Pour une éducation cosmopolite : une composante manquante du système éducatif français ?

Résumé :

L’interrogation de Condorcet, « Instruire ou éduquer ? », reste fondamentale dans le contexte actuel de l’école de la République. Tandis que l’instruction se concentre sur la transmission de savoirs et le développement de l’esprit critique, l’éducation, elle, englobe la transmission de valeurs et de visions du monde, principalement au sein de la famille. Reconnaissant que l’État ne doit pas se substituer à son rôle d’instructeur des futurs citoyens, nous nous interrogeons sur les moyens et les raisons pour lesquels il devrait innover aujourd’hui afin d’éduquer efficacement les nouvelles générations. Les défis contemporains tels que le changement climatique, les enjeux numériques et l’érosion de la démocratie, exacerbés par les discours haineux et la post-vérité, exigent du système scolaire une réponse adaptée et proactive. Face à l’indifférence généralisée et l’hyperindividualisme, il est impératif de repenser le modèle de société actuel. Le rapport de l’UNESCO « Repenser nos futurs ensemble » et le Pacte Global Éducatif lancé par le Pape François, soulignent la nécessité de cultiver des générations plus engagées, imprégnées de solidarité et de fraternité. Cet article a pour objectif de définir les principes d’une nouvelle citoyenneté pour le XXIe siècle : celle de former des citoyens cosmopolites capables de comprendre et d’agir face aux défis méditerranéens tels que les migrations et les conflits, avec une sensibilité globale accrue, une identité pluraliste et un engagement envers les causes mondiales.

Mots-clés : Éducation, citoyenneté, cosmopolitisme, enseignement moral et civique, système éducatif français.

Résumé

La conférence de presse du président français, Emmanuel Macron, le 16 janvier 2024, mettait l’accent sur l’impératif de former davantage de citoyens en adéquation avec les besoins de la Nation. Dès le début de son allocution, il a dépeint une société en proie à l’incertitude, confrontée à la disparition accélérée du monde tel que nous le connaissions, en raison de l’émergence de nouveaux défis.

Il a évoqué le retour de la guerre en Europe, impliquant la Russie et l’Ukraine, ou au Moyen Orient, depuis l’attaque terroriste du Hamas contre Israël ; sans négliger la crise climatique, les bouleversements engendrés par les nouvelles technologies, ainsi que les enjeux liés à l’érosion de la démocratie.

S’appuyant sur le triptyque d’une France « de bon sens, de résistance et des Lumières », le président a confirmé que son deuxième quinquennat s’engagerait pour : « un réarmement civique. Chaque génération de Français doit apprendre ce que la République veut dire : une histoire, des devoirs, des droits, une langue, un imaginaire, le sens profond du respect et de l’engagement, et cela dès l’enfance, en renforçant le soutien et l’exigence vis-à-vis des parents, en reprenant aussi le contrôle de nos écrans qui, trop souvent, enferment là où ils devraient libérer »[1].

À ce sujet, le Président a souligné que l’Éducation nationale, depuis 2017, déployait une politique éducative renouvelée, articulée autour de plusieurs axes : un choc de savoirs, un retour aux fondamentaux, des enseignants mieux formés, une revalorisation du métier et une refonte des programmes.

Tout en évoquant les progrès réalisés dès son premier quinquennat en matière d’égalité des chances, tel que le dédoublement des classes de CP dans les zones d’éducation prioritaire, il insista sur la révision du programme d’instruction civique, avec un volume horaire doublé dès la 5e, visant à développer le respect et l’engagement chez les jeunes. Il a également fait référence aux cours d’empathie, initiés par Gabriel Attal, lorsqu’il était ministre de l’Education, et l’expansion, dès la classe de 5e, de l’éducation artistique et culturelle, incluant l’histoire de l’art, le théâtre et la musique.

La déclaration présidentielle prouve à quel point l’interrogation de Nicolas de Condorcet, ‘Instruire ou éduquer ?’, reste fondamentale dans le contexte actuel de l’école de la République. Tandis que l’instruction se concentre sur la transmission des savoirs et le développement de l’esprit critique, l’éducation, elle, englobe la transmission de valeurs et de visions du monde, principalement au sein de la famille. Reconnaissant que l’État ne doit pas se substituer à son rôle d’instructeur des futurs citoyens, nous nous interrogerons sur les moyens et les raisons pour lesquels il devrait innover aujourd’hui afin d’éduquer efficacement les nouvelles générations. Face à l’indifférence généralisée et l’hyperindividualisme, il est impératif de repenser le modèle actuel de société.

