Théodore, l’Angleterre et le projet d’Alberoni pour la Corse

Au cours du XVIIIe siècle, la Corse a fait l’objet de bien des spéculations de la part des États européens. Les nationaux, dans leur combat pour venir à bout de l’occupant génois, ont tenté en permanence de s’appuyer sur ces ambitions, afin de trouver des alliés de circonstance : non sans de nombreuses désillusions.

De ce point de vue, l’épisode qui voit Théodore de Neuhoff accéder à la royauté de Corse, occupe une place originale. Ce personnage cosmopolite, qui débarque en Corse sans y avoir la moindre attache pour en devenir le roi éphémère, entretient en effet avec l’Angleterre des relations pour le moins ambigües. Son arrivée peut-elle être interprétée comme une tentative avortée de ce royaume d’intervenir en Corse ? Ou n’est-il pas plutôt le bras armé d’une autre puissance qui voudrait utiliser l’île comme point d’appui d’une stratégie plus globale ? Cet article a pour ambition d’apporter un éclairage nouveau sur le sujet.

Un homme de réseau

Théodore de Neuhoff n’est peut-être pas l’aventurier tant décrié qu’on a dépeint. Le travail qu’il a entrepris en Corse, la constitution qu’on lui doit – sous réserve qu’il y ait bien contribué –, l’énergie qu’il a mise dans ses actions en faveur de l’île, peuvent être portés à son crédit. Ses contemporains lui concèdent de l’esprit, des connaissances solides, la capacité à parler plusieurs langues… Last but not least, il bénéficie d’un entregent impressionnant qu’il va tenter d’exploiter au service de son projet corse.

Cet entregent va lui permettre de gagner la confiance de ses interlocuteurs et de nouer dès les années 1710, au cours de ses pérégrinations en Europe, des relations durables… Avec néanmoins un tropisme particulier qui, vu sous le prisme des relations entre l’île et l’Angleterre, pourrait présenter, aux yeux des monarques britanniques, un défaut majeur : une sorte de prédilection pour les jacobites. Rappelons en quelques mots de quoi il s’agit : lors de la Glorious Revolution de 1688, la dynastie hanovrienne a chassé du trône d’Angleterre le catholique Jacques II Stuart au profit du stadhouder des Pays-Bas, Guillaume d’Orange. Jacques II a pris la route de l’exil, suivi de nombreux fidèles : les jacobites.

Un engagement jacobite

Le jacobitisme de Théodore a été mis en lumière par plusieurs historiens. Fils du baron de Neuhoff, de bonne et ancienne noblesse westphalienne, le jeune Théodore est un protégé de la Princesse Palatine qui se trouve être à la fois une descendante de Jacques 1er Stuart, la nièce du roi d’Angleterre et la femme de Philippe d’Orléans. Leur fille épousera Léopold 1er duc de Lorraine et de Bar, celui-là même qui accueillera Jacques Stuart, The Pretender[1], lorsqu’en 1713 Louis XIV l’expulsera de sa cour suite au traité d’Utrecht. Il est tout d’abord son page et dans ce cadre « on peut supposer que Théodore eut la possibilité d’être en contact avec la cour jacobite[2] ». C’est elle qui le fait entrer au régiment de Courcillon en 1712.

Théodore a en effet opté pour la carrière militaire. Il se bat dans les rangs des Français puis, en 1714, dans les armées bavaroises. Enfin, il épouse la cause jacobite et s’engage aux côtés de ses partisans dans leur tentative de restaurer sur le trône la dynastie Stuart. Un manuscrit conservé à la BnF [3] indique : « Lieutenant au régiment d’Alsace, y fit des dettes qui l’obligerent de senfuir aupres du fameux Baron de Görtz. Il accompagna le chler [chevalier] de S.Georges dit le Roy Jacques III en Écosse 1716. Pris le titre de Lord ; fut Chler de l’ordre teutonique, y fut lieutenant Colonel. En sortit avec disagrement ». Cet engagement est-il un choix du cœur ? Une simple décision opportuniste lui permettant de poursuivre sa carrière militaire, même si le pari est risqué ? Voire la façon la plus immédiate d’échapper à ses créanciers ? Le fait est qu’après l’échec des partisans de Jacques Stuart à la suite de l’issue malheureuse des Fifteen, Théodore continue d’évoluer dans un milieu jacobite auprès du baron Georg Heinrich von Görtz.

