Résumé :
Une grande partie des acteurs du constitutionnalisme révolutionnaire ont cru pouvoir apporter à la société française un bonheur général et permanent, du simple fait de l’adoption d’une constitution. Toutefois, dès lors qu’on se penche sur le contenu de cette dernière, ni les principes généraux, ni les dispositifs plus spécifiques qui sont présentés comme conduisant au bonheur ne font consensus.
Mots-clés :
Bonheur, Constitutionnalisme, Constitution, Révolution, Assemblée nationale.
Summary :
The main part of the actors of the French revolutionary constitutionalism believed that they could bring general and permanent happiness to French society, simply by adopting a constitution. However, when we look at the content of the latter, neither the general principles nor the more specific mechanisms that are presented as leading to happiness are a consensus.
En 1871, alors que la France est – à nouveau – sans Constitution, le publiciste Édouard Laboulaye, une figure des Républicains modérés de l’époque, fait le constat suivant :
« Depuis quatre-vingts ans, la France a eu onze constitutions, qui l’on fait passer brusquement de la servitude à la liberté, de la liberté à la servitude. Qu’est-ce que toutes ces constitutions ? Des programmes que le gouvernement offre à la nation, ou que le législateur populaire impose au gouvernement – des promesses plus que des droits[1] ».
Parmi ces promesses qui auraient dû découler du constitutionnalisme, c’est-à-dire du « mouvement historique d’apparition des constitutions, [qui] définit la signification d’une constitution comme technique de limitation du pouvoir » [2], la Révolution avait notamment formulé celle du bonheur. Force est à l’inverse de constater que l’Assemblée nationale de 1871, qui va conclure la Révolution d’un point de vue constitutionnel en fondant enfin en France une République viable, ne va faire aucune promesse de ce genre. Jamais il ne sera question, pendant les quatre années de débats difficiles qui déboucheront sur l’adoption des lois constitutionnelles de 1875, d’apporter à la société française le « bonheur » par la Constitution[3].
Quatre-vingts ans après la Révolution, les propositions constitutionnelles pour organiser les institutions provisoirement ou définitivement, lorsqu’elles comportent un exposé des motifs ou un préambule, visent plutôt à « satisfaire aux intérêts les plus pressants du travail et du crédit » [4], à pourvoir à « un intérêt d’ordre et de sécurité » [5], à répondre au « vœu » [6] de la population, à assurer la « prospérité » [7], à « maintenir dans le pays l’ordre et la tranquillité » [8] ou encore à éviter de mettre « en péril les plus grands intérêts du pays » [9] . Même chez les Républicains dits radicaux, ni le droit en général, ni la Constitution en particulier, ne peuvent prétendre apporter le bonheur. Dans un discours prononcé le 24 juin 1872 lors d’un banquet commémoratif de la naissance du Général Hoche à Versailles, Gambetta l’affirme ainsi : « ne cherchons pas à tout résoudre, ne pensons pas qu’il existe un moyen de rendre uniforme le bonheur général, de résoudre tous les problèmes à la fois » [10].
Les constituants des années 1870, après les nombreuses expériences constitutionnelles consécutives à la Révolution très diverses et tout autant décevantes veulent être pragmatiques. Ils ne peuvent que constater l’échec de l’ambition constitutionnaliste de cette dernière. En effet, à cette époque, le constat qui s’impose, tant dans la doctrine que chez les acteurs politiques, est que la France a souffert d’un certain « constitutionnalisme providentiel », c’est-à-dire dans une croyance presque métaphysique dans le fait que la Constitution (écrite) pourrait rétablir la paix sociale et politique. Au fond, apporter le bonheur aux Français. Laboulaye l’expose de manière très claire :
« Au premier rang des théories funestes, il faut placer celle du pouvoir constituant telle qu’on l’a conçue en 1789. Établir ou réformer une constitution a été regardé par nos pères comme une œuvre magique qu’on ne peut confier qu’à une assemblée unique convoquée extraordinairement et maîtresse de refaire à son gré l’État et la société ».[11]
L’idée de la présente contribution est alors d’examiner cette assertion au regard de la notion de bonheur, en examinant les débats de l’Assemblée nationale (souvent appelée la « Constituante ») et de ce qui les a nourris, en particulier les cahiers de doléance, c’est-à-dire une période qui va de 1788 à fin septembre 1791. En somme, il s’agit donc de répondre à la question suivante : le bonheur est-il une ambition du constitutionnalisme révolutionnaire français « originaire » ? Plus précisément, car on devine aisément que la réponse est, à certains égards, positive. En quoi la notion de bonheur est-elle un argument qui appuie le constitutionnalisme révolutionnaire ?
Précisons que nous restreignons l’analyse à la première phase ou période de la Révolution car c’est elle qui va réellement introduire le constitutionnalisme en France, en adoptant la Constitution des 3 et 14 septembre 1791. Ensuite, il n’y a plus aucun débat sur la nécessité ou les vertus d’une constitution mais seulement sur le contenu qu’il conviendrait de lui conférer (quel régime politique ? quelle organisation des pouvoirs ? quels droits individuels ? quels droits sociaux ?).
Ces précisions posées, il est alors possible de constater, d’une part, qu’au regard des débats examinés, l’idéal constitutionnaliste est d’apporter le bonheur par la Constitution (I.). Cependant, d’autre part, force est de reconnaître que cet idéal se heurte à ce qu’on pourrait appeler la réalité constitutionnelle, laquelle va montrer qu’il existe autant de manières de voir le bonheur que de dispositions potentielles d’une constitution. Le bonheur est en fait largement indéterminé (II.)
