Résumé
Cet article vise à explorer la participation croissante des églises évangéliques néo-pentecôtistes dans la politique brésilienne et leurs stratégies visant à saper les bases idéologiques de l’État laïc et ses fondements séculaires. L’État brésilien, depuis sa formation coloniale, n’a pas été caractérisé par la laïcité. Au contraire, il reste lié, formellement ou informellement, à l’Église catholique. Actuellement, malgré ce que prévoit la Constitution de la République fédérative du Brésil de 1988, art. 5, points VI et VII, qui affirment la laïcité et le respect de la pluralité religieuse, le pays est confronté à une croisade d’érosion des valeurs laïques et démocratiques promue par les courants évangéliques néo-pentecôtistes. Lors des trois dernières élections présidentielles et législatives, ainsi que dans le gouvernement de Jair Messias Bolsonaro, on a enregistré une augmentation significative de la participation des pentecôtistes qui remettent en question le système électoral républicain, l’État laïc, et défendent la soumission de l’État aux principes religieux contenus dans la Bible, dans l’Ancien Testament. Le siège parlementaire et les églises néo-pentecôtistes promeuvent une véritable guerre de positions, élisant des ennemis à éliminer et à soumettre à une vision théologique des coutumes et de l’État.
Summary
This paper aims to explore the growing involvement of neo-Pentecostal evangelical churches in Brazilian politics and their strategies for undermining the ideological foundations of the secular state and its secular underpinnings. The Brazilian State, since its colonial formation, has not been characterised by secularism. On the contrary, it remains linked, formally or informally, to the Catholic Church. Currently, despite the provisions of the 1988 Constitution of the Federative Republic of Brazil, art. 5, points VI and VII, which affirm secularism and respect for religious plurality, the country is facing a crusade to erode secular and democratic values promoted by neo-Pentecostal evangelical currents. In the last three presidential and legislative elections, as well as in the government of Jair Messias Bolsonaro, there has been a significant increase in the participation of Pentecostals, who question the republican electoral system, the secular state and defend the submission of the state to the religious principles contained in the Bible in the Old Testament. The parliamentary seat and the neo-Pentecostal churches promote a veritable war of positions, electing enemies to be eliminated and subjected to a theological vision of customs and the State.
Mots-clés : Politique et Religion; Néopentecôtisme; État laïque; Activisme religieux; Néo-conservatisme
Résumé
Introduction
Cet article traite de la relation entre la politique et la religion et de leurs discours théologiques.1 Constitution du Brésil (1988). Constitution de la République fédérative du Brésil. Brasília, DF : Sénat fédéral, 1988. Le texte cherche à explorer le problème du théisme néo-pentecôtiste, qui prône une « démocratie divine » et met en péril le caractère laïque de la république brésilienne en proposant de remplacer les valeurs et principes laïques contenus dans la Constitution de 1988 par les valeurs et dogmes du monothéisme judéo-chrétien. Ce projet politico-théologique peut être résumé par la phrase couramment utilisée par les membres des églises évangéliques néo-pentecôtistes et imprimée sur des objets tels que des T-shirts, des autocollants de voiture, entre autres : « Heureuse la nation dont le Dieu est l’Éternel ! (Psaumes 33:12) ». Cette affirmation subvertit l’idée que la République est fondée sur un pacte social auquel les citoyens participent indépendamment de leurs croyances religieuses qui, dans la sphère publique, ne sont pas pertinentes mais admises.
Avec ces fondements contre la laïcité républicaine, le projet politique néo-pentecôtiste inaugure le conflit politique et social entre croyants et non-croyants (évangéliques et non-évangéliques) au Brésil, et va bien au-delà du conflit traditionnel entre athéisme, théisme et laïcité républicaine. Dans ce conflit, les groupes qui défendent l’État laïque, la République fondée sur les valeurs sociales-démocrates, et ceux qui professent d’autres religions, en particulier ceux d’origine africaine, sont politiquement repositionnés en opposition aux évangéliques néo-pentecôtistes. Ce repositionnement politique religieux place les non-évangéliques, en général, sur l’échiquier politique brésilien de centre- gauche et les néo-pentecôtistes sur l’échiquier conservateur et d’extrême-droite.
Les évangéliques néo-pentecôtistes remettent en cause non seulement les valeurs politiques républicaines, mais aussi les valeurs sociales garanties par les principes et les normes de la Constitution de la République fédérative du Brésil, en vigueur depuis 1988, en particulier le pluralisme des croyances, la liberté de conscience, de conviction politique et d’association, énoncés à l’article 5, points VI, VII, VIII et XXVII, du titre II, qui établit les droits et garanties fondamentaux des citoyens. Il ressort de la lecture de ces dispositions constitutionnelles que la République respecte toutes les croyances et, à ce titre, se place dans une position de neutralité pour assurer ces libertés essentielles à la vie républicaine. En somme, la laïcité l’emporte sur toutes les religions pour garantir ces libertés.
