De la chance au choix : La transformation du bonheur sous le prisme de la distance

Résumé :

Cet article propose une relecture critique de la notion de bonheur à partir d’un cadre théorique original: La théorie de la distance. Face à une conception contemporaine du bonheur fondée sur l’injonction à la satisfaction, la performance émotionnelle et la maîtrise de soi, je soutiens que le bonheur véritable ne réside ni dans l’immédiateté, ni dans l’accomplissement, mais dans la qualité de l’écart entre soi et ses désirs. La distance n’est pas ici conçue comme une absence ou une rupture, mais comme un espace relationnel, ontologique et réflexif, qui rend possible la conscience, la transformation et l’émergence du sens. Dans cette perspective, le bonheur ne se réduit ni à une émotion passagère, ni à un état final à atteindre : il devient un rythme d’existence, une posture intérieure fondée sur la justesse du positionnement entre attachement et retrait. Repenser le bonheur à la lumière de la distance, c’est lui restituer sa liberté, celle de pouvoir émerger dans l’ouverture et l’entre-deux. Ce cadre invite ainsi à concevoir le bonheur non comme un droit à conquérir, mais comme une qualité d’être à cultiver.

Mots-clés : Bonheur, Distance, Contentement, Satisfaction, Liberté, Ethique de soi.

 

Abstract:
This article offers a critical reinterpretation of the notion of happiness through the lens of an original theoretical framework: The Distance Theory. In contrast to the contemporary conception of happiness rooted in the injunction to constant satisfaction, emotional performance, and self-control, I argue that true happiness lies neither in immediacy nor in achievement, but in the quality of distance between the self and its desires. Here, distance is not understood as absence or rupture, but as a relational, ontological, and reflective space; one that enables awareness, transformation, and the emergence of meaning. From this perspective, happiness is neither a fleeting emotion nor a final state to be reached; it becomes a rhythm of existence, an inner posture grounded in the right positioning between attachment and withdrawal. To rethink happiness in the light of distance is to restore its freedom, the freedom to arise within openness and the in-between. This framework thus invites us to conceive of happiness not as a right to be claimed, but as a quality of being to be cultivated.

Keywords: Happiness, Distance, Contentment, Satisfaction, Freedom, Ethics of the Self.

Introduction :

Le bonheur occupe aujourd’hui une place importante dans les discours sociaux, politiques et psychologiques. Il est fréquemment présenté comme un objectif légitime, parfois même comme un droit fondamental. De plus en plus, il est conçu comme un projet personnel à construire : un état à atteindre par l’action, la réflexion, ou encore le développement de soi. On ne l’attend plus passivement : on le planifie, on le mérite.

Ce déplacement sémantique, d’un bonheur aléatoire à un bonheur fabriqué, révèle une transformation culturelle majeure. Le bonheur tend à devenir une norme, un indicateur de réussite existentielle, un objectif mesurable dans l’économie de la compétition sociale. Ce bonheur construit s’impose progressivement comme une exigence sociale : il faudrait être heureux, épanoui et productif. Là où autrefois le bonheur pouvait apparaître comme une parenthèse, une grâce, il est désormais devenu une performance continue.

Ce que l’on appelle aujourd’hui « droit au bonheur » s’inscrit dans une logique contemporaine d’optimisation de soi, où le bonheur devient une compétence à acquérir, un indicateur de réussite personnelle, de bonne gestion de soi et de sa vie. Cette logique, toutefois, ne se limite pas à l’individu : elle peut aussi porter un versant positif en accompagnant des transformations concrètes des conditions socioéconomiques, en soutenant des politiques publiques et des initiatives sociales visant à améliorer réellement la qualité de vie des personnes.

Cependant, cette même logique semble parfois produire l’effet inverse de ce qu’elle promet. En se diffusant comme une norme, elle devient paradoxalement source de mal-être. Le droit au bonheur, dans sa version contemporaine, tend à se retourner contre lui-même : il se transforme en injonction implicite, en pression psychique constante. L’individu se sent alors responsable, voire coupable, de ne pas être heureux. Il cache ses fragilités, s’efforce de consommer des produits ou de vivre des expériences censées le rapprocher du bonheur, tout en maintenant l’illusion d’un bien-être permanent. Cette exigence engendre un malaise discret mais profond : celui de devoir être heureux à tout prix, sur commande, sans laisser place à la spontanéité des émotions ni à l’imprévisibilité de l’existence.

C’est dans ce contexte que je propose une relecture de la notion de bonheur à partir d’un cadre théorique récemment développé : la théorie de la distance[1]. Cette théorie explore les dimensions existentielles, relationnelles et psychologiques de la distance au sein de l’expérience humaine. Elle repose sur l’idée que le bonheur -tout comme l’amour ou la liberté- ne peut exister sans un certain écart entre soi et ce que l’on vit. La distance n’est pas pensée ici comme une rupture ou une indifférence, mais comme un espace vivant, dynamique et générateur de sens. Elle permet à la conscience de se déployer, à la relation de respirer, à l’être de se formuler dans l’écart.

Ma réflexion consiste ainsi à déplacer notre regard : penser le bonheur non dans l’immédiateté, l’accumulation ou la conformité, mais dans une qualité de distance – intérieure, relationnelle, existentielle – qui rend possible l’émergence du sens, de la liberté, et d’un rapport plus habitable à soi-même et au monde.

La pertinence de cette approche réside dans sa capacité à interroger autrement les paradoxes du bonheur contemporain : pourquoi semble-t-il se dérober alors que tant de conditions extérieures paraissent réunies ? Pourquoi sa recherche génère-t-elle si souvent angoisse, performance ou déception ? Et surtout, que signifie encore aujourd’hui parler d’un « droit au bonheur » dans un monde saturé d’images, d’exigences et d’idéaux ? Ce sont ces questions que je souhaite explorer ici, en relisant la notion de bonheur à la lumière du prisme de la distance.

Ni vide, ni obstacle : La distance comme condition de relation

Étymologiquement, la distance est liée à la racine sta (ce qui est là), elle renvoie à la coexistence de deux points (A et B) séparés par un écart perçu comme absence ou incommodité. Elle partage ainsi avec l’espace une même connotation d’obstacle : ce qu’il faut franchir, combler, réduire. Dans cette perspective, dominante chez des philosophes comme Descartes, la distance est souvent réduite à une notion géométrique ou utilitaire, un manque à combler, une séparation à effacer. La distance est pensée ainsi comme un vide, un non-lieu, un entre-deux à franchir. [2]

Ma théorie de la distance s’inscrit à contre-courant de cette vision négative ou purement spatiale. Elle s’en inspire en partant du même constat étymologique -la distance comme écart- mais en propose une relecture existentielle, relationnelle et ontologique. Loin d’être un vide à franchir, la distance devient dans mon approche la condition même de l’expérience, de la conscience, de la relation. Elle est ce qui rend possible la perception, la réflexion et l’émergence du sens. Plutôt que d’opposer les pôles A et B, elle révèle la profondeur vivante de l’entre-deux : un espace non pas à supprimer, mais à habiter.