- L’idéal constitutionnaliste : le bonheur par la Constitution
Le 3 novembre 1789, devant l’Assemblée nationale, le député Thouret explique la chose suivante :
« Établir la Constitution est une œuvre infiniment épineuse en ce moment d’anarchie, parce que la méditation grave et lente qu’elle exige, parait inconciliable avec les besoins pressants qui sollicitent de toutes parts des remèdes prompts. Mais les difficultés ne doivent pas vaincre notre courage ; les besoins locaux et du moment ne doivent pas détruire le bonheur général et permanent qui est attaché à faire une bonne Constitution ».[12]
Cette déclaration reflète bien la difficulté mais aussi l’ambition de l’entreprise révolutionnaire. Le « bonheur » qui devrait découler de l’écriture de la première constitution de l’histoire en France, laquelle doit être longuement réfléchie, est qualifié de « général » et « permanent ». Il est alors possible de noter que ces deux qualificatifs ressortent des débats dès lors que l’on envisage le « bonheur » comme fin de l’ordre constitutionnel : la Constitution doit permettre un bonheur collectif (ou de tous) et durable voire définitif. Bien entendu, chaque orateur va avoir ses propres vues sur le contenu de la Constitution, sur les droits qu’elle garantit, sur l’organisation des pouvoirs qu’elle institue et donc, sur la société qui devrait déboucher de cette grande entreprise de (re)fondation de l’ordre juridique. Toutefois, tous ceux qui mobilisent le bonheur comme argument pour souligner la nécessité d’adopter une Constitution l’envisagent donc comme général (A) et permanent (B).
- Le bonheur général
L’idée que la Constitution doit garantir un bonheur qualifié de général ou collectif, c’est-à-dire social, et pas seulement individuel se retrouve lors des débats, mais aussi dans les cahiers de doléances des États généraux. On ne tranchera pas ici la question de savoir s’il s’agit de la somme des bonheurs individuels, « une addition ou collection de bonheurs privés » [13], ou « un bonheur réellement collectif, social »[14]. Force est simplement de constater que l’idée que la Constitution apporte un bonheur général est régulièrement mise en avant[15].
Avant même la mise en place de l’Assemblée nationale, certains cahiers de doléances portent déjà cette idée. On peut par exemple citer celui de la noblesse du baillage de Dourdan, lequel indique que les citoyens « veulent contribuer de tout leur pouvoir au bonheur particulier de sa Majesté, et au bonheur général de ses peuples, en travaillant de concert avec elle à reprendre en sous-œuvre l’édifice ébranlé de la constitution française »[16]. De même, les habitants de la Paroisse de Passy-les-Paris recommandent aux députés de « ne pas oublier que l’objet de toute convention sociale est de procurer le plus grand bonheur possible à tous ceux qu’elle réunit » [17].
Par suite, on retrouve à plusieurs reprises cette idée que la Constitution doit permettre le bonheur général dans les débats de l’Assemblée nationale. Ainsi, lors d’un discours sur la nouvelle division du royaume, le député Duquenoy explique à ces collègues que « tout ce que vous avez fait jusqu’aujourd’hui, ces grandes et mémorables opérations qui seront le bonheur de la France et l’étonnement de la postérité, ont pour base unique l’esprit public et supposent l’abnégation entière de tout esprit particulier »[18]. Du reste, les membres de l’Assemblée sont tout à fait convaincus de l’importance de leur travail en la matière, comme le montre la déclaration du député Buzot : « tout le monde s’en rapporte absolument à vous, tout le monde est content et doit l’être, et tout ce monde attend et la justice et son bonheur de vous »[19].
On peut noter que pour certains, le bonheur général, visé par la rédaction d’une Constitution, est celui des Français, voire de la seule France métropolitaine. Ainsi, lors de la séance du 2 mars 1790, le député Blin refuse qu’on étende les débats constituants aux colonies (ce qui retarderait ces débats, car la situation sur place est très différente) :
« Il n’est pas nécessaire de nous transporter jusque dans ces contrées éloignées et de discuter au long ce qui s’y passe pour connaitre le parti que doivent nous dicter la prudence et le désir de voir les Français bientôt en possession d’une nouvelle constitution. Au lieu de partager sans nécessité […] la sphère de nos importants travaux, et de les étendre hors des limites de la France, renfermons-nous le plus qu’il nous sera possible dans son enceinte ; ne perdons pas de vue ce peuple immense qui nous environne qui nous a confié ses intérêts les plus précieux, et dont je ne dis pas seulement le bonheur, mais même la subsistance indispensable dépend des mesures que va prendre l’Assemblée ».[20]
Dans le même sens, les gardes nationaux de Clermont-en-Argonne évoquent, après l’adoption de la Constitution, « les sentiments de reconnaissance et d’admiration dont nous sommes pénétrés pour la Constitution qui va faire le bonheur de tous les Français » [21].
Toutefois, d’autres, plus idéalistes encore, considèrent qu’un bonheur mondial pourrait naitre de la Révolution française et de son produit, la Constitution. On peut ici mentionner l’adresse à l’Assemblée des professeurs et étudiants en droit d’Angers (en faveur de l’enseignement en français et non plus en latin), dans laquelle ils expliquent vouloir redoubler « d’efforts pour nous montrer dignes de participer au bonheur que vous préparez à l’humanité, dont vous allez faire jouir la France entière et auquel aspire toute l’Europe »[22] avec la Constitution. Ces professeurs et étudiants indiquent d’ailleurs vouloir « préparer les citoyens au plan d’éducation nationale, qui doit couronner le grand ouvrage de la Constitution »[23]. Et ce « grand ouvrage » est aussi assigné d’une vertu qui doit aussi permettre le bonheur : sa permanence.
- Le bonheur permanent
On retrouve cette idée de durabilité du bonheur apportée par la Constitution dans les cahiers de doléances : « Puisse une constitution sage et durable, des lois affermies par la nation et son auguste chef, être le gage certain de la justice et de la paix, et la base solide de l’ordre et du bonheur public ! » haranguent ainsi les « bourgeois protestants de la ville d’Héricourt »[24].