Les auteurs du rapport de l’UNESCO ‘Repenser nos futurs ensemble’, le Pape François, dans son Pacte Global Éducatif, ainsi que des philosophes comme Edgar Morin ou Martha Nussbaum, tous mettent en lumière l’impératif de développer des générations imprégnées de solidarité, de fraternité, et dotées d’une perspective cosmopolite.

Une analyse minutieuse du discours d’Emmanuel Macron révèle un appel à transformer l’épine dorsale du système éducatif pour affronter les défis contemporains. Il ne s’agit pas simplement d’élargir le champ des arts et des humanités, mais également de reconfigurer le rôle des acteurs dans l’univers éducatif. L’école aspire à émanciper les enfants de l’ignorance, les préparant à devenir de véritables citoyens républicains, mais cette mission nécessite une collaboration étroite : « La famille et l’école, au fond, pour faire des républicains en même temps que pour transmettre des savoirs »[2].

Pourtant, tout en reconnaissant une certaine ouverture dans le discours, on constate une lacune significative : l’éducation au cosmopolitisme. Notre article vise à définir les principes d’une nouvelle citoyenneté pour le XXIe siècle, axée sur la formation de citoyens cosmopolites conscients et ouverts au monde, aptes à comprendre et agir face aux défis tels que les migrations et les conflits, notamment méditerranéens, tout en cultivant une sensibilité globale, une identité pluraliste et un engagement envers les causes qui mobilisent la planète. Nous explorerons les fondements traditionnels du système éducatif français, en soulignant sa singularité et en le comparant aux systèmes éducatifs anglophones. Enfin nous identifierons les éléments manquants et mettrons en exergue les avantages d’une éducation cosmopolite.

L’ADN de Condorcet : Instruction et Citoyenneté

Instruire ou éduquer constitue un débat de longue date. Il remonte à la Révolution française, opposant ceux qui prônaient l’éducation nationale et ceux qui favorisaient l’instruction. Si les premiers estiment que l’éducation est une approche globale visant à transmettre non seulement un savoir mais aussi une vision du monde incluant la morale et l’idéologie, les seconds considèrent qu’il est nécessaire d’instruire et d’éclairer, pour libérer les hommes et forger de véritables républicains.

Tel qu’il est souligné par Katherine Kintzler, « La République a fait de l’instruction une de ses conditions d’existence, car l’exercice de la citoyenneté n’est pas spontané. Comme le dit Condorcet, un peuple souverain formé de citoyens ignorants n’est pas véritablement libre »[3]

Ce débat a mis aux prises les idéaux de figures politiques de l’époque : d’un côté, Jean-Paul Rabaut Saint-Étienne, pasteur protestant et homme politique français, ardent défenseur de la tolérance religieuse, et Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, avocat d’un système éducatif public et gratuit. De l’autre côté de la rive se trouvait Nicolas de Condorcet, homme politique défendant l’instruction comme moyen de transmettre un savoir et d’éclairer les esprits afin de construire des citoyens libres et responsables : « Si l’instruction libère et affranchit par les vertus intrinsèques du savoir, l’éducation en revanche modèle et adapte. Instruire ou éduquer, en somme il faut choisir »[4].

Le Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique présenté par Nicolas de Condorcet en 1792 à l’Assemblée législative s’appuyait sur les idéaux des Lumières, « n’enseigner que des vérités », qui valorisaient la raison, la transmission de savoirs et de compétences nécessaires à la vie en société, tout en cultivant un esprit critique. À ce propos, Condorcet affirmait que l’État ne devait pas se substituer aux rôles éducatifs de la famille, lesquels incluent la transmission de croyances et d’idéologies.

C’est dans ce contexte et avec ces caractéristiques que les fondements du système éducatif français ont été établis. Les pères fondateurs de la Troisième République, en adoptant les finalités du système scolaire sous l’influence de la philosophie condorcéenne, instaurèrent une école gratuite, publique, obligatoire et laïque entre 1881 et 1883, énonçant ainsi l’essence de ce système tout en établissant les principes de la laïcité. C’est à travers la circulaire « Lettre aux Instituteurs »[5] que Jules Ferry a clairement exposé les fondements d’une instruction civique, écartant tout enseignement religieux, dogmatique ou basé sur des croyances personnelles.

