Religiosités de la corsitude du Riacquistu à nos jours : la corsité à l’épreuve des religions

Résumé

L’article aborde les enjeux liés aux évolutions de la corsité, du Riacquistu des années soixante-dix à nos jours. D’une revendication de la corsitude fondatrice d’un nationalisme vert, littéraire et politique, la corsité cultive une pluralité de traits culturels, jusqu’à semble-t-il, revaloriser le catholicisme comme trait saillant de l’appartenance ethno-nationale. Portées par une réactualisation au niveau global des relations entre nation, nationalisme, religion et immigration, ces transformations sont-elles de nature à réviser l’approche culturelle et politique du nationalisme corse ? Comment s’agencent ces transformations sous les influences conjuguées de la marchandisation, de la sportification et de la touristification de l’île et de son identité culturelle ?

Mots-clés : Ethnic revival ; nationalisme banal ; nationalisme linguistique ; nationalisme catholique ; interculturalité.

 

Summary

This paper looks at the issues surrounding the development of Corsican identity, from the Riacquistu of the 1970s to the present day. From a claim to Corsicanness that was the foundation of a green, literary and political nationalism, Corsican identity cultivates a plurality of cultural traits, to the point where Catholicism seems to be revalued as a salient feature of ethno-national belonging. Are these transformations likely to revise the cultural and political approach to Corsican nationalism, brought about by a global updating of the relationship between nation, nationalism, religion and immigration ? How do these transformations fit together under the combined influences of the commodification, sportification and touristification of the island and its cultural identity ?

Keywords: Ethnic revival; banal nationalism; linguistic nationalism; Catholic nationalism; interculturality.

Résumé

Dans les années soixante-dix, l’école de la République a presque achevé la francisation des Corses (Front Régionaliste Corse, 1971). La pauvreté, l’exil dans les colonies et les guerres successives du XXe siècle ont réduit la démographie de moitié, à environ 160000 habitants dans les années soixante. Pendant que les trente glorieuses touchent à leur fin, la culture corse semble condamnée à une longue agonie. Sur une île vieillissante, en proie à la « dépopulation », où l’Etat observe « la survivance d’une économie inadaptée » (Ministère des finances et des affaires économiques, 1957), la léthargie est telle que même le rapport de prospective de l’Hudson Institute commandé par la DATAR en 1970 écarte à tort tout risque de mobilisation populaire (DATAR, 1972).

Le réveil est brutal. De façon inattendue, un fort sentiment d’appartenance s’exprime chez les jeunes générations. Elles partagent un sentiment d’abandon proportionnel à l’espoir formulé en la promesse française de modernisation, de progrès et d’émancipation. Tant que l’exil est accepté, le modèle fonctionne. Avec les années « yé-yé » (Morin, 1963), on veut rentrer vivre et travailler au pays. La Corse cumule les retards : pas d’université, pas d’emplois, peu de perspectives. La SOMIVAC1 Société de Mise en Valeur de la Corse. propose des lots agricoles aux rapatriés d’Algérie. La SETCO2 Société d’équipement touristique de la Corse. envisage la construction des grands hôtels au profits de trusts du tourisme de masse. Elle n’en construira que quatre. L’exclusion du corse de la loi Deixonne, l’installation d’essais nucléaires dans l’Argentella, la fermeture des chemins de fer, la chaptalisation du vin, les boues rouges apparaissent comme une litanie de scandales politiques qui esquissent un nationalisme vert (Conversi & Posocco, 2022). Ils irriguent la conscience politique d’une génération plus éduquée et plus sensible aux injustices (Muracciole & Delors, 1978; Ettori, 1981, 1982). Sa francisation attise sa corsitude. Les Università d’estate fondées en 1873 annoncent le Riacquistu comme mouvement de réappropriation et de création de la culture corse fondant un nationalisme linguistique (Bernard-Leoni & Albertini, 2023; Casino, 2020; Dominici, 2017; Smith, 2013).

Du point de vue de la sociologie de la culture, nous faisons l’hypothèse que le discours corse articulé autour d’une identité culturelle fondée sur la langue corse connait depuis lors un mouvement exodiglossique de marchandisation, de terroirisation, de sportification et de désécularisation par la mise en scène ostensible d’un nationalisme et d’un catholicisme banals (Billig, 2022; Elias & Dunning, 1986; Quenot, 2023). Cette transformation du discours normatif du discours corse et notamment du nationalisme corse s’inscrit dans un contexte global de retour du religieux comme élément de structuration des nations, des nationalismes et des populismes (Mounk, 2022). Or cette évolution n’est-elle pas de nature à fragmenter les logiques de solidarité et la cohésion de nations devenues multiethniques ? Le multiculturalisme des sociétés se conjuguant avec de fortes inégalités sociales, on observe également une hausse des fondamentalismes et des représentations conflictuelles de la diversité religieuse alimentées au loin par les guerres et le terrorisme, au plus près de nous, par la mise en scène ostensible dans l’espace public des religiosités populaires (Kepel, 2021; Bergoglio, 2024).

Pour tenter de répondre à notre hypothèse, nous analyserons la construction de la sémiotique du Riacquistu entre corsitude, corsité et corsisme. Ensuite nous proposerons une analyse de la crise de la corsité à l’aune de la diglossie et de la quête de nouveaux matériaux expérientiels de l’appartenance. Enfin, dans contexte global de désécularisation, de montée des fondamentalismes et d’hégémonie nationaliste corse, nous interrogerons les enjeux de l’en-commun en Corse, dans une société qui se vit comme une minorité menacée. Comment se manifeste l’influence des religions sur les représentations de la corsité ? Comment opère le processus de sacralisation des figures de l’imaginaire corse ? Sur une île devenue une terre d’immigration, la notion de communauté méditerranéenne peut-elle devenir une ressource dans la perspective de la construction d’un grand récit de la diversité ? 

