L’urbanisme du futur pour accéder au bonheur ? Les leçons à tirer des utopies urbaines depuis le XVe siècle

Résumé : Les utopies urbaines, ces « villes issues d’un idéal humain de penseurs ou de concepteurs » qui se sont développées dans la littérature à partir du XVe siècle, mettent toutes en exergue une condition identique pour l’accès à une « vie heureuse » : la présence, dans les lieux de vie, de l’ensemble du réel non anthropisé, autrement dit de la nature. La réflexion générale que nous nous proposons de mener dans cette contribution s’ancrera essentiellement dans l’histoire des idées et la philosophie de l’urbanisme. Nous prendrons précisément appui sur des extraits des principales œuvres utopiques écrites depuis le XVe siècle et sur l’étude de leurs expérimentations concrètes entreprises au cours des quatre grandes révolutions industrielles (charbon, pétrole, énergies vertes et internet) pour recontextualiser historiquement, sociologiquement et politiquement la place de la nature dans les lieux de vie. Nous percevrons ainsi son importance historique dans l’accès à une vie (urbaine) heureuse. Nous verrons ensuite qu’au XXIe siècle, la fabrication urbaine utopique alimente de nouveaux débats, plus protéiformes : celui de la place à réserver au patrimoine naturel, celui de l’accès à un développement durable réel et celui de la pertinence de villes « génériques » permettant à ses habitants d’accéder à un bonheur standardisé.

 

Mots-clés : Utopie urbaine, Histoire de l’urbanisme, Environnement, Nature, Décroissance.

 

Abstract : Urban utopias are « cities born from a human ideal of thinkers or designers ». They have been developing in literature since the 15th century, and all emphasize the same condition for access to a happy life : the presence of nature in living spaces. The general reflection carried out in this contribution will be essentially anchored in the history of ideas and the philosophy of urban planning. We will study quotes from the main utopian works written since the 15th century and their concrete experiments undertaken during the four industrial revolutions (coal, oil, green energy and the internet). This will allow us to recontextualize historically, sociologically and politically the place of nature in living spaces. We will then perceive its historical importance in access to a happy (urban) life. Finally, we will see that in the 21st century, utopian urban construction is giving rise to new debates : the place of natural heritage and sustainable development in societies and the relevance of generic cities generating standardized happiness for their inhabitants.

 

Keywords : Urban utopia, History of urban planning, Environment, Nature, Degrowth.

Le vocable « nature » renvoie à un concept polysémique. Elle est par hypothèse tout ce que l’homme peut observer autour de lui sans qu’il ne s’agisse du résultat de sa propre production ; mais, prise dans une autre acception sinon plus philosophique[1] en tout cas plus académique, elle est aussi un antonyme de culture. Aussi, la ville et la campagne ont-elles été originellement départies, comme la nature et la culture l’avaient été, avant elles, par la philosophie présocratique. Elles seront disjointes dès les premières cosmogonies, le sillon très symboliquement creusé dans la terre par Romulus pour délimiter l’enceinte de la ville de Rome représentant le schisme allégorique entre la ville et la campagne — autrement dit entre la manifestation divine (la nature) et la création humaine (la ville). De même, expulsé du Jardin d’Eden pour avoir commis le péché originel, l’Homme sera fatalement condamné à errer dans la seconde tout en gardant la nostalgie de la première[2]. Mais il serait tout aussi judicieux d’appréhender les deux notions (nature et culture) conjointement, avec toute leur complémentarité et sans antithétisme car, en quelque endroit qu’il se trouve, même enfermé entre quatre murs de béton, l’être humain n’en est pas moins au milieu d’une nature « anthropisée ».

 

La société industrielle — et à plus forte raison post-industrielle — s’est pleinement épanouie au sein de villes, et désormais de continuums urbains, toujours plus étendus, toujours plus impressionnants. Même dans les rêves les plus fous des Romains ou des Babyloniens de l’Antiquité, ces villes millionnaires[3] n’étaient que de simples supputations[4] ; elles se sont fait jour bien après eux sous forme de grandes métropoles et d’immenses conurbations[5]. L’émergence de nouvelles fonctions urbaines, accompagnée d’une poussée démographique, a fait voler en éclat l’ancien modèle (d’abord médiéval puis baroque) de la ville, selon un processus commun à toutes les périodes de transformations économiques des sociétés qui jalonnent l’histoire. À chacune de ces périodes, dites « révolutionnaires » — on en dénombre classiquement trois, outre une quatrième en gestation — « un nouvel ordre se crée, selon le processus traditionnel de l’adaptation de la ville à la société qui l’habite »[6] et des penseurs s’affranchissent des réalités urbaines de leur temps, pour inventer des mondes imaginaires en rupture — parfois très franche — avec l’ordre social établi. Depuis la Babylone d’Hammurabi au XVIIIe s. av. J.-C., un véritable foisonnement idéel témoigne de l’importance séculaire de la question de l’urbain et de son lien indéniable avec le bonheur et le bien-vivre ensemble. On a d’emblée qualifié d’utopies[7] ces « villes issues d’un idéal humain de penseurs ou de concepteurs », ces lieux rassurants et parfaits, où vivre-ensemble, urbanisme et ordre social semblent être entrés en cohérence. Théoriquement, la forme urbaine et l’organisation des lieux de vie permettraient de réaliser un vivre-ensemble idéalisé ; en pratique, cet imaginaire idéal, souvent cadré avec une trop grande rigueur[8], souffre d’une absence a priori d’adhésion de la part des premiers concernés (ses habitants) conduisant in fine à l’inverse du but recherché[9].

 

C’est ainsi qu’à la veille de la première révolution industrielle, née de l’utilisation du charbon et de l’invention concomitante de la machine à vapeur, des penseurs de la ville imaginent des mondes en soi, déconnectés de toute réalité passée, présente ou future ; leur pensée a souvent été, malheureusement, vulgarisée et réduite à une idéologie essentiellement politique ; mais si la plupart appartient effectivement au socialisme politique, leurs théories concernent au premier plan les rapports sociaux à l’œuvre au sein de la ville.

 

Au cours de la deuxième révolution, celle du pétrole et du moteur à explosion, la pensée se dépolitise partiellement. Les auteurs ne sont plus uniquement des doctrinaires mais, pour la majorité, des architectes-urbanistes qui envisagent « l’état futur et universel d’une humanité enfin délivrée de ses maux » en imaginant des solutions sociales spatialisées en réponse aux plaies de l’industrialisation. Deux autres courants s’épanouissent aux côtés de l’urbanisme progressiste, sans lui causer de l’ombre : l’urbanisme culturaliste et l’architecture organique. Les auteurs cherchent à faire accomplir à la ville, qu’ils jugent anachronique, une nouvelle révolution industrielle, celle de l’efficacité technique (l’automobile est par exemple omniprésente dans les écrits du début du XXe siècle) et de la rationalisation des formes — parfois dans un parallèle assumé avec les arts plastiques puisque certains auteurs souhaitent que la ville ressemble plus franchement à une abstraction de Piet Mondrian.

 

Lors de la troisième révolution — celle des énergies dites « vertes » — l’utopie change radicalement de nature et de dimension : portée par les réseaux — et par le premier d’entre-eux, Internet — elle délaisse l’urbanisme au profit du projet urbain. La troisième génération d’utopistes ne rassemble plus vraiment des penseurs individualisés, pas plus d’ailleurs qu’elle ne fédère des idées sous un courant théorique ; elle est celle des architectes et concepteurs-réalisateurs anonymes, officiant dans l’ombre des grands groupes immobiliers. Ces nouveaux représentants de l’utopie moderne contemporaine ont beau avoir été inspirés par les écrits de leurs illustres aînés, leurs réalisations architecturales semblent à première vue très éloignées des premières utopies urbaines dont, pourtant, elles se réclament.