Mais c’est surtout alors que l’Assemblée nationale a débuté son travail puis adopté la Constitution que l’idée d’un bonheur permanent est mise en avant dans des témoignages, messages et encouragements adressés à l’Assemblée (lesquels sont parfois lus en séance et surtout retranscrits dans les archives parlementaires). Ainsi, lors de la séance du 17 avril 1790, les électeurs de la Loire-inférieure « se hâtent d’offrir à l’auguste Assemblée nationale le seul tribut qui soit digne d’un peuple libre, celui de leurs biens pour la défense de la liberté, et pour le maintien de la plus belle constitution que la sagesse ait formée pour le bonheur des hommes »[25]. La commune de Le Fère (Aisne) explique pour sa part, que l’Assemblée, qui a rédigé la Constitution « sur des fondements inébranlables » et a rendu « au titre de citoyen sa dignité » travaille « au bonheur d’une grande nation »[26]. Dans le même sens, divers élus locaux de la ville de Chartres considèrent que leurs circonscriptions « ne voient de véritable liberté, de bonheur inaltérable pour la nation française que dans les articles constitutionnels »[27]. Citons enfin l’adresse des administrateurs du département de la Somme, lue devant l’Assemblée le 19 juillet 1791 :
« La Constitution était finie, la France était libre à jamais. Vous alliez, sages représentants, jouir, dans la retraite, des fruits de vos sublimes travaux, et recueillir la seule récompense digne de vous ; les bénédictions d’un peuple dont vous assuriez le bonheur en l’établissant sur les bases de la liberté »[28].
Il est possible de noter que l’idée qu’un bonheur perpétuel ou définitif puisse être apporté par la Constitution est bien davantage utilisée par la population que par les députés[29]. Cela n’est pas sans interroger : les constituants qui font la Constitution sont-ils davantage portés à penser qu’ils – ou leurs successeurs – seront conduits à devoir la modifier ? Sans pouvoir définitivement trancher la question, on doit souligner que les débats sur le pouvoir de révision furent particulièrement épineux avant d’aboutir à une procédure rendant la Constitution très difficilement révisable[30].
Ces doutes n’effacent pas les prises de position faisant de la Constitution soit la vectrice d’un bonheur permanent, perpétuel, au moins durable (au-delà d’une vie)[31]. Mais alors, serait-ce percevoir la Constitution comme un œuvre elle-même perpétuelle ? On doit alors soulever un certain paradoxe : cette idée d’un bonheur perpétuel car la Constitution serait perpétuelle est, à certains égards, contre révolutionnaire. Il est possible de l’illustrer en s’appuyant sur l’un des principaux penseurs de la contre-Révolution, de Maistre, qui distingue les lois « véritablement constitutionnelles » des autres normes juridiques par leur « immutabilité »[32]. « L’essence d’une loi fondamentale est que personne n’ait le droit de l’abolir »[33] insiste-t-il encore, « même le monarque »[34]. Il lui semble dès lors complétement illusoire de mobiliser l’histoire, la science ou la raison pour tenter de découvrir puis, de rédiger la Constitution[35]. Au sein de la population, peut-être a-t-on encore en tête l’ancienne définition de la Constitution ?
En tout état de cause et quelles que soient les opinions politiques à l’Assemblée et en dehors, le bonheur général et permanent est l’objectif de la Constitution. Il est du reste possible de noter qu’il s’agit de deux caractéristiques largement acceptées d’une constitution : organiser le général (le plus général qui soit dans un État donné) de manière, sinon permanente, au moins assez durable (d’où la rigidité de la plupart des constitutions). Au fond, invoquer le bonheur comme objectif du constitutionnalisme est un argument tout à la fois fort et faible. D’un côté, qui peut être hostile au bonheur, d’autant plus général et perpétuel ? De l’autre, comme on ne dit ici rien du contenu de la Constitution, le bonheur visé demeure largement indéterminé.
- La réalité constitutionnelle : l’indétermination du bonheur
En juillet 1789, Jean-Joseph Mounier, dans son Rapport du comité chargé du travail sur la Constitution expliquait que :
« Le but de toutes les sociétés étant le bonheur général, un gouvernement qui s’éloigne de ce but, ou qui lui est contraire, est essentiellement vicieux. Pour qu’une constitution soit bonne, il faut qu’elle soit fondée sur les droits des hommes, et qu’elle les protège évidemment ; il faut donc, pour préparer une Constitution, connaître les droits que la justice naturelle accorde à tous les individus, il faut rappeler les principes qui doivent former la base de toute espèce de société, et que chaque article de la constitution puisse être la conséquence d’un principe »[36].
Dans cet extrait, Mounier constate donc que pour trouver le bonheur, il est nécessaire d’identifier les « droits naturels » et les « principes » sociaux structurants, afin que la Constitution les codifie. Et c’est bien là toute la difficulté. En effet, dans les débats révolutionnaires, on peut noter que le bonheur passerait par la consécration de principes généraux potentiellement contradictoires (A) mais aussi par des mesures particulières très diverses (B). Dans les deux cas, il n’y a pas réellement d’unanimité sur ce que devrait contenir la Constitution.
- Des principes généraux potentiellement contradictoires
Quels principes constitutionnels peuvent donc permettre le bonheur ? D’un point de vue positif, on pourrait supposer qu’il s’agit de ceux qui sont formulés au sein de la DDHC du 26 août 1789. Du reste, la lecture des débats de l’Assemblée nationale, y compris postérieurs à l’adoption de ladite Déclaration, confirment que la liberté et l’égalité qui y sont consacrées sont souvent présentées comme vectrices potentiel du bonheur, ainsi parfois que la « justice » (non comme pouvoir, mais comme idéal)[37]. On peut par exemple le constater en examinant le plan de travail présenté le 6 juin 1790 à propos de la mendicité, par le duc de La Rochefoucauld-Liancourt. Dans son exposé, le député explique que « [l]’Assemblée nationale, [veut] fonder sur les bases de la liberté, de l’égalité et de la justice, une Constitution sage, qui promette aux générations présentes et futures la vraie grandeur, la vraie prospérité nationale, celle qui nait du bonheur de chaque individu »[38]. La liberté et l’égalité, qu’on retrouve dans la devise républicaine encore en vigueur conduiraient ainsi au bonheur.
