
[10] Jean-Jacques Wunenburger, La vie des images, Grenoble, PUG, 2002, p. 215.
[10] Jean-Jacques Wunenburger, La vie des images, Grenoble, PUG, 2002, p. 215.
[11] Isabella Pezzini, op. cit., p. 164.
[11] Isabella Pezzini, op. cit., p. 164.
[12] Luigi Marco Bassani, « Dall’utopia alle distopie: un altro modo di pensare la politica », in Da Platone a Rawls. Lineamenti di storia del pensiero politico, Luigi Marco Bassani, Stefano Bruno Galli, Franco Livorsi (dir.), Torino, Giappichelli, 2012, pp. 91-99.
[12] Luigi Marco Bassani, « Dall’utopia alle distopie: un altro modo di pensare la politica », in Da Platone a Rawls. Lineamenti di storia del pensiero politico, Luigi Marco Bassani, Stefano Bruno Galli, Franco Livorsi (dir.), Torino, Giappichelli, 2012, pp. 91-99.
[13] Thomas More, L’Utopie, Paris, Librio, 1999, p. 54.
[13] Thomas More, L’Utopie, Paris, Librio, 1999, p. 54.
[14] Ibid., p. 79.
[14] Ibid., p. 79.
[15] Ibid., p. 109.
[15] Ibid., p. 109.
[16] Ibid., p. 53.
[16] Ibid., p. 53.
[17] Vita Fortunati, « L’ambiguo immaginario dell’isola nella tradizione letteraria utopica », in Il fascino inquieto dell’utopia. Percorsi storici e letterari in onore di Marialuisa Bignami, Lidia De Michelis, Giuliana Iannaccaro, Alessandro Vescovi (dir.), Milano, Ledizioni, 2014, p. 53.
[17] Vita Fortunati, « L’ambiguo immaginario dell’isola nella tradizione letteraria utopica », in Il fascino inquieto dell’utopia. Percorsi storici e letterari in onore di Marialuisa Bignami, Lidia De Michelis, Giuliana Iannaccaro, Alessandro Vescovi (dir.), Milano, Ledizioni, 2014, p. 53.
[18] Giuseppe Schiavone, « L'utopia tra scienza e tecnica : Francis Bacon », ...
[18] Giuseppe Schiavone, « L'utopia tra scienza e tecnica : Francis Bacon », in Per un manifesto della nuova utopia, Cosimo Quarta (dir.) Milano, Mimesis, 2013, pp. 289-306.
[19] Vita Fortunati, op. cit., p. 57
[19] Vita Fortunati, op. cit., p. 57
[20] Nathalie Bernardie-Tahir, L'usage de l'île, Paris, Petra, 2011, p. 316.
[20] Nathalie Bernardie-Tahir, L'usage de l'île, Paris, Petra, 2011, p. 316.
[21] Michael Konrad, « Il paradosso della felicità: il necessario desiderio dell'impossibile », Angelicum , vol. 82, n° 3, 2005, p. 582.
[21] Michael Konrad, « Il paradosso della felicità: il necessario desiderio dell'impossibile », Angelicum , vol. 82, n° 3, 2005, p. 582.
[22] Leslie J. Roberts, « Etienne Cabet and his Voyage en Icarie, 1840 », Utopian Studies, vol. 2, n° 1/2, 1991, p. 77.
[22] Leslie J. Roberts, « Etienne Cabet and his Voyage en Icarie, 1840 », Utopian Studies, vol. 2, n° 1/2, 1991, p. 77.
[23] Michèle Sacquin-Moulin, « La Corse au lendemain de la Révolution de 1830 : Etienne Cabet, procureur général à Bastia, novembre 1830-mai 1831 », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, vol. 29, n° 4, 1982, pp. 650-661.
[23] Michèle Sacquin-Moulin, « La Corse au lendemain de la Révolution de 1830 : Etienne Cabet, procureur général à Bastia, novembre 1830-mai 1831 », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, vol. 29, n° 4, 1982, pp. 650-661.
[24] Leslie J. Roberts, op. cit., p. 78.
[24] Leslie J. Roberts, op. cit., p. 78.
[25] Ibid., p. 82.
[25] Ibid., p. 82.
[26] Ibid., pp. 82-83.