Autour de l’école de la République, le concept de citoyenneté s’est affiné, incarnant, selon Dominique Schnapper, un équilibre entre droits et devoirs. Le citoyen est reconnu comme un sujet de droit, jouissant de la liberté d’expression, de la libre circulation, du droit de se marier, de la présomption d’innocence, ainsi que du droit de participer à la vie politique et de devenir éligible à des fonctions publiques. Parallèlement, il est investi du devoir de respecter la loi et de défendre son pays en cas de danger : « la citoyenneté organise une société dont tous les membres sont juridiquement et politiquement égaux, quelles que soient leurs origines et leurs caractéristiques. Elle repose sur l’idée de l’égale dignité de tous les êtres humains »[6].

Des Lumières au pragmatisme américain

Comme le montre Dominique Schnapper dans la préface ‘École et citoyenneté : un défi multiculturel’, les différentes nations démocratiques visent toutes, à travers leur système éducatif, à façonner les futurs citoyens :

Dans les autres nations démocratiques, le rôle de l’école, moins théorisé ou moins politique, n’était pas différent. Apprendre les règles de la vie démocratique et contribuer à inscrire les élèves et futurs citoyens dans une tradition intellectuelle et politique nationale était l’ambition commune à tous les systèmes d’enseignement. C’est dans l’école et par l’école que les enfants des immigrés qui avaient traversé l’Atlantique apprenaient à devenir des citoyens américains[7]

Dans le cas de l’État-nation américain, celui-ci a cherché à se distinguer des États-nations européens, perçus comme brutaux en raison de leurs guerres, mais également « jugés inégalitaires, abusifs et obsolètes ».[8] Cette volonté de différenciation a ainsi exercé une influence marquée sur la philosophie de son système éducatif. C’est pourquoi, issus d’histoires et de logiques socio-économiques distinctes, ces deux systèmes présentent des visions contrastées : d’un côté, la tradition cartésienne française privilégie le savoir et la raison ; de l’autre, le système pragmatique américain vise à préparer les citoyens à jouer un rôle actif dans un destin collectif, orienté vers des objectifs économiques et productifs.

L’approche éducative américaine, encourage la formation axée sur l’action, avec une participation active dans des domaines tels que le bénévolat, le militantisme, le lobbying ou l’engagement communautaire, contribuant ainsi au destin national. Cela se distingue de la perspective française, où l’éducation est vue comme un moyen de libérer les esprits grâce à une approche scientifique du savoir indépendamment des conditions sociales.

À l’aube de l’industrialisation, les écoles américaines se sont focalisées sur la formation de citoyens capables de contribuer à la nouvelle dynamique économique. Ce paradigme contraste, comme le souligne Lenoir, avec la vision d’éducateurs tels que John Dewey, pour qui l’éducation était un pilier de la démocratie, fondée sur l’humanisme et la culture. Toutefois, avec l’avènement de la mondialisation, cette approche éducative a évolué, mettant davantage l’accent sur le credo de la productivité et de l’efficacité.

Ces deux visions de l’éducation et de la citoyenneté, exposées par Lenoir, s’appuient sur deux conceptions : la logique européenne francophone, valorise l’Etat-Nation comme structure tutélaire de la formation disciplinaire fondée sur la raison et le savoir et comme instance garante de l’intégration sociale ; l’étude et les connaissances y sont primordiales. L’approche anglophone, elle, privilégie le pragmatisme, le savoir-faire, la formation professionnalisante, et l’intégration sociale de l’individu dans la communauté, mettant l’accent sur l’action et l’expérience[9]. Dans le contexte des modèles citoyens en France et aux Etats-Unis, cependant, un élément crucial fait défaut, comme le mettent en lumière nombre de penseurs français et nord-américains : l’éducation des citoyens du monde.

Ainsi, le philosophe Edgar Morin, dans sa trilogie éducative[10], a exposé les principaux défis du système éducatif français. Il étudie les lacunes de son enseignement, en matière de lucidité, de compréhension d’autrui, d’affrontement de l’incertain et d’interdisciplinarité. Parallèlement, Martha Nussbaum critique le manque d’enseignement des disciplines humanistes aux États-Unis, soulignant une préférence pour un système axé sur le profit. Selon elle, l’éducation doit viser à ouvrir les esprits et à transmettre les connaissances nécessaires pour agir non seulement au sein de sa propre nation mais aussi pour participer et s’engager dans un monde complexe.

Nussbaum ne s’oppose pas à l’étude des disciplines dites dures, à l’économie ou encore à l’ingénierie, elle cherche à revaloriser les humanités. Dans le cas des États-Unis, la philosophe constate que l’abolition de l’éducation socratique et des humanités a conduit à l’adoption d’une approche axée sur la mémorisation en vue de préparer aux examens standards traditionnels[11].