1. La sémiotique du Riacquistu : corsitude, corsité et corsisme

Le Riacquistu puise ses influences théoriques du côté des post-colonial studies, auprès d’Albert Memmi, d’Aimé Césaire, Miguel de Unamuno, puis d’Edward Saïd et d’autres encore (Césaire, 1950; Memmi, 1957; Saïd, 1978; Unamuno, 1902). Le sentiment d’appartenance retrouvé des Corses dont l’histoire a produit une situation démographique, culturelle et politique singulière en Méditerranée occidentale appelle à répondre à la question existentielle, si ce n’est existentialiste : « qu’est-ce qu’être Corse ? »

Judéité, négritude et corsisme

En préalable à notre étude, nous devons nous attacher à déterminer trois dimensions distinctes de l’identité culturelle des Corses. La négritude comme référence littéraire, comme pouvoir d’inversion du stigmate et pouvoir d’agir apparait inspirante aux yeux des militants du Riacquistu. La notion inventée par Aimé Césaire3 « La négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture. » (1947, 1987) et reprise à son compte notamment par Léopold Sédar Senghor donne lieu à la formulation de la corsitude.

D’autres travaux anti-colonialistes ont irrigué la pensée corse.  Dans L’Homme dominé (1968, p. 86), Albert Memmi distingue la judéité du judaïsme et de la judaïcité pour lesquelles il reconnait n’avoir atteint que des « approximations ». Peut-être sommes-nous tous condamnés à pouvoir seulement nous approcher de l’identité culturelle des Corses sans jamais pouvoir saisir l’objet dans son intégralité et de façon définitive ? Pour Memmi, la judéité renvoie au fait d’être juif. Il précise que la notion a précédé la recherche de sa définition. Il en est de même pour la corsité ou bien encore pour le corsisme, eux aussi en évolution permanente, comme tout être vivant.

Ainsi, la corsitude apparait dans le discours corse des années soixante-dix à nos jours4 Son orthographe corse oscille entre cursitudine, corsitudine et cursitutine. La première attestation est majoritaire., à côté de la corsité et du corsisme dont elle se distingue. Dès lors, les intellectuels corses ont cherché à définir les dimensions de l’authenticité de la corsité (Front Régionaliste Corse, 1971; Marcellesi, 1983). La génération du Settanta identifie les pôles du triangle sémiotique du Riacquistu : corsitude, corsité et corsisme. La corsitude renvoie à un sentiment d’appartenance. Si la négritude se fonde sur la prétendue race, sur l’ethnotype, tout comme la corsitude, elle mobilise d’autres caractères distincts du phénotype. La corsité évoque des traits culturels permettant d’objectiver l’identité de l’individu. Le corsisme implique une action délibérée de valorisation, d’exacerbation ou de mise en scène des traits réels ou prétendus de la corsité. L’identité est ce jeu entre pratiques réelles, désirées ou supposées et représentations de soi, des autres et du nous réel ou rêvé. Ce jeu renvoie à ce que Thiers désigne par la fola d’identità. La « fable d’identité » conduit l’individu « à produire une glose sur l’identité où se révèle un écart important entre les jugements sur le répertoire linguistique et le comportement langagier » (Thiers, 1989, p. 212) où les pratiques culturelles en général. Cette fable, pour laquelle l’énonciateur jour le rôle du personnage principal, désigne l’espace entre le dire et le faire.

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[1] Société de Mise en Valeur de la Corse.

Société de Mise en Valeur de la Corse.

[2] Société d’équipement touristique...

Société d’équipement touristique de la Corse.

[3] « La négritude est la simple...

« La négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture. »

[4] Son orthographe corse oscille...

Son orthographe corse oscille entre cursitudine, corsitudine et cursitutine. La première attestation est majoritaire.

L’avènement de la corsitude

En tant que mouvement de réappropriation et de réévaluation de la corsité, le Riacquistu résulte d’un fort sentiment d’appartenance qui soulève la corsitude. Lorsque le mouvement de réappropriation connait ses premiers spasmes, il s’agit de reconnaitre l’appartenance des Corses à un groupe social opprimé (Treffel, 2014), d’inverser le stigmate (Goffman, 1963), de libérer le corse de cette situation de minoration en défendant la singularité de la corsité, son universalité (Coti, 1978) et le besoin d’enracinement des Corses (Weil, 1949). Parce qu’elle sacralise la corsité, la corsitude est une réactualisation du regard sur soi, une déréification censée provoquer une reconnaissance individuelle et collective. Les intellectuels du Riacquistu cherchent alors à caractériser l’identité corse et à la dégager de l’emprise des stigmates qui sécrètent l’auto-odi. Comme l’a souligné Marie Ferranti, « la honte a été un aiguillon de la fierté » (2024).

Le premier enjeu consiste alors à rassembler les Corses par-delà leurs opinions politiques et leurs parcours sur l’île ou à l’extérieur. Au sein de cette communauté, certains Corses dont l’identité culturelle est profondément ancrée ressentent un sentiment de mépris à l’égard de leur appartenance. Ils voudraient atténuer, effacer, remplacer leur identité culturelle, s’en éloigner, l’oublier (Front Régionaliste Corse, 1971). Souvent indissimulable par l’accent, les styles, les expériences, les codes, les réseaux et les valeurs de l’individu, elle est discréditée par des lois, discours et attitudes qui attestent de la situation de domination linguistique et de diglossie entre le corse et le français (Di Meglio, 2003; Ottavi, 2008). En revanche, d’autres Corses expérimentent une corsité moins héritée (érodée par le processus d’assimilation) et plus élaborée (soutenue par un processus de réappropriation), c’est-à-dire issue d’un travail d’apprentissage formel, ressentent un besoin d’enracinement et d’affirmation. C’est là que la corsité comme essence pour les uns, comme lutte pour la reconnaissance pour les autres, rencontre la corsitude comme attitude différenciée du rapport à la Corse et à son identité culturelle. Selon l’intensité historique de la corsitude, la corsité sera objet d’affiliation ou de désaffiliation. Le Riacquistu en fait un objet de désir porteuse d’un capital culturel. Pour les uns, elle n’évoque qu’un retour en arrière, tandis que pour les autres, elle renvoie à un futur souhaitable pour eux et pour leur communauté. Elle appelle alors un engagement, l’indiatura (Geronimi & Coti, 1974), parfois appréhendée tantôt comme un engagement de l’art pour l’art, au risque de l’élitisme, tantôt comme un sacrifice de soi au sein de la lutte de libération nationale, au risque de l’instrumentalisation politique de la langue et de la culture.