Malgré ce cadre constitutionnel actuel, l’État brésilien, depuis sa formation coloniale, ne s’est pas caractérisé par la laïcité et l’adhésion aux fondements rationnels de la laïcité. Au contraire, de 1500 à 1822, les liens entre la couronne portugaise et l’Église de Rome ont permis à l’État d’intervenir dans les affaires de l’Église et vice versa. Cette symbiose entre le pouvoir royal et l’Église s’est poursuivie après l’indépendance politique du Brésil colonial.2 Le padroado était un mécanisme juridique qui donnait aux rois et aux dirigeants le droit d’être directement impliqués dans la hiérarchie de l’Église catholique. Au Brésil, il a été établi dans la Constitution de 1824, article 102. L’empereur est le chef du pouvoir exécutif, qu’il exerce par l’intermédiaire de ses ministres d’État. Ses principales attributions sont les suivantes : II. Nommer les évêques et pourvoir aux bénéfices ecclésiastiques. En outre, la Constitution de l’Empire proclame dans son article 5 que : La religion catholique apostolique romaine restera la religion de l’Empire. Toutes les autres religions seront autorisées à pratiquer leur culte au niveau national ou privé dans des maisons réservées à cet effet, sans aucune forme extérieure de temple ;3 Constitution du BRESIL (1824). Constitution politique de l’Empire du Brésil de 1824. Rio de Janeiro : Senado Federal, 1824.rasília, DF : Senado Federal, 1988. De 1822 à 1889, sous le Premier et le Second Empire, l’institution du patronage a été renouvelée et la Constitution de l’Empire de 1824 a permis à l’empereur de nommer les évêques et de leur accorder des avantages ecclésiastiques, et d’obtenir en retour la collaboration des prêtres de l’Église dans les affaires relevant de l’État, en particulier dans le domaine de l’éducation.
Ce lien politique entre l’Empire brésilien et l’Eglise catholique a également eu pour conséquence que la religion catholique est restée la religion officielle de l’Empire, tandis que toutes les autres religions étaient autorisées à pratiquer leur culte à la maison ou dans des temples publics. Malgré cette officialisation, on constate une certaine tolérance et une liberté de croyance.4 BRÉSIL, Constitution de la République des États-Unis du Brésil (24 février 1891). Ce cycle a pris fin avec la première constitution républicaine du Brésil de 1891, qui établissait dans son article 72, paragraphe 7 : « Aucun culte ou église ne jouira d’une subvention officielle, ni n’aura de relations de dépendance ou d’alliance avec le gouvernement de l’Union ou celui des États (…) ».
Sur la base de cette histoire et de ces éléments politiques et juridiques, la société brésilienne a officiellement pris les traits d’un pays catholique, qui plus est profondément religieux, coexistant avec la religion officielle et des religions considérées comme officieuses, pour produire un syncrétisme religieux visible surtout dans les religions d’origine africaine. Cette religiosité complexe peut justifier l’inclusion dans le préambule de la constitution de la République de 1988 de l’expression « sous la protection de Dieu ». On peut dire que la République brésilienne est politiquement laïque et qu’elle préserve le caractère religieux de sa configuration sociale.
La nouveauté qui marque la relation actuelle entre la sphère politique et la sphère religieuse au Brésil découle de l’augmentation vertigineuse des églises évangéliques de confession néo-pentecôtiste, de l’organisation commerciale de ces églises et de la représentation des dirigeants de ces églises au Congrès national. Ces dénominations néo-pentecôtistes renouvellent leurs fondements théologiques en les articulant avec les fondements politiques de la République et en adoptant des stratégies discursives et des pratiques politiques visant à saper les bases idéologiques de l’État séculier et ses fondements laïques.
Le Brésil connaît actuellement une dissociation entre le cadre juridique institutionnel affirmant la laïcité de l’État et l’émergence de groupes néo-pentecôtistes au sein du Congrès national, qui mettent en péril la laïcité et façonnent astucieusement un État théocratique, autoritaire et antidémocratique, avec le soutien d’une grande partie des médias télévisés et des faiseurs d’opinion conservateurs. Cette particularité est extrêmement complexe et constitue un défi pour l’analyse de la politique et de la religion dans ce pays.
L’essor du néo-pentecôtisme et la guerre contre la laïcité
Dans la guerre contre les valeurs républicaines, la cible principale du néo-pentecôtisme est l’État de droit démocratique, qui perdrait sa capacité à légiférer sur la base des principes constitutionnels et des valeurs sociales laïques, pour s’adapter aux dogmes d’un christianisme fondamentaliste néo-pentecôtiste, qui récupère les valeurs bibliques de l’Ancien Testament. Le théisme propagé par les doctrines néo-pentecôtistes cherche à récupérer l’autorité du patriarcat, contenue dans les expressions « Dieu Roi et Dieu Père », afin de rapprocher le pouvoir familial et pastoral masculin du pouvoir politique autocratique et de promouvoir une rupture du postulat républicain de la séparation entre l’espace public et l’espace privé.