Les philosophes, de part et d’autre, plaident pour la revalorisation des disciplines artistiques telles que la musique, le théâtre, la littérature, en somme, les humanités. Plusieurs études ont démontré les bienfaits de ces disciplines sur l’esprit critique, la résilience, la bienveillance et l’empathie, qualités nécessaires pour faire face aux défis d’un monde de plus en plus technologique et incertain.

L’apprentissage de l’empathie suscite un débat d’actualité, notamment dans le cadre de la campagne gouvernementale contre le harcèlement scolaire. L’un des principaux piliers de cette campagne repose sur la mise en place de cours d’empathie. À ce sujet, les experts, à l’instar du psychiatre Serge Tisseron, ont exprimé leur point de vue. Tisseron affirme que l’empathie ne peut pas être enseignée de manière conventionnelle, avec simplement quelques heures de cours. Selon lui, elle doit être expérimentée à travers des activités collectives et un engagement actif.

On ne peut pas simplement expliquer l’empathie aux enseignants en quelques heures pour qu’ils la transmettent ensuite à leurs élèves. En revanche, on peut encourager les enseignants volontaires à l’expérimenter d’abord dans le cadre d’activités partagées. Cela leur permettra de la découvrir dans une relation différente avec leurs élèves, pour le bénéfice de tous.[12]

D’autres recherches, entreprises par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik[13], ont souligné l’importance et le fonctionnement de la pédagogie de l’empathie. Une étude concrète menée par un groupe de chercheurs en neurosciences de pair avec des musiciens a examiné les avantages de l’apprentissage musical sur le développement du langage[14]. Ils ont découvert qu’un enfant qui commence à jouer d’un instrument dès son plus jeune âge acquiert de meilleures compétences linguistiques qu’un enfant qui n’en joue pas. Cyrulnik a aussi remarqué que le manque d’empathie relève d’une enfance manquant d’affection, et de tels enfants sont plus enclins à devenir des adolescents violents. Les humanités, par leur nature, offrent des outils efficaces pour enseigner l’empathie, en permettant aux enfants de « découvrir le monde mental d’une autre culture ou religion » [15].

Les études internationales démontrent que l’enseignement des compétences socio-émotionnelles sont aussi importantes que les compétences cognitives. Ce sont d’ailleurs celles-là qui agissent au premier chef sur des éléments tels que la créativité et l’innovation, essentiels au demeurant pour le développement économique[16].

En France, depuis 2015, l’enseignement moral et civique, grâce à ces nouvelles compétences, favorise une ouverture qui ne se fonde pas uniquement sur l’aspect cognitif de la tradition cartésienne :

Fort heureusement, cette épistémologie favorisant par ailleurs la critique, cette dualité commence à évoluer :  avec l’introduction de la dimension sensible dans l’enseignement moral et civique depuis 2015, il est officiellement et explicitement reconnu que la régulation des émotions est importante pour devenir citoyen.[17]

Complexité de l’enseignement moral et civique

Les questions relatives à l’éducation à la citoyenneté sont complexes, comme le démontre Nathalie Mons, ancienne présidente du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco). Selon Mons, la France est l’un des pays d’Europe qui investit le plus dans le domaine de l’éducation morale et civique, mais elle adopte une approche particulière. En effet, en France, les moyens sont mis sur les premières années de scolarité, et l’importance accordée à ces enseignements va en diminuant vers la fin du cursus, moment crucial pourtant pour la participation politique. À l’inverse, dans d’autres pays européens, le nombre d’heures consacrées à cette matière augmente régulièrement tout au long du parcours scolaire.[18]

De plus, cette éducation est en France principalement centrée sur la théorie, alors qu’elle se compose de trois éléments ; les cours théoriques sur les institutions et les valeurs de la République ne doivent pas se faire au détriment d’activités telles que la participation des étudiants à la vie des établissements et les projets citoyens dans le cadre scolaire. Pour Mons, cela se traduit par une connaissance idéalisée des institutions qui n’aboutit pas nécessairement à un engagement dans la vie publique et une participation active au débat démocratique.

Notons que cet enseignement, connu sous une multiplicité de dénominations depuis 1882[19],  s’est enrichi à partir des années 80 avec l’apparition de « nouvelles éducations à ». Ces différentes composantes vont de l’éducation à la sexualité, à l’écocitoyenneté, aux valeurs, aux médias et à l’information, et à la complexité, entre autres.[20]

Comme le soulignent les auteurs de Dictionnaire critique des éducations à, ces nouvelles formes d’éducation émergent dans un contexte de grands changements, du climat à la révolution numérique, encourageant également des organisations internationales telles que l’UNESCO, l’OCDE ou le Conseil de l’Europe à se référer à ces nouvelles matières.