La sacralisation de l’île procède de cet enracinement. Le Riacquistu mobilise les archives orales ou écrites les plus enfouies. D’un sentiment d’angoisse et d’espoir, il devient un enjeu de savoirs : savoir-être, savoir-faire, savoir agir. Le Riacquistu redécouvre ou élabore des récits mythiques et magnifiés. Il produit une transfiguration de la Corse. Il produit des rituels comme autant de performances de la corsité dont il cherche à définir les termes, les caractères, les échos et les singularités. Il engage une sortie de l’ensauvagement de la Corse. Contre Mourre et contre Cottard, les inspecteurs oubliés qui voulaient « civiliser les Corses » et les sortir de la « barbarie », contre les réifications des rapports officiels de Blanqui ou de Clémenceau (Blanqui, 1840; Clémenceau, 1908), à rebours d’un certain exotisme, le Riacquistu réévalue l’histoire de l’île à l’aune d’épopées chantées et de travaux scientifiques qui tour à tour fondent les études corses et les contours contemporains de la corsité (Ottavi, 2008; Thiers, 1993). Anthropologie, histoire, littérature et sociolinguistique seront les éperons de cette redécouverte du nous dans le je. « Je ne suis pas qu’un individu anonyme, ni un atome indistinct au milieu d’une masse, je suis un acteur du nous. » Cette redécouverte s’inscrit dans une écologie de l’empowerment. Elle fait sens. Elle mobilise et s’inscrit plus largement, en occident, au sein des luttes pour la reconnaissance de l’ethnic revival. Les influences sont multiples : de l’Algérie au Chili en passant par l’Irlande ou le Pays-basque5 L’Algérie a notamment influencé le choix du sigle du monvement Fronte di Liberazione di a Corsica. LE Chili a fortement influencé la chanson corse au travers du groupe Quilapayún. Les luttes armées basques et irlandaises ont également irrigué l’imaginaire de la lutte de libération nationale en Corse.. Les origines politiques sont plurielles, du marxisme-léninisme à l’extrême-droite. D’autres se revendiquent de Robert Laffont, Herbert Marcuse, Jean-Paul Sartre ou Aimé Césaire6 Dans une série d’entretiens réalisés en 2021, les fondateurs de la revue Rigiru, Dumenicantone Geronimi et Rinatu Coti reviennent sur leurs influences intellectuelles (Coti, 2021).. Ils vont également chercher des précurseurs en Corse, chez les fondateurs de la Cispra (Paoli & Versini, 1914). Pasquale Paoli et les Lumières apparaissent également comme des sources de légitimation de la réappropriation sur un modèle fondé ni sur la langue, ni sur la religion mais sur le contrat social. Plus proches de nous, Edouard Glissant, David Graeber ou bien encore Bernard Stiegler irrigueront une pensée décoloniale influencée par l’écologie lorsque d’autres seront plutôt enclins à s’inscrire dans le sillage des penseurs et courants néolibéraux.

Corsitude et corsité produisent un corsisme qui ne tarde pas à se muer en un nationalisme (FLNC, 1977, 1980). La corsitude renvoie à un sentiment d’appartenance. La corsité évoque culturels permettant d’objectiver l’identité de l’individu7 Dans le même registre, nous pouvons énumérer à l’envie : la catalanité, la basquité, l’hispanité, l’italianité, la germanité, la sicilianité, l’américanité, l’africanité, la francité, la féminité, la masculinité, la méditerranéité… Notons ici la dimension polysémique de chacune d’entre-elles et la possibilité de disposer d’appartenances plurielles et interculturelles.. Le corsisme implique une action délibérée de valorisation, d’exacerbation ou de mise en scène des traits réels ou prétendus de la corsité. L’identité est ce jeu entre pratiques réelles, désirées ou supposées et représentations de soi, des autres et du nous réel ou rêvé. C’est lorsque la corsité voit ses contours s’estomper, lorsqu’elle est supposée refluer, voire être anéantie, que la communauté culturelle exhale un fort sentiment de corsitude créateur d’une praxis collective, d’une performance venant réanimer un corps en décomposition. Ces trois notions apparaissent encore de nos jours au sein du débat public (Ahmadi, 2024b, 2024a; Poletti & Ceccoli, 2024). Relevons ici que ni dans les chansons, ni les discours politiques, la religion ne semble inscrite à l’agenda des nationalistes corses. Ils vivent une expérience religieuse sécularisée, banalisée et presque agonisante. Le sacré n’est pas absent pour autant du nationalisme corse post-moderne. Il affleure dans l’évocation de la terre, du lieu, du village des toponymes, du peuple, des figures du berger, du résistant qui apparaissent comme autant de figures sacrées du Riacquistu, de la corsitude et du nationalisme corse. La post-modernité corse sacralise la Corse, la langue, la terre, u stintu corsu, le retour au pays, la solidarité, certaines formes de masculinité liées au militantisme, comme des formes de féminité dont les contours restent à explorer. La croix peut apparaitre lors de certaines manifestations mais le rituel renvoie à un divin situé, temporel, localisé plutôt qu’à une divinité sans visage. Le Riacquistu annonce déjà un retour du religieux au sein d’une idéologie politique sans autre Dieu que la culture corse dont la langue devient le trait principal d’identification des Corses. « Il n’y a pas de sacré pour toujours », rappelle Régis Debray (pas plus qu’il n’y a de mythes pour toujours, pouvons-nous ajouter), mais nous dit-il, « il y a toujours du sacré dans une communauté humaine, à quelque époque que ce soit, et même si elle récuse le mot. » En ce sens, le Riacquistu agit comme une consécration impromptue de l’île.

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[5] L’Algérie a notamment influencé...

L’Algérie a notamment influencé le choix du sigle du monvement Fronte di Liberazione di a Corsica. LE Chili a fortement influencé la chanson corse au travers du groupe Quilapayún. Les luttes armées basques et irlandaises ont également irrigué l’imaginaire de la lutte de libération nationale en Corse.

[6] Dans une série d’entretiens...

Dans une série d’entretiens réalisés en 2021, les fondateurs de la revue Rigiru, Dumenicantone Geronimi et Rinatu Coti reviennent sur leurs influences intellectuelles (Coti, 2021).

[7] Dans le même registre, nous...

Dans le même registre, nous pouvons énumérer à l’envie : la catalanité, la basquité, l’hispanité, l’italianité, la germanité, la sicilianité, l’américanité, l’africanité, la francité, la féminité, la masculinité, la méditerranéité… Notons ici la dimension polysémique de chacune d’entre-elles et la possibilité de disposer d’appartenances plurielles et interculturelles.