Je prends ici le contre-pied de la conception utilitaire et finaliste de la distance, qui la réduit à un simple obstacle à franchir au service d’un projet, d’un désir ou d’une ambition. Dans cette vision instrumentale, la distance n’existe qu’en tant que résistance provisoire : elle ne vaut que par sa disparition à travers l’action. Dès qu’elle se manifeste, elle serait appelée à s’annuler.[3] Or, ma théorie propose une rupture avec cette lecture téléologique.

La distance ne se définit pas uniquement par sa négation dans l’atteinte d’un but. Elle est structurelle, pas simplement fonctionnelle selon ses usages phénoménologiques. Elle ne se limite pas à servir une relation pour aussitôt disparaître : elle fonde la relation, configure l’expérience, structure le sujet. Là où l’on voit un manque à combler, j’y vois une condition d’émergence. La distance n’est pas à vaincre, mais à habiter. C’est précisément dans cet espace – dans cette tension vivante – que peuvent émerger le sens et, pour notre sujet, le bonheur.

Une autre approche de la distance souligne que la distance n’est pas une donnée fixe, mais une construction variable selon les points de vue, les contextes et les ressources. Elle peut être perçue, représentée ou vécue différemment selon les cadres cognitifs, sociaux, techniques ou économiques des acteurs. [4] Ma théorie de la distance s’inscrit dans cette reconnaissance du caractère relatif et pluriel de la distance, tout en allant plus loin : elle ne se limite pas à étudier la façon dont la distance est représentée ou mesurée, mais s’intéresse à sa fonction existentielle. Elle conçoit la distance comme une structure vivante de médiation entre soi et le monde, une condition de la conscience, de la relation et du sens, au-delà des seuls projets ou décisions.

La distance est ici liée à la différence : on ne perçoit un écart que parce que l’on identifie des distinctions (de ressources, de paysages, de valeurs, etc.). La distance permet alors d’inscrire les lieux et les personnes dans une logique de différenciation. [5] Cette idée rejoint l’intuition fondamentale de la théorie de la distance : le rapport précède la réduction. Cependant, contrairement à cette approche descriptive ou géopolitique, ma théorie considère que la distance ne se contente pas de faciliter la différence : elle est ontologiquement constitutive de l’altérité. Elle n’est pas extérieure à la relation, mais en est la trame même. Elle ne facilite pas la distinction, elle l’institue.

Je m’inscris ici dans une filiation avec la différ(a)nce au sens derridien : non comme simple écart entre deux éléments, mais comme principe dynamique de distinction qui rend toute signification possible. Le sens, selon Derrida, ne se donne jamais dans l’immédiateté ; il émerge dans le jeu des écarts, toujours en devenir, jamais pleinement présent. [6] Ainsi, là où la tradition voit dans la distance une absence, je la pense comme présence différée ; là où elle y voit un obstacle, j’y vois une structure de mise en relation. C’est ce renversement fondamental qui fonde la théorie de la distance : une théorie où l’écart n’est plus ce qui éloigne, mais ce qui ouvre.

Dans cette optique, certains philosophes, tels que Locke ou Leibniz, ont conceptualisé la distance de manière variée, en passant d’une approche géométrique à une compréhension plus relationnelle. Dans cette lignée, la distance est conçue non comme une simple séparation spatiale, mais comme une condition fondamentale de la relation. Pour entrer véritablement en rapport avec le monde, les autres ou soi-même, il est nécessaire d’instaurer un certain écart réflexif -une distance qui ne relève pas du retrait, mais de l’ouverture. Le lien social ne se fonde donc pas exclusivement sur la proximité, mais se structure à travers des strates multiples de distance : symboliques, émotionnelles, culturelles, existentielles. L’expérience de « ne pas se sentir à sa place » dans un espace urbain, par exemple, illustre cette dynamique : la distance vécue n’est pas qu’une métaphore, elle est ressentie de manière concrète, corporelle et sociale.[7]

D’ailleurs, l’opposition classique entre distance spatiale et distance sociale s’avère réductrice. En réalité, toute forme de distance est à la fois corporelle et sociale. Même les distances dites « imaginaires » -nées de l’exclusion, de la honte ou de l’invisibilité symbolique- ont des effets tangibles sur la manière dont les individus perçoivent, habitent et traversent le monde. Ces distances ne sont pas de simples métaphores abstraites : elles structurent des vécus concrets. Ainsi, lorsqu’un habitant d’un quartier périphérique se sent illégitime ou déplacé dans le centre-ville, son retrait n’est pas seulement psychologique : il devient spatial. L’émotion se traduit en écart, et cet écart agit comme une barrière réelle à l’accès, à la circulation et à l’appartenance.[8]

Cette conception met en lumière une idée essentielle que je partage : toute relation suppose un espace. Elle critique à juste titre la dichotomie entre distance physique et distance sociale, en soulignant que toute distance -même imaginaire ou symbolique- a des effets concrets sur l’expérience du monde. Elle agit sur la perception, l’accès, le sentiment d’appartenance. [9]

Ma théorie s’inspire de cette conception relationnelle, mais s’en distingue en approfondissant son ancrage ontologique. Là où cette approche pense la distance comme une condition de la relation, je la pense comme forme même de l’existence consciente. Elle ne fait pas que structurer les seuils ou calibrer l’intimité ; elle rend possible la perception, l’éthique, la subjectivité. Elle est moins une modalité de la vie sociale qu’un principe fondamental de l’être.

Ainsi, dans ma perspective, la distance n’est pas ce qu’il faut ajuster pour mieux vivre ensemble: elle est ce qui rend possible toute forme de vie intérieure, de lucidité, de transformation. Elle n’est pas l’opposé de la relation, elle est son architecture invisible. C’est dans cette orientation existentielle et non seulement sociologique que s’enracine l’originalité de ma théorie.

Dans le même ordre d’idées, Edward T. Hall a introduit le concept de proxémie pour désigner l’étude de l’usage et de la perception de l’espace dans les interactions humaines. Il distingue quatre zones de distance interpersonnelle -intime, personnelle, sociale et publique- dont la signification varie selon les contextes culturels. La distance physique devient ainsi un langage non verbal, porteur de normes implicites qui structurent la relation à autrui. [10]

Ma théorie s’inspire de cette attention à l’espace relationnel comme facteur culturel et perceptif. Elle reprend l’idée que la distance n’est jamais neutre : elle est vécue, codée, signifiante. Mais elle élargit la réflexion en la déplaçant du champ de la communication vers celui de l’ontologie et de l’éthique. Là où la proxémie classe des distances observables, ma théorie interroge la qualité existentielle de ces distances : comment l’écart devient une forme de présence, un espace d’altérité, de liberté ou de confusion. Autrement dit, la proxémie décrit comment les distances se manifestent ; la théorie de la distance cherche à comprendre ce qu’elles font à l’être.