[26] Ibid., pp. 82-83.
[27] Étienne Cabet, Voyage en Icarie, Paris, Paris au bureau du populaire, 1848, p. 2.
[27] Étienne Cabet, Voyage en Icarie, Paris, Paris au bureau du populaire, 1848, p. 2.
[28]Ibid., p. II.
[28]Ibid., p. II.
[29] Ibid., pp. 39-40.
[29] Ibid., pp. 39-40.
[30] Michael Konrad, op. cit., p. 583.
[30] Michael Konrad, op. cit., p. 583.
[31] Étienne Cabet, op. cit., pp. 140-141.
[31] Étienne Cabet, op. cit., pp. 140-141.
[32] José D’Assunção Barros, « La Icaria di Étienne Cabet: un’utopia letteraria del XIX secolo », Diacronie. Studi di storia contemporanea, vol. 29, n°1, 2017, pp. 1-25.
[32] José D’Assunção Barros, « La Icaria di Étienne Cabet: un’utopia letteraria del XIX secolo », Diacronie. Studi di storia contemporanea, vol. 29, n°1, 2017, pp. 1-25.
[33] Étienne Cabet, op. cit., p. 22.
[33] Étienne Cabet, op. cit., p. 22.
[34] Massimo Baldini, La storia delle utopie, Roma, Armando editore, 1994, p. 120.
[34] Massimo Baldini, La storia delle utopie, Roma, Armando editore, 1994, p. 120.
[35] Antonio Trampus, Il diritto alla felicità. Storia di un’idea, Roma, Laterza, 2008, p. 218.
[35] Antonio Trampus, Il diritto alla felicità. Storia di un’idea, Roma, Laterza, 2008, p. 218.
[36]Michael Konrad, op. cit., pp. 583-584.
[36]Michael Konrad, op. cit., pp. 583-584.
[37] Henri Legault, « La critique marxiste de la religion (II) », Laval théologique et philosophique, vol. 1, n°2, 1945, p. 173.
[37] Henri Legault, « La critique marxiste de la religion (II) », Laval théologique et philosophique, vol. 1, n°2, 1945, p. 173.
[38] Étienne Cabet, « Aux communistes icariens », Le Populaire, 25 février 1848.
[38] Étienne Cabet, « Aux communistes icariens », Le Populaire, 25 février 1848.
[39] Georges Renard, « Cabet et les précurseurs de la Révolution de 1848 », Revue d'Histoire du XIXe siècle, n°139, 1931, pp. 181-192.
[39] Georges Renard, « Cabet et les précurseurs de la Révolution de 1848 », Revue d'Histoire du XIXe siècle, n°139, 1931, pp. 181-192.
[40] Étienne Cabet, Procès et acquittement de Cabet, accusé d'escroquerie au sujet de l'émigration icarienne : histoire d'Icarie, Paris, 1851.
[40] Étienne Cabet, Procès et acquittement de Cabet, accusé d'escroquerie au sujet de l'émigration icarienne : histoire d'Icarie, Paris, 1851.
[41]Étienne Cabet, Voyage en Icarie, op. cit., p. 13
[41]Étienne Cabet, Voyage en Icarie, op. cit., p. 13
[42] Ibid., p. 137.
[42] Ibid., p. 137.
[43] Ibid., p. 80.
[43] Ibid., p. 80.
[44] Ibid., p. 299.
[44] Ibid., p. 299.
[45] Ibid., p. 141.
[45] Ibid., p. 141.
[46] Omar Calabrese, op. cit., p. 186.
[46] Omar Calabrese, op. cit., p. 186.
[1] Omar Calabrese, « La forma dell’isola (che non c’è). Letteratura, immaginario, passioni », in Isole. Un arcipelago semiotico, Franciscu Sedda (dir.), Milano, Meltemi, 2019, p. 188.
[2] Isabella Pezzini, « Isole ai confini. Dalle terre leggendarie alle utopie », in Isole. Un arcipelago semiotico, Franciscu Sedda (dir.), Milano, Meltemi, 2019, p. 157.
[3] Ibid., p. 159.
[4] Omar Calabrese, op. cit., p. 179.
[5] Isabella Pezzini, op. cit., p. 160.
[6] Ibid., p. 161.
[7] Omar Calabrese, op. cit., p. 179.