 

Quid de la quatrième révolution ? Aujourd’hui en gestation, cette période est celle qui verra converger les technologies numériques, l’IA et le traitement accéléré des données — une révolution à la fois utopique et dystopique opérée au moyen de la Big Data. Il est encore un peu prématuré de dire ce que sera la place de Dame Nature dans les villes de cette période, espérons simplement que le futur ne ressemblera pas à la Matrice imaginée par les sœurs Wachowski.

 

À bien y regarder, afin d’accéder à une vie heureuse, les principales utopies urbaines mettent toutes en exergue la même notion cardinale, en dépit des éventuels contrastes historico-politiques : la présence de l’ensemble du réel non anthropisé. L’inscription structurelle de l’habitat au sein de son environnement naturel se retrouve en effet dans les primats urbanistiques de chaque courant idéologique, fût-il utopique. La place réservée à la nature au sein des villes semble alors avoir suivi la route sinueuse empruntée par les théories du pré-urbanisme et de l’urbanisme : d’abord perçue comme l’environnement sauvage et préservé dans lequel doit se fondre toute l’édification urbaine — nous verrons par exemple qu’une place de choix est réservée à l’habitat individuel dans la pensée utopiste des deux premières révolutions industrielles, notamment pour des raisons d’hygiène et de salubrité — la nature est ensuite devenue, tour à tour, une composante structurante de l’aménagement urbain et un élément essentiel au bien-être et au bonheur des populations ; la pierre de touche semble s’être métamorphosée en pierre angulaire.

 

La réflexion générale que nous nous proposons ici de mener s’ancrera essentiellement dans l’histoire des idées : il s’agira, en prenant précisément appui sur des extraits des principales œuvres utopiques, de recontextualiser historiquement, sociologiquement et politiquement la place de la nature dans les utopies urbaines depuis le XVIIe siècle afin de percevoir son importance dans l’accès à une vie (urbaine) heureuse.

 

1 – La nature englobante (XVIIe – début XIXe s.)

 

La première révolution industrielle préfigure les deux suivantes. L’urbanisme y est essentiellement dominé par un imaginaire globalisant au point que Françoise Choay le présente plutôt comme un pré-urbanisme, eu égard à son ancrage historico-économique et à son affiliation à un courant politique, celui du socialisme. Les pré-urbanistes se rattacheront principalement à deux modèles, systématisés sous les dénominations de « progressiste » et « culturaliste ». À cette époque, une abondante littérature descriptive fait état de l’apparition d’un phénomène d’« urbanification » — néologisme désignant le phénomène spontané de développement urbain ayant cours à cette période, par opposition à l’urbanisme, qui, lui, se veut organisé tandis qu’il emprunte certaines de ses méthodes à l’imaginaire utopique. Une autre littérature — moins détachée, plus critique, mais tout aussi savante — lui fait miroir. Menée par des penseurs de renom parmi lesquels Engels ou Marx, elle perçoit la croissance démesurée de la ville comme un processus pathologique, à l’image de l’architecte français Le Corbusier qui parle à son endroit de « cancer qui se porte bien ». Ensemble, ces polémistes dénoncent les conditions d’hygiène déplorables des grandes villes industrielles, l’insalubrité de l’habitat ouvrier et l’absence de jardins publics dans les quartiers populaires.

 

A – Le modèle progressiste : réponse à la ville industrielle congestionnée

 

Le contexte urbain de l’époque, en d’autres termes le désordre urbain, explique en grande partie que les premiers urbanistes — qu’ils soient philosophes, conseillers du Prince ou ingénieurs — aient d’abord cherché à rendre la ville plus ordonnée, c’est-à-dire plus esthétique et plus rationnelle. Leurs écrits, se rattachant à l’idéologie à défaut de pouvoir prendre une forme pratique, illustrent à merveille les relations de connivence qui peuvent s’établir entre l’urbain et la sociologie : selon ces idéalistes, la forme architecturale de la ville permettrait à terme de rendre les hommes plus vertueux et plus heureux, et de rendre le monde plus harmonieux[10]. C’est pourquoi, après avoir (vainement) critiqué le désordre urbain ambiant, ils tentent de lui opposer leurs projections spatiales rationalisées.

 

Entrent dans ce cadre les modèles de cité idéale proposés par les penseurs socialistes Owen, Fourier, Cabet ou encore Proudhon, que F. Choay fédère sous la dénomination de « modèle progressiste ». Sans entrer plus avant dans l’exposé de leur idéologie, indiquons simplement que l’espace dans lequel éclôt leur cité idéale est ouvert, « troué de vides » et empli d’une « verdure » qui offre un cadre privilégié pour s’adonner à toute sorte de loisirs (principalement le jardinage et la culture physique)[11]. En tant que « symbole du progrès », les principaux éléments (air, lumière, eau) doivent être accessibles ou distribués gratuitement à tous. Le socialiste Proudhon (1809-1863) dira même « nous avons la France à transformer en un vaste jardin, mêlé de bosquets ». Leur modèle d’habitat est souvent décrit avec force détails, avec des dimensionnements tirés au cordeau et une population très précisément estimée. La nature englobante entoure les lieux sans nécessairement être mise en valeur : chez Owen (1771-1858) par exemple, les espaces verts servent à isoler l’industrie.

 

Lointain ancêtre des modèles actuels de décroissance, le Phalanstère de Charles Fourier (1772-1837) est une sorte de société alternative, non égalitaire. Véritable utopie socialiste, basée sur un mode de vie coopératif, il préfigure ce que sera la Cité Radieuse corbusienne. La nature, qui entoure la Phalange, est synonyme de beauté et d’harmonie : Victor Considerant, qui se consacrera à la diffusion des idées de Fourier[12] après sa mort, fera lui aussi l’apologie de cette nature domptée, présente sous forme de jardins pour servir la beauté du panorama : « un splendide palais s’élève du sein des jardins, des parterres et des pelouses ombragées, comme une île marmoréenne baignant dans un océan de verdure (…) ». Les espaces verts et les « verdoyantes perspectives de la campagne » sont parfaitement intégrés et se déploient à l’intérieur comme tout autour du Phalanstère : « la route magistrale qui sillonne au loin la campagne de ses quadruples rangées d’arbres somptueux, bordée de massifs d’arbustes et de fleurs » (…). L’étude de l’utopie fouriériste est intéressante. Sa façon de penser ainsi la ville comme une « chose reproductible à l’infini » la soustrait « à une temporalité concrète » et lui ôte fatalement toute potentialité de manifestation concrète. Ce faisant, « elle devient, au sens étymologique, utopique, i.e. de nulle part »[13]. Cet archétype du pré-urbanisme présentera par la suite un intérêt épistémologique certain, en devenant un « modèle des futurs modèles », portant en germe un concept particulièrement novateur, la « ville-campagne »[14].