Le fidèle de von Görtz

Comment Théodore de Neuhoff a-t-il pu faire la connaissance de l’homme de confiance et ambassadeur du roi de Suède Charles XII, si proche de ce souverain qu’il en est devenu son premier ministre ? Est-ce au sein d’un des cercles jacobites que Görtz fréquente à l’occasion de ses nombreux déplacements ? Ou lors de l’arrestation du ministre suédois en 1716[4] ? Le roi d’Angleterre Georges 1er, qui soupçonne ce dernier de conspirer auprès du roi de Suède pour le rétablissement de la dynastie Stuart sur le trône d’Angleterre, a en effet obtenu son arrestation par les autorités hollandaises.

C’est dans ce cadre que Théodore de Neuhoff intervient. Son action aurait permis d’obtenir la libération du ministre qui va s’attacher le jeune homme : « […] he executed his Commission so well, and made himself so agreeable to the Swedish Minister, that he became his Secretary, and very soon his principal Confident.[5] »[6].

Görtz l’envoie alors en Espagne, auprès d’un autre soutien des jacobites : Alberoni. Cet ancien consul du duc de Parme y est devenu premier ministre. Théodore aurait eu pour mission de négocier avec lui un sujet sensible de la plus grande importance. L’auteur de The History of Theodore, parue anonymement à Londres en 1743 mentionne « a private Commission to the Court of Spain, upon which his own and his Master’s Fate in a great measure depended ». Une opération relative aux intérêts du Prétendant ? La dernière tentative infructueuse pour le replacer sur le trône d’Angleterre vient en effet tout juste d’échouer, dans les premiers jours de l’année 1716. Quoi qu’il en soit, les négociations tournent court à l’annonce de la mort du roi de Suède, en novembre 1718.

Une rupture pour Théodore ?

Avec ce décès, Görtz perd son protecteur : arrêté, il sera exécuté en 1719. Théodore se retrouve isolé. Le cardinal Alberoni avec qui il avait entamé les discussions, va alors le prendre sous son aile. L’auteur de The History of Theodore de 1743 y voit la solitude de cet homme d’État de basse extraction qui trouve chez Théodore un alter ego en qui il peut placer sa confiance. D’autres imagineront des raisons moins avouables. La réponse se trouverait-elle dans l’appartenance commune de ces deux hommes aux réseaux jacobites ?

Théodore ne bénéficie pas longtemps de la sollicitude d’Alberoni qui, en conséquence des négociations de paix avec la Quadruple Alliance, est disgracié et renvoyé en décembre 1719. The History of Theodore de 1743 raconte, de façon fort théâtrale, comment Théodore reçoit alors l’ordre de détruire les papiers relatifs aux transactions qu’il menait. Il va alors quitter l’Espagne pour la France[7]. C’est là qu’il fait la connaissance de Law[8]. Mais on aurait tort d’imputer cette rencontre au hasard. Ce sont, en effet, les principes de Law que Görtz a mis en musique en 1715, pour financer la coûteuse guerre du Nord dans laquelle la Suède s’enlise : il met au point « une méthode de financement de la guerre complètement nouvelle […] fondée sur l’émission d’obligations d’État portant intérêt, qui pouvaient être revendues sur un marché secondaire »[9].  Sa chute est en partie imputable aux conséquences politiques des bouleversements économiques et sociaux que génère cette « révolution financière ». Ainsi, le baron Georg Heinrich von Görtz qui traîne la même réputation de « joueur et d’imposteur » que le financier Law, est un visionnaire, un homme “éclairé” de la même veine, haï de ce fait des élites de l’époque.