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Dans ces doctrines, le pouvoir patriarcal est présenté comme le lieu d’origine du pouvoir qui mérite une obéissance aveugle et s’impose par la peur, de la même manière qu’Abraham a craint son Dieu lorsqu’il lui a ordonné de sacrifier son fils Isaac (Genèse 22:6-12). En raison de cette conception hiérarchique et de la formation du pouvoir autocratique-patriarcal, les croyants se sont rapprochés ou alignés sur les courants politiques néoconservateurs dirigés par des leaders populistes autocratiques. Pour ces raisons, la formation de la République, en tant qu’arrangement politique convenu dans la sphère publique, composée de croyants et de non-croyants, pose un problème aux néo- pentecôtistes, car ils considèrent que les non-croyants ne suivent pas les prescriptions de l’autorité, ne sont pas engagés dans l’obéissance aveugle et veulent préserver leur liberté dans la sphère privée.5 BROWN, Wendy. Dans les ruines du néolibéralisme. La montée des politiques antidémocratiques en Occident. New York. Columbia University Press. 2018 En définitive, ce qui est en jeu, c’est la laïcité de l’État de droit démocratique minée par un ensemble de normes de conduite forgées dans la sphère privée et religieuse visant des sujets dociles et obéissants au patriarcat, réalisant ainsi la gouvernementalité néolibérale. Cela pourrait être une clé pour comprendre la relation complexe entre le néolibéralisme et le pentecôtisme, en d’autres termes, entre la politique et la religion.
Sur le plan doctrinal, les « croyants » doivent conquérir le paradis sur terre en re-signifiant la consommation et en participant aux espaces de pouvoir économique, politique, médiatique et scientifique, dans le but de transformer la société. Pour parvenir à cette conquête du pouvoir, les néo-pentecôtistes valorisent la prospérité matérielle comme une bénédiction de Dieu et prêchent la théologie de la « confession positive », connue au Brésil sous le nom de « théologie de la prospérité », qui considère la foi comme un élément nécessaire pour atteindre le bien-être matériel. Ils mettent également l’accent sur le combat spirituel contre le Diable et les mauvais esprits, en défendant la nécessité de rechristianiser la société à travers la « théologie de la domination ». Dans cette optique, les églises pentecôtistes se structurent en termes d’entreprises, notamment en investissant dans l’immobilier, l’agriculture et les médias, qui servent à diffuser ces principes idéologiques. Pour Mariano, les néo-pentecôtistes promeuvent une apparente libéralisation des mœurs et des usages de la sainteté, ainsi qu’une « […] rupture avec l’idée de rechercher le salut par l’ascèse et le rejet du monde » 6 MARIANO, Ricardo. L’expansion pentecôtiste au Brésil : le cas de l’Église universelle. Estudos avançados, v. 18, p. 121-138, 2004.
Au Brésil, l’arrivée du pentecôtisme remonte aux années 1970 et a été favorisée par le leadership du pasteur, aujourd’hui évêque, Edir Macedo. Selon les données de l’Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE), entre les années 1940 et 1960, le pourcentage d’évangéliques au Brésil oscillait entre 2,6 % et 4,3 %, des chiffres dérisoires par rapport aux catholiques. À partir des années 1970, avec l’émergence du néo-pentecôtisme dans le pays, les statistiques concernant les adeptes du mouvement ont changé de manière significative.7 Le gouvernement Bolsonaro n’a pas réalisé le CENSO, mais en l’absence de données de l’IBGE entre 2010 et 2022, José Eustáquio Diniz Alves a réalisé une projection couvrant la période 2010 à 2032. Le résultat de cette projection montre que les catholiques représentent 49,9 % des affiliations religieuses en 2022 (pour la première fois en dessous de 50 %) et 38,6 % en 2032, et les évangéliques avec des pourcentages de 31,8 % et 39,8 % au cours de la même période.
L’expansion du pentecôtisme et du néo-pentecôtisme au Brésil a eu lieu entre les années 1980 et 2000 et a accompagné le phénomène international de radicalisation fondamentaliste et néo-conservatrice au sein de diverses religions, stimulé par l’aggravation des inégalités économiques et sociales et le passage à des projets politiques d’extrême-droite. Ces processus ont permis au mouvement néo-pentecôtiste d’acquérir un pouvoir politique et économique ainsi qu’une visibilité publique et médiatique, pénétrant toutes les sphères de la société, en particulier parmi les segments les plus pauvres, les femmes et les Noirs.