[8] Anne Meistersheim, Figures de l’île, Ajaccio, Siciliano, 2001, p. 130.
[9] Jean-Jacques Wunenburger, L’utopie ou la crise de l’imaginaire, Paris, J. P. Delarge, 1979, p. 60.
[10] Jean-Jacques Wunenburger, La vie des images, Grenoble, PUG, 2002, p. 215.
[11] Isabella Pezzini, op. cit., p. 164.
[12] Luigi Marco Bassani, « Dall’utopia alle distopie: un altro modo di pensare la politica », in Da Platone a Rawls. Lineamenti di storia del pensiero politico, Luigi Marco Bassani, Stefano Bruno Galli, Franco Livorsi (dir.), Torino, Giappichelli, 2012, pp. 91-99.
[13] Thomas More, L’Utopie, Paris, Librio, 1999, p. 54.
[14] Ibid., p. 79.
[15] Ibid., p. 109.
[16] Ibid., p. 53.
[17] Vita Fortunati, « L’ambiguo immaginario dell’isola nella tradizione letteraria utopica », in Il fascino inquieto dell’utopia. Percorsi storici e letterari in onore di Marialuisa Bignami, Lidia De Michelis, Giuliana Iannaccaro, Alessandro Vescovi (dir.), Milano, Ledizioni, 2014, p. 53.
[18] Giuseppe Schiavone, « L’utopia tra scienza e tecnica : Francis Bacon », in Per un manifesto della nuova utopia, Cosimo Quarta (dir.) Milano, Mimesis, 2013, pp. 289-306.
[19] Vita Fortunati, op. cit., p. 57
[20] Nathalie Bernardie-Tahir, L’usage de l’île, Paris, Petra, 2011, p. 316.
[21] Michael Konrad, « Il paradosso della felicità: il necessario desiderio dell’impossibile », Angelicum , vol. 82, n° 3, 2005, p. 582.
[22] Leslie J. Roberts, « Etienne Cabet and his Voyage en Icarie, 1840 », Utopian Studies, vol. 2, n° 1/2, 1991, p. 77.
[23] Michèle Sacquin-Moulin, « La Corse au lendemain de la Révolution de 1830 : Etienne Cabet, procureur général à Bastia, novembre 1830-mai 1831 », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, vol. 29, n° 4, 1982, pp. 650-661.
[24] Leslie J. Roberts, op. cit., p. 78.
[25] Ibid., p. 82.
[26] Ibid., pp. 82-83.
[27] Étienne Cabet, Voyage en Icarie, Paris, Paris au bureau du populaire, 1848, p. 2.
[28]Ibid., p. II.
[29] Ibid., pp. 39-40.
[30] Michael Konrad, op. cit., p. 583.
[31] Étienne Cabet, op. cit., pp. 140-141.
[32] José D’Assunção Barros, « La Icaria di Étienne Cabet: un’utopia letteraria del XIX secolo », Diacronie. Studi di storia contemporanea, vol. 29, n°1, 2017, pp. 1-25.
[33] Étienne Cabet, op. cit., p. 22.
[34] Massimo Baldini, La storia delle utopie, Roma, Armando editore, 1994, p. 120.
[35] Antonio Trampus, Il diritto alla felicità. Storia di un’idea, Roma, Laterza, 2008, p. 218.
[36]Michael Konrad, op. cit., pp. 583-584.
[37] Henri Legault, « La critique marxiste de la religion (II) », Laval théologique et philosophique, vol. 1, n°2, 1945, p. 173.
[38] Étienne Cabet, « Aux communistes icariens », Le Populaire, 25 février 1848.
[39] Georges Renard, « Cabet et les précurseurs de la Révolution de 1848 », Revue d’Histoire du XIXe siècle, n°139, 1931, pp. 181-192.
[40] Étienne Cabet, Procès et acquittement de Cabet, accusé d’escroquerie au sujet de l’émigration icarienne : histoire d’Icarie, Paris, 1851.
[41]Étienne Cabet, Voyage en Icarie, op. cit., p. 13
[42] Ibid., p. 137.
[43] Ibid., p. 80.
[44] Ibid., p. 299.
[45] Ibid., p. 141.
[46] Omar Calabrese, op. cit., p. 186.