Bien que certaines soient le résultat de problématiques d’actualité, comme l’éducation à l’environnement, d’autres, telles que l’éducation aux valeurs ou à la citoyenneté, possèdent une tradition et sont au cœur de la fondation des systèmes éducatifs. 

Leur introduction suscite de nouveaux débats concernant leur pertinence et leur légitimité dans le cursus académique. Les principales difficultés résident dans la multiplicité des thématiques abordées, qui nécessitent souvent de puiser dans d’autres domaines, sans disposer d’une matrice conceptuelle propre.

En outre, leur mise en œuvre peut être confiée à des acteurs non scolaires, voire associatifs et, en tant que réponse aux défis conjoncturels, elles peuvent susciter de la méfiance de la part des enseignants ou des élèves ; voire des familles.

Il importe également de souligner que leur place dans le cursus académique reste plutôt marginale, se limitant à une heure hebdomadaire au collège et une demi-heure au lycée, même si la récente réforme de cet enseignement double ce volume horaire pour la rentrée 2024-2025. Cette place ‘décorative’ est préoccupante quant à la finalité de ces enseignements.

D’un point de vue pédagogique, ce questionnement peut susciter chez les professeurs d’histoire-géographie des appréhensions, une méconnaissance des objets à transmettre, ou des difficultés à intégrer cet enseignement dans un programme déjà chargé. Le principal défi de cette discipline est qu’elle doit s’intégrer à l’enseignement de diverses matières, et pas uniquement en Éducation Morale et Civique (EMC). À juste titre, Éric Favey, vice-président de la Ligue de l’enseignement et membre du Conseil supérieur des programmes (CSP), observe que des activités réalisées dans d’autres disciplines peuvent renforcer les notions au cœur de la citoyenneté. Par exemple, une activité en éducation physique telle que l’escalade n’est pas seulement un exercice physique, mais aussi un excellent moyen de promouvoir l’entraide et la solidarité dans un groupe.[21]

Les voix en faveur de l’éducation cosmopolite

L’éducation cosmopolite, également connue sous le nom de citoyenneté mondiale, vise à éduquer les nouvelles générations à adopter une perspective ouverte sur les différentes cultures, tout en les sensibilisant aux principaux défis de notre époque.

Elle encourage à se considérer comme partie intégrante de la Terre, notre patrie commune, et à porter un intérêt particulier aux événements, non seulement dans son propre pays, mais aussi à l’échelle mondiale. C’est une éducation qui cultive un sentiment d’appartenance et d’engagement envers le monde.

Francis Wolff, philosophe et défenseur du cosmopolitisme, constate que le concept de citoyen du monde, utilisé originellement par Diogène dans l’Antiquité, visait à exprimer une attitude négative et individualiste. En déclarant « Je suis un citoyen du monde », il voulait proclamer qu’il n’appartenait à aucun territoire[22].

Cette notion est critiquée en raison de la juxtaposition de deux termes apparemment contradictoires, le rendant potentiellement vague. La « citoyenneté » se réfère au statut de sujet de droit et de devoir au sein d’une nation, tandis que le terme « mondiale » renvoie à l’universel, une échelle à laquelle ne sont pas clairement définis les droits et devoirs.

Partant de sa définition même, qui vise à permettre aux individus de connaître et d’appréhender les réalités du monde, l’éducation à la citoyenneté mondiale encourage les élèves à se solidariser envers les problématiques de respect des droits de l’homme, et à tout mettre en œuvre pour un monde durable et pacifié.

Dans le contexte des faiblesses éducatives à l’échelle mondiale, le dernier rapport de l’Unesco souligne que les difficultés rencontrées dans le domaine de l’alphabétisation et des compétences cognitives, sont également préoccupantes en matière d’éducation citoyenne :

Les insuffisances des compétences d’alphabétisation de base en lecture, en mathématiques, et en sciences ne sont pas un problème isolé, puisque des écarts similaires ont été observés dans les études transnationales menées par l’IEA (Internationale Association for the Evaluation of educational Achievement) et l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), sur les thèmes de l’éducation civique, des compétences de citoyenneté mondiale et des compétences socio-émotionnelles, autant de compétences qui deviennent importantes pour la participation civique et économique[23].

Ce nouveau contrat souligne le caractère de bien commun que représente l’éducation. Les défis actuels nous imposent d’éduquer des citoyens conscients du dérèglement climatique, soucieux du débat démocratique, et bien formés pour l’utilisation éclairée des nouvelles technologies.