 

L’hygiène est un point saillant au sein des écrits utopiques de cette époque. Une attention toute particulière est portée, entre autres, aux matériaux et techniques de construction utilisés, et l’inclusion de l’habitat dans un milieu naturel permet de réduire, sans toutefois l’annihiler, tout risque d’épidémie. Le médecin Benjamin Ward Richardson (1828-1896) écrira par exemple « les changements les plus radicaux introduits dans les maisons de notre cité concernent les cheminées, les toits, les cuisines et leurs dépendances (…) ainsi la ville est débarrassée des cheminées et des méfaits intolérables de la fumée ». Jean-Baptiste Godin (1819-1888), fouriériste convaincu, indique que « la clarté et l’espace sont les premières conditions de la propreté et de l’hygiène » au sein de son Familistère de Guise. Jules Vernes (1828-1905) lui-même indiquera, dans la description très fouillée de sa Franceville des années 2889, que « la question de la propreté individuelle et collective est la préoccupation capitale des fondateurs de Franceville ». La nature permet alors de satisfaire le besoin hygiéniste, notamment grâce à la présence d’une eau « purifiante ». Voilà également pourquoi la maison individuelle ou les petits collectifs ont la préférence des auteurs socialistes (« chaque maison sera isolée » chez Vernes, « dans un lot de terrain planté d’arbres, de gazon et de fleurs » ; Proudhon donnerait, lui, « le musée du Louvre, les Tuileries, Notre-Dame — et la Colonne par dessus le marché — pour être logé chez lui, dans une petite maison faite à sa guise, qu’il occuperait seul au centre d’un petit enclos d’un dixième d’hectare »[15]). Toutefois, à considérer le modèle dans son ensemble, on ne peut que prendre la mesure de l’inadéquation de l’utopie socialiste avec les standards actuels de densification. Les auteurs progressistes proposent en effet un idéal urbain basé sur une urbanisation mitée et éclatée, contre laquelle luttent activement les pouvoirs publics actuels.

 

B – Le modèle culturaliste : une vie heureuse au milieu de la nature

 

Vis-à-vis du modèle progressiste et second idéal de la première période industrielle, le modèle culturaliste se dégage de l’œuvre, entre autres, de Ruskin, mais se retrouve également un siècle plus tard, en filigrane, dans la « cité-jardin » d’Howard ou dans l’architecture organique de Wright. Cette idéologie a inspiré, en partie, quelques élans de romantisme urbain à Victor Hugo, la perception de la beauté à la française de Jules Michelet et même l’approche cartésienne de Fustel de Coulanges dans sa Cité Antique. Ces auteurs ont tous en commun une critique acerbe de la ville industrielle et une certaine nostalgie de l’esthétisme passé, qui remplace de ce fait les préoccupations hygiénistes des progressistes.

 

La ville est chez eux un phénomène essentiellement culturel (d’où le nom du modèle). Point de ville tentaculaire : de taille modeste et précisément enceinte, elle s’inscrit dans un rapport dichotomique avec la nature, que les culturalistes tentent de préserver dans son état le moins anthropisé, éventuellement en recourant à des artifices (tels l’instauration de « réserves » paysagères par exemple). La population y est dispersée en différents emplacements et la nature est présente sous une forme « sauvage » pour reprendre les termes de W. Morris (1834-1896), lequel cherche à mettre un terme à l’opposition dialectique entre la ville et la campagne afin de produire une « vie heureuse »[16].

 

  1. La nature structurante (milieu XIXe / XXe)

 

L’ordre urbain nouvellement créé au cours de la deuxième révolution industrielle se définit avant tout morphologiquement. Les utopistes de cette période moderniseront, en quelque sorte, les modèles du pré-urbanisme ; et si les suppliques politiques ont cédé la place aux revendications esthétiques — quoique certains n’hésitent pas à défendre des idées proprement socialistes — il est impossible de ne pas percevoir une certaine continuité idéologique dans les écrits utopistes entre le XVIe et le début du XXe siècle. Souhaitant mettre fin aux manifestations tangibles de ce qu’ils considèrent, à juste titre, être la « laideur » urbaine, les nouveaux penseurs de l’urbain développent une « capacité à susciter des améliorations du monde réel en présentant des possibilités attractives » dans un espace singularisé et différencié, « conséquence du rôle qu’ils accordent à l’individualité ». Pour autant, si leurs principes structurants s’opposent parfois diamétralement — habitat diffus de Wright ou ville compacte de Le Corbusier — la place de la nature semble prima facie y faire consensus. Elle n’est pas encore devenue, à cette époque, la substantifique moelle de l’aménagement urbain, mais elle est désormais une véritable composante du phénomène urbain.

 

A – La ville culturaliste, un lieu naturel et esthétique

Camillo Sitte (1843-1903), urbaniste autrichien, est l’un des fondateurs du néo-culturalisme. Selon le modèle qu’il met en place, la totalité (la ville) phagocyte les parties (ses habitants), le culturel l’emporte sur le matériel, les considérations purement esthétiques supplantent les considérations politico-sociales. Il fait grand cas des modèles d’urbanisme mis en place par ses prédécesseurs de l’Antiquité à la Renaissance italienne[17]. Son analyse très fine lui permet de tirer la définition d’un primat d’aménagement urbain qu’il inscrit dans un modèle concret dont la rue (sinueuse, épousant les méandres et sinuosités des lieux) et la place sont les deux organes fondamentaux. La verdure, absente du centre urbain, prospère plutôt à ses abords immédiats et lorsqu’elle réapparaît au détour d’un quartier résidentiel, elle doit être « soigneusement mise en forme ».

 

Un autre digne représentant de l’urbanisme culturaliste est Ebenezer Howard (1850-1928). Il oppose dialectiquement ville et campagne grâce à une mécanique d’attraction-répulsion, à l’image des polarités d’un aimant. Les villes, trop grandes, sont congestionnées et peinent à offrir à tous un logement décent ; dans le même temps, les campagnes sont désertes et faillissent progressivement à leur tâche d’approvisionnement. Le pôle Ville jouit de loisirs mais présente des logements à prix exorbitants ; le pôle Campagne est dénué d’activité mais bénéficie d’un air frais peu pollué, accessible à un prix démocratique. Son idée est alors de fédérer ces deux pôles afin d’en créer un troisième, le pôle Ville-Campagne, capable, au travers de la combinaison des avantages de l’un comme de l’autre pôle, de faire revenir l’homme vers la nature, laquelle enceint la ville afin d’empêcher toute réunion avec les agglomérations environnantes. Sa cité-jardin[18], une ville toute en longueur, sans centralité, sans quartiers, sans parcours labyrinthique, traversée par un rail faisant office de colonne vertébrale, met à l’honneur les éléments naturels (la lumière et l’air en particulier) harmonieusement répartis au sein de l’espace. Là où certaines utopies urbaines développées à son époque recherchent principalement la liberté de l’individu, celle d’Howard accorde une place importante aux principes hygiénistes.

 

Le compromis ainsi trouvé permet le retour tant espéré à l’idéal de la nature et combine ainsi développement urbain et économie pour viser à l’autosuffisance[19] ; on pourrait ainsi dire qu’il est un lointain ancêtre des tenants du « développement raisonné »[20]. Il a grandement influencé l’urbanisme au cours du XXe siècle, en proposant de fonder la croissance des villes sur le polycentrisme plutôt que sur l’étalement. Son modèle urbain a connu une certaine fortune, ce qui lui a valu d’être concrètement expérimenté en Angleterre au début du XXe siècle[21] et, plus récemment, dans de petites villes françaises de banlieue parisienne[22]. Pourtant, outre quelques cités antiques construites sur ce modèle, le plan circulaire n’est pas vraiment la matrice de référence pour les architectes-urbanistes de la société industrielle ; ces derniers se fondent plutôt sur le plan octogonal en damier, cette « sépulture pour l’âme »[23] improprement attribuée à Hippodamos de Milet, avec son quadrillage de rues parallèles et son ordonnancement géométrique véhiculant a priori une image d’ordre.