2. La crise de la corsité

Ce jeu/je entre corsitude, corsisme et corsité va poser question aux intellectuels du Riacquistu. Ils vont formuler quelques réponses des manifestes politiques (Main basse sur une île, Autonomia, le livre vert ou le livre blanc du FLNC…) dans des revues, journaux ou magazines (Les Temps modernes, Kyrn, Arritti, U Ribombu, Populu corsu…), dans des chansons, des essais (Intornu à l’essezza, Corsophonie un idiome à la mer, Papiers d’identité(s)…). Jusqu’aux temps les plus contemporains, les formes de la corsité interrogent les individus, les politiques, les intellectuels. La panoplie des matériaux à disposition des acteurs présente un large éventail embrassant : le lieu de naissance, le nom (matronyme ou patronyme), le prénom, les lieux de l’enfance, les langues, le plébiscite de tous les jours, le chant, le supportérisme, l’engagement politique, associatif ou au sein de confréries, la création artistique, la pratique de savoir-faire anciens, ou de rituels païens. Au regard de la corsitude, ces espaces et ces champs profanes sont sacralisés. Ils sacralisent une appartenance. En ce sens, le Riacquistu invente la tradition liturgique de la corsitude et annonce l’insoluble crise de la corsité.

Pour une communauté insulaire périphérique de Méditerranée occidentale, comptant une faible population au sein d’un État-nation du G7, une forte « diaspora », accueillant une immigration maghrébine et européenne, l’enjeu existentiel consiste à développer un discours et une praxis lui permettant de cultiver ses caractères propres les plus emblématiques et d’inclure le caractère interculturel des individus qui le composent au sein de son récit national et démocratique. Dès lors, à partir de quelles ressources peut-elle rassembler les natifs, les immigrés et les émigrés dans un récit national de l’en-commun ? Le rapport à la figure de l’autre ne détermine-t-il pas les futurs de la communauté8 L’altérité dépend des caractères de la corsité qui parfois peuvent s’appliquer à des individus qui ressentent le même sentiment de corsitude. ?

La langue comme œuvre et comme besogne

La langue comme trait principal d’identification des Corses n’est pas une évidence pour tout le monde. Dès le mois de mai 1976, dans l’article U Portacultura (1976), D.A Geronimi répond à ceux qui critiquent les jeunes auteurs de vouloir exclure les non-corsophones de la communauté culturelle. Il défend que l’appartenance relève de la décision individuelle, du choix de vouloir s’appartenir, que ce choix ne relève pas des rédacteurs de la revue, mais de l’individu lui-même. La corsité est ici un travail sur soi. Elle blâme les stigmates linguistiques, réhausse le prestige de la langue, et la propose à chacun, que l’on soit locuteur natif, néo-locuteur ou non-corsophone. Geronimi en appelle alors à la responsabilité individuelle face à la dépossession linguistique. Il en appelle à la lutte. C’est précisément ce qu’il indique dans la poésie Materna:

Stantata vole esse – da inghjunu –

inarchitittata – da tutti –

La communauté de destin comme agencement d’un imaginaire corse polyphonique 

Près de cinquante ans plus tard, la langue corse demeure parmi les traits principaux d’identification des Corses. Pourtant, en dépit des discours, des mobilisations, des délibérations de l’Assemblée de Corse (notamment celles de 1983, 2013…), n’a-t-elle pas perdu de sa centralité ? Elle cumule encore un statut de non-reconnaissance officielle. Elle pâtit de l’impuissance des institutions corses dans le domaine de la revernacularisation, de la revitalisation ou de la normalisation. Les enquêtes sociolinguistiques indiquent l’existence d’environ 106000 locuteurs sur 350000 habitants. Signe de l’érosion de la corsophonie, seulement 18% des moins de 40 ans contre 54% des plus de cinquante ans déclarent pouvoir tenir une conversation (Assemblée de Corse, 2022). Compte tenu de la pyramide des âges (vieillissement de la population), des mouvements migratoires en cours, du nombre de jeunes locuteurs (formés en familles et/ou à l’école) et d’adultes formés en langue corse chaque année (principalement des retraités inscrits au sein des associations), en l’absence de véritable politique linguistique de revitalisation, la corsophonie est appelée à connaitre un nouveau point d’inflexion annonçant la réduction brutale de sa quantité de locuteurs (avec le décès des locuteurs les plus âgés), une diminution de sa densité de locuteurs et un appauvrissement de la qualité de la langue. Dans ces conditions cataclysmiques, c’est l’aptitude même des systèmes de transmission (Ecole, famille, associations sportives et culturelles, entreprises d’information ou de divertissement) à produire leurs propres ressources qui est en cause. 

Outre ces observations sociolinguistiques et démolinguistiques, la langue corse souffre tout autant qu’elle semble parfois bénéficier de l’influence des processus de marchandisation, de sportification et de touristification de l’île. Les niveaux de corsophonie dans la société, les taux de transmission et les compétences acquises par les jeunes indiquent qu’en dépit de représentations globalement plus favorables, des mobilisations sociales, de son équipement, de l’investissement des néo-locuteurs, ces rares transfuges linguistiques érigés en miracles de la corsité, elle demeure en danger, facultative à l’école et absente des autres espaces de socialisation de la jeunesse. L’irrésolution du conflit linguistique corse transforme la diglossie. La diglossie conflictuelle est devenue exodiglossique. Les statuts symboliques des langues ont bougé. Le méprisé devient vénéré, sanctifié, au ciel. On voit apparaitre de nouvelles ressources d’authentification portés par la consommation de marchandises émotionnelles véhiculées par la sportification de la lutte pour la reconnaissance, la mise en produits de consommation touristique de l’authenticité corse dans les cosmétiques, la gastronomie, la mode, les arts, la musique ou le design. La religion catholique n’échappe pas non plus à la mobilisation de ses icones, figures et récits, oscillant entre un catholicisme banal porté par la désécularisation et l’émergence de nationalismes catholiques, de l’Inde aux USA, de l’Espagne à la Corse. Ainsi, la transition linguistique de la Corse renvoie davantage à une exodiglossie ponctuée de bribes de discours, de titres, de mots-clés plus ou moins maladroitement formulés, orthographiés et mis en scène, qu’à la revitalisation linguistique du corse issue d’une reconnaissance de droits linguistiques. La corsisation de la société renvoie davantage à un produit de consommation qu’à un processus éducatif de conversion par la corsophonisation. Les deux enquêtes sociolinguistiques réalisée par la Collectivité de Corse en attestent (Quenot, 2013; Assemblée de Corse, 2022).