On doit toutefois relever que parmi ces deux grands principes, on trouve dans les débats davantage de lien entre la liberté et le bonheur, ce qui n’est pas illogique dans la mesure où la Révolution visait d’abord à se libérer des chaînes de l’asservissement et des abus de pouvoir de l’Ancien Régime. Par exemple, lors de la séance du 8 mars 1790, Barnave s’adresse aux habitants des colonies dans ces termes : « Vous avez partagé notre oppression, notre servitude, partagez aujourd’hui notre bonheur et notre liberté »[39]. Il est encore possible de mentionner la lettre de George Washington, alors Président des jeunes États-Unis d’Amérique au Président l’Assemblée, lue en séance le 26 mars 1791 :
« C’est avec un véritable plaisir, Monsieur, que j’embrasse l’occasion qui s’offre à moi de témoigner, par votre entremise, à l’Assemblée nationale le désir vif, cordial et sincère que j’ai de voir ses travaux se termine promptement par le plus solide établissement d’une Constitution, qui, en conciliant sagement les principes indispensables de l’ordre public avec les droits essentiels de l’homme, perpétue la liberté et le bonheur du peuple français »[40].
Toutefois, l’objectif d’installer la liberté (donc le bonheur) peut aussi apparaître comme secondaire, comme en témoigne l’intervention de Barnave le 31 août 1791, lequel explique que la tranquillité est un « besoin » alors que la liberté serait « un superflu qui fait le bonheur » [41]. Autrement dit, une priorité pourrait être donnée à l’ordre, quand bien même le bonheur en serait retardé. Auparavant, Malhouet, dans une opinion sur la sûreté intérieure considère de façon encore plus tranchée qu’« [i]l n’y a point de Constitution qui puisse subsister si on en retranche les moyens et la fin. Les moyens sont la force conservatrice et réprimante, la fin, le bonheur de tous »[42]. En somme, si l’objectif du constitutionnalisme, lequel subsume nécessairement une certaine liberté, serait bien de permettre le bonheur, ce dernier s’obtiendrait d’abord par la répression[43].
En outre, certains députés subordonnent la liberté à la réalisation de l’égalité, en particulier Robespierre qui explique dans un discours sur les successions le 5 avril 179I que « la base de la liberté, la base du bonheur social, c’est l’égalité » [44]. Au fond, on retrouve ici les prémices du débat sur la priorité à donner à la liberté ou à l’égalité qui innerve la politique et droit constitutionnel français depuis cette époque. D’un côté, une Constitution qui privilégierait la liberté individuelle permettrait le bonheur en ce qu’elle garantit la sphère privée, du fait de la limitation des prérogatives de l’État et la protection des droits individuels. De l’autre, une Constitution qui privilégierait l’égalité entre les individus pourrait conduire au bonheur car elle garantirait des conditions de vie « dignes », en fournissant des prestations qu’on qualifie aujourd’hui services publics (éducation, soins…), donc par des obligations de la puissance publique. En somme, les principes généraux consacrés par la Révolution – en particulier liberté et égalité – et qui devraient conduire au bonheur peuvent être appréhendés de manière contradictoire.
- Des dispositifs précis variés
Dans certains cas, le bonheur serait permis par des dispositifs constitutionnel plus précis que les grands principes précédemment exposés. La référence au bonheur est alors probablement plus instrumentale que naïvement sincère ou incantatoire[45]. Il s’agit alors de défendre tel ou tel dispositif (constitutionnel) en expliquant qu’il permet le bonheur. On peut en particulier mentionner :
- L’égalité fiscale[46];
- La décentralisation, car « [l]e bonheur des sociétés particulières constitue la félicité publique »[47];
- L’inviolabilité du monarque, car si le monarque est inviolable « ce n’est pas pour son bonheur, c’est pour le nôtre »[48];
- Le principe de légalité en matière pénale et le droit à la sûreté[49];
- La responsabilité ministérielle devant l’Assemblée[50];
- La mise en place d’un comité d’un comité d’exécution électif auprès du roi[51].
Toutefois, ces dispositifs plus précis ne réunissent pas nécessairement un consensus pour permettre leur adoption lors de la période examinée. En effet, durant la première phase de la Révolution qui pose les bases du constitutionnalisme français, si l’idée que ce dernier va conduire au bonheur est très largement partagée, dès lors que l’on envisage plus précisément les principes que la Constitution doit garantir ou les dispositions de la Constitution, il faut constater que les priorités sont variables. Dès lors, les moyens de parvenir au bonheur le sont aussi. On peut en trouver une illustration tragique avec le sort qu’a connu le député Meynier de Salinelles : alors qu’au cours de la séance du 26 septembre 1791, il reçoit un hommage de l’Assemblée pour son ouvrage Maximes du droit naturel sur le bonheur[52], il terminera sa vie sur l’échafaud le 15 mai 1794, destitué de son mandat de maire de Nîmes puis, condamné pendant la Terreur pour « complot fédéraliste », en somme, pour avoir défendu une autre organisation de la République, une autre Constitution[53].
En outre, même certains révolutionnaires comme Malhouet semblent se défier du bonheur procuré par la Constitution, les principes ou dispositifs constitutionnels, dans une critique du caractère abstrait du droit constitutionnel. Dans une opinion sur la sûreté intérieure, le député explique ainsi :
« On nous parle sans cesse de bien public, de bonheur public, de liberté, de régénération, et il n’y a de libre dans tout l’Empire que ceux qui conseillent et ceux qui exercent toutes sortes de violences et de brigandage ! […] Que nous importent vos périodes arrondies, vos phrases harmonieuses sur la vertu civique, sur la liberté reconquise, sur l’admiration ou la jalousie de l’Europe ? C’est dans nos villes, dans nos champs, et non dans vos harangues, que nous demandons la paix et le bonheur ».[54]
Finalement, dans les premières années de la Révolution et alors que le constitutionnalisme se concrétise en France, autant le bonheur en tant qu’idéal est une ressource précieuse pour demander une Constitution, pour expliquer la nécessité d’une Constitution en tant qu’argument consensuel donc non négociable[55], autant pour déterminer le contenu de la Constitution, le bonheur n’est plus en lui-même un argument pertinent (car consensuel, ne permettant pas la négociation)[56]. Au fond, il est moins envisagé un droit constitutionnel au bonheur, qui implique de savoir quels dispositifs adopter dans la Constitution pour garantir ce droit, que le bonheur par la Constitution, qui postule que le constitutionnalisme permet le bonheur. C’est peut-être pour cette raison que l’ambition a été déçue. Toutefois, cet objectif « positif », probablement un peu idéaliste, est certainement plus stimulant pour (re)fonder un système juridique que « l’ordre », « la sécurité » ou encore « la croissance du produit intérieur brut » que ledit système serait supposé apporter.