L’Unesco met en avant l’éducation cosmopolite, celle qui prépare les jeunes aux défis tout en développant des capacités d’innovation et de créativité de manière individuelle et collective. L’enseignement de la diversité des cultures et des langues sera crucial dans cette transformation. Les nouveaux programmes doivent renforcer les apprentissages écologiques, interculturels et transdisciplinaires.

Leur objectif est non seulement de transmettre un savoir, mais aussi de permettre aux élèves de le remettre en question, grâce à l’éducation à l’esprit critique. De plus, à l’instar de ce que plaident Morin et Nussbaum, l’Unesco atteste qu’il ne faut pas négliger l’éducation artistique. Cette dernière, englobant la musique, le théâtre, la danse, le design, les arts visuels, la littérature et la poésie, offre des opportunités clés pour faciliter l’apprentissage socio-émotionnel.

Dans un monde de plus en plus interconnecté, la collaboration en réseau est essentielle pour relever les défis contemporains. C’est un retour à la pédagogie de John Dewey qui privilégie la participation, la coopération et la solidarité, délaissant le modèle actuel, individualiste et compétitif.

Ces méthodes de travail, telles que l’apprentissage entre pairs, ou celui par projet, par problème et par enquête, préparent les jeunes à affronter les défis futurs tout en développant leurs capacités d’innovation et de créativité, tant sur le plan individuel que collectif.

Le professeur Justin Yifu Lin, doyen et professeur à l’Institut de la Nouvelle Économie Structurelle de l’Université de Pékin relève les défis de cette éducation à la citoyenne mondiale quand il affirme : « Nous devons éduquer moralement nos élèves de manière à leur permettre de comprendre que l’humanité partage des avenirs communs et nous devons avoir l’empathie nécessaire pour comprendre les besoins de chacun et nous soutenir les uns les autres ».[24]   

Vers un enseignement moral, civique et cosmopolite ?

Une dernière voix qui a mis l’accent sur l’éducation cosmopolite est le Pape François. À travers son Pacte Éducatif Global[25], ainsi que ses encycliques Laudato Si’ (2015) et Fratelli Tutti (2020), il promeut une conscience citoyenne mondiale, qui possède à la fois un caractère moral et scientifique.

Le Pape place au premier plan des éléments essentiels à l’éducation cosmopolite, la culture de la rencontre et le dialogue intergénérationnel, afin d’élaborer une société plus inclusive, une vision critique de la mondialisation, et l’éducation aux défis de notre maison commune, incluant l’éthique et le dialogue transdisciplinaire sur les enjeux écologiques.

Un autre aspect, soutenu par l’UNESCO et le Pape François, met l’accent sur la mobilisation des connaissances par les élèves, qui peut enrichir le patrimoine des connaissances communes, générer de nouvelles idées et valoriser l’esprit critique. Dans un monde hyperconnecté où les fausses nouvelles abondent, il est crucial que les élèves développent le réflexe de vérifier les informations et de rechercher des sources fiables pour parvenir à des conclusions précises.

L’éducation aux médias et à l’information est fondamentale, surtout lorsque les réseaux sociaux sont la principale source d’information pour les jeunes, étant aussi malheureusement un terrain fertile pour les discours de haine et d’exclusion. Un dialogue intergénérationnel entre les professeurs, souvent détachés de ce monde virtuel, et les jeunes, qui peuvent s’y faire piéger, reste à renforcer, en vue d’améliorer l’emploi de ces technologies et exercer l’esprit critique des nouvelles générations.

Cette éducation à la citoyenneté mondiale est au cœur du débat sur le cosmopolitisme humaniste, tel que présenté par Francis Wolff dans Les trois Utopies contemporaines[26]. Le cosmopolitisme aborde des thèmes cruciaux, comme la paix internationale et la question des migrants. Wolff rappelle que ce cosmopolitisme, hérité de l’esprit humaniste des Lumières, est tangible, ainsi que l’illustre la construction de l’Union européenne, inspirée du Traité pour la paix perpétuelle de Kant.