Dans ce processus récent, l’influence de l’évêque Edir Macedo, de l’Église universelle du Royaume de Dieu (IURD), a été fondamentale pour la progression et la croissance du néo-pentecôtisme au Brésil. En 1977, il a fondé l’Église universelle du Royaume de Dieu, qui est devenue la plus importante église néo-pentecôtiste du pays, gagnant du terrain parmi les couches les plus pauvres de la société brésilienne à partir des années 1980. Avec son message de guérison divine et de prospérité financière, la théologie de la prospérité propagée par les églises néo-pentecôtistes a progressivement attiré les croyants. Cette théologie apparaît comme une forme de politique institutionnalisée par les églises néo-pentecôtistes, qui produisent « […] des stratégies pédagogiques performatisées comme un langage théologique visant à gérer la vie des croyants.8 TEIXEIRA, Jacqueline Morais. *Conduite universelle : autonomie et politique de genre dans l’Église universelle du Royaume de Dieu. Thèse de doctorat. Programme de troisième cycle en anthropologie sociale. Faculté de philosophie, lettres et sciences humaines. Université de São Paulo, 2018. Leur stratégie économique consiste toujours à discuter, répéter, formuler, forger, engendrer les technologies les plus variées pour contrôler les comportements […] »
Dans les années 1980 et 1990, d’autres églises néo-pentecôtistes se sont développées, telles que l’International Church of the Grace of God (1980), la Worldwide Church of the Power of God (1998) et la Rebirth in Christ Church (1986), alimentées par des dissensions et des conflits constants entre chefs religieux rivaux. Ces églises se distinguent des anciennes dénominations pentecôtistes par l’importance qu’elles accordent à la prospérité financière et par l’attrait qu’elles exercent sur les médias, avec leurs propres programmes de télévision et de radio. Dans les années 2000, le néo-pentecôtisme a continué à se développer, s’affirmant comme l’un des mouvements religieux les plus influents du pays. La même année, l’IBGE a enregistré que 15,6 % de la population brésilienne était évangélique, ce qui confirme l’essor de ce mouvement religieux.
Dirigée par Macedo, l’UCKG se distingue par son utilisation de divers mécanismes et stratégies médiatiques. L’évangélisation de masse, historiquement et largement incorporée, vise à diffuser la foi au plus grand nombre, en utilisant différents moyens de communication, tels que la radio, la télévision, l’internet, les réseaux sociaux, les brochures, les journaux et les magazines. Les membres de l’église sont encouragés à amener d’autres membres aux services et aux événements, dans une sorte de marketing « de bouche à oreille ». L’achat de TV Record par Edir Macedo marque fondamentalement l’arrivée des néo-pentecôtistes dans l’arène publique, puisque la station est une chaîne ouverte et qu’elle est regardée par environ 180 millions de personnes, occupant ainsi la deuxième place en termes d’audience parmi les télévisions ouvertes au Brésil. L’Église possède également ses propres journaux et magazines, distribués dans le monde entier. Folha Universal, le journal de l’UCKG, « […] a un tirage hebdomadaire moyen de 2,5 à 3,5 millions d’exemplaires ».9 ROTHBERG, Danilo ; DIAS, Mariane Bovoloni. *Religion, politique et élections dans Folha Universal. In Texto, n. 27, p. 20-37, 2012.
10 TEIXEIRA, Jacqueline Morais. *Conduite universelle : autonomie et politique de genre dans l’Église universelle du Royaume de Dieu. Thèse de doctorat. Programme de troisième cycle en anthropologie sociale. Faculté de philosophie, lettres et sciences humaines. Université de São Paulo, 2018.Grâce à la grande portée de Folha Universal, le journal est devenu la principale source d’information pour l’Église, qui systématise stratégiquement le contenu, en introduisant des sessions consacrées aux « […] projets axés sur les questions de genre, les relations familiales et le mariage […] ». Les sessions « Godllywood » et « Vida a dois » sont conçues pour apporter des pratiques pédagogiques qui abordent les thèmes de « l’être femme » et de la manière de résoudre les problèmes dans les mariages hétérosexuels. L’expansion néo-pentecôtiste, avec l’accent mis sur l’UCKG, s’est accompagnée non seulement d’une utilisation massive du paysage médiatique, mais aussi de l’utilisation simultanée de stratégies politiques, ce qui a permis à l’Église d’élire son premier parlementaire en 1986. Dix ans plus tard, l’agenda politique néo-pentecôtiste comptait déjà 26 députés au niveau des États et 17 au niveau fédéral. Avec la création du Front parlementaire évangélique en 2003, populairement connu sous le nom de « caucus évangélique », le projet d’expansion de ce courant religieux dans la politique brésilienne a pris de l’ampleur et a eu un fort impact sur le Congrès national.
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En ce qui concerne l’insertion politique, les néo-pentecôtistes s’écartent des protestants historiques, qui évitaient de parler de politique au motif que « les croyants ne se mêlent pas de politique ». Aujourd’hui, la présence de représentants officiels dans les organes législatifs et exécutifs est essentielle pour accroître le pouvoir de l’Église dans la guerre spirituelle visant à convertir la société brésilienne.11 SOARES, Suamy Rafaely ; SOUZA, Eulália Vitória Dantas. *La question des droits sexuels et génésiques des femmes dans les églises néo-pentecôtistes. 2022. PIBIC/UERN. En affirmant que « les croyants votent pour les croyants », d’importants contingents de ressources financières/médiatiques et le travail des travailleurs sont mobilisés pour élire des candidats, à la fois dans les branches législatives et exécutives, comme lors des élections de Jair Bolsonaro en 2018 et 2022. Lors du second tour de la campagne présidentielle de 2022, Folha Universal a publié un éditorial intitulé « Bispo Macedo lance un défi : quel Dieu l’emportera, celui de gauche ou celui de droite ? », appelant les évangéliques de toutes confessions à voter pour Bolsonaro, au motif que les gens de gauche visaient à détruire la famille.