Dans le même contexte relationnel et interactif, Erving Goffman conçoit la vie sociale comme une scène théâtrale où les individus jouent des rôles et gèrent les impressions qu’ils donnent aux autres. Dans La Mise en scène de la vie quotidienne, il systématise cette métaphore en élaborant un vocabulaire dramaturgique (scène, coulisses, performance, rôle, masque) pour rendre compte de la dynamique des interactions ordinaires. Ces « miettes de vie sociale », souvent négligées par la sociologie classique, deviennent sous sa plume la matière première d’une ethnographie du quotidien. Rencontres fortuites, regards, gestes, stratégies furtives, micro-conflits : autant d’échanges apparemment banals mais porteurs de régularité, de normes implicites et de formes constantes. [11]

La distance, dans ce cadre, joue un rôle essentiel : elle permet de préserver la « face », de protéger les territoires interactionnels, et surtout de maintenir une distance de rôle, un écart entre l’identité personnelle et les fonctions sociales assumées. Ce décalage est crucial pour préserver l’intégrité du soi face aux pressions normatives. Goffman ne s’inscrit pas dans la lignée positiviste, mais inaugure une perspective interactionniste qui rompt avec les abstractions macrosociologiques en redonnant toute sa densité à la réalité située, vécue et incarnée des échanges sociaux.

Ma théorie s’inspire de cette attention minutieuse aux formes de mise en relation, à la structure invisible des interactions. Mais là où Goffman traite la distance/l’interaction comme un mécanisme stratégique dans le jeu social, je l’aborde comme une structure existentielle. La distance de rôle, dans ma réflexion, n’est pas seulement tactique ou défensive : elle est le lieu même où le sujet se constitue dans la lucidité, l’autonomie et la réflexivité. Là où Goffman analyse les effets régulateurs de la distance dans la présentation de soi, ma théorie interroge ce que l’écart rend possible ontologiquement : non pas seulement se protéger, mais se situer.

Dans cette perspective, ma théorie s’aligne en certains points avec la conception heideggérienne du Dasein, l’« être-là ». Dans Être et Temps, Heidegger déconstruit la conception cartésienne de l’espace comme simple étendue mesurable, pour introduire une spatialité existentielle, ancrée dans le vécu du sujet et sa manière d’être-au-monde : celle du Dasein. La distance, pour Heidegger, n’est pas d’abord physique ; elle est liée à la manière dont l’être humain se rapporte aux choses, aux autres et à lui-même. Le Da de Dasein désigne un espace ouvert où l’existence se déploie, un lieu d’apparition, de relation et de possibilité. [12]

Ma théorie de la distance s’inspire profondément de cette relecture ontologique de la spatialité. Comme chez Heidegger, l’existence n’est pas pour moi une fusion intérieure ni un repli introspectif, mais une mise en position dans un champ de relations. Comprendre son être, c’est pouvoir prendre une distance intérieure vis-à-vis de soi-même ; non pas comme isolement, mais comme condition de lucidité, de réflexivité, et d’ouverture à l’autre.

Parallèlement, là où Heidegger insiste sur le Mitsein (l’être-avec) comme co-appartenance fondamentale à un monde partagé, ma théorie met en lumière la structure dynamique de cette co-appartenance : ce que j’appelle la distance juste (right distance). Je ne me limite pas à affirmer que nous sommes toujours déjà avec les autres ; j’analyse comment nous sommes avec, et à quelle distance. Ce n’est ni la proximité fusionnelle ni la séparation radicale qui permet la relation authentique, mais un espacement conscient, un positionnement ajusté où le soi et l’autre peuvent coexister sans s’effacer.

Ainsi, être, ce n’est pas simplement être-dans-le-monde : c’est être à la juste distance. L’existence se constitue dans un équilibre mouvant entre écart et présence, un espacement qui rend possible la perception, la relation et l’émergence du sens. La distance n’est pas ce qui empêche la connexion ; elle en est la condition même.

Je conclus cet axe en m’appuyant sur une étude récente publiée dans Psychological Medicine, qui montre que la prise de distance cognitive améliore la prise de décision en rendant les individus plus délibératifs et plus attentifs aux conséquences négatives. Cette distance mentale favorise également une meilleure régulation émotionnelle : en suspendant la réaction immédiate, il devient possible de percevoir la situation avec plus de clarté, de nuance et de maîtrise. [13]

Cette approche confirme un point central de ma théorie : la distance n’est pas un retrait ou une fuite de l’expérience, mais une condition active de transformation. Prendre du recul, c’est créer un espace réflexif entre soi et le monde, entre le stimulus et la réponse. Ce n’est pas une séparation au sens négatif, mais une mise en relation lucide.

Là où la psychologie cognitive parle d’un mécanisme d’autorégulation, ma théorie élargit cette logique à une structure existentielle et ontologique : toute conscience authentique naît d’un écart. La distance ne sert pas seulement à mieux gérer les émotions ou les choix ; elle est ce qui rend possible toute forme de lucidité, de liberté intérieure et d’accès au réel.

Le bonheur à distance : retour sur une origine oubliée

Commençons par l’étymologie du mot bonheur, qui constitue un point de départ fondamental pour en approfondir le sens à la lumière de ma théorie de la distance. Le terme bonheur provient du vieux français bon heur, signifiant « bonne fortune » ou « chance favorable ». À l’origine, le bonheur était ainsi conçu comme un signe propice du destin, une conjonction extérieure d’événements heureux ; quelque chose qui advient, plutôt que quelque chose que l’on construit par soi-même. [14]

Cette même racine se retrouve dans le mot anglais happiness, qui provient de hap, un terme issu du vieil anglais et de l’ancien norrois (happ), signifiant « chance », « fortune » ou « hasard ». On retrouve cette même racine dans des mots comme happen (arriver) ou perhaps (peut-être), qui tous signalent un événement incertain, non planifié, reçu plutôt que produit. Cela reflète une vision antique du bonheur : celui-ci ne dépend pas de notre volonté, mais de la manière dont le monde ou le sort s’ouvre à nous.[15]

Ce fil étymologique révèle que le bonheur, dans sa conception originelle, ne naît pas d’un effort rationnel ou d’une performance, mais d’un état de disponibilité, de réceptivité. Être heureux, c’était autrefois avoir été touché -sans y avoir contribué- par une faveur du monde. Dans ce cadre, le bonheur s’apparente à une grâce plus qu’à une réalisation personnelle.

Or, à mesure que la modernité s’est imposée, ce sens s’est déplacé. Le bonheur est progressivement devenu un état intérieur à produire, à maintenir et à optimiser. Il n’est plus ce qui arrive, mais ce que l’on doit atteindre. Il est devenu un objectif psychologique, un critère de réussite individuelle, voire un devoir émotionnel. Ce glissement sémantique traduit une transformation culturelle majeure : le bonheur n’est plus un hasard heureux, mais un projet personnel, une entreprise de soi.