Enfin, Wolff affirme que « la cosmopolitisation des esprits » se manifeste à divers niveaux : « par le haut » quand le monde est partagé par tous, « par le bas » lors des rencontres citoyennes, les Jeux Olympiques par exemple ou des échanges internationaux. Enfin, par l’essence même de l’excellence universitaire. Par exemple, un mathématicien découvrant un nouveau théorème est prêt à le partager avec ses pairs du monde entier :

Certaines activités sont en effet essentiellement cosmopolitiques : elles sont pratiquées par les individus, souvent d’ailleurs dans un cadre étatique, mais elles sont destinées à l’humanité comme telle. Il s’agit par excellence de la recherche universitaire et scientifique. Certes, interfèrent toujours des questions de propriété intellectuelle, de copyright, de brevets, etc. Mais il n’empêche : quand un mathématicien français par exemple, démontre un nouveau théorème, avant publication internationale il en adresse par courrier électronique la première formulation aux quelques mathématiciens dans le monde, qu’ils soient indiens, russes, chinois ou danois susceptibles d’en comprendre les enjeux. Les mathématiciens se sentent citoyens du monde[27].   

Des institutions telles que le Groupe Intergouvernemental des Études du Climat (GIEC) illustrent également cette vision mondiale de collaboration et de partage. À l’Institut Catholique de Paris, nous sommes convaincus que l’on ne naît pas cosmopolite, mais qu’on le devient. C’est pourquoi nous avons créé un Grand Cours[28] sur la Citoyenneté Mondiale (2023-2024), abordant théoriquement ce concept complexe et en invitant des experts pour enrichir le débat.

Federico Mayor Zaragoza, ancien directeur de l’Unesco (1989-1997) et actuel directeur de la Fundación Cultura de Paz, le philosophe et professeur émérite de l’Ecole Normale Supérieure (ENS) Francis Wolff, Claire Thoury, présidente du mouvement associatif et directrice de la Chaire de pratique Participation citoyenne et vie associative de l’Ecole Normale Supérieure (ENS) et Filippo Bignami, professeur à l’Université des Sciences appliquées et des Arts de Suisse, ont exposé aux étudiants les principales notions et stimulé une réflexion autour des enjeux contemporains. Lors de sa conférence, Mayor affirmait :

Si tu veux la paix, contribue à préparer la paix, l’éducation, l’égalité, la participation…, parce que la participation, la démocratie, est la base de tout progrès. Chaque être humain, égal en dignité, est un créateur. Cela représente notre grand espoir, car cela signifie que nous avons le pouvoir de changer le présent[29].

Mayor a aussi partagé son expérience à l’Unesco, où il a transformé un programme éducatif de nature coloniale centré principalement sur l’alphabétisation en anglais et en français, un véritable désastre selon lui, en un nouveau programme éducatif intitulé Éducation pour tous, tout au long de la vie qui envisage l’avenir avec audace.

Bien que nous constations, depuis 2015, que le ministère de l’Éducation nationale est ouvert à des changements dans son programme d’Enseignement moral et civique, les défis de notre époque exigent que nous soyons à la hauteur des challenges. Le grand défi de l’éducation aujourd’hui est précisément de former des citoyens pour le XXIe siècle, capables de s’épanouir à partir de leur contexte particulier.

C’est à travers l’étude des travaux de ces auteurs et experts que les étudiants prendront conscience de l’importance des enjeux mondiaux et, surtout, de la nécessité de s’engager face aux défis qui nous attendent. Nous considérons cette approche renouvelée de l’Enseignement Moral et Civique comme une « affaire d’État ».

[1] Emmanuel Macron, Conférence de presse, 17 janvier 2024 dans : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/01/16/conference-de-presse-du-president-emmanuel-macron

[2] Emmanuel Macron, Conférence de presse, 17 janvier 2024 dans : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/01/16/conference-de-presse-du-president-emmanuel-macron

[3] Catherine Kintzler, L’idée républicaine, Paris, ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, 2021, p.32

[4] Eirick Prairat, L’école des lumières brille toujours, Paris, ESF sciences humaines, « Pédagogies », 2022, p.67

[5] Jules Ferry (1832-1893), Circulaire connue sous le nom de « Lettre aux Instituteurs » 17 novembre 1883, L’Idée républicaine, Paris, Ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, 2021, p. 131

[6] Dominique Schnapper, L’Idée républicaine, Paris, ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, 2021, p.32

[7] Dominique Schnapper, « Préface », in Ecole et citoyenneté : un défi multiculturel, Yves Lenoir, Constantin Xypas, Christian Jamet (dir.), Paris, Armand Colin, Sociétales, 2006, p. 15-23.

[8] Yves Lenoir, Confrontation des systèmes éducatifs français et nord-américain, in Ecole et citoyenneté : un défi multiculturel, Yves Lenoir, Constantin Xypas, Christian Jamet (dir.), Paris, Armand Colin, Sociétales, 2006, p. 42-57.