L’entrée des néo-pentecôtistes en politique est justifiée par la prétendue persécution des chrétiens et la nécessité de défendre la liberté religieuse, en créant des canaux au sein de l’État pour servir les intérêts corporatifs de la cause évangélique, ce qui inclut la défense des privilèges fiscaux, la lutte contre les lois restrictives sur la pollution sonore et les bâtiments, la censure des médias et l’opposition aux agendas de gauche. Il s’agit d’un « agenda évangélique » des coutumes, qui s’articule autour de questions telles que l’avortement, les unions civiles pour les personnes LGBTQIAP+, l’usage récréatif du cannabis, les droits sexuels et reproductifs, la lutte contre « l’idéologie du genre », la défense de l’éducation religieuse et « l’école sans fête ».12 Ibid.
La participation des néo-pentecôtistes à la sphère publique est fortement soutenue par les piliers médiatiques de l’UCKG. Rede Record et Folha Universal sont les principales sources d’émissions et d’activités des néo-pentecôtistes sur l’agenda politique, ainsi que d’élaboration de principes éthiques pour la réflexion et l’orientation de l’électorat évangélique. Rede Record de televisão et Rádio Record travaillent sur des projets de campagne et de propagande électorale, influençant l’opinion publique sur des questions politiques, sociales et morales.13 ROTHBERG, Danilo ; DIAS, Mariane Bovoloni. *Religion, politique et élections dans Folha Universal. In Texto, n. 27, p. 20-37, 2012. Disponible à l’adresse : <http://hdl.handle.net/11449/134986>. Folha Universal propose des candidats, défend des mandats et vise à « […] construire ou faire écho à des perspectives pour caractériser les demandes sociales, économiques et politiques considérées comme les plus pertinentes par l’Église universelle du Royaume de Dieu en tant que priorités pour la gestion publique ».
Au cours des dernières décennies, le champ politico-religieux a connu de profondes transformations qui ont eu un impact significatif sur la structure organisationnelle des églises et sur le développement de stratégies visant à attirer les croyants, en s’adaptant aux innovations médiatiques et aux changements politiques, culturels et économiques dans les sociétés. Dans le même temps, une vague séculière s’oppose à une vague religieuse conservatrice, qui combine divers éléments, notamment : l’intensification des inégalités sociales ; les répercussions de 30 ans de politiques néolibérales ; l’affrontement entre catholiques et évangéliques ; l’augmentation du nombre de personnes indifférentes à la religion, d’agnostiques et d’athées ; l’expansion des attitudes fondamentalistes dans différentes religions, et le conflit sur l’hégémonie culturelle dans la société. En outre, on assiste à un renforcement du conservatisme et à des processus d’érosion démocratique en tant que tendance mondiale.
La bataille culturelle du néo-pentecôtisme et ses ennemis
Le néo-pentecôtisme répond à la spécificité du processus politique et culturel brésilien et facilite l’insertion du néolibéralisme dans l’État et la vie sociale. Cette doctrine religieuse trouve un terrain fertile pour sa propagation dans les couches populaires et moyennes de la société brésilienne, peu formées en politique, qui méprisent le pluralisme politique et religieux et refusent le débat public, considéré comme un acte subversif, pendant les vingt-et-un ans où la dictature militaire civile a régné sur le pays.14 Les évangéliques devraient dépasser les catholiques au cours des huit prochaines années, ce qui s’explique par le fait qu’ils sont mieux positionnés, en termes de dynamique démographique, dans la population urbaine, pauvre, jeune et féminine. Les autres religions devraient passer de 5,2 % en 2010 à 8,5 % en 2032 et le groupe sans religion devrait passer de 8 % à 13,1 % au cours de la même période. Par conséquent, l’hégémonie des deux grands groupes chrétiens sera modifiée, dans un contexte de concurrence accrue et de pluralité religieuse.15 LÓPEZ-RUIZ, Osvaldo ; MÉNDEZ, Pablo ; JARDIM, Fabiana A. A. Amérique latine : au-delà de la gouvernementalité néolibérale ? In : JARDIM, Fabiana A. A. ; LÓPEZRUIZ, Osvaldo ; MÉNDEZ, Pablo (Org.), Latin American governmentalities : weaves between coloniality and neoliberalism. São Paulo : FEUSP, 2024 (Desbordar). 300 p16 Les années 1980 et 1990 ont été marquées par le retour de la démocratie après deux décennies de régime militaire autoritaire. Au cours de ces décennies, le Brésil a été confronté à l’un des principaux problèmes de l’économie brésilienne, à savoir l’inflation élevée qui était apparue après la dictature. Au total, six plans de stabilisation ont été tentés au cours de ces décennies : Plan Cruzado, Plan Bresser, Plan d’été, Collor I, Collor 2 et enfin le Plan Real. Au cours de ces plans, des mesures restrictives de crédit ont été adoptées, des réductions de salaires, le maintien de taux de change artificiels pendant une période prolongée, des diagnostics erronés des causes de l’inflation, ainsi que des formes idéalisées de désindexation.Cette partie de la population brésilienne se méfie également de l’exercice de la démocratie basé sur l’expérience post-dictatoriale qui, à partir des années 1980, a promu des plans économiques successifs en Amérique latine et au Brésil, avec des réductions de salaires, des hausses de taux d’intérêt et des politiques fiscales qui ont réduit les investissements dans les politiques sociales.
