Résumé
Les Romains de l’Antiquité considéraient tout culte non public, c’est-à-dire non reconnu par la Cité de Rome, comme superstitio. Ils considéraient également comme telles dans une autre acception, les pratiques cultuelles pouvant représenter un danger pour la cité. La religio désignait de son côté les cultes et rituels autorisés et pratiqués publiquement par la communauté romaine. C’est ainsi que le christianisme restera longtemps pour les Romains une superstitio, entendue dans ses pratiques privées, puis devenant dangereuse pour la cité et combattue, avant d’être officialisée comme religio, nous dirions aujourd’hui religion d’État, tandis que le polythéisme devenait superstitio.
Les pères de l’Église firent évoluer cette dualité en mettant en avant cette idée de désordre et de danger pour la cité. Désormais, il n’y aura plus pour le christianisme qu’une vraie religion (institutionnelle), face aux hérésies et superstitions à combattre, puisque dangereuses.
Pour autant, le christianisme, même s’il ne cessera d’afficher sa lutte contre un paganisme diabolique qui inclura désormais toute croyance autre que la sienne, intègrera, dans sa volonté de convertir les campagnes, les rituels anciens liés aux éléments cosmiques, en leur associant des figures saintes. C’est ainsi que l’Église du pauvre mêlera à son culte des pratiques superstitieuses, tant qu’elles ne remettront pas en cause le pouvoir de l’Église de Rome.
En Corse perdurent des traditions rituelles et festives où paganisme et catholicisme opèrent depuis longtemps un syncrétisme au service d’une communauté. Dans leur pratique, elles sont les héritières de ces traditions primordiales calées sur le rythme cosmique des travaux et des jours. Elles accompagnent par le rituel les grands moments de communion entre l’homme et la nature.
N’est-ce point dans cette démarche, loin des communications corporates, touristiques et partisanes auxquelles nous soumet notre société de « consommunication », que pourrait s’affirmer en Corse une culture ouverte sur les valeurs de solidarité, de justice et d’hospitalité, partagées tant par les héritiers des différentes religions du livre et de la nature que par les athées ?
Il s’agirait alors d’une superstition, au premier sens romain du terme, assurant la neutralité de l’État qu’impose le principe de laïcité. Des pratiques privées, mais partagées par une communauté. Des pratiques ancestrales, mais retrouvant un présent par leur réelle connexion avec les autres et avec la terre, avec le sacré en somme.
Summary
The ancient Romans considered any cult that was not public, i.e. not recognised by the City of Rome, to be superstitio. In another sense, they also considered as such any cult practices that could represent a danger to the city. Religio, on the other hand, referred to the cults and rituals authorised and practised publicly by the Roman community. This is how Christianity remained a superstitio for the Romans for a long time, understood in its private practices, then becoming dangerous for the city and being fought against, before being made official as a religio – we would say State religion today – while polytheism became a superstitio.
The Fathers of the Church changed this duality by emphasising the idea of disorder and danger to the city. From then on, Christianity was to have only one true (institutional) religion, while heresies and superstitions were to be combated as dangerous.
However, even though Christianity would never cease to fight a diabolical paganism that would henceforth include all beliefs other than its own, in its desire to convert the countryside, it would incorporate ancient rituals linked to the cosmic elements, by associating holy figures with them. In this way, the Church of the Poor mixed superstitious practices with its worship, as long as they did not challenge the power of the Church of Rome.
In Corsica, ritual and festive traditions continue to exist, where paganism and Catholicism have long been syncretised in the service of a community. In their practice, they are heirs to these primordial traditions based on the cosmic rhythm of work and days. Through ritual, they accompany the great moments of communion between man and nature.
Is it not in this approach, far from the corporate, tourist and partisan communications to which our society of ‘consumerism’ subjects us, that a culture open to the values of solidarity, justice and hospitality, shared as much by the heirs of the different religions of the book and of nature as by atheists, could be affirmed in Corsica?
Then it would be a superstition, in the first Roman sense of the term, ensuring the neutrality of the State imposed by the principle of secularism. Private practices, but shared by a community. Ancestral practices, but rediscovering a present through their real connection with others and with the earth, with the sacred in short.
Mots-clés : Citoyenneté et religion ; Religions et écologie
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Introduction
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