[1] Édouard Laboulaye, Questions constitutionnelles, Paris, Charpentier et Cie, 1872, p. 376.
[1] Édouard Laboulaye, Questions constitutionnelles, Paris, Charpentier et Cie, 1872, p. 376.
[2] Michel de Villiers et Armel Le Divellec, Dictionnaire de droit constitutionnel, 14e éd., Dalloz, p. 83.
On peut considérer l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 – ...
[2] Michel de Villiers et Armel Le Divellec, Dictionnaire de droit constitutionnel, 14e éd., Dalloz, p. 83.
On peut considérer l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 – « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoir déterminée, n’a point de constitution » – comme l’un des meilleurs résumés des ambitions du constitutionnalisme révolutionnaire.
[3] Pour une appréhension approfondie de ce processus d’écriture constitutionnelle, nous nous permettons de renvoyer à notre étude : Ludovic de Thy, ...
[3] Pour une appréhension approfondie de ce processus d’écriture constitutionnelle, nous nous permettons de renvoyer à notre étude : Ludovic de Thy, L’écriture des lois constitutionnelles de 1875, La fondation de l’ordre constitutionnel de la IIIe République, LGDJ, coll. « bibliothèque de droit constitutionnel et de science politique », Tome 156, 2021.
[4] Proposition Rivet du 12 août 1871...
[4] Proposition Rivet du 12 août 1871 (JO du 20 août 1871, Annexe n° 500, p. 2826).
[5] [6] [7]
[5] Amendement Maleville à la proposition Rivet du 21 aout 1871 (transcrit dans le procès-verbal de la séance de la commission spécialement nommée pour étudier la proposition Rivet – Archives nationales [AN], C3136).
[6] Formule retrouvée dans la proposition Rivet et l’amendement Maleville, mais aussi dans la proposition Chambrun du 13 aout 1871 (AN, C3136), les amendements de Goulard et Perrot à la proposition Rivet du 21 aout 1871 (AN, C3136).
[7] Amendement Bottiau à la proposition Rivet du 22 août 1871 (AN, C3136).
[8] Amendement Barthe...
[8] Amendement Barthe introduit lors de la discussion ce qui deviendra la loi « de Broglie » du 13 mars 1873, défendu en Commission le 13 décembre 1872 (AN, C II 607).
[9] Amendement Jules Simon introduit lors de la discussion de ce qui deviendra la loi du 20 novembre 1873 qui fonde le septennat présidentiel, défendu en Commission le 13 novembre 1873 (AN, C3136).
[9] Amendement Jules Simon introduit lors de la discussion de ce qui deviendra la loi du 20 novembre 1873 qui fonde le septennat présidentiel, défendu en Commission le 13 novembre 1873 (AN, C3136).
[10] Léon Gambetta, Discours et plaidoyers politiques, publiés par Joseph Reinach, éd. complète, 11 vol., G. Charpentier, 1880-1885, t. II, p. 364.
[10] Léon Gambetta, Discours et plaidoyers politiques, publiés par Joseph Reinach, éd. complète, 11 vol., G. Charpentier, 1880-1885, t. II, p. 364.
[11] Laboulaye, op. cit., p. 370.
[11] Laboulaye, op. cit., p. 370.
[12] Archives Parlementaires [AP], t. IX, p. 655. Une partie de ces archives est disponible en ligne : https://archives-parlementaires.persee.fr/explorer/les-volumes.
[12] Archives Parlementaires [AP], t. IX, p. 655. Une partie de ces archives est disponible en ligne : https://archives-parlementaires.persee.fr/explorer/les-volumes.
[13] Félicien Lemaire,...
[8] Henry de Montherlant, L’équinoxe de septembre, Paris, Grasset, 1938, 269 p. Cité in Clio-texte, https://clio-texte.clionautes.org/
[14] Tel que formulé par l’article 1er...
[14] Tel que formulé par l’article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de la Constitution du 24 juin 1793 (jamais appliquée) : « Le but de la société est le bonheur commun. »
[15] Pierre Négrel parle de « lieu commun » (« Aspects du bonheur dans le discours constituant révolutionnaire [1789-1793] », Revue Française de Droit Constitutionnel, 2022/2, n° 130, p. 438).
[15] Pierre Négrel parle de « lieu commun » (« Aspects du bonheur dans le discours constituant révolutionnaire [1789-1793] », Revue Française de Droit Constitutionnel, 2022/2, n° 130, p. 438).
[16] AP, t. III, p. 246.
[16] AP, t. III, p. 246.
[17] AP, t. V, p. 2
[17] AP, t. V, p. 2
[18] Séance du 4 novembre 1789 (AP, t. IX, p. 671).
[18] Séance du 4 novembre 1789 (AP, t. IX, p. 671).
[19] Séance du 20 juin 1791 (AP, t. XXVII, p. 591).
[19] Séance du 20 juin 1791 (AP, t. XXVII, p. 591).
[20] AP, t. XII, p. 11-12.
[20] AP, t. XII, p. 11-12.
[21] Séance du 28 aout 1791 (AP, t. XXX p. 1).
[21] Séance du 28 aout 1791 (AP, t. XXX p. 1).
[22] Séance du 22 septembre 1790...
[22] Séance du 22 septembre 1790 (AP, t. XIX, p. 136).
[23] Ibid.
[23] Ibid.
[24] AP, t. I, p. 773.
[24] AP, t. I, p. 773.
[25] AP, t. XIII, p. 94.
[25] AP, t. XIII, p. 94.
[26] Séance du 21 janvier 1791 (AP, t. XXII, p. 469).
[26] Séance du 21 janvier 1791 (AP, t. XXII, p. 469).
[27] Séance du 19 juillet 1791 (AP, t. XXVIII, p. 420).
[27] Séance du 19 juillet 1791 (AP, t. XXVIII, p. 420).
[28] Ibid., p. 435.
[28] Ibid., p. 435.