 

B – La ville progressiste, « un immense jardin »

 

Dans le même temps, une nouvelle version du modèle progressiste se fait jour. En France, Tony Garnier (1869-1948) est à l’origine de ce mouvement né dans l’après-Première Guerre inscrit dans le sillon artistique du cubisme. Son ouvrage majeur[24] est un condensé de « solutions utilitaires » et de « solutions plastiques » (selon les termes du Corbusier), résolument inscrites dans la modernité et le progrès technique. Si la nature est bien présente dans son œuvre, elle l’est avant tout par l’utilité qu’il en tire : « le lit du torrent est barré ; une usine hydro-électrique distribue la force, la lumière, le chauffage aux usines et à toute la ville », ce qui fait de lui un précurseur dans l’utilisation des énergies vertes. Les urbanistes progressistes français demeureront ensuite très attachés aux principes de rendement et d’efficacité, à l’instar du penseur Georges Benoit-Lévy (1880-1971) qui fait de l’omniprésence de l’industrie la condition sine qua non de l’accession au bonheur collectif : « la Cité du bonheur serait donc celle par où une production rationnelle et prospère se créerait »[25]. En d’autres termes, la ville nouvelle, idéale, sera « la ville de l’industrie », une sorte de « ville d’élevage verte et hygiénique, destinée à obtenir des ouvriers qui l’habitent le meilleur rendement possible » ; de ce fait, sa cité-jardin à la française est l’ancêtre des actuels « grands ensembles » entourés d’une verdure amorphe[26].

 

Mais c’est incontestablement Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier (1887-1965), qui proposera la théorie la plus aboutie (et la plus rigide) du modèle de l’urbanisme progressiste[27]. En dépit d’une postérité glorieuse, nul architecte du XXe siècle n’a été plus mal compris et plus dévoyé que lui[28]. La préservation de l’environnement fait partie intégrante de son projet de Ville Radieuse[29] qui doit réunir la nature, l’homme et la technique : l’architecte, fervent défenseur de la densification, préconise « d’augmenter les surfaces plantées et de diminuer le chemin à parcourir ». Pour ce faire, les constructions doivent s’ériger en hauteur, à l’instar des gratte-ciels nord-américains (qu’il imagine en France hauts de 60 étages), au centre de la ville. Par opération d’anthropomorphisme, l’environnement naturel est alors perçu comme le « poumon » de la ville, devenue alors un « grand parc ». Et de conclure, avec son sens inné de la formule : « le pacte est signé avec la nature ». 

 

Mais l’urbanisme progressiste s’est malheureusement épanoui dans la conception de cités théoriques pour des êtres humains théoriques, comme la majorité des courants de pensée urbaine contemporains. Le modèle, qui trouve là sa principale limite, prête aisément le flanc à la critique des penseurs néo-humanistes, comme l’écossais Patrick Geddes (1854-1932) qui affirme alors la nécessité de réintégrer l’homme en tant qu’entité concrète — dans toute sa complétude et dans toutes ses dimensions (temps, espace) — dans la démarche de planification urbaine. Son disciple, Lewis Mumford (1895-1990), ira plus loin encore dans la recherche de moyens proprement efficaces pour lutter contre le rôle aliénant de la technique et la dénaturalisation des zones rurales. L’étude approfondie de l’histoire de l’aménagement des villes médiévales est placée au centre de ses réflexions sur la recherche du développement harmonieux des mégalopoles ; il en conclura qu’il faut réintégrer la nature en ville : les jardins sont appelés à véritablement structurer le milieu urbain, en remplaçant, par leur rôle renouvelé, les espaces verts « amorphes » de la ville progressiste ou les jardins « quelconques » du modèle culturaliste.

 

C – Le modèle naturaliste, l’architecture « subordonnée à la nature »

 

Les critiques apportées à l’idéal néo-culturaliste, nostalgique d’un passé enfoui et révolu, ont alors porté sur les fronts baptismaux un nouveau modèle aux prétentions universelles, dont Lloyd Wright (1867-1959) s’avèrera être l’un des principaux représentants. Dans sa théorie, exeunt « l’obsession du rendement et de la productivité qui s’imposait dans le modèle progressiste » et « les contraintes malthusianistes du modèle culturaliste »[30]. Son modèle naturaliste s’inscrira dans un dissensus, en amendant, tout en y empruntant, l’un et l’autre des deux modèles existants.

 

Très éloigné de l’idée, à maints égards contestable, de « réification » d’un temps « traité à la manière d’un espace », autrement dit réversible, l’architecte américain postule plutôt l’utilisation de matériaux organiques pour la construction de maisons, elles-mêmes fondues dans un cadre naturel ; son modèle est donc celui de l’architecture organique[31]. Sa perception très critique de la ville nord-américaine, en partie similaire à celle développée plus tard par Tex Avery (1908-1980)[32], le conduit à la situer à « l’ombre du grand mur » — peut-être en référence à Platon[33]. Pour lui, contrairement au Corbusier, le gratte-ciel est un « monument moderne à la fortune adventice » ; la grande ville industrielle, nouvelle forme (urbaine) de l’aliénation individuelle, est son cadre naturel. « Où est donc l’objet authentique dans cette tour de Babel économique qui trouve son sommet et son idéal dans les immeubles démesurés, les entreprises démesurées, les villes démesurées ? »[34] se demande-t-il dans The Disappearing City, ouvrage de référence dans lequel il étaye son modèle de cité idéale, Broadacre City, et développe, entre autres, l’idée selon laquelle « seul le contact avec la nature peut rendre l’homme à lui-même et permettre un développement harmonieux de la personne comme totalité ».

 

Curieusement, l’idée-même de « ville » (dans son sens usuel) est absente de sa pensée, même s’il choisit de conserver le mot city pour désigner la forme urbaine qu’il tient pour idéale. L’habitat y est entièrement individualisé ; les principales fonctions urbaines (habitat, commerce, transports, loisirs récréatifs, travail) sont isolées et dispersées au sein de la nature. Mais dans le même temps, l’ensemble est relié par des routes, très larges, qui unissent et séparent tout à la fois, comme pour rappeler que « l’isolement n’a de sens que s’il peut être à tout moment rompu »[35]. L’unité d’habitation mono-familiale dispose d’un acre[36] de terrain, consacré à l’agriculture et aux loisirs. Cette configuration permettra, selon lui, de créer (ou recréer) les conditions d’un idéal jeffersonnien de démocratie, grâce à la dépolitisation de la société au profit de sa technicisation.

 

Si les préoccupations esthétiques sont moins importantes que dans les autres modèles, l’utilisation des techniques les plus récentes (nouveaux matériaux comme le béton et l’acier, nouveaux modes de transports comme l’avion et l’automobile) est en revanche omniprésente dans son œuvre. À l’analyse, c’est d’ailleurs le rôle majeur accordé par l’architecte au progrès technique, qui permet à sa Broadacre City, épousant la diversité topographique, de pouvoir prétendre à l’universalité.

 

  1. La nature substantielle (fin XXe / XXIe)

 

Au-delà de la recherche du bonheur, les technologies de pointe élaborées lors de la troisième révolution sont surtout supposées préserver l’habitabilité du monde — la science-fiction n’est, dès lors, plus très éloignée. L’enjeu est de taille : des cités futuristes, baptisées « éco-cités », sont en gestation alors que s’amorce un tournant crucial vers la quatrième révolution post-industrielle, celle de l’internet, théorisée par Jeremy Rifkin. En Corée du Sud, en Russie ou en Chine, des villes vertes et hyper-connectées — laboratoires vivants du futur — prennent forme suivant un modèle dupliqué et se présentent comme des utopies urbaines devenues réalité. La nature n’en est plus une simple composante, elle est véritablement devenue la finalité ; elle est celle que les cités du futur se doivent de préserver, par quelque moyen que ce soit, sans quoi l’habitabilité du monde serait réduite à néant.

 

A – La ville réifiée, vers une dystopie a-naturaliste ?