Entre langue et religion, la crise de la communauté de destin

Ainsi, entre identité culturelle et filiation choisie, la notion de « communauté de destin » comme plébiscite de tous les jours, défendue par les nationalistes et les autres courants politiques de l’île, depuis les années quatre-vingt, connait une crise de représentations. 

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[8] L’altérité dépend des caractères...

L’altérité dépend des caractères de la corsité qui parfois peuvent s’appliquer à des individus qui ressentent le même sentiment de corsitude.

L’Assemblée de Corse fait sienne cette approche du peuple corse dès 1988. Il s’agit de la première entaille à la superposition de la communauté de locuteurs à la communauté politique. Pour être Corse, point besoin de s’acculturer ni de se corsophoniser. La corsitude se superpose à la corsité. Elle l’englobe. Ce discours inclusif ne sera guère performatif. Il se heurte notamment à la fin des « invisibles », avec la sortie de l’invisibilisation des communautés étrangères d’origine maghrébine, ou d’individus nés en Corse de confession musulmane (Albertini, 2018). Dans les années 2010, l’audience médiatique accordée aux personnalités et mouvements d’extrême-droite, le port du voile conjuguées à l’influence de l’Etat islamique, aux attentats terroristes et à des conflits communautaires (attentats racistes, assassinat de Latifa, Jardins de l’Empereur, Siscu…) ont attisé les représentations négatives des individus issus de l’immigration maghrébine et consacré l’idée selon laquelle leurs pratiques religieuses (les interdits notamment) n’était pas compatibles avec les standards de la corsité (alimentation fondée sur la consommation de porcs, de vins…).  « La Corse fabrique des Corses, » comme croyance nationaliste en une Corse éternelle se heurte au faible pouvoir éducatif et normatif des institutions corses, aux limites de la corsophonisation, aux changements des modes de vie, à la faible visibilité numérique de la langue corse, à la périurbanisation de l’île et aux dynamiques démographiques9 Entre langue et filiation, les nationalistes vont proposer la notion de communauté de destin pour répondre à la question de l’inclusion des « continentaux », autrefois désignés sous le vocable négatif de « pinzuti. » C’est la consécration du « plébiscite de tous les jours » d’Ernest Renan (1882). qui accélèrent le changement de population à un rythme soutenu10 Depuis 1999, la Corse est passée de 250000 à 350000 habitants. Son solde naturel est négatif depuis 2013..

L’avènement de la catholicisation de la corsité ?

C’est dans ce contexte que nous pouvons observer une forme de catholicisation de la corsité comme expression hégémonique d’un catholicisme banal articulé au nationalisme corse. Outre le renouveau des confréries attesté par Dominique Verdoni (Verdoni & Harixçalde, 2003), Anghjulina Antonetti fait l’hypothèse de l’existence d’un troisième Riacquistu religieux depuis les années quatre-vingt-dix. Serena Talamoni observe pour sa part la prégnance des discours et emblèmes catholiques dans le discours public (2024).

3. Faire société en Corse entre laïcité française, catholicisme banal/nationalisme catholique et islamisme politique ?

La Méditerranée est probablement plus religieuse qu’elle ne l’a jamais été. Sa religiosité n’est pas proportionnelle à ses conflictualités. Elle est relative à ses manifestations de croyances, ses rassemblements, ses religiosités populaires liées aux récits religieux ou aux religiosités populaires.

Dans le contexte corse, le droit commun de la laïcité française s’applique juridiquement sans nuance11 En dépit de ce droit commun, la laïcité française connait de nombreuses nuances sur le territoire. Jean Baubérot analyse jusqu’à 7 laïcités françaises (Baubérot, 2015). La laïcité corse figure ici comme une huitième variété.. Elle garantit la neutralité de l’État, la tolérance religieuse et la liberté d’expression. Dans quelle mesure peut-elle s’accommoder de l’existence d’un catholicisme banal et de l’émergence d’un islamisme ostensible ? Nous nous focaliserons ici sur les manifestations du premier. En effet, le nationalisme banal et le catholicisme banal des Corses ont opéré un bougé ces trente dernières années, jusqu’aux institutions étatiques déconcentrées. Le 8 septembre est vaqué par les élèves et les enseignants. Le 30 novembre, de nombreuses écoles publiques fêtent la Sant’Andria… Le 8 décembre, ce sont plutôt les collèges et les lycées qui manifestent ou banalisent les cours pour célébrer la Festa di a nazione (Gherardi, 2008). L’Université ferme ses portes. La Collectivité de Corse également. Quant aux autres institutions, la municipalité d’Aiacciu ferme ses portes le 18 mars, à l’occasion de la célébration de la Madunnuccia. Les élus remercient les magnifiques anciens qui protégèrent la ville de la peste en 1656 en invoquant notre Dame de la Miséricorde. Les Bastiais se recueillent le lendemain à l’occasion de la Saint-Joseph. Corti se rassemble pour se souvenir de Saint-Théophile… Le bâtiment de la faculté de Lettres, langues, arts, sciences humaines et sociales de l’Université de Corse Pasquale Paoli se nomme Bonfiglio Guelfucci, du nom d’un théologien des révolutions corses du XVIIIe siècle. La liste des espaces et des temps publics marqués par des rituels catholiques semble s’allonger chaque année.

Le droit commun comporte ainsi un certain nombre d’adaptations territoriales produisant des accommodements raisonnables au sein de cette société pratiquant un catholicisme banal, ostensible et vivace, que l’on soit croyant ou qu’on ne le soit pas. Il s’inscrit en outre dans le cadre d’un marketing territorial développé par le tourisme, autour de l’image catholique, authentique et archaïque de la Corse. La célébration de la saint Vincent organisée le 25 janvier par les vignerons de l’AOC Ajaccio et l’Office intercommunal de tourisme du Pays d’Ajaccio illustre la marchandisation du catholicisme banal des Corses12 Disponible sur : https://www.ajaccio-tourisme.com/les-temps-forts/saint-vincent-la-fete-des-vignerons/., consulté le 29 janvier 2025..