[29] Même si on peut aussi voir cette idée dans un plan de travail présenté le 6 juin 1790 par le député La Rochefoucauld-Liancourt, lequel parle d’une ...
[29] Même si on peut aussi voir cette idée dans un plan de travail présenté le 6 juin 1790 par le député La Rochefoucauld-Liancourt, lequel parle d’une « une Constitution sage, qui promette aux générations présentes et futures la vraie grandeur, la vraie prospérité nationale, celle qui nait du bonheur de chaque individu » (AP, t. XVI, p. 126). Aujourd’hui, on peut retrouver des références aux « générations futures » dans le droit de l’environnement, par exemple dans le préambule de la Charte de l’environnement faisant partie bloc de constitutionnalité contemporain.
[30] Voir notamment Édouard Bedarrides, Réviser la constitution, Une histoire constitutionnelle française, Thèse de droit public...
[30] Voir notamment Édouard Bedarrides, Réviser la constitution, Une histoire constitutionnelle française, Thèse de droit public, Université de Bourgogne, 2014, p. 57 sqq.
[31] Même si certains députés sont moins catégoriques sur la durabilité de l’œuvre, comme Frochot qui considère que le « code constitutionnel, [est] créé pour le bonheur des générations présentes » (AP, séance du 31 aout 1791, t. XXX, p. 100).
[31] Même si certains députés sont moins catégoriques sur la durabilité de l’œuvre, comme Frochot qui considère que le « code constitutionnel, [est] créé pour le bonheur des générations présentes » (AP, séance du 31 aout 1791, t. XXX, p. 100).
[32] Joseph de Maistre... [33] Ibid.
[32] Joseph de Maistre, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (1814), réed. Éditions Complexe, 2006, II. p. 212.
[34] Joseph de Maistre, Considérations sur ...
[34] Joseph de Maistre, Considérations sur la France (1797), réed. Éditions Complexe, 2006, p. 113-116.
[35] « Tout nous ramène donc à la règle générale : L’homme ne peut faire une constitution, et nulle constitution légitime ne saurait être écrite. Jamais on n’a écrit, jamais on n’écrira a priori, le recueil des lois fondamentales qui doivent constituer une société civile ou religieuse. Seulement, lorsque la société se trouve déjà constituée, sans qu’on puisse dire comment il est possible de faire déclarer ou expliquer par écrit certains articles particuliers ; mais presque toujours ces déclarations sont l’effet ou la cause de très-grands maux, et toujours elles coûtent aux peuples plus qu’elles ne valent. » (Essai.., op. cit., XXVIII. p. 238-239).
[35] « Tout nous ramène donc à la règle générale : L’homme ne peut faire une constitution, et nulle constitution légitime ne saurait être écrite. Jamais on n’a écrit, jamais on n’écrira a priori, le recueil des lois fondamentales qui doivent constituer une société civile ou religieuse. Seulement, lorsque la société se trouve déjà constituée, sans qu’on puisse dire comment il est possible de faire déclarer ou expliquer par écrit certains articles particuliers ; mais presque toujours ces déclarations sont l’effet ou la cause de très-grands maux, et toujours elles coûtent aux peuples plus qu’elles ne valent. » (Essai.., op. cit., XXVIII. p. 238-239).
[36] AP, t. VIII, p. 216.
[36] AP, t. VIII, p. 216.
[37] Bien qu’on puisse aussi retrouver une référence au bonheur du fait de l’organisation de l’institution judiciaire dans un discours du député Hell, lequel qualifie la loi sur l’organisation de la justice qu’il présente de « loi qui veille au bonheur de tous » (AP, Annexe à la séance du 27 décembre 1790, t. XXI, p. 686).
[37] Bien qu’on puisse aussi retrouver une référence au bonheur du fait de l’organisation de l’institution judiciaire dans un discours du député Hell, lequel qualifie la loi sur l’organisation de la justice qu’il présente de « loi qui veille au bonheur de tous » (AP, Annexe à la séance du 27 décembre 1790, t. XXI, p. 686).
[38] AP, t. XVI, p. 126. Toutefois, le même député avait précédemment pu suggérer que les principes constitutionnels devant conduire au bonheur pouvaient être différents : « une bonne Constitution doit chercher à détruire jusque dans ses plus profondes racines [le vice que constitue la mendicité], si elle prétend établir le bonheur public sur ses bases véritables, l’amour du travail et les mœurs » ...
[38] AP, t. XVI, p. 126. Toutefois, le même député avait précédemment pu suggérer que les principes constitutionnels devant conduire au bonheur pouvaient être différents : « une bonne Constitution doit chercher à détruire jusque dans ses plus profondes racines [le vice que constitue la mendicité], si elle prétend établir le bonheur public sur ses bases véritables, l’amour du travail et les mœurs » (AP, séance du 30 mai 1790, t. XV, p. 742).
[39] AP, t. XII, p. 72.
[39] AP, t. XII, p. 72.
[40] AP, t. XXIV, p. 387.
[40] AP, t. XXIV, p. 387.
[41] AP, t. XXX, p. 114.
[41] AP, t. XXX, p. 114.
[42] AP, annexe à la séance du 28 janvier ...
[42] AP, annexe à la séance du 28 janvier 1791, t. XII, p. 545.
[43] On ne saurait se montrer trop sévère avec les propos de Malhouet alors que le XXe siècle a vu la multiplication des interventions militaires occidentales sous prétexte d’apporter la liberté à tel ou tel peuple...
[43] On ne saurait se montrer trop sévère avec les propos de Malhouet alors que le XXe siècle a vu la multiplication des interventions militaires occidentales sous prétexte d’apporter la liberté à tel ou tel peuple ou de mettre en place la démocratie dans telle ou telle « dictature ».
[44] AP, t. XXIV, p. 563. Le député Anthoine défend par la suite la même idée (AP, t. XXIX, p. 37).
[44] AP, t. XXIV, p. 563. Le député Anthoine défend par la suite la même idée (AP, t. XXIX, p. 37).
[45] Référence au commentaire de la Professeure Wanda Mastor à propos du préambule de la DDHC de 1789 (Déclaration des droits de l’Homme...
[45] Référence au commentaire de la Professeure Wanda Mastor à propos du préambule de la DDHC de 1789 (Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, Dalloz, 2022, p. 14).