De plus, au-delà des ressemblances qui les rapprochent, tout porte à croire que les deux hommes sont effectivement en relation étroite. En effet, le tristement célèbre inventeur du système qui porte son nom, se trouve être un Ecossais, également jacobite. Peu de temps après la création de sa banque qui est intervenue en 1716, Law aurait contribué à financer une expédition contre l’Angleterre en faisant transiter de l’argent via la cour de Suède[10]. On retrouve une concordance étonnante avec la mission dont Théodore était chargé en Espagne, pour le compte de Görtz… même si Law se défend auprès du Régent de l’accusation d’avoir aidé The Pretender comme de l’accusation d’avoir des liens avec l’Espagne. Théodore se trouve ainsi en pays de connaissance : ce réseau est son réseau. Les choix quelque peu aventureux qu’il a faits jusque-là tendent à inférer qu’il en partage également les objectifs et les valeurs.

Le séjour de Théodore en France se termine mal : brusquement enrichi puis tout aussitôt ruiné par ses spéculations auprès de Law, il finit par retourner en Espagne. Dans sa détresse, il songe alors à un ancien protégé d’Alberoni : Ripperda. Ce dernier va prendre le baron à son service et lui faire jouer un rôle d’agent en France et en Allemagne. Nommé de fait premier ministre en 1726, il continuera à s’appuyer sur Théodore. En reconnaissance des nombreux services qu’il lui rend, il lui fera obtenir une place de colonel dans un régiment d’infanterie allemand.

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Quand Ripperda prend le relais…

Avec Ripperda revient la référence au jacobitisme. Il existe en effet un groupe jacobite important à Madrid[11] et l’homme semble en lien avec eux depuis son arrivée dans le pays. Dans le cadre de ses fonctions, il n’hésite pas à mentionner le Prétendant : Stanhope, ambassadeur anglais auprès de Philippe V d’Espagne, rapporte comment il lançait, en manière de bravade, qu’il n’y avait rien de « plus facile […][que] de conduire à Londres M. le chevalier de Saint-Georges[12] ». Mais au-delà des mots, il complote avec le jacobite Wharton pour que Jacques Stuart puisse gagner Bruxelles et tenter, à partir d’Ostende, un nouveau débarquement jacobite en Angleterre : un projet qui n’aboutit pas. Ripperda est si bien intégré aux cercles jacobites qu’il va marier Théodore de Neuhoff à lady Sarsfield, la fille de Lord Kilmarnock, elle aussi issue d’un milieu jacobite[13].

En réalité, celui qui va devenir roi de Corse baigne dans ce milieu au moins depuis l’époque où il est devenu « chevalier d’honneur d’Elisabeth Charlotte Palatine de Bavière Duchesse d’Orléans[14] », c’est-à-dire sans doute depuis l’âge de quinze ans.

A dater de cette période, les références à Théodore qui figurent dans la presse ou les écrits de l’époque indiquent indubitablement que le roi de Corse trouve – ou du moins recherche – des appuis en Espagne. De l’Angleterre, il n’est pas question. Et pourtant…

Théodore de Neuhoff : agent britannique

Pourtant, il semble que, depuis plusieurs années, Théodore soit un agent œuvrant pour le compte du royaume britannique : une lettre datée du 17 août 1724 en fait foi[15]. D’une façon générale, l’Angleterre reste une terre qu’il visite régulièrement : en 1727, il fait un nouveau séjour à Londres. En 1735, on sait qu’il renseigne toujours le gouvernement britannique, si l’on en juge par un autre courrier qu’il adresse le 14 décembre au roi George II. Ainsi, trois mois avant de ceindre la couronne corse, Théodore de Neuhoff est-il toujours assimilable à un agent travaillant pour le compte de l’Angleterre. Cette mission est-elle régulière, encouragée voire sollicitée par les Britanniques, ou Théodore, en bon opportuniste, tente-t-il à l’occasion de vendre des secrets à diverses cours étrangères, comme c’est le cas en 1726 ? À cette date, il fait en effet parvenir à Vienne des informations relatives à une négociation à la Cour de Turin.