Dans ce contexte sociopolitique, les néo-pentecôtistes s’inscrivent dans les courants paléoconservateurs et néoréactionnaires qui remettent en cause le système électoral républicain et l’État démocratique laïc avec ses valeurs et ses pratiques politiques. Une véritable guerre de positions s’instaure dans laquelle des ennemis sont choisis pour être éliminés et ciblés par divers moyens, afin de permettre le formatage d’une rationalité qui moule la subjectivité et met l’exercice du pouvoir à l’abri de toute critique. Ces éléments du discours théologique peuvent expliquer en partie le succès électoral du bloc dit « évangélique » composé d’évêques et de pasteurs lors des trois dernières élections présidentielles et législatives, qui a résulté de l’augmentation significative de la participation de ce bloc à la politique de l’État et au Congrès et a permis l’établissement d’un programme clairement conservateur et autoritaire au Congrès, qui combine des propositions néolibérales visant à réduire les droits sociaux et à exalter l’esprit d’entreprise.19 DIP, Andrea. Au nom de qui ? – Le caucus évangélique et son projet de pouvoir. Rio de Janeiro. Editora Civilização Brasileira. 2024.
Ce front parlementaire est composé du « Caucus de la Bible », qui agit en alliance avec le « Caucus du Bétail », composé de propriétaires terriens et d’agro-industriels, et du « Caucus des Balles », qui rassemble les secteurs de la sécurité publique, de l’industrie de l’armement et des milices, et qui s’appelle et agit sous l’acronyme « Caucus BBB ». Ce groupe promeut la rhétorique de la guerre contre les ennemis, éliminant la possibilité d’un dialogue démocratique.20 Le caucus BBB est un terme qui désigne l’union des caucus des armes (« da bala »), rural (« do boi ») et évangélique (« da bíblia ») au sein du Congrès national brésilien. Alignés sur la droite politique et le conservatisme, ces caucus défendent des programmes qui sont souvent considérés comme des menaces pour les droits de l’homme et des minorités. Le terme a été inventé par la députée fédérale Erika Kokay en 2015, lors d’une réunion du Parti des travailleurs, et s’est rapidement répandu parmi les parlementaires de gauche et les médias. Le renforcement de ce caucus a permis de relancer des projets précédemment rejetés, tels que la réduction de l’âge de la responsabilité pénale, l’abrogation du statut du désarmement, la création du statut de la famille et la criminalisation de l’avortement en tant que crime odieux.
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L’activisme des néo-pentecôtistes vise à influencer l’agenda politique de l’État, en intervenant dans les politiques publiques, en exigeant un traitement privilégié de la part de l’État et en interférant dans le système juridique dans des processus constants de judiciarisation de la morale et d’affaiblissement de la laïcité de l’État, en mettant l’accent sur la constitution de politiques antisexistes en réponse aux politiques de genre et de sexualité gagnées au cours des dernières décennies sous la pression des mouvements féministes et LGBTQIAP+.
Dans cette perspective politique conservatrice, la famille occupe une place centrale dans la gestion et l’intervention de l’État, ainsi que dans la gestion de la vie privée des individus, de leur corps, de leurs expériences sexuelles et de leur moralité. Le modèle de la famille nucléaire est présenté comme idéal, composé d’un père, d’une mère et d’un ou plusieurs enfants, et défini sur la base de la reproduction biologique, centré sur le renforcement du rôle familial des femmes et des traditions morales chrétiennes.
Dans ce contexte, la famille est présentée comme une unité ecclésiastique capable de réguler les rôles de genre et d’être un instrument pour la matérialisation de la prospérité individuelle et de la cohésion sociale, et devrait être largement défendue, devenant l’un des points de l’agenda électoral conservateur. Le programme pro-famille, pro-vie et conservateur est « […] une ressource pour la mobilisation positive, qui produit des identités religieuses et nationalistes, et pour la construction négative d’opposants, activant le racisme, l’homophobie et l’anti-féminisme » 21 BIROLI, Flávia ; VAGGIONE, Juan Marco ; MACHADO, Maria das Dores Campos. Genre, néoconservatisme et démocratie : différends et revers en Amérique latine. Boitempo Editorial, 2020.
L’activisme politique des néo-pentecôtistes autour de la famille chrétienne pèse en permanence sur l’agenda politique de l’État, en proposant des politiques publiques interventionnistes, en exigeant un traitement privilégié de la part de l’État et en s’immisçant dans le système juridique dans des processus constants de judiciarisation de la morale et d’affaiblissement de la laïcité de l’État, en mettant l’accent sur la constitution de politiques antisexistes en réponse aux politiques en matière de genre et de sexualité gagnées ces dernières décennies sous la pression des mouvements féministes et LGBTQIAP+. 22 Ibid.