 

Les cités futuristes nées de l’imaginaire individuel au XXe siècle s’inscrivent en faux des mouvements précédents. Un certain nombre des traits communs qui s’en dégagent leur confère quelques relents dystopiques : ainsi de l’utilisation massive de la technologie et de l’investissement de toutes les spatialités — y compris le sous-sol et l’atmosphère — par de très grandes concentrations de populations, évoluant au sein de milieux aseptisés[37]. Sans verser dans le manichéisme, l’urbanisme souterrain pourrait apporter une réponse à certaines problématiques d’aménagement urbain en contexte d’explosion démographique incontrôlée, à des années-lumière de la vision champêtre d’un habitat individuel organique épousant les formes naturelles de lieux encore préservés des manifestations anthropiques. Si, avec Martin Heidegger, nous concevons l’habiter comme « le trait fondamental de la condition humaine », le souterrain artificialisé des dystopies du XXe siècle en dit long sur la condition de l’homme du futur …

 

Ces nouvelles utopies, en réalité dystopiques, sont, pour l’essentiel, présentes dans les arts visuels et la littérature de science-fiction. Le succès grandissant rencontré par ces expositions[38], ces livres et ces films appelle alors deux remarques : d’une part, il témoigne de l’intérêt croissant du grand public pour les problématiques touchant l’urbain en général et l’avenir des villes en particulier[39] ; d’autre part, il précède de peu la montée en puissance des techniques de marketing urbain, qui accroissent le rôle accordé à l’image visuelle au sein de ces cités du futur qui font en partie rêver (ou cauchemarder) lecteurs et spectateurs. La projection d’images futuristes à grand renfort d’effets spéciaux — par exemple dans les deux Avatar (2009 et 2022) de James Cameron — ou la description romanesque d’un futur cauchemardesque dans une ville souterraine, minérale et exempte de nature[40] sont au nombre des nouvelles sources de distraction de l’homme moderne. On s’éloigne alors sensiblement des rapports traditionnels que l’habitant entretenait avec son habitat, systématisés par Henri Lefebvre au moyen d’une distinction entre, d’une part, l’ordre lointain des institutions et l’ordre proche de l’immédiateté quotidienne[41] et, d’autre part, l’espace conçu par les architectes et l’espace vécu par les habitants ; en devenant science-fiction, l’utopie urbaine du XXe siècle se métamorphose, tant par le discours qu’elle porte (la ville a-naturaliste d’un futur lointain) que dans le public auquel elle s’adresse désormais (le grand public). La fabrique urbaine actuelle combine alors les distinctions lefebvriennes et, dépassant son idée du processus de conceptualisation, se retrouve « modelée par les usagers, qui se l’approprient »[42].

 

B – Les éco-cités, remède supposé aux maux de la post-industrialisation

 

Les véritables utopies urbaines contemporaines sont en réalité plutôt nées du développement des énergies renouvelables, en réponse à l’épuisement des énergies fossiles et à la hausse des émissions de GES. Elles ont pris corps, grâce à de colossaux investissements, sous la forme des villes ubiquitaires et hyper-connectées construites au début du XXIe siècle, en Asie et au Moyen-Orient principalement. Mais ces cités-pilotes, parfois auto-proclamées « utopies urbaines », sont-elles vraiment des utopies ? Elles cherchent stérilement à se construire une identité sans toutefois arriver à dépasser leur modèle, celui d’une ville nouvelle sans passé, ressemblant vaguement, par endroits, à des lieux connus[43]. Elles tentent surtout, comme les lieux parfaits imaginés par le passé, d’apporter un remède aux externalités négatives engendrées par la civilisation post-industrielle et à la source de gaspillage énergétique qui en est aujourd’hui l’évident corollaire du fait des pratiques consuméristes effrénées du XXIe siècle.

 

Puisqu’il n’est pas encore d’actualité de mettre un frein définitif aux surcroîts de consommation — les pays en voie de développement tentent frénétiquement de s’aligner sur les modes de consommation des pays les plus avancés alors que, dans le même temps, ces derniers font la course au développement de la logistique urbaine — il semble difficile de les considérer comme de vraies utopies urbaines. Quoi qu’il en soit, le changement de paradigme des modes de consommation conduit aujourd’hui les penseurs de l’urbain sur d’autres rivages, ceux de l’étude des affres de la consommation de masse qui font du paysage urbain actuel, à l’image de l’homme qui l’habite, un paysage où la nature semble à première vue ne plus avoir sa place. Pourtant, les espaces verts ont, semble-t-il, réinvesti la ville contemporaine, pour le bien-être d’un homme moderne paradoxalement tiraillé entre sa quête d’un retour tant espéré à la nature et la rationalisation de son modus vivendi consumériste, tous deux dans sa quête inaboutie du bonheur. L’aménagement urbain actuel est d’ailleurs résolument ancré dans la réalité car, pour reprendre la formule désormais consacrée, « Notre maison brûle » ! Et il n’est nullement question aujourd’hui de regarder ailleurs … sous peine de voir la planète devenir en partie inhabitable pour l’être humain d’un futur plus si lointain. L’urbanisme doit alors, et sans se perdre en conjectures, chercher des réponses adaptées et concrètes aux principaux enjeux de la société contemporaine : le développement de l’ubiquité (les NTIC et le télétravail en période pandémique en sont des manifestations tangibles), les besoins nouveaux qui se sont fait jour du fait de l’utilisation des progrès techniques et technologiques (la ville-monde, celle qui n’a plus de limite, en est le parangon) et l’augmentation continue de la population mondiale.

 

C – Le repoussement des frontières : citius, altius, longius ?

 

La conceptualisation de la forme urbaine actuelle offre un terreau fertile à l’appréhension des limites spatiales ; celles de la ville étaient, jusqu’au début de siècle précédent, à échelle humaine. Aujourd’hui, la ville a cédé la place à l’urbanisation et son aménagement, très éloigné des compositions urbaines idéales des utopies d’autrefois, fait que l’on a peine à en percevoir les limites. Des sociologues vont même jusqu’à affirmer qu’il est « devenu impossible d’être à l’extérieur de l’urbain, tant celui-ci nous enveloppe, nous envahit, nous innerve »[44]. L’utilisation des technologies ubiquistes, rendue nécessaire par cette nouvelle forme spatiale illimitée, très éloignée de la vision kantienne, id est une frontière positive qui définit un espace et différencie d’un autre qui lui est limitrophe, pose alors question. Car, alors que la ville ne dispose plus d’une structure spatiale claire, à l’instar des mégalopoles asiatiques encore en croissance, ce XXIe siècle porte paradoxalement la nature comme objectif au sein d’une ville ubiquitaire tissée en réseaux. La ville, minérale, cherche à se verdir grâce à la réalisation de micro-projets, modestes, à l’image des jardins partagés qui fleurissent aujourd’hui sur les toits. Les utopies actuelles cherchent avant tout à rapatrier l’homme vers ses origines, en permettant le retour de la nature en ville, à l’instar des modèles de culture urbaine coopérative hérités de la pensée d’Howard (par exemple à NYC) ou des créations biomimétiques de l’architecte belge Luc Schuiten, sur les traces de Wright[45].

 

La fabrication urbaine utopique du XXIe siècle alimente alors un triple débat : celui de la place du patrimoine naturel, celui du développement durable et celui de la pertinence de villes « génériques » où les structures sociales sont influencées par les spatialités dans lesquelles elles s’insèrent. Alors que les premières utopies se déployaient dans des lieux clos et contraints, environnés de campagne, les villes actuelles sont ancrées dans la mondialisation, pensées comme des lieux denses, sans limites ni frontières. Ce nouveau format, celui de la ville tentaculaire, ne permet pas (sauf en quelques rares endroits) de satisfaire le besoin de verdure inhérent à la nature humaine. Comme le planificateur est désormais condamné à raisonner en termes de « m² d’espace vert par habitant »[46], les chiffres avancés mystifient parfois une réalité difficilement défendable par les édiles.