Dans ce contexte, Darrin McMahon souligne que la conception moderne du bonheur comme droit individuel et objectif de vie est le fruit d’un basculement historique majeur survenu depuis le XVIIIe siècle. Alors que les Anciens considéraient le bonheur comme un don divin (chez les Grecs), une prospérité visible (chez les Romains), ou une béatitude céleste promise par Dieu (dans le christianisme), les penseurs des Lumières ont progressivement fait du bonheur une exigence terrestre, une attente légitime à réaliser ici et maintenant. Ce passage d’un bonheur reçu à un bonheur à produire reflète une transformation profonde du rapport à soi, au monde et au temps: le bonheur ne se situe plus dans l’au-delà ou dans l’aléatoire, mais dans l’accomplissement rationnel du sujet dans sa vie sociale.[16]

Croisée avec la théorie de la distance, cette évolution met en lumière une tension : à force de vouloir réduire l’écart entre soi et ses aspirations, l’individu moderne tend à effacer le champ de distance qui rendait possible l’expérience du bonheur comme ouverture, comme grâce ou comme désir en suspens. La promesse du bonheur permanent génère ainsi, paradoxalement, une nouvelle souffrance : celle de devoir être heureux sans faille, en perdant l’espace réflexif et différé qui jadis rendait le bonheur mystérieux, différé, et donc vécu comme don. Ma théorie propose de réconcilier la double dimension du bonheur : d’une part, sa nature contingente, aléatoire, imprévisible ; d’autre part, la capacité humaine à en faire une expérience consciente, signifiante et profonde ; non pas en l’atteignant, mais en maintenant un écart vivant avec lui.

Dans cette perspective, le bonheur ne réside pas dans la complétude ni dans l’accumulation, mais dans l’espace d’attente, le gap fécond entre ce que nous sommes et ce que nous désirons. Il habite ce « pas encore », cet intervalle où le possible reste ouvert : un projet artistique en gestation, une relation en devenir, un voyage à venir. Le bonheur surgit dans la tension entre le réel et l’espéré, dans ce que j’appelle « le lieu du presque » : ni la possession, ni le manque total, mais l’élan en suspens.

Nous passons souvent à côté de ce que l’étymologie essaie de nous enseigner : le bonheur n’est pas un pic à atteindre, mais un état de relâchement, de lâcher-prise vis-à-vis des injonctions de maîtrise, de performance et d’optimisation. Il surgit quand nous cessons de vouloir posséder l’instant, quand nous acceptons l’incertitude, l’incomplétude, et que nous habitons lucidement cette distance intérieure.

Dans cette optique, je propose de définir le bonheur, non comme une émotion ponctuelle, ni comme une possession durable, mais comme un état de juste distance entre soi et ses aspirations. C’est dans cette distance habitée que la vie se charge de sens, que les élans conservent leur intensité, et que le désir reste vivant sans se refermer sur sa propre satisfaction. En d’autres termes, le bonheur ne s’épuise pas dans l’obtention : il s’épanouit dans la tension vivante du désir, tant qu’un écart demeure entre ce que l’on espère et ce que l’on touche.

Bonheur et satisfaction : une distinction essentielle

Le discours contemporain sur le bonheur tend à confondre deux notions pourtant distinctes : satisfaction et bonheur. La satisfaction relève d’un état ponctuel : elle résulte de la réponse immédiate à un besoin ou à un désir : manger un bon repas, obtenir un compliment, acheter un objet convoité. Elle est brève, conditionnelle et localisée. Le bonheur, en revanche, ne se réduit pas à un état de contentement fugace ; il dépasse la logique de la gratification. Il engage l’être tout entier dans une manière d’habiter le monde, dans une disposition intérieure qui ne dépend pas exclusivement des circonstances extérieures.

L’un des malentendus les plus répandus est l’idée que le bonheur croît avec la richesse. Certes, les personnes aisées peuvent sembler plus satisfaites, car elles jouissent d’un certain confort matériel. Mais l’expérience montre que l’abondance ne garantit en rien une paix intérieure durable. Nombreux sont ceux qui, malgré leur réussite sociale ou leur sécurité financière, se sentent déconnectés, vides, ou insatisfaits. À l’inverse, des personnes disposant de peu trouvent une forme de joie paisible dans la simplicité. Ce paradoxe s’explique par une dissociation entre la possession et la présence à soi. Ce n’est pas tant ce que l’on a qui importe, mais la façon dont on habite ce que l’on vit.

L’un des travaux les plus pionniers dans ce sens, est celui de Richard Easterlin, qui a mis en évidence le « paradoxe d’Easterlin ». Ce paradoxe suggère qu’au-delà d’un certain seuil de revenu, l’augmentation des richesses n’entraîne pas nécessairement une augmentation du bonheur déclaré par les individus. En d’autres termes, une fois les besoins fondamentaux satisfaits, l’accumulation de biens matériels supplémentaires n’a qu’un impact limité sur le bien-être subjectif.[17]

Le bonheur n’est donc pas un état figé que l’on atteint une fois pour toutes, mais un processus dynamique, un mouvement entre ce que l’on désire et ce que l’on vit. C’est une forme de tension vivante, un élan. Dès que l’on devient conscient de son bonheur, celui-ci semble se dissiper : car l’expérience du bonheur se nourrit de l’élan, du chemin, du « pas encore ». C’est pourquoi tant de personnes, après avoir atteint un objectif, éprouvent une forme de vide et cherchent aussitôt un nouveau but à poursuivre. Ce cycle perpétuel d’attachement aux résultats engendre inévitablement de la frustration et de la souffrance. Comme le disait Bouddha, « la souffrance naît de l’attachement ».

Dans cette optique, ma théorie de la distance invite à rompre avec cette logique de l’atteinte. Elle propose une autre voie : celle de l’écart habité. Le bonheur ne réside pas dans l’obtention, mais dans la qualité de la relation que nous entretenons avec ce que nous désirons. Il naît d’un espacement, d’un recul, d’un souffle. Il se situe non pas dans la fusion avec le but, mais dans le fait de maintenir un espace vivant entre soi et ce que l’on vise. Le bonheur n’est donc pas à posséder, mais à éprouver comme un mouvement, une tension féconde entre présence et distance. Comprendre cela, c’est redonner au bonheur sa nature de phénomène relationnel et conscient, et non de possession ou d’émotion.

Ce que la distance rend possible, ce n’est pas un isolement, mais une forme de liberté intérieure. Dans nos relations aux autres comme dans notre relation à nous-mêmes, le bonheur dépend de notre capacité à établir un rapport sans confusion, un lien sans fusion. Aimer, c’est maintenir la juste distance : reconnaître l’autre dans sa singularité, sans l’absorber ni se perdre en lui. De même, être heureux avec soi-même suppose de prendre du recul face à l’idéal de performance ou à l’image de soi qu’on cherche à incarner. Cette distance permet la lucidité sans jugement, la présence sans emprise.

La distance comme condition de la paix intérieure : leçons du stoïcisme

Lorsqu’il est envisagé non pas comme une émotion passagère ou un objectif à atteindre, mais comme un état de distance intérieure, le bonheur devient une condition féconde pour l’émergence du contentement. Ce renversement de perspective permet de mieux distinguer deux notions souvent confondues : être heureux et être content. Bien qu’elles soient étroitement liées, ces deux expériences diffèrent sensiblement par leur nature, leur origine, et leur rapport au temps.