[46] Cahiers de doléances de ...
[46] Cahiers de doléances de la Paroisse de Favière en Brie (AP, t. IV, p. 544).
[47] Cahiers de doléances de la...
[47] Cahiers de doléances de la Paroisse de Franconville-la-Garenne (AP. t. IV, p. 568).
[48] Adresse du conseil général de la commune de Rouen, lue en séance le 19...
[48] Adresse du conseil général de la commune de Rouen, lue en séance le 19 juillet 1791 (AP, t. XXVIII, p. 419).
[49] Séance du 18 aout 1790, discours ...
[49] Séance du 18 aout 1790, discours (censuré) de Lambert de Fondeville dans « l’affaire de M. l’abbé Barmond » (AP, t. XVIII, p. 156). Le député explique que l’article 7 de la DDHC de 1789 est « la loi que vous avez faite sur la liberté et la sureté des citoyens » et qu’on « ne peut trop […] répéter aux amis du bonheur public ».
[50] Opinion de l’Abbé Jacquemard ...
[50] Opinion de l’Abbé Jacquemard qui explique que pour mettre en cause des ministres, il faut les juger en vertu de la « loi tutélaire de la responsabilité » : « c’est ainsi qu’il convient aux représentants de la nation d’assurer notre bonheur et notre liberté » (AP, Séance du 20 octobre 1790, t. XIX, p. 735).
[51] Le député Pétion explique lors de la séance du 14 juillet 1791 qu’« un roi qui voudrait franchement et son bonheur et celui de la nation, doit désirer un semblable conseil » (AP, XXVIII, p. 273).
[51] Le député Pétion explique lors de la séance du 14 juillet 1791 qu’« un roi qui voudrait franchement et son bonheur et celui de la nation, doit désirer un semblable conseil » (AP, XXVIII, p. 273).
[52] AP, t. XXXI, p. 356.
[52] AP, t. XXXI, p. 356.
[53] Voir sa fiche biographique tirée du célèbre dictionnaire des parlementaires de Robert et Cougny : https://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/%28num_dept%29/13812
[53] Voir sa fiche biographique tirée du célèbre dictionnaire des parlementaires de Robert et Cougny : https://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/%28num_dept%29/13812
[54] AP, Annexe à la séance du 28 janvier 1791, XII, p. 544.
[54] AP, Annexe à la séance du 28 janvier 1791, XII, p. 544.
[55] Voir les travaux de Jon Elster, « L'usage stratégique de l'argumentation »...
[55] Voir les travaux de Jon Elster, « L'usage stratégique de l'argumentation », Négociations, 2005/2 n° 4, p. 59-82 ; « Argumenter et négocier dans deux Assemblées constituantes », RFSP, 44e année, n° 2, 1994. p. 187-256.
[56] En tout cas, au-delà de la « valeur symbolique de l’argument » pour reprendre l’expression de Thibault Dauphin dans sa contribution au présent colloque.
[56] En tout cas, au-delà de la « valeur symbolique de l’argument » pour reprendre l’expression de Thibault Dauphin dans sa contribution au présent colloque.
[1] Édouard Laboulaye, Questions constitutionnelles, Paris, Charpentier et Cie, 1872, p. 376.
[2] Michel de Villiers et Armel Le Divellec, Dictionnaire de droit constitutionnel, 14e éd., Dalloz, p. 83.
On peut considérer l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 – « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoir déterminée, n’a point de constitution » – comme l’un des meilleurs résumés des ambitions du constitutionnalisme révolutionnaire.
[3] Pour une appréhension approfondie de ce processus d’écriture constitutionnelle, nous nous permettons de renvoyer à notre étude : Ludovic de Thy, L’écriture des lois constitutionnelles de 1875, La fondation de l’ordre constitutionnel de la IIIe République, LGDJ, coll. « bibliothèque de droit constitutionnel et de science politique », Tome 156, 2021.
[4] Proposition Rivet du 12 août 1871 (JO du 20 août 1871, Annexe n° 500, p. 2826).
[5] Amendement Maleville à la proposition Rivet du 21 aout 1871 (transcrit dans le procès-verbal de la séance de la commission spécialement nommée pour étudier la proposition Rivet – Archives nationales [AN], C3136).
[6] Formule retrouvée dans la proposition Rivet et l’amendement Maleville, mais aussi dans la proposition Chambrun du 13 aout 1871 (AN, C3136), les amendements de Goulard et Perrot à la proposition Rivet du 21 aout 1871 (AN, C3136).
[7] Amendement Bottiau à la proposition Rivet du 22 août 1871 (AN, C3136).
[8] Amendement Barthe introduit lors de la discussion ce qui deviendra la loi « de Broglie » du 13 mars 1873, défendu en Commission le 13 décembre 1872 (AN, C II 607).
[9] Amendement Jules Simon introduit lors de la discussion de ce qui deviendra la loi du 20 novembre 1873 qui fonde le septennat présidentiel, défendu en Commission le 13 novembre 1873 (AN, C3136).
[10] Léon Gambetta, Discours et plaidoyers politiques, publiés par Joseph Reinach, éd. complète, 11 vol., G. Charpentier, 1880-1885, t. II, p. 364.
[11] Laboulaye, op. cit., p. 370.
[12] Archives Parlementaires [AP], t. IX, p. 655. Une partie de ces archives est disponible en ligne : https://archives-parlementaires.persee.fr/explorer/les-volumes.
[13] Félicien Lemaire, « À propos du bonheur dans les constitutions », Revue Française de Droit Administratif, 2015, p. 107.
[14] Tel que formulé par l’article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de la Constitution du 24 juin 1793 (jamais appliquée) : « Le but de la société est le bonheur commun. »
[15] Pierre Négrel parle de « lieu commun » (« Aspects du bonheur dans le discours constituant révolutionnaire [1789-1793] », Revue Française de Droit Constitutionnel, 2022/2, n° 130, p. 438).
[16] AP, t. III, p. 246.
[17] AP, t. V, p. 2.
[18] Séance du 4 novembre 1789 (AP, t. IX, p. 671).