 

CONCLUSION

 

La ville, par nature minérale, s’est progressivement « verdie ». Elle est désormais façonnée par la réalisation de micro-projets utopiques, plus modestes que les visions du XIXe siècle, à l’image des jardins partagés qui fleurissent aujourd’hui sur les toits. La fabrication urbaine utopique du XXIe siècle alimente alors un triple débat : celui de la place du patrimoine naturel, celui du développement durable et celui de la pertinence de villes « génériques » permettant à ses habitants d’accéder à un bonheur standardisé. Les modèles théoriques que nous avons présentés ont incontestablement servi d’appui aux promoteurs des utopies urbaines actuelles, dans leurs velléités d’édification d’un futur urbain durable destiné à rendre les habitants plus heureux. Aussi, innervée de considérations sociohistoriques, l’utopie utilise à son avantage les évolutions techniques. Afin de mesurer concrètement l’évolution de la pensée urbaine, il convient plutôt de se déplacer sur une ligne du temps, en connectant les écrits avec les avancées technologiques qui leur étaient contemporaines.

 

La forme utopique est alors passée d’une appréhension abstraite du « tout » — les premières utopies concevaient la ville en tant qu’entité totale — à une réflexion concrète sur « les parties ». Les nouvelles théories de l’aménagement urbain, portées pour la plupart par des architectes, sont très éloignées des idéologies politiques du XIXe siècle qui recherchaient avant tout le bien-être (et par voie de conséquence le bonheur) des habitants ; aujourd’hui on cherche plutôt, nécessité faisant loi, à répondre de façon apolitique aux défis climatiques contemporains[47]. Car, à l’heure du réchauffement climatique, les priorités ont changé ; l’espoir porté par les utopies urbaines en cours de concrétisation est grand, même s’il demeure controversé : vouloir gérer l’entièreté de la ville avec la précision informatique, à l’exemple de Songdo[48], relève incontestablement du fantasme.

[1] P. Mueller-Jourdan, « La nature : un nom aux acceptions multiples. Physique et éthique dans la pensée d’Aristote », Revue d’éthique et de théologie morale, 2010/HS (n° 261), p. 71-98.

[1] P. Mueller-Jourdan, « La nature : un nom aux acceptions multiples. Physique et éthique dans la pensée d’Aristote », Revue d’éthique et de théologie morale, 2010/HS (n° 261), p. 71-98.

[2] J.-J. Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755.

[2] J.-J. Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755.

[3] Entre la Rome du Ve siècle (qui comptait...

[3] Entre la Rome du Ve siècle (qui comptait plus d’un million d’habitants) et le début du XIXe siècle, seule l’agglomération londonienne était millionnaire.

[4] D. Hume, penseur des Lumières...

[4] D. Hume, penseur des Lumières écossaises, parlait de villes de 700 000 habitants ; J. Vernes prévoyait, lui, des villes de 10 millions d’habitants … en 2889.

[5] P. Geddes, Cities in evolution, Londres, 1915.

[5] P. Geddes, Cities in evolution, Londres, 1915.

[6] F. Choay, Urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie, Seuil, 1965.

[6] F. Choay, Urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie, Seuil, 1965.

[7] Étymologiquement « des lieux qui n’existent pas ».

[7] Étymologiquement « des lieux qui n’existent pas ».

[8] Les auteurs n’hésitent pas à décrire très minutieusement, avec une multitude de détails techniques et chiffrés les surfaces, nombre...

[8] Antoine Louis Claude Destutt de Tracy, Éléments d’idéologie. Idéologie proprement dite, in Œuvres complètes, Paris, Vrin, t. III, 2012, p. 186.

[9] C’est principalement ce qui est reproché aux utopies livresques : elles se font jour à des périodes où se matérialise un besoin de liberté. Mais paradoxalement, les idéaux qu’elles se proposent de réaliser sont péremptoires et enfermés dans une idéologie dogmatique si bien qu’en réalité, ces « utopies » aboutissent précisément à priver l’homme d’une partie de sa liberté : celle de choisir dans quel type de société il souhaite évoluer. Ce faisant, le résultat atteint est, en quelque sorte, l’inverse de la finalité première qu’elles s’étaient donnée.

[9] C’est principalement ce qui est reproché aux utopies livresques : elles se font jour à des périodes où se matérialise un besoin de liberté. Mais paradoxalement, les idéaux qu’elles se proposent de réaliser sont péremptoires et enfermés dans une idéologie dogmatique si bien qu’en réalité, ces « utopies » aboutissent précisément à priver l’homme d’une partie de sa liberté : celle de choisir dans quel type de société il souhaite évoluer. Ce faisant, le résultat atteint est, en quelque sorte, l’inverse de la finalité première qu’elles s’étaient donnée.

[10] Le contexte de la première révolution industrielle est important pour comprendre leur démonstration. R. Owen, par exemple, pensait que « les grandes inventions modernes, les améliorations progressives et le progrès continu des sciences et des arts techniques et mécaniques (qui, sous le régime de l’individualisme, ont augmenté la misère et l’immoralité des producteurs industriels), sont destinés, après avoir causé des souffrances, à détruire la pauvreté, l’immoralité et la misère. ...

[10] Le contexte de la première révolution industrielle est important pour comprendre leur démonstration. R. Owen, par exemple, pensait que « les grandes inventions modernes, les améliorations progressives et le progrès continu des sciences et des arts techniques et mécaniques (qui, sous le régime de l’individualisme, ont augmenté la misère et l’immoralité des producteurs industriels), sont destinés, après avoir causé des souffrances, à détruire la pauvreté, l’immoralité et la misère. Les machines et les sciences sont appelés à faire tous les ouvrages pénibles et malsains », in The book of the New Moral World, Paris, 1846.

[11] Cela n’est pas sans rappeler l’abbaye de Thélème, lieu utopique décrit par Rabelais (chap. LII à LVIII de Gargantua, 1534).

[11] Cela n’est pas sans rappeler l’abbaye de Thélème, lieu utopique décrit par Rabelais (chap. LII à LVIII de Gargantua, 1534).

[12] V. Considerant, Description du Phalanstère et considérations sociales sur l’architectonique, 1848.

[12] V. Considerant, Description du Phalanstère et considérations sociales sur l’architectonique, 1848.

[13] F. Choay, op. cit.

[13] F. Choay, op. cit.

[14] « Un espace libre préexiste aux unités qui y sont disséminées, avec une abondance de verdure et de vides qui exclut une atmosphère proprement urbaine. Le concept classique de la ville se désagrège tandis que s’amorce celui de ville-campagne », ibid.

[14] « Un espace libre préexiste aux unités qui y sont disséminées, avec une abondance de verdure et de vides qui exclut une atmosphère proprement urbaine. Le concept classique de la ville se désagrège tandis que s’amorce celui de ville-campagne », ibid.

[15] P.-J. Proudhon, Du principe de l’art et de sa destination sociale, 1865.

[15] P.-J. Proudhon, Du principe de l’art et de sa destination sociale, 1865.

[16] W. Morris, News from Nowhere, 1891.

[16] W. Morris, News from Nowhere, 1891.

[17] « Ce n’est qu’en étudiant les œuvres de nos prédécesseurs que nous pourrons réformer l’ordonnance banale de nos grandes villes », in : C. Sitte « L’Art de bâtir les villes », 1889 (rééd. en 1918).

[17] « Ce n’est qu’en étudiant les œuvres de nos prédécesseurs que nous pourrons réformer l’ordonnance banale de nos grandes villes », in : C. Sitte « L’Art de bâtir les villes », 1889 (rééd. en 1918).