Le contentement se définit généralement comme un état plus stable, plus silencieux, d’acceptation et de paix avec ce qui est. Il ne repose pas sur des circonstances extérieures favorables, mais sur un alignement intérieur, une forme de tranquillité de l’âme.

Or, ce qui rend possible cette forme profonde de contentement, c’est un bonheur conscient, détaché des objets et libéré des attentes. Ce bonheur n’est pas euphorique, mais lucide ; il naît d’une distance ontologique vis-à-vis des événements. Il s’agit d’un espace intérieur dans lequel nous pouvons observer sans contrôler, accueillir sans saisir, aimer sans posséder. C’est dans cette attitude de contemplation, parfois proche de la gratitude, que peut s’épanouir une paix durable. En anglais, ce sentiment est souvent exprimé par gratefulness, qui désigne moins une émotion que la capacité à reconnaître et apprécier la vie depuis un lieu de recul et de conscience.

Dans cette optique, le bonheur ne se limite pas à une joie momentanée ; il devient une posture détachée et vigilante, qui permet une appréciation continue de ce qui se présente. Ce détachement actif, loin d’être un retrait ou une indifférence, nous protège des turbulences du désir et des fluctuations de l’ego. Il nous aide à ne plus dépendre de l’obtention, mais de la qualité de notre regard.

Cette conception s’inscrit dans la lignée de la sagesse stoïcienne. Épictète, dans son Manuel, enseignait que ce qui dépend de nous, ce ne sont pas les événements extérieurs, mais notre manière de les accueillir : « Ce ne sont pas les choses elles-mêmes qui troublent les hommes, mais les jugements qu’ils portent sur elles. » [18]. Les Stoïciens, dans leur ensemble, ont toujours valorisé cette ataraxie, cette paix de l’âme née d’un désengagement lucide des passions et d’une acceptation du réel tel qu’il est.

Dans ce contexte, Donald Robertson montre que le stoïcisme ancien, éclairé par les enseignements de Marc Aurèle, Épictète et Sénèque, peut devenir, à la lumière des enjeux contemporains du bien-être et de la psychologie, un véritable outil de transformation intérieure. Fondé sur la maîtrise des jugements, la distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas, et la recherche d’une paix stable face aux aléas du monde[19], ce chemin philosophique correspond, selon moi, à une forme de distance intérieure souveraine.

En cultivant un bonheur fondé sur la distance juste, on crée les conditions intérieures pour que le contentement émerge non comme un état à produire, mais comme une résonance naturelle avec soi-même. Libéré des pressions de performance, des injonctions à être comblé et des attachements excessifs, ce contentement s’installe dans le quotidien comme une forme de plénitude calme : une façon d’être au monde sans en dépendre.

Ainsi, la distance – comprise non comme séparation, mais comme espace de respiration entre soi et l’expérience – devient le socle du contentement. Elle permet d’habiter sa vie avec justesse, de ressentir une paix qui ne tient ni à l’intensité des émotions ni à la réussite extérieure, mais à la capacité de voir, d’accueillir et d’aimer sans vouloir posséder.

Le bonheur ne se réduit pas à une émotion :

Dans les discours contemporains, le bonheur est souvent assimilé à un état émotionnel, similaire à la joie ou à l’euphorie. Cette conception s’inscrit dans une tradition behavioriste qui le décrit comme un mélange de réponses émotionnelles à des situations gratifiantes ou plaisantes. Comme la tristesse, le bonheur serait donc perçu comme une oscillation momentanée, conditionnée par les circonstances. Pourtant, une telle approche en reste à la surface de l’expérience. Elle ignore la dimension plus profonde et structurante du bonheur, que je propose de repenser à partir de ma théorie de la distance.

Selon ma théorie, le bonheur ne peut être réduit à une simple réaction affective, qu’elle soit positive ou négative, plaisante ou déplaisante. Le bonheur, dans cette perspective, ne se manifeste pas comme un pic émotionnel, mais comme un espace intérieur capable d’accueillir toutes les émotions -y compris les plus douloureuses- sans s’y identifier ni s’y perdre.

C’est dans ce décalage intérieur, dans cette capacité à observer sans être absorbé, que réside la subtilité du bonheur. Il ne s’agit pas d’éprouver sans cesse des émotions positives, mais de maintenir une conscience ouverte, capable d’accompagner les flux de l’existence avec discernement. Le bonheur devient alors un état de distance bienveillante : une disposition intérieure qui ne rejette rien, ne s’attache à rien, mais permet tout. C’est un vide habité, un entre-deux stable et souple, où les affects circulent sans envahir l’être.

Ma théorie de la distance redéfinit ainsi le bonheur comme une forme de présence lucide, libérée des attachements et des identifications immédiates. Elle propose un rapport apaisé à soi et au monde, fondé non sur la possession d’émotions ou de résultats, mais sur la qualité du regard posé sur l’expérience. Ce bonheur transformateur ne cherche pas l’intensité, mais l’accord intérieur, cette cohérence subtile entre ce que l’on vit et la façon dont on le reçoit. Habiter cette distance, c’est accéder à une forme de liberté : celle de ne plus dépendre du flux des événements pour ressentir la paix.

Neurosciences et bonheur : au-delà de la chimie du cerveau

Dans l’approche neurobiologique dominante, le bonheur est souvent présenté comme un sous-produit de l’activité cérébrale, influencé par des neurotransmetteurs clés tels que la sérotonine, la dopamine, l’ocytocine ou encore l’endorphine. Ces molécules, surnommées « hormones du bonheur », jouent un rôle central dans la régulation des émotions et du comportement. La sérotonine contribue au sentiment de stabilité émotionnelle et de bien-être ; un déficit est souvent associé à des états dépressifs. La dopamine, quant à elle, est directement impliquée dans le système de récompense : elle est libérée en réponse à des stimulations jugées plaisantes, renforçant ainsi les comportements gratifiants.[20]

Les neurosciences expliquent que nos états émotionnels sont le produit d’interactions neuronales complexes, influencées par nos gènes, notre environnement, nos expériences et nos habitudes de vie. Le bonheur devient alors, dans cette perspective, un équilibre à atteindre en modulant ces paramètres, à l’aide de stratégies comme la thérapie, la pharmacologie, la méditation ou l’activité physique. Mais cette vision tend à réduire le bonheur à un état mesurable -identifiable par des taux de neurotransmetteurs- et à le confondre avec la satisfaction, le plaisir ou le confort émotionnel.

Selon ma théorie de la distance, ce cadre explicatif neurochimique contient un biais de causalité inversée. Ce ne sont pas les hormones qui causent le bonheur, mais le bonheur – comme posture de conscience et de clarté – qui engendre certaines réponses corporelles. Les marqueurs biologiques ne sont pas des déclencheurs, mais des effets secondaires. Le vrai bonheur ne réside pas dans l’intensité d’une réaction affective, ni dans la répétition de stimulations agréables : il émerge dans l’intervalle réflexif entre l’événement vécu et la manière dont nous le recevons. Ce n’est pas la situation, mais la qualité du regard posé sur elle qui transforme l’expérience.