1. Les marqueurs religieux de la corsité entre nationalisme et catholicisme banals

Parmi les indices de corsité mis en scène, intéressons-nous aux souvenirs et nostalgies de la Corse. En effet, Gellner, le théoricien du nationalisme considère que : « Le nationalisme n’est pas l’éveil des nations à la conscience de soi ; il invente des nations là où elles n’existent pas, mais il a besoin de marques de différenciation préexistantes pour travailler, même si, comme indiqué, celles-ci sont purement négatives13 ‘Nationalism is not the awakening of nations to selfconsciousness; it invents nations where they do not exist — but it does need some pre-existing differentiating marks to work on, even if, as indicated, these are purely negative. » (1989, p. 7).

Parmi ces traces, les signes religieux éveillent rarement l’attention, tant ils sont intensément présents et rendus invisibles par les routines sociales. L’hégémonie catholique de la Corse apparait notamment dans la langue par l’emploi d’expressions renvoyant directement au catholicisme, par ses expressions, proverbes, métaphores et paraboles : si sbaglia ancu u prete à l’altare, un cristianu, chì croce… U Signori à qual’eddu ama, tocca. Ùn fà mali chì hè piccatu / chì hè mancatu. Ma ùn fà bè chi hè ghjittatu, Diu ti guardi ! Ghjuvan’Ghjaseppu Franchi évoque ces « sédiments » dans son ouvrage consacré aux Mythologies d’une langue (Franchi, 2023, p. 32‑33). Il observe « l’omniprésence de Saint-Martin, qui prend quasiment la figure d’un Dieu local de l’abondance », la présence de connotations religieuses dans des contes populaires : « acqua di paradisu, acqua d’infernu… » Vanina Lari et Tony Fogacci reviennent pour leur part sur les croyances et superstitions  (2020) où l’on retrouve un vocabulaire religieux pour désigner la voie lactée,  « a strada di Roma » ou « strada di San Ghjuvanni ». Les autres recueils de proverbes, de dictons et d’expressions corses donnent également à voir une langue largement enrichie par des influences catholiques ou païennes (Ettori, 2017; Papi, 2013; J.-G. Talamoni, 2004, 2006). La présence de chapelles, d’églises, de toponymes, d’édicules votifs, d’une statuaire religieuse dans l’espace public rural ou urbain renvoie aux œuvres de dévotion, à la diffusion du culte catholique au sein de la société corse (Valery, 2014). Les mobilisations lors des fêtes pascales, du catenacciu, de la cerca, de la granitula, les pèlerinages en Castagniccia pour la Sant’Alesiu, la San Bartuli ou dans le Cap corse, à Lavasina, par-delà la ferveur, la foi et les croyances des individus, indiquent une forte identification des Corses au catholicisme. La présence d’une croix sur le camion ramenant la Coupe de France de l’aéroport de Poretta à Bastia en 1981, ou bien la gestuelle et les discours christiques des supporters bastiais « nati per soffre » renvoient également à un impensé catholique (Quenot, 2023).

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[9] Entre langue et filiation, les...

Entre langue et filiation, les nationalistes vont proposer la notion de communauté de destin pour répondre à la question de l’inclusion des « continentaux », autrefois désignés sous le vocable négatif de « pinzuti. » C’est la consécration du « plébiscite de tous les jours » d’Ernest Renan (1882).

[10] Depuis 1999, la Corse est passée...

Depuis 1999, la Corse est passée de 250000 à 350000 habitants. Son solde naturel est négatif depuis 2013.

[11] En dépit de ce droit commun...

En dépit de ce droit commun, la laïcité française connait de nombreuses nuances sur le territoire. Jean Baubérot analyse jusqu’à 7 laïcités françaises (Baubérot, 2015). La laïcité corse figure ici comme une huitième variété.

[12] Disponible sur : https://www...

Disponible sur : https://www.ajaccio-tourisme.com/les-temps-forts/saint-vincent-la-fete-des-vignerons/., consulté le 29 janvier 2025.

[13] 'Nationalism is not the awakening...

'Nationalism is not the awakening of nations to selfconsciousness; it invents nations where they do not exist — but it does need some pre-existing differentiating marks to work on, even if, as indicated, these are purely negative.

C’est ainsi, que nous nous proposons d’emprunter le concept de « christianisme banal » à (Griera et al., 2021) qui l’emploie pour décrire la situation espagnole. « Christianisme banal » et « nationalisme banal » (Billig, 2022) se conjuguent en Corse où les artistes (AFDP…), les politiques (visite du Président de l’Assemblée de Corse au Pape François en mars 2017, accompagnement de l’évêque de Corse lors de sa création en Cardinal en septembre 2023, visites ministérielles à l’évêque de Corse…), les supporters, les designers (vierges, croix14 https://loru.corsica/categorie/bijoux/.…) mêlent croyances catholiques et croyances païennes anciennes ou inventées par le supportérisme dans un syncrétisme mêlant toutes ces ressources… Les étudiants syndicalistes de l’Université de Corse ont même mis un terme à leur mobilisation en faveur de la langue corse suite à une rencontre avec l’évêque de Corse le Cardinal Bustillo, quelques jours avant la venue dans l’île du Pape François (La rédaction, 2024). La mode corse n’est pas en reste avec de nombreuses créations inspirées par les principales figures catholiques ou païennes de l’île.

 

Figure 1 Bracelet en corail avec deux pendentifs : une vierge et une croix de la boutique L’oru.

 

Figure 2 Bracelet de la boutique O Mì, présentant une croix et du corail.

 

Figure 3 Tee-shirt de la boutique L’oru

 

Ainsi, tout comme le défend Griera, le nationalisme banal se conjugue avec le catholicisme banal. Il ne faut pas entendre ici que les Corses sont plus croyants que les autres. Les données sont lacunaires sur le sujet. Il ne faut pas entendre non plus que les catholiques et les nationalistes sont plus fidèles aux encycliques et discours du Saint-Père. Les positions de certains partis nationalistes français à l’égard de l’accueil des migrants l’indiquent, tout autant que l’opposition d’autres mouvements aux propos du Pape relatifs à l’avortement. La désécularisation est un processus complexe qui peut s’affranchir de la soumission aux autorités religieuses. C’est un bricolage individuel qui se réagence selon les circonstances. Aussi, les scandales liés aux abus sexuels, la pandémie de Covid-19, les évolutions de la famille ont contribué à exculturer le catholicisme.