Le féminisme est l’une des premières barrières à lever pour affirmer cette conception chrétienne de la famille. Le discours religieux masque des intentions politiques à travers des affirmations telles que celle du pédagogue et spécialiste en sciences humaines Cris Corrêa, qui a ouvert les débats du 1er congrès antiféministe de Santa Catarina sur le thème : « Il n’y a pas de féministe chrétienne ». Selon l’orateur, le féminisme et le christianisme sont incompatibles, car selon la vision religieuse paléoconservatrice, le mouvement féministe attaque le christianisme et tente de détruire et de transformer les valeurs et les symboles religieux. « Toute féministe convaincue de son féminisme est, par essence, anti-chrétienne ».
D’autre part, de manière astucieuse, un discours est formulé qui cherche à démontrer l’espace privilégié que les femmes, dont la subjectivité a été modelée selon la société patriarcale, occupent dans le monde chrétien, comme le montre le commentaire de la pédagogue et docteur en éducation Patthy Silva, lorsqu’elle réfute certains des arguments du mouvement féministe selon lesquels l’entrée des femmes sur le marché du travail est due à ce mouvement. Pour étayer son propos, l’oratrice a cité l’exemple des religieuses nord-américaines qui ont fait carrière dans les hôpitaux à partir des années 1960. Et de conclure : « Cela réfute également l’argument selon lequel le christianisme freinerait la promotion des femmes ». Cependant, on pourrait objecter que, dans ce cas, les religieuses restent cantonnées à des tâches de soins typiques de la place assignée aux femmes dans la société patriarcale.
Dans le cas du Brésil, il est important de noter qu’il ne s’agit pas de nier la représentation féminine, de minimiser l’histoire de l’accès aux droits et les luttes menées par les femmes brésiliennes (noires, blanches, transgenres, indigènes, chrétiennes ou autres) pour occuper des positions dans la sphère publique de la citoyenneté. Cependant, une perspective critique met en évidence la figure de la femme comme alibi, qui se distingue dans la vie politique et professionnelle et qui est utilisée pour soutenir des discours antiféministes tels que celui de l’oratrice Patty Silva.
23 DIP, Andrea. Au nom de qui ? – Le caucus évangélique et son projet de pouvoir. Rio de Janeiro. Editora Civilização Brasileira. 2024.Outre la formulation de discours édulcorés sur la famille et les femmes, dans la pratique, le Caucus biblique s’emploie à promouvoir ce que l’on appelle l' »agenda douanier », qui a pour toile de fond des projets de loi comportant des thèmes religieux à profusion, comme le souligne l’enquête réalisée par Andrea Dip.24 Il convient de mentionner que les fondements intellectuels de l' »idéologie du genre » peuvent être situés au sein de l’Église catholique dans les années 1990, en tant que stratégie visant à contenir la « culture de la mort » résultant de la conquête des droits des femmes et de la communauté LGBTQIAP+. L’Église catholique s’est attachée à empêcher l’éducation sexuelle et les contenus éducatifs abordant l’égalité des sexes et la diversité, le « mariage gay » et l’adoption par des couples homosexuels, ainsi que l’avortement et la contraception. Cet agenda est lié à la croisade contre l’idéologie du genre fortement incorporée par les églises néo-pentecôtistes, qui ont développé une « panique morale », une expression utilisée par Miguel, à la suite des grandes répercussions d’une fausse nouvelle sur le supposé « kit gay » qui serait distribué si le candidat de gauche remportait les élections présidentielles en 2018.
Selon Teixeira, parallèlement à cette expansion du débat contre « l’idéologie du genre » et « l’endoctrinement » des enfants, il y a eu une diminution des éditoriaux sur l’avortement et l’adoption de méthodes contraceptives, ce qui, d’une certaine manière, a marqué les positions d’Edir Macedo et d’autres évêques de l’Église universelle du Royaume de Dieu (UCKG) entre 2007 et 2010. En 2010, Folha Universal a même publié cinq articles sur l’avortement, « […] le résumé des articles présente toujours la femme comme une voie de bénédiction céleste pour la famille, de sorte que c’est à elle de décider du moment le plus approprié pour commencer (ou terminer) sa lignée ». 25 TEIXEIRA, Jacqueline Morais. Corps et sexualité : les droits reproductifs dans l’Église universelle du Royaume de Dieu. Mandrágora, v.18, n.18, p. 53-80, 2012.
La « panique morale » autour de cet agenda est un outil utilisé pour promouvoir une mobilisation rapide et passionnée, à l’abri d’un débat public cohérent. Après tout, les « valeurs » sont considérées comme le fondement de notre moi ; accepter leur remise en question revient à déstabiliser ce que nous sommes. La réaction est hautement émotionnelle ; la menace, perçue comme imminente et dévastatrice, exige une réponse énergique, et non une réflexion ou une conversation. Les paniques morales « cristallisent des peurs et des angoisses généralisées » ; dans ces paniques, « la sexualité occupe une place centrale » et « les déviants sexuels ont été les boucs émissaires omniprésents ».26 MIGUEL, Luis Felipe. Le mythe de l' »idéologie du genre » dans le discours de l’extrême droite brésilienne. cadernos pagu (62), 2021.