Être heureux ne signifie pas fuir la tristesse ou supprimer les affects désagréables, mais savoir les accueillir sans s’y confondre. Le bonheur devient ainsi un état de distance intérieure, dans lequel les émotions peuvent apparaître, exister, puis se dissiper, sans prendre le contrôle de la conscience. Cette présence distanciée, à la fois lucide et bienveillante, permet une forme de paix durable qui ne dépend ni des circonstances extérieures, ni de la chimie corporelle. Ce recul, loin d’être une fuite, est un ancrage : il donne à l’existence sa profondeur, sa stabilité, et son intelligibilité.

Dans cette perspective, le bonheur n’est ni un pic émotionnel ni une accumulation de plaisirs : c’est un mode d’être, une manière d’habiter ses émotions sans se laisser absorber par elles. Plus l’espace intérieur est grand, plus la paix peut se déployer. C’est dans cette architecture invisible de l’écart – entre soi et ses pensées, entre soi et ses désirs – que le bonheur se dessine : non comme une récompense chimique, mais comme une pratique de conscience, de liberté et de présence.

Le bonheur n’est pas au bout : il est dans le pas

Lorsque Bouddha affirme que « le bonheur est un chemin, non une destination », il dévoile une vérité souvent oubliée : le bonheur n’est pas un objet extérieur que l’on atteint un jour, mais un état d’être, une manière d’habiter chaque moment. Pourtant, dans nos sociétés orientées vers la performance, nous sommes nombreux à tomber dans un piège insidieux : croire que le bonheur viendra après la prochaine étape franchie, après la réussite suivante, comme une récompense différée. Cette poursuite sans fin nous maintient dans une tension constante, et nous détourne de l’essentiel : le bonheur ne nous attend pas à l’arrivée, il est ce qui peut émerger à chaque instant du trajet, dès lors que nous cessons de le différer.

C’est dans cet esprit que je formule cette maxime : « Avoir un but, c’est passer à côté de l’essentiel ; l’atteindre, c’est se heurter au mur ; et pourtant, la vie continue. » Elle exprime une critique d’un imaginaire trop linéaire du bonheur, dans lequel le but est conçu comme une fin salvatrice. Nous croyons que la réussite est la condition du bonheur, mais une fois l’objectif atteint, une forme de vide surgit souvent. Ce phénomène révèle une confusion : nous ne poursuivons pas seulement des buts ; nous poursuivons, à travers eux, un sentiment d’être vivant, de vibrer et d’avoir une raison d’avancer. Le bonheur ne se trouve pas dans l’atteinte du but, mais dans la qualité de présence que nous développons en chemin.

L’image du voyage éclaire ce paradoxe. Nombreux sont ceux qui avouent trouver autant, voire davantage de plaisir dans le trajet – les paysages défilants, les rencontres fortuites, les imprévus – que dans la destination elle-même. Le chemin devient une expérience en soi, porteuse de transformations, de lente maturation, de découvertes imprévues. De la même manière, si nous abordons nos buts non comme des points fixes à atteindre, mais comme des prétextes à explorer, à apprendre et à se relier, nous nous ouvrons à une forme de joie plus subtile, moins dépendante du résultat final. Le but cesse d’être une promesse illusoire et devient un fil conducteur, un motif de mise en mouvement.

Redéfinir notre rapport au bonheur, c’est donc changer de posture intérieure. Il ne s’agit plus de vivre dans l’attente d’un moment hypothétique, mais d’être disponible à ce qui se donne maintenant. En mettant l’accent sur la richesse du processus, en accueillant les petits détours, les lenteurs et les doutes, nous découvrons que la joie naît de l’engagement sincère avec le présent. Le bonheur, dès lors, n’est plus poursuivi comme une cible à atteindre, mais éprouvé comme une manière d’être en chemin. Ce renversement libère : il transforme l’existence en une traversée habitée, où la destination cesse d’obséder, et où chaque pas devient porteur de sens.

Vers une éthique de la distance : un bonheur sans attachement

Le bonheur véritable ne se mesure ni à l’intensité des émotions vécues ni à l’accumulation de moments plaisants. Il ne réside pas dans une quête frénétique de satisfaction, mais dans une manière d’habiter l’instant avec justesse, sans chercher à le figer ni à le posséder. Cette posture demande un lâcher-prise actif, une capacité à ne pas confondre possession et plénitude, attachement et présence. Le bonheur, dans cette optique, devient un état de distance consciente : un espace intérieur depuis lequel il est possible d’accueillir ce qui survient, sans s’y agripper. Il émerge quand on cesse de courir après des états fixes et que l’on accepte de se tenir dans l’espace vivant entre soi et ses attentes.

Selon ma théorie de la distance, le bonheur ne repose pas sur l’intensité ou la répétition d’expériences agréables, mais sur une qualité de relation à soi et au monde. Il s’agit moins d’un sommet émotionnel que d’une constance paisible, une disposition intérieure qui résulte d’un rapport juste à ce que l’on vit. Cette disposition repose sur deux dimensions essentielles : la distance intérieure et la distance juste. Toutes deux permettent de sortir de l’emprise de l’attachement, du besoin de contrôle ou de fusion, pour s’ouvrir à un bonheur habité, enraciné dans l’acceptation et la lucidité.

D’un côté, la distance intérieure (inner distance) désigne cette faculté de se tenir en retrait de ses propres affects, pensées ou impulsions, sans pour autant s’en couper. Elle permet de traverser les émotions sans s’y identifier, de faire place à la douleur sans s’y noyer, de goûter la joie sans vouloir la retenir. Cette forme de distance est à la fois psychologique – capacité à se décoller du flux mental – et spirituelle, dans la mesure où elle renvoie à un recentrement sur l’être, et non sur l’avoir ou le paraître. Elle offre une profondeur existentielle : face au manque, à l’incertitude ou à la finitude, elle permet une paix qui ne nie rien, mais qui accueille la limite comme constitutive du réel. Le bonheur surgit alors non pas dans la conquête, mais dans l’ouverture à ce qui est, sans exigence ni appropriation.

D’un autre côté, la distance juste (right distance) concerne notre manière d’être en lien avec les autres : proches, partenaires, collègues, inconnus. Elle est la condition d’un rapport respectueux, libre et vivant. Dans l’amour, c’est elle qui évite la fusion étouffante ; dans l’amitié, elle garantit une présence sans domination ; dans la vie sociale, elle rend possible la reconnaissance mutuelle sans effacement de l’un ou de l’autre. Cette distance n’est ni froideur ni détachement : elle est l’espace relationnel où l’altérité peut exister sans menace. Elle permet une circulation entre la proximité et le retrait, entre le désir de lien et la nécessité de préserver son intégrité. Le bonheur relationnel ne réside donc ni dans la fusion ni dans l’isolement, mais dans cette respiration ajustée, dans cet équilibre mouvant où la présence devient résonance. C’est dans cet espace dynamique, fait de respect, de liberté et de conscience, que se déploie un bonheur profond, durable, non dépendant.