[18] E. Howard, Tomorrow Peaceful Path to real reform, 1898.

[18] E. Howard, Tomorrow Peaceful Path to real reform, 1898.

[19] Y. Veyret, R. Le Goix (dir.), Atlas des villes...

[19] Y. Veyret, R. Le Goix (dir.), Atlas des villes durables. Ecologie, urbanisme, société ; l’Europe est-elle un modèle ?, coll. Atlas / Monde, éd. Autrement, 2011.

[20] Autrement appelé « développement durable ».

[20] Autrement appelé « développement durable ».

[21] Letchworth 1903 ... [22] Notamment ...

[21] Letchworth 1903 et Welwyn 1919, ville dans laquelle Howard s’est éteint en 1928.

[22] Notamment Chatenay-Malabry et Suresnes.

[23] « Ces damiers ne sont pas des prisons pour le corps mais des sépultures pour l’âme » dira J. Ruskin dans sa conférence « Eloge du gothique » en 1910.

[23] « Ces damiers ne sont pas des prisons pour le corps mais des sépultures pour l’âme » dira J. Ruskin dans sa conférence « Eloge du gothique » en 1910.

[24] T. Garnier, La cité industrielle. Etude pour la construction des villes, Paris, 1917.

[24] T. Garnier, La cité industrielle. Etude pour la construction des villes, Paris, 1917.

[25] G. Benoit-Lévy, La cité-jardin, Paris, Henri Jouve, 1904.

[25] G. Benoit-Lévy, La cité-jardin, Paris, Henri Jouve, 1904.

[26] Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’urbanisme progressiste a fait l’objet d’analyses comportementales poussées, en regard des concepts qualifiés d’aliénants qu’il utilise (notamment le zoning, apparu comme un facteur de monotonie et d’ennui,...

[26] Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’urbanisme progressiste a fait l’objet d’analyses comportementales poussées, en regard des concepts qualifiés d’aliénants qu’il utilise (notamment le zoning, apparu comme un facteur de monotonie et d’ennui, et la multiplication des espaces verts non mis en forme, sources d’angoisse véhiculant l’idée d’espaces « morts » en opposition aux espaces « actifs » de côtoiement des personnes). Ces analyses seront partiellement infirmées lors de la crise pandémique.

[27] Le Corbusier, La Charte d’Athènes...

[27] Le Corbusier, La Charte d’Athènes, 1957, p. 100.

[28] Un grand nombre d’observateurs...

[28] Ibid., p. 105.

[29] « Désormais, en lieu et place d’une ville aplatie et tassée, se dresse une ville en hauteur offerte à l’air et à la lumière, étincelante de clarté, radieuse. Le sol recouvert jusqu’ici de maisons serrées sur 70 % de sa surface n’est plus bâti que sur 5%. Le reste, 95 %, est consacré aux grandes artères, aux garages de stationnement et aux parcs. Les allées d’ombrages sont doubles ou quadruples ; des parcs au pied des gratte-ciels font en réalité, du sol de cette nouvelle ville, un immense jardin ».

[29] « Désormais, en lieu et place d’une ville aplatie et tassée, se dresse une ville en hauteur offerte à l’air et à la lumière, étincelante de clarté, radieuse. Le sol recouvert jusqu’ici de maisons serrées sur 70 % de sa surface n’est plus bâti que sur 5%. Le reste, 95 %, est consacré aux grandes artères, aux garages de stationnement et aux parcs. Les allées d’ombrages sont doubles ou quadruples ; des parcs au pied des gratte-ciels font en réalité, du sol de cette nouvelle ville, un immense jardin ».

[30] F. Choay, op. cit., p. 49.

[30] F. Choay, op. cit., p. 49.

[31] Jules Michelet parlait déjà en 1837 de la...

[31] Jules Michelet parlait déjà en 1837 de la forme de Paris comme étant une forme organique : « la forme de Paris est non seulement belle mais vraiment organique ».

[32] V. par ex. Uncle Tom's Cabaña, 1947.

[32] V. par ex. Uncle Tom's Cabaña, 1947.

[33] F. Lloyd Wright, The Disappearing City, New York, 1932, p. 23.

[33] F. Lloyd Wright, The Disappearing City, New York, 1932, p. 23.

[34] Ibid., p. 31.

[34] Ibid., p. 31.

[35] F. Choay, op. cit. [36] 4050 m²

[37] Sénèque, De la vie heureuse, op. cit., p. 42. Il écrit, in ibid., p. 39 : « Que la vertu soit la première, qu’elle porte l’étendard, nous jouirons néanmoins du plaisir, mais nous en serons les maîtres et les modérateurs ».

[37] On en trouve un exemple intéressant en littérature avec la trilogie de W. Gibson, Neuromancien (1984) ou encore au cinéma avec le film Blade Runner de R. Scott (1982) et bien sûr le Cinquième élément de L. Besson (1997).

[37] On en trouve un exemple intéressant en littérature avec la trilogie de W. Gibson, Neuromancien (1984) ou encore au cinéma avec le film Blade Runner de R. Scott (1982) et bien sûr le Cinquième élément de L. Besson (1997).

[38] Ainsi, par exemple, des grandes expositions sur « l’architecture visionnaire », ...

[38] Ainsi, par exemple, des grandes expositions sur « l’architecture visionnaire », organisée en 1960 au MOMA de NYC ou, plus récemment, de l’exposition du travail des lauréats du Global Award for Sustainable Architecture 2022, à la Cité du patrimoine et de l’architecture en 2022.

[39] Aujourd’hui, plus de 50 % de la population mondiale est urbaine (contre 10 % en 1900).

[39] Aujourd’hui, plus de 50 % de la population mondiale est urbaine (contre 10 % en 1900).

[40] L’habitation souterraine est très présente dans les livres de SF, v. par ex. l’incipit du Cycle Fondation de Isaac Azimov, 1951.

[40] L’habitation souterraine est très présente dans les livres de SF, v. par ex. l’incipit du Cycle Fondation de Isaac Azimov, 1951.

[41] H. Lefebvre, op. cit.

[41] H. Lefebvre, op. cit.

[42] Marchal, Stébé, op. cit., p. 31.

[42] Marchal, Stébé, op. cit., p. 31.

[43] Ces villes tentent de faire des références à des lieux connus, comme Central Park à NYC, le World Trade Center, l’Opéra de Sydney, les canaux d’Amsterdam, etc., plus « vendeur » en terme de marketing urbain. Le modèle choisi est quasi-exclusivement un modèle de ville occidentale.

[43] Ces villes tentent de faire des références à des lieux connus, comme Central Park à NYC, le World Trade Center, l’Opéra de Sydney, les canaux d’Amsterdam, etc., plus « vendeur » en terme de marketing urbain. Le modèle choisi est quasi-exclusivement un modèle de ville occidentale.

[44] Marchal, Stébé, op. cit.

[44] Marchal, Stébé, op. cit.

[45] A. Englebert, L’utopie urbaine : visions de la ville d’hier et de demain, Université de Liège, 2013

[45] A. Englebert, L’utopie urbaine : visions de la ville d’hier et de demain, Université de Liège, 2013

[46] À Tianjin, en Chine, les 350 000 habitants peuvent prétendre, chacun, à 12 m² d’espaces verts.

[46] À Tianjin, en Chine, les 350 000 habitants peuvent prétendre, chacun, à 12 m² d’espaces verts.

[47] De façon plus imagée, « il n’y a pas une voie...

[47] De façon plus imagée, « il n’y a pas une voie démocrate et une voie républicaine pour réparer un égout » (F. La Guardia, ancien maire de N-Y City).