Vers un nationalisme catholique ?

Ainsi, nous pouvons nous interroger si le nationalisme linguistique et culturel des Corses n’est pas en train de se mouvoir en un nationalisme catholique ? Nous pouvons observer ces mêmes mouvements à l’échelle globale. Au sein de la base républicaine américaine, avec l’émergence d’une frontière floue entre l’identité chrétienne et américaine. Être Corse, est-ce nécessairement être chrétien ? Dans quelle mesure le spectre de l’islamisme véhiculé par Daesh et les attentats commis en Europe ont-ils impacté ces représentations idéales de la corsité ? Ces questions appellent d’importants travaux de sociologie.

Les affaires des Jardins de l’Empereur à Aiacciu, en 2015, quelques jours après les attentats du Bataclan, l’affaire du burkini de Siscu, quelques jours après l’attentat de Nice, au cours de l’été 2016 ou bien encore les tags islamophobes peuvent apparaitre comme autant de points chauds d’une sociologie de la religion en Corse qui appelle la réalisation d’enquêtes sur la diversité malgré certaines oppositions politiques parfois virulentes (La rédaction, 2017) et la réalisation d’enquêtes de ce type par l’INED (2020)

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2. Désécularisation et absence de grand récit idéologique national sur la diversité religieuse

Quel est l’état des pratiques religieuses catholiques de l’île ? Avec 3500 confrères déclarés, on dénombre autant de confréries en Corse qu’en France continentale. Proportionnellement au nombre d’habitants, on y célèbre de fois plus de mariages qu’en France (Nicolaï, 2020). Le taux est en croissance sur les dix dernières années. On y compte également moins de divorces, très peu d’unions entre personnes de même sexe, mais selon les données de l’INED, un record d’avortements. Selon les données du Ministère de l’intérieur, on assassine davantage en Corse qu’en France métropolitaine (3,7 assassinats pour 100000 habitants en 2023, contre 1,2 en France) (Ministère de l’Intérieur, 2022). Ainsi, toute analyse appelle une approche complexe et nuancée de la situation au regard des standards religieux. La Corse se place en deuxième position des régions qui comptabilisent le plus grand nombre d’avortements, avec près de 1 250 actes chaque année, pour deux fois plus de naissances. À l’exception du sénateur de Corse-de-Sud, les quatre députés et le sénateur de Haute-Corse ont voté en faveur de l’inscription du droit à l’IVG dans la constitution française.

Année

2022

2021

2020

2019

2018

2017

2016

France entière

0,32

0,29

0,29

0,30

0,29

0,28

0,27

Auvergne –  Rhône-Alpes

0,29

0,26

0,27

0,26

0,26

0,24

0,24

Bourgogne – Franche-Comté

0,29

0,27

0,26

0,27

0,25

0,24

0,23

Bretagne

0,28

0,25

0,26

0,26

0,25

0,23

0,23

Centre – Val de Loire

0,29

0,26

0,26

0,27

0,26

0,24

0,23

Corse

0,44

0,41

0,44

0,46

0,43

0,41

0,41

Grand Est

0,29

0,26

0,26

0,27

0,25

0,24

0,24

Hauts-de-France

0,29

0,26

0,26

0,27

0,26

0,24

0,24

Ile-de-France

0,33

0,31

0,30

0,31

0,30

0,29

0,28

Normandie

0,27

0,24

0,25

0,26

0,25

0,24

0,23

Nouvelle-Aquitaine

0,34

0,31

0,31

0,31

0,31

0,29

0,28

Occitanie

0,37

0,34

0,35

0,36

0,35

0,33

0,33

Pays de la Loire

0,24

0,22

0,22

0,23

0,21

0,20

0,20

Provence – Alpes – Côte d’Azur

0,43

0,39

0,39

0,41

0,40

0,38

0,37

Figure 4 Ratio IVG/Naissances de 2016 à 2023. Source : INED : https://data.drees.solidarites-sante.gouv.fr/explore/dataset/3647_ivg/information/.

Dès lors, peut-on considérer que l’on assiste à l’affirmation d’une identité corse influencée par les discours de l’extrême-droite ? En mobilisant l’identification culturelle au christianisme pour lutter contre l’islamisme et l’islam culturel de populations issues de l’immigration, ne renvoient-ils pas l’image d’une identité corse naturellement catholique et par essence incompatible avec l’Islam comme avec les musulmans. 

Ces dynamiques ne sont pas propres à la Corse. Griera les observe en Espagne, pendant qu’Hervier-Léger mesure à l’échelle de la France les efforts déployés par les mouvements d’extrême-droite pour mettre en scène un catholicisme ostensible dans l’espace public. Néanmoins, la reconnaissance de l’influence culturelle du catholicisme sur la culture corse ne relève pas de la seule extrême-droite. La présence d’églises, de chapelles, d’édicules votifs, de toponymes religieux, de fêtes religieuses indique la prégnance du catholicisme banal en termes de d’identification, de référence, plutôt que de croyance ou de spiritualité. Aussi, avant que la France ne développe une laïcité de combat, n’apparaissait-elle pas aux yeux de Lacordaire comme la « fille ainée de l’église » (1841), expliquant peut-être en la relative méfiance des fondateurs du nationalisme corse à son égard.

En Corse, les indices du catholicisme banal remontent à des temps anciens. Une rétrospective de quelques manifestations ou mobilisations peut nous éclairer à ce sujet. Passons sur la révolte de la Crucetta, la protection de la Corse par la Vierge Marie et le choix du Diu vi salvi Regina comme hymne national en 1735. En revanche, la messe donnée sous le chapiteau de l’ARC le 17 août 1975 à Corti, 4 jours avant les évènements d’Aleria, la déposition de l’abbé Bertoni devant la cour de sûreté de l’Etat en 1979, la croix exhibée sur le camion transportant la Coupe de France en 1981 de Poretta à Bastia, le choix de la Festa di a nazione le 8 décembre jour de l’Immaculée conception, la revalorisation en fin de concert et en toute occasion profane ou sacrée, festive ou funèbre du Diu vi salvi Regina, le Riacquistu des chants sacrés, la forte affluence observée lors des fêtes patronales, les messes anniversaires données en mémoire du drame de Furiani, la réactivation mémorielle de la Guardia corsa papale15 Fondée en 1603, sous le pape Clément VIII, elle fut dissoute en 1662, à la demande du roi de France Louis XIV., la polémique relative à la croix de Quasquara, le déplacement de centaines de fidèles à Rome pour la création du Cardinal François Bustillo, les baptêmes d’adultes, les entrées au séminaire, l’émergence de discours politiques sur la catholicité des Corses, la polémique relative à la crèche de Bastia, la popularité des célébrations pascales, la présence de prêtres lors du baptêmes de navires, d’inauguration de foires (L’Isula le 4/10/2024) ou des réunions politiques, la présence de symboles chrétiens dans le pop art corse ou bien encore l’invention d’une « laïcité corse » comme modèle de tolérance religieuse agencent un catholicisme banal et un nationalisme catholique qui laissent peu de place à la figure de l’autre et à l’appréhension dans l’imaginaire national corse d’une nation laïque ou multiconfessionnelle.