Conclusion :

La théorie de la distance que je propose offre une relecture radicale du bonheur : il ne réside ni dans l’immédiateté de l’expérience, ni dans l’atteinte d’un accomplissement. Il prend forme dans la qualité de l’écart — ce gap fécond entre soi et ce que l’on espère, entre le désir et sa réalisation. Cette distance n’est ni indifférence ni renoncement, mais une tension vivante, un champ d’ouverture, un espace de transformation. Elle est ce lieu discret, mais essentiel, où le sens peut émerger et où le bonheur apparaît non comme un pic émotionnel, mais comme un effet de détente intérieure entre ce que nous vivons et ce à quoi nous aspirons.

Le bonheur, ainsi compris, n’est pas un but à atteindre, mais un rythme à incarner. Il ne se situe pas au terme d’un effort ou au sommet d’un résultat : il est une manière de traverser la vie sans s’y agripper, un art de présence fluide, souple, adaptable. Il ne s’impose ni par sa constance, ni par son intensité : il se glisse dans les interstices, dans les respirations, dans les silences de l’ego. La théorie de la distance nous invite à ne plus voir la distance comme une perte ou une séparation, mais comme un espace habitable, une dynamique de clarté qui permet à l’existence de se déployer dans sa complexité.

Répéter que le bonheur est un droit revient souvent à le transformer en obligation sociale, en injonction à réussir sa vie intérieure. Mais repenser le droit au bonheur, à la lumière de la distance, c’est lui rendre sa liberté essentielle : non pas celle d’un idéal figé à conquérir, mais celle d’un espace intérieur à cultiver. Le bonheur n’est plus à chercher comme un état absolu, mais à reconnaître comme une qualité de relation entre soi et le monde, entre le ressenti et la conscience, entre la présence et le détachement. Il ne s’impose pas, il s’accueille comme une respiration entre l’élan et le retrait, entre l’attente et l’acceptation.

Le bonheur devient alors une justesse de positionnement, un équilibre subtil entre implication et recul, entre proximité et séparation. Il ne s’agit plus de combler l’écart, mais de l’habiter avec discernement. C’est dans ce gap – cet interstice vivant entre les choses, entre les êtres, entre soi et soi-même – que peut naître une paix intérieure durable, faite de lucidité, d’humilité et de non-attachement. Ainsi, le bonheur ne se conquiert pas : il se découvre dans la manière dont nous laissons le monde advenir à travers nous, sans le figer, sans nous y perdre, sans vouloir le posséder. C’est là, dans cette capacité à être présent sans s’approprier, que réside, peut-être, le bonheur le plus libre.

[1] - Cette réflexion s’inscrit dans le cadre d’une théorie originale que j’ai récemment développée dans un ouvrage en langue anglaise intitulé The Distance Theory: A New Understanding of the Non-Duality of Human Existence (ouvrage en cours de finalisation). Cette théorie propose de penser la distance non pas comme séparation, mais comme structure fondamentale de l’existence humaine. Elle en explore les manifestations à travers les multiples dimensions de la vie : sociale, relationnelle, culturelle, existentielle, religieuse et spirituelle. La distance y est conçue comme condition d’émergence de la conscience, de la relation authentique, de l’amour, du sens et du bonheur ; non comme un obstacle, mais comme un espace structurant entre soi et le monde, entre soi et l’autre, entre soi et soi-même.

[1] - Cette réflexion s’inscrit dans le cadre d’une théorie originale que j’ai récemment développée dans un ouvrage en langue anglaise intitulé The Distance Theory: A New Understanding of the Non-Duality of Human Existence (ouvrage en cours de finalisation). Cette théorie propose de penser la distance non pas comme séparation, mais comme structure fondamentale de l’existence humaine. Elle en explore les manifestations à travers les multiples dimensions de la vie : sociale, relationnelle, culturelle, existentielle, religieuse et spirituelle. La distance y est conçue comme condition d’émergence de la conscience, de la relation authentique, de l’amour, du sens et du bonheur ; non comme un obstacle, mais comme un espace structurant entre soi et le monde, entre soi et l’autre, entre soi et soi-même.

[2] - Roger Brunet, « Les sens de la distance », ATALA n° 12, « La distance, objet géographique », 2009, p.15

[2] - Roger Brunet, « Les sens de la distance », ATALA n° 12, « La distance, objet géographique », 2009, p.15

[3] - Ibid., p.16

[3] - Ibid., p.16

[4] - Ibid., p.21

[4] - Ibid., p.21

[5] - Ibid., p.27

[5] - Ibid., p.27

[6] - Raymond Lamboley, « Derrida et la “différance” aux sources de notre culture ». Revue d'éthique et de théologie morale, 2005/2 n°234, 2005. p.47-62. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2005-2-page-47?lang=fr.  

[6] - Raymond Lamboley, « Derrida et la “différance” aux sources de notre culture ». Revue d'éthique et de théologie morale, 2005/2 n°234, 2005. p.47-62. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2005-2-page-47?lang=fr.  

[7] - Sylvie Mesure & Patrick Savidan (sous dir.), Dictionnaire des sciences humaines, première édition, presses universitaires de France, Quadrige DICOS POCHE, PUF, 2006, p.288

[7] - Sylvie Mesure & Patrick Savidan (sous dir.), Dictionnaire des sciences humaines, première édition, presses universitaires de France, Quadrige DICOS POCHE, PUF, 2006, p.288

[8] - Ibid., p.289

[8] - Ibid., p.289

[9] - Ibidem.

[9] - Ibidem.

[10] - Edward T. Hall, The Hidden Dimension, Garden City, NY: Doubleday, 1966.

[10] - Edward T. Hall, The Hidden Dimension, Garden City, NY: Doubleday, 1966.

[11] - Erving Goffman, La Présentation de soi. La mise en scène de la vie quotidienne. Traduit de l’anglais par Alain Accardo, Éditions de Minuit, 1973, 256 p.

[11] - Erving Goffman, La Présentation de soi. La mise en scène de la vie quotidienne. Traduit de l’anglais par Alain Accardo, Éditions de Minuit, 1973, 256 p.

[12] - Gerhard Krüger, « Être et Temps : À propos de l'ouvrage éponyme de Martin Heidegger ». Archives de philosophie, 2011/1 Tome 74, 2011. p.7-22. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2011-1-page-7?lang=fr.

[12] - Gerhard Krüger, « Être et Temps : À propos de l'ouvrage éponyme de Martin Heidegger ». Archives de philosophie, 2011/1 Tome 74, 2011. p.7-22. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2011-1-page-7?lang=fr.

[13] - Quentin Dercon, et al. « A Core Component of Psychological Therapy Causes Adaptive Changes in Computational Learning Mechanisms. » Psychological Medicine 54.2 (2024): 327–337.