[48] C’est l’internet de l’énergie de J. Rifkin.

[48] C’est l’internet de l’énergie de J. Rifkin.

 

[1] P. Mueller-Jourdan, « La nature : un nom aux acceptions multiples. Physique et éthique dans la pensée d’Aristote », Revue d’éthique et de théologie morale, 2010/HS (n° 261), p. 71-98.

[2] J.-J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1755.

[3] Entre la Rome du Ve siècle (qui comptait plus d’un million d’habitants) et le début du XIXe siècle, seule l’agglomération londonienne était millionnaire.

[4] D. Hume, penseur des Lumières écossaises, parlait de villes de 700 000 habitants ; J. Vernes prévoyait, lui, des villes de 10 millions d’habitants … en 2889.

[5] P. Geddes, Cities in evolution, Londres, 1915.

[6] F. Choay, Urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie, Seuil, 1965.

[7] Étymologiquement « des lieux qui n’existent pas ».

[8] Les auteurs n’hésitent pas à décrire très minutieusement, avec une multitude de détails techniques et chiffrés les surfaces, nombre d’habitants, dimensionnement des immeubles, etc. ; Fourier, par exemple, a la manie de la classification, ce qui rend particulièrement fastidieuse et ardue la lecture de ses principaux ouvrages.

[9] C’est principalement ce qui est reproché aux utopies livresques : elles se font jour à des périodes où se matérialise un besoin de liberté. Mais paradoxalement, les idéaux qu’elles se proposent de réaliser sont péremptoires et enfermés dans une idéologie dogmatique si bien qu’en réalité, ces « utopies » aboutissent précisément à priver l’homme d’une partie de sa liberté : celle de choisir dans quel type de société il souhaite évoluer. Ce faisant, le résultat atteint est, en quelque sorte, l’inverse de la finalité première qu’elles s’étaient donnée.

[10] Le contexte de la première révolution industrielle est important pour comprendre leur démonstration. R. Owen, par exemple, pensait que « les grandes inventions modernes, les améliorations progressives et le progrès continu des sciences et des arts techniques et mécaniques (qui, sous le régime de l’individualisme, ont augmenté la misère et l’immoralité des producteurs industriels), sont destinés, après avoir causé des souffrances, à détruire la pauvreté, l’immoralité et la misère. Les machines et les sciences sont appelés à faire tous les ouvrages pénibles et malsains », in The book of the New Moral World, Paris, 1846.

[11] Cela n’est pas sans rappeler l’abbaye de Thélème, lieu utopique décrit par Rabelais (chap. LII à LVIII de Gargantua, 1534).

[12] V. Considerant, Description du Phalanstère et considérations sociales sur l’architectonique, 1848.

[13] F. Choay, op. cit.

[14] « Un espace libre préexiste aux unités qui y sont disséminées, avec une abondance de verdure et de vides qui exclut une atmosphère proprement urbaine. Le concept classique de la ville se désagrège tandis que s’amorce celui de ville-campagne », ibid.

[15] P.-J. Proudhon, Du principe de l’art et de sa destination sociale, 1865.

[16] W. Morris, News from Nowhere, 1891.

[17] « Ce n’est qu’en étudiant les œuvres de nos prédécesseurs que nous pourrons réformer l’ordonnance banale de nos grandes villes », in : C. Sitte « L’Art de bâtir les villes », 1889 (rééd. en 1918).

[18] E. Howard, Tomorrow Peaceful Path to real reform, 1898.

[19] Y. Veyret, R. Le Goix (dir.), Atlas des villes durables. Ecologie, urbanisme, société ; l’Europe est-elle un modèle ?, coll. Atlas / Monde, éd. Autrement, 2011.

[20] Autrement appelé « développement durable ».

[21] Letchworth 1903 et Welwyn 1919, ville dans laquelle Howard s’est éteint en 1928.

[22] Notamment Chatenay-Malabry et Suresnes.

[23] « Ces damiers ne sont pas des prisons pour le corps mais des sépultures pour l’âme » dira J. Ruskin dans sa conférence « Eloge du gothique » en 1910.

[24] T. Garnier, La cité industrielle. Etude pour la construction des villes, Paris, 1917.

[25] G. Benoit-Lévy, La cité-jardin, Paris, Henri Jouve, 1904.

[26] Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’urbanisme progressiste a fait l’objet d’analyses comportementales poussées, en regard des concepts qualifiés d’aliénants qu’il utilise (notamment le zoning, apparu comme un facteur de monotonie et d’ennui, et la multiplication des espaces verts non mis en forme, sources d’angoisse véhiculant l’idée d’espaces « morts » en opposition aux espaces « actifs » de côtoiement des personnes). Ces analyses seront partiellement infirmées lors de la crise pandémique.

[27] Le Corbusier, La Charte d’Athènes, 1957, p. 100.

[28] Un grand nombre d’observateurs assimilera, un peu improprement, sa ville radieuse aux gardens cities britanniques.

[29] « Désormais, en lieu et place d’une ville aplatie et tassée, se dresse une ville en hauteur offerte à l’air et à la lumière, étincelante de clarté, radieuse. Le sol recouvert jusqu’ici de maisons serrées sur 70 % de sa surface n’est plus bâti que sur 5%. Le reste, 95 %, est consacré aux grandes artères, aux garages de stationnement et aux parcs. Les allées d’ombrages sont doubles ou quadruples ; des parcs au pied des gratte-ciels font en réalité, du sol de cette nouvelle ville, un immense jardin ».

[30] F. Choay, op. cit., p. 49.

[31] Jules Michelet parlait déjà en 1837 de la forme de Paris comme étant une forme organique : « la forme de Paris est non seulement belle mais vraiment organique ».

[32] V. par ex. Uncle Tom’s Cabaña, 1947.

[33] F. Lloyd Wright, The Disappearing City, New York, 1932, p. 23.

[34] Ibid., p. 31.

[35] F. Choay, op. cit.

[36] 4050 m²

[37] On en trouve un exemple intéressant en littérature avec la trilogie de W. Gibson, Neuromancien (1984) ou encore au cinéma avec le film Blade Runner de R. Scott (1982) et bien sûr le Cinquième élément de L. Besson (1997).

[38] Ainsi, par exemple, des grandes expositions sur « l’architecture visionnaire », organisée en 1960 au MOMA de NYC ou, plus récemment, de l’exposition du travail des lauréats du Global Award for Sustainable Architecture 2022, à la Cité du patrimoine et de l’architecture en 2022.

[39] Aujourd’hui, plus de 50 % de la population mondiale est urbaine (contre 10 % en 1900).

[40] L’habitation souterraine est très présente dans les livres de SF, v. par ex. l’incipit du Cycle Fondation de Isaac Azimov, 1951.

[41] H. Lefebvre, op. cit.

[42] Marchal, Stébé, op. cit., p. 31.

[43] Ces villes tentent de faire des références à des lieux connus, comme Central Park à NYC, le World Trade Center, l’Opéra de Sydney, les canaux d’Amsterdam, etc., plus « vendeur » en terme de marketing urbain. Le modèle choisi est quasi-exclusivement un modèle de ville occidentale.

[44] Marchal, Stébé, op. cit.

[45] A. Englebert, L’utopie urbaine : visions de la ville d’hier et de demain, Université de Liège, 2013

[46] À Tianjin, en Chine, les 350 000 habitants peuvent prétendre, chacun, à 12 m² d’espaces verts.

[47] De façon plus imagée, « il n’y a pas une voie démocrate et une voie républicaine pour réparer un égout » (F. La Guardia, ancien maire de N-Y City).

[48] C’est l’internet de l’énergie de J. Rifkin.

Facebook
Twitter
LinkedIn

D'autres articles