Un agent régulier et officiel

Le courrier de 1724 donne des indices à cet égard. Adressé à un homme de qualité qui rencontre régulièrement le roi, il mentionne trois personnages, les seuls à être informés de la venue de Théodore en Angleterre. Ce sont « […] [d]es gens qui me sont fideles et ne pratiqueront icÿ avec personne […] », rassure Théodore au sujet de deux d’entre eux, soulignant la discrétion qu’on peut en attendre. De plus, complète notre homme, il ne rencontrera lui-même que ceux que son correspondant validera : un souci particulier de la discrétion, voire du secret, qui interpelle déjà.

Le troisième personnage est Mÿlord Stair, auteur d’un courrier que Théodore fait remettre à son correspondant par le même porteur. Mÿlord Stair pourrait bien être Jean Dalrymple, comte de Stair (1673-1747), qui fut plusieurs années durant ambassadeur du roi d’Angleterre George Ier auprès de Louis XIV et de Louis XV[16] : ce qui viendrait renforcer l’idée d’un Théodore de Neuhoff agent anglais officiel. A l’appui également de cette hypothèse, la façon dont notre homme s’adresse à son correspondant, lui demandant de lui fixer un rendez-vous pour le lendemain soir. Théodore n’agit pas comme un informateur opportuniste qui tenterait de monnayer ce qu’il vient de découvrir, mais comme un familier : « Pour ma sureté et Compagnie, J’aÿ conduit avec Moÿ deux de vos Courriers, dont un accompagne presentement mon Secretaire a luÿ procurer Entré » explique-t-il.  Enfin, il lui demande d’organiser une entrevue avec le roi, ne doutant pas un seul instant qu’il n’y parvienne. Certes, Théodore a coutume d’agir “au culot”, mais lorsqu’il n’est pas sûr de la réponse, il insiste toujours en multipliant arguments et suppliques. Ainsi, ces demandes de rendez-vous semblent ici plutôt d’un habitué qui vient faire son rapport régulier aux plus hautes instances du pays. Tout semble démontrer son rôle officiel vis-à-vis du gouvernement anglais.

Plus de dix ans après ce courrier, en 1735, Théodore semble toujours agir comme agent britannique. Dans une lettre qu’il adresse directement au roi d’Angleterre, il explique par le menu toutes les démarches et les déplacements qu’il a entrepris pour tenter de mettre la main sur l’espion qu’il y dénonce, sans chercher, précisons-le, à monnayer les informations qu’il transmet. Au contraire, il semble bénéficier d’un crédit de fait auprès du consul britannique de Gênes qui lui procure la felouque qu’il sollicite. Tout porte à croire qu’il est toujours un agent reconnu et en activité : jusqu’au fait qu’il transmet au roi, accompagnant son propre courrier, un mémoire que le consul britannique de Livourne lui a confié à son intention, en requérant du souverain qu’il condescende à y apporter une issue favorable[17]. Bref, il a toujours et officiellement l’oreille du souverain.

Des éléments pour tenter de lever la contradiction

Comment concilier ce rôle joué sur la durée vis-à-vis du gouvernement anglais avec le jacobitisme dont ce personnage a fait preuve depuis 1716 ? Certes, devant la nécessité de vivre et même de survivre, bien des exilés jacobites « acceptent de petites besognes d’espionnage[18] ». Ainsi, serait-il possible que, dans ce contexte, Théodore, quoi que jacobite fervent, ait tenté quelques “accommodements avec le ciel”… y compris ceux qui consistaient à travailler pour la dynastie concurrente. Pourtant, non content d’espionner pour le compte du souverain britannique, Théodore n’hésite pas à lui fournir des informations permettant de contrer des actions jacobites. Théodore aurait-il changé de camp ? Le courrier de 1735 cité plus haut apporte des arguments sérieux en faveur de cette thèse. Théodore y dénonce un espion espagnol qui œuvre de longue date pour le Prétendant : il est chargé de courriers destinés au pape, aux cardinaux Aquaviva et Corsini, ainsi qu’à l