[19] Séance du 20 juin 1791 (AP, t. XXVII, p. 591).
[20] AP, t. XII, p. 11-12.
[21] Séance du 28 aout 1791 (AP, t. XXX p. 1).
[22] Séance du 22 septembre 1790 (AP, t. XIX, p. 136).
[23] Ibid.
[24] AP, t. I, p. 773.
[25] AP, t. XIII, p. 94.
[26] Séance du 21 janvier 1791 (AP, t. XXII, p. 469).
[27] Séance du 19 juillet 1791 (AP, t. XXVIII, p. 420).
[28] Ibid., p. 435.
[29] Même si on peut aussi voir cette idée dans un plan de travail présenté le 6 juin 1790 par le député La Rochefoucauld-Liancourt, lequel parle d’une « une Constitution sage, qui promette aux générations présentes et futures la vraie grandeur, la vraie prospérité nationale, celle qui nait du bonheur de chaque individu » (AP, t. XVI, p. 126). Aujourd’hui, on peut retrouver des références aux « générations futures » dans le droit de l’environnement, par exemple dans le préambule de la Charte de l’environnement faisant partie bloc de constitutionnalité contemporain.
[30] Voir notamment Édouard Bedarrides, Réviser la constitution, Une histoire constitutionnelle française, Thèse de droit public, Université de Bourgogne, 2014, p. 57 sqq.
[31] Même si certains députés sont moins catégoriques sur la durabilité de l’œuvre, comme Frochot qui considère que le « code constitutionnel, [est] créé pour le bonheur des générations présentes » (AP, séance du 31 aout 1791, t. XXX, p. 100).
[32] Joseph de Maistre, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (1814), réed. Éditions Complexe, 2006, II. p. 212.
[33] Ibid.
[34] Joseph de Maistre, Considérations sur la France (1797), réed. Éditions Complexe, 2006, p. 113-116.
[35] « Tout nous ramène donc à la règle générale : L’homme ne peut faire une constitution, et nulle constitution légitime ne saurait être écrite. Jamais on n’a écrit, jamais on n’écrira a priori, le recueil des lois fondamentales qui doivent constituer une société civile ou religieuse. Seulement, lorsque la société se trouve déjà constituée, sans qu’on puisse dire comment il est possible de faire déclarer ou expliquer par écrit certains articles particuliers ; mais presque toujours ces déclarations sont l’effet ou la cause de très-grands maux, et toujours elles coûtent aux peuples plus qu’elles ne valent. » (Essai.., op. cit., XXVIII. p. 238-239).
[36] AP, t. VIII, p. 216.
[37] Bien qu’on puisse aussi retrouver une référence au bonheur du fait de l’organisation de l’institution judiciaire dans un discours du député Hell, lequel qualifie la loi sur l’organisation de la justice qu’il présente de « loi qui veille au bonheur de tous » (AP, Annexe à la séance du 27 décembre 1790, t. XXI, p. 686).
[38] AP, t. XVI, p. 126. Toutefois, le même député avait précédemment pu suggérer que les principes constitutionnels devant conduire au bonheur pouvaient être différents : « une bonne Constitution doit chercher à détruire jusque dans ses plus profondes racines [le vice que constitue la mendicité], si elle prétend établir le bonheur public sur ses bases véritables, l’amour du travail et les mœurs » (AP, séance du 30 mai 1790, t. XV, p. 742).
[39] AP, t. XII, p. 72.
[40] AP, t. XXIV, p. 387.
[41] AP, t. XXX, p. 114.
[42] AP, annexe à la séance du 28 janvier 1791, t. XII, p. 545.
[43] On ne saurait se montrer trop sévère avec les propos de Malhouet alors que le XXe siècle a vu la multiplication des interventions militaires occidentales sous prétexte d’apporter la liberté à tel ou tel peuple ou de mettre en place la démocratie dans telle ou telle « dictature ».
[44] AP, t. XXIV, p. 563. Le député Anthoine défend par la suite la même idée (AP, t. XXIX, p. 37).
[45] Référence au commentaire de la Professeure Wanda Mastor à propos du préambule de la DDHC de 1789 (Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, Dalloz, 2022, p. 14).
[46] Cahiers de doléances de la Paroisse de Favière en Brie (AP, t. IV, p. 544).
[47] Cahiers de doléances de la Paroisse de Franconville-la-Garenne (AP. t. IV, p. 568).
[48] Adresse du conseil général de la commune de Rouen, lue en séance le 19 juillet 1791 (AP, t. XXVIII, p. 419).
[49] Séance du 18 aout 1790, discours (censuré) de Lambert de Fondeville dans « l’affaire de M. l’abbé Barmond » (AP, t. XVIII, p. 156). Le député explique que l’article 7 de la DDHC de 1789 est « la loi que vous avez faite sur la liberté et la sureté des citoyens » et qu’on « ne peut trop […] répéter aux amis du bonheur public ».
[50] Opinion de l’Abbé Jacquemard qui explique que pour mettre en cause des ministres, il faut les juger en vertu de la « loi tutélaire de la responsabilité » : « c’est ainsi qu’il convient aux représentants de la nation d’assurer notre bonheur et notre liberté » (AP, Séance du 20 octobre 1790, t. XIX, p. 735).
[51] Le député Pétion explique lors de la séance du 14 juillet 1791 qu’« un roi qui voudrait franchement et son bonheur et celui de la nation, doit désirer un semblable conseil » (AP, XXVIII, p. 273).
[52] AP, t. XXXI, p. 356.
[53] Voir sa fiche biographique tirée du célèbre dictionnaire des parlementaires de Robert et Cougny : https://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/%28num_dept%29/13812
[54] AP, Annexe à la séance du 28 janvier 1791, XII, p. 544.
[55] Voir les travaux de Jon Elster, « L’usage stratégique de l’argumentation », Négociations, 2005/2 n° 4, p. 59-82 ; « Argumenter et négocier dans deux Assemblées constituantes », RFSP, 44e année, n° 2, 1994. p. 187-256.
[56] En tout cas, au-delà de la « valeur symbolique de l’argument » pour reprendre l’expression de Thibault Dauphin dans sa contribution au présent colloque.