[13] - Quentin Dercon, et al. « A Core Component of Psychological Therapy Causes Adaptive Changes in Computational Learning Mechanisms. » Psychological Medicine 54.2 (2024): 327–337.

[14] - Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), « Mot bonheur », URL : https://www.cnrtl.fr/definition/bonheur 

[14] - Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), « Mot bonheur », URL : https://www.cnrtl.fr/definition/bonheur 

[15] - Harper Douglas, Etymonline: Online Etymology Dictionary. 2001. URL: https://www.etymonline.com/word/happiness

[15] - Harper Douglas, Etymonline: Online Etymology Dictionary. 2001. URL: https://www.etymonline.com/word/happiness

[16] - Darrin McMahon, Happiness: A History. New York: Atlantic Monthly Press, 2006, 544 p.

[16] - Darrin McMahon, Happiness: A History. New York: Atlantic Monthly Press, 2006, 544 p.

[17] - Richard Easterlin, « Does Economic Growth Improve the Human Lot? Some Empirical Evidence». Nations and Households in Economic Growth: Essays in Honor of Moses Abramovitz, 1974, pp. 89-125. 

[17] - Richard Easterlin, « Does Economic Growth Improve the Human Lot? Some Empirical Evidence». Nations and Households in Economic Growth: Essays in Honor of Moses Abramovitz, 1974, pp. 89-125. 

[18] - Épictète, Manuel d’Epictète. Trad. Pierre Hadot. Le livre de poche : Classique de la philosophie. Paris : Librairie générale française, 2000, p.68.

[18] - Épictète, Manuel d’Epictète. Trad. Pierre Hadot. Le livre de poche : Classique de la philosophie. Paris : Librairie générale française, 2000, p.68.

[19] - Donald Robertson, Stoicism and the Art of Happiness. London: Hodder & Stoughton, 2013. 224 p.

[19] - Donald Robertson, Stoicism and the Art of Happiness. London: Hodder & Stoughton, 2013. 224 p.

[20] - David J. Linden, The Compass of Pleasure: How Our Brains Make Fatty Foods, Orgasm, Exercise, Marijuana, Generosity, Vodka, Learning, and Gambling Feel So Good, New York : Viking, 2011, 230 p.

[20] - David J. Linden, The Compass of Pleasure: How Our Brains Make Fatty Foods, Orgasm, Exercise, Marijuana, Generosity, Vodka, Learning, and Gambling Feel So Good, New York : Viking, 2011, 230 p.

Références Bibliographiques

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  2. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), « Mot bonheur », URL : https://www.cnrtl.fr/definition/bonheur
  3. Dercon Quentin, et al. « A Core Component of Psychological Therapy Causes Adaptive Changes in Computational Learning Mechanisms. » Psychological Medicine2 (2024): 327–337.
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  10. Lamboley Raymond, « Derrida et la “différance” aux sources de notre culture ». Revue d’éthique et de théologie morale, 2005/2 n°234, 2005. p.47-62. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2005-2-page-47?lang=fr.
  11. Linden David J., The Compass of Pleasure: How Our Brains Make Fatty Foods, Orgasm, Exercise, Marijuana, Generosity, Vodka, Learning, and Gambling Feel So Good, New York : Viking, 2011, 230 p.
  12. McMahon Darrin, Happiness: A History. New York: Atlantic Monthly Press, 2006, 544 p.
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  14. Robertson Donald, Stoicism and the Art of Happiness. London: Hodder & Stoughton, 2013. 224 p.

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OpenAI. (2025). ChatGPT (version GPT-4o) [Grand modèle de langage]. https://chat.openai.com/

Microsoft. (2025). Microsoft Copilot [Outil d’IA intégré à Office 365]. https://www.microsoft.com/copilot

 

[1] – Cette réflexion s’inscrit dans le cadre d’une théorie originale que j’ai récemment développée dans un ouvrage en langue anglaise intitulé The Distance Theory: A New Understanding of the Non-Duality of Human Existence (ouvrage en cours de finalisation). Cette théorie propose de penser la distance non pas comme séparation, mais comme structure fondamentale de l’existence humaine. Elle en explore les manifestations à travers les multiples dimensions de la vie : sociale, relationnelle, culturelle, existentielle, religieuse et spirituelle. La distance y est conçue comme condition d’émergence de la conscience, de la relation authentique, de l’amour, du sens et du bonheur ; non comme un obstacle, mais comme un espace structurant entre soi et le monde, entre soi et l’autre, entre soi et soi-même.

[2] – Roger Brunet, « Les sens de la distance », ATALA n° 12, « La distance, objet géographique », 2009, p.15

[3]Ibid., p.16

[4]Ibid., p.21

[5]Ibid., p.27

[6] – Raymond Lamboley, « Derrida et la “différance” aux sources de notre culture ». Revue d’éthique et de théologie morale, 2005/2 n°234, 2005. p.47-62. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2005-2-page-47?lang=fr.  

[7] – Sylvie Mesure & Patrick Savidan (sous dir.), Dictionnaire des sciences humaines, première édition, presses universitaires de France, Quadrige DICOS POCHE, PUF, 2006, p.288

[8]Ibid., p.289

[9]Ibidem.

[10] – Edward T. Hall, The Hidden Dimension, Garden City, NY: Doubleday, 1966.

 

[11] – Erving Goffman, La Présentation de soi. La mise en scène de la vie quotidienne. Traduit de l’anglais par Alain Accardo, Éditions de Minuit, 1973, 256 p.

[12] – Gerhard Krüger, « Être et Temps : À propos de l’ouvrage éponyme de Martin Heidegger ». Archives de philosophie, 2011/1 Tome 74, 2011. p.7-22. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2011-1-page-7?lang=fr.

 

[13] – Quentin Dercon, et al. « A Core Component of Psychological Therapy Causes Adaptive Changes in Computational Learning Mechanisms. » Psychological Medicine 54.2 (2024): 327–337.

 

[14] – Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), « Mot bonheur », URL : https://www.cnrtl.fr/definition/bonheur 

[15] – Harper Douglas, Etymonline: Online Etymology Dictionary. 2001. URL: https://www.etymonline.com/word/happiness

[16] – Darrin McMahon, Happiness: A History. New York: Atlantic Monthly Press, 2006, 544 p.

[17] – Richard Easterlin, « Does Economic Growth Improve the Human Lot? Some Empirical Evidence». Nations and Households in Economic Growth: Essays in Honor of Moses Abramovitz, 1974, pp. 89-125. 

[18] – Épictète, Manuel d’Epictète. Trad. Pierre Hadot. Le livre de poche : Classique de la philosophie. Paris : Librairie générale française, 2000, p.68.

[19] – Donald Robertson, Stoicism and the Art of Happiness. London: Hodder & Stoughton, 2013. 224 p.

[20] – David J. Linden, The Compass of Pleasure: How Our Brains Make Fatty Foods, Orgasm, Exercise, Marijuana, Generosity, Vodka, Learning, and Gambling Feel So Good, New York : Viking, 2011, 230 p.

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