27 CARTA CAPITAL BRAZIL, Portail de la Chambre des députés. Projet de loi 1904/2024.La question de l’avortement domine toujours les discussions dans les milieux religieux et parlementaires, sur les réseaux sociaux et dans les médias, afin de soutenir les attaques contre les droits des femmes de manière variée et élargie, comme cela s’est produit avec la récente publication du projet de loi 1904/2024 , qui vise à ajouter une exigence extra-légale pour l’exercice des hypothèses d’interruption volontaire de grossesse, qui n’est pas incluse dans le code pénal de 1940. Cette exigence a un fondement religieux et créationniste, car elle assimile la grossesse à la maternité et le fœtus à un nouveau-né, en imposant un délai de 22 semaines aux femmes qui exercent ce droit. Ce qui est encore plus surprenant, c’est qu’il prévoit une peine plus lourde pour une femme victime d’un viol si elle interrompt sa grossesse après 22 semaines que pour un violeur.
28 CARTA CAPITAL. Entretien avec Lilian Sales : L’alliance entre catholiques et évangéliques n’a plus pour but d’empêcher le progrès, mais d’imposer des reculs, selon un chercheur. Carta Capital.Le point de vue religieux anti-avortement est majoritaire et a réussi à mobiliser la Chambre des députés, qui a approuvé le PL 1904/2024 en urgence en vingt-quatre secondes, en comptant même sur le soutien des parlementaires catholiques conservateurs (Carta Capital). En revanche, cette rapidité et cette absence de débat ont suscité l’étonnement et l’indignation de secteurs plus proches des droits des femmes et ont contraint le Sénat fédéral à faire un pas stratégique en arrière dans l’examen du projet de loi, en prolongeant le temps de discussion et en promouvant des auditions publiques.29 CNN Brasil. Projet de loi sur l’avortement : près de 90 % des personnes interrogées sur le site Internet de la Chambre sont opposées au projet de loi. Un sondage sur le site web de la Chambre a enregistré plus de 400 000 votes à 19 heures jeudi, 83 % d’entre eux étant totalement en désaccord avec le projet de loi et 17 % étant totalement d’accord.
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Judith Buttler, associant les courants politiques autoritaires aux avancées du néolibéralisme, en analysant le soi-disant « agenda douanier » aux États-Unis d’Amérique (USA), observe que : « la lutte pour la reconnaissance des libertés collectives – y compris celles qui garantissent la justice reproductive et raciale, l’égalité des sexes et la liberté – est activement démantelée par les États de la Fédération, qui exercent un contrôle policier et sécuritaire accru sur les mouvements de population, qu’il s’agisse du passage des migrants ou des rassemblements populaires dans les rues ».30 BUTLER, Judith. Qui a peur du genre ? Maison d’édition Boitempo. São Paulo. 2024
Notes conclusives
BRÉSIL, Portail de la Chambre des députés. Projet de loi 1904/2024.
L’État laïque a toujours été une question non résolue pour les chrétiens radicaux. Les néo-pentecôtistes renouvellent leur demande d’un État dont le lien social ne repose pas sur l’idée de nation et de citoyenneté, ni sur la production de lois basées sur des idéaux civiques séculiers, mais sur une communauté de croyants qui nie les principes du rationalisme et du libéralisme classique, y compris la tolérance à l’égard des non- croyants et la pluralité des croyances.31 KINTZLER, Catherine. Construire philosophiquement le concept de laïcité in Cités nº52/2012 p. 51-68 Paris. 2012.
La trajectoire historique de l’État, y compris sa configuration en tant qu’État colonial, ses origines, ses métamorphoses et ses caractéristiques actuelles, peut être exprimée dans la formulation suivante : « Nous devons nous rappeler que l’État, dans sa trajectoire dans le monde de l’Occident euro-atlantique, est une institution de gouvernementalité basée sur le droit. Lorsque les contrôles démocratiques de l’État et sa capacité à légiférer sur la base de principes liés à ses valeurs et à sa raison sont perdus, les soi-disant illibéralismes progressent et les facteurs et configurations antérieurs à la gouvernementalisation historique de l’État – c’est-à-dire les processus qui concentrent les éléments de régulation et de violence provenant du pouvoir – réapparaissent (bien qu’articulés avec de nouvelles pratiques techniques ou technologies) ou reviennent au centre. ».32 LÓPEZ-RUIZ, Osvaldo ; MÉNDEZ, Pablo ; JARDIM, Fabiana A. A. Amérique latine : au-delà de la gouvernementalité néolibérale ? In : JARDIM, Fabiana A. A. ; LÓPEZRUIZ, Osvaldo ; MÉNDEZ, Pablo (Org.), Latin American governmentalities : weaves between coloniality and neoliberalism. São Paulo : FEUSP, 2024 (Débordement). L’analyse du néo-pentecôtisme affecte et modifie de manière significative les éléments qui constituent les piliers modernes de l’État laïque et de la République.
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