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[15] Fondée en 1603, sous le pape...

Fondée en 1603, sous le pape Clément VIII, elle fut dissoute en 1662, à la demande du roi de France Louis XIV.

3. Sacralisation de figures de la Corse contemporaine

Parallèlement à la désécularisation de l’île, le nationalisme corse et le nationalisme français ont sacralisé la figure de nombreux héros allant des Résistants Danièle Casanova, Jean Nicoli, Fred Scamaroni, aux figures de militants nationalistes assassinés ou disparus : Ghjuvan’Battista Acquaviva, Massimu Susini, Yvan Colonna, Natale Luciani ou Edmond Simeoni devenu iconique depuis Aleria… La chanson corse a également valorisé la figure du militant clandestin, machjaghjolu sacrifié et sanctifié. Enfin, le football a produit des éléments discursifs véhiculés par les supporters ultras de Bastia 1905. Ils renvoient à la figure christique : « nati per soffre ». Ils détournent des chansons : Avè Maria/ Avè Bastia. Le supportérisme, notamment le supportérisme ultra est aussi une forme de religiosité populaire qui érige joueurs en martyrs ou démons, compagnons de route disparus en figures héroïques et les lieux du match en terre sainte ou en cathédrale. Notons ici l’autel au Sporting érigé par l’artiste AFDP.

4. La communauté méditerranéenne comme miniature du monde et extension de l’île

Dans ce contexte, la notion de communauté méditerranéenne comme miniature de la communauté terrestre (Mbembe, 2023) peut-elle devenir une ressource dans la perspective de la construction d’un grand récit de la diversité ? 

Dans notre communauté méditerranéenne, la nature, le patrimoine naturel, la biodiversité, appellent une sacralisation au même titre que la communauté humaine qui la compose, par-delà ses pratiques culturelles, linguistiques et cultuelles. Sous l’influence simultanée de mythes venus d’Outre-Atlantique diffusés par le soft power étasunien et sous l’influence des fondamentalistes de toutes religions qui refusent les mythes et le sacre de la communauté méditerranéenne parce qu’ils l’envisagent nécessairement, ontologiquement fragmentée, conflictuelle voire même irrésiliente (Cyrulnik et al., 2019), allons-nous contempler les crises interculturelles pour abandonner le territoire à leurs pouvoirs et à la suprématie de leurs rites ? Si Héraclite a raison de croire que « c’est de ce qui est en lutte que naît la plus belle harmonie : (car) tout se fait par discorde, » alors la Méditerranée doit redevenir cette « mer (qui) ne cesse de montrer le possible » pour reprendre les mots de Paul Valery et proposer une politique culturelle pour agencer une culture commune dans l’acception proposée par André Malraux, pour lequel : « Notre culture commune, c’est ce que nous choisissons pour permettre à notre civilisation de lutter contre ces usines de rêves » (1969).

Discussion et conclusion

L’analyse de la panoplie des « marchandises émotionnelles » produites et consommées par les Corses présente une photographie de la situation du processus de patrimonialisation engagé depuis le Riacquistu (Illouz, 2019). Sur ces nouveaux étals, à défaut d’être redevenue un outil de conversation courante, la langue corse demeure omniprésente comme outil de représentation de la corsité. Après avoir perdu de sa vitalité au sein des échanges informels, elle a gagné en valeur symbolique et commerciale. On constate également que les symboles catholiques gagnent en visibilité. Sommes-nous en présence d’une surethnicisation, d’une surcatholicité et aussi d’une surpaganicité de la corsité ? La mise en scène ostensible de rituels catholiques ou de rituels inspirés de la geste christique ou mariale nous permet d’une part de mesurer combien le souvenir réel ou fantasmé d’une Corse catholique est vivace, d’autre part, de mesurer combien la quête de rituels religieux peut être distincte et parallèle de l’application des préceptes défendus par l’Eglise en tant qu’institution. Le besoin de sacré et de religiosité populaire s’affranchit des conciles, synodes, prêches et lettres pastorales pour créer des moments de communion au sein de villages, de pieve pour la célébration de saints locaux ou de la Santa Maria. Il modalise une laïcité corse, notamment à l’occasion des grands moments que sont les fêtes pascales, la Santa di u Niolu pour la nativité, la Madunnuccia, la Sant’Andria ou la Festa di a Nazione

Ce processus de patrimonialisation interroge l’opérationnalité et la pertinence de la laïcité à la française, souvent décrite comme une laïcité de combat, en Corse (Scott & Marelli, 2018). Au lieu de créer un espace de tolérance religieuse, les fondamentalismes semblent ériger les identités en positions fortifiées autour de nouveaux interdits. Outre l’éviction des problèmes liés au changement climatique, sujet pourtant abordé par le Pape François, notamment dans son Laudato Sì (2015), la réduction des identités collectives à des récits identitaires religieux fondamentalistes activent la logique meurtrière de la rhétorique du choc des civilisations. Fidèles à leur tradition, il est donc urgent que les Universités cultivent la diversité littéraire, intellectuelle, culturelle et civilisationnelle, qu’elles tissent des liens entre elles pour apporter leur juste contribution à la paix. Rappelons ici que par-delà les rives, Corses, Italiens et Goumiers marocains participèrent ensemble à la Libération de la Corse en 1943. Je crois que nous sommes ici pour le rappeler et en tant que responsable de la Chaire Unesco Devenirs en Méditerranée, pour nous faire vivre le dialogue interculturel et interreligieux au sein de nos sociétés qui aspirent à la paix.

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