[9] Idem, p. 57

[10]  La tête bien faite (1999), Relier les connaissances (1999), et Les Sept Savoirs nécessaires à l’éducation du futur (2000)

[11] Maria Fernanda González Binetti et Fabienne Serina-Karsky, « Éduquer à la citoyenneté mondiale au regard de l’éducation complexe », Revue Interventions économiques [En ligne], 69 | 2023, mis en ligne le 05 novembre 2023, consulté le 12 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/22779 ; DOI : https://doi.org/10.4000/interventionseconomiques.22779

[12] Serge Tisseron, Contre le harcèlement, il ne suffit pas d’enseigner l’empathie, il faut l’apprendre, Le Monde, 7 octobre 2023. https://journal.lemonde.fr/data/3206/reader/reader.html?xtor=EPR-32280632-[jelec]-20231006-[cta_lire]#!preferred/0/package/3206/pub/4508/page/28

[13] Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, invité par le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, a mené ses recherches sur l’importance de la pédagogie de l’empathie dès le début du premier quinquennat du président Macron.

[14] Boris Cyrulnik, “¿Cómo enseñar empatía a los niños?”, BBVA aprendamos juntos 2030, https://aprendemosjuntos.bbva.com/especial/el-altruismo-nos-ayuda-a-luchar-contra-el-dolor-boris-cyrulnik/

[15] Boris Cyrulnik, « Il faut enseigner l’empathie à l’école », radio France, 21 septembre 2023, https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/jusqu-ici-tout-va-bien/jusqu-ici-tout-va-bien-du-jeudi-21-septembre-2023-2628175

[16] Nathalie Mons, A la découverte des politiques publiques : Les politiques scolaires, 2019, Vie publique, https://www.youtube.com/watch?v=cdyXIo8OP-s&ab_channel=Viepublique

[17] Helene Hagège, « Affectivité », in Dictionnaire critique des enjeux et concepts des « éducations à », Angela Barthes, Jean-Marc Lange, Nicole Tutiaux-Guillon (dir), Paris, L’Harmattan, 2017. P. 284-290.

[18] Nathalie Mons, présidente du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), professeure de sociologie à l’université de Cergy-Pontoise : https://www.reseau-canope.fr/lengagement-citoyen-chez-les-jeunes/leducation-a-la-citoyennete.html

[19] Il a évolué de « Instruction morale et civique » en 1882 à « Programme d’initiation à la vie sociale » en 1945, puis à « éducation civique » en 1970. Il s’est transformé en « Éducation civique, juridique et sociale », puis en « Vivre ensemble » pour le primaire et en « Éducation » pour le cycle 3 en 2002, pour finalement devenir « Enseignement moral et civique » depuis 2015 voir : François Audigier, « Education à la citoyenneté », in Dictionnaire critique : des enjeux et concepts des « éducations à », Angela Barthes, Jean-Marc Lange, Nicole Tutiaux-Guillon (dir), Paris, L’Harmattan, 2017. P.46-51.

[20] Angela Barthes, Jean-Marc Lange, Nicole Tutiaux-Guillon, Dictionnaire critique : des enjeux et concepts des « éducation à », Paris, L’Harmattan, 2017.

[21] Éric Favey, vice-président de la Ligue de l’enseignement, membre du Conseil supérieur des programmes, https://www.reseau-canope.fr/lengagement-citoyen-chez-les-jeunes/leducation-a-la-citoyennete.html

[22] Francis Wolff, Les Trois utopies contemporaines, Paris, Fayard, 2017, p.114

[23] Unesco, Repenser nos futurs ensembles : un nouveau contrat social pour l’éducation, 2021, Rapport de la Commission Internationale sur les futurs de l’éducation, p.24

[24] https://www.youtube.com/watch?v=vO4EmUsicpo&ab_channel=UNESCO

[25]Vadémécum, Pacte Global Educatif, 12 septembre 2019

 https://www.educationglobalcompact.org/resources/Risorse/vademecum-francais.pdf

[26] Francis Wolff, Les Trois utopies contemporaines, Paris, Fayard, 2017

[27] Francis Wolff, Les Trois utopies contemporaines, Paris, Fayard, 2017, p. 141

[28] Les Grands Cours sont un label de l’Institut Catholique de Paris, proposés à tous les étudiants de l’ICP, couvrant les trois niveaux de différentes licences. Ces cours se spécialisent dans diverses thématiques, incluant la théologie, le droit, l’histoire, la philosophie, la communication et l’éducation, entre autres.

[29] Federico Mayor Zaragoza, Conférence dans le Grand Cours sur l’éducation à la Citoyenneté Mondiale, 5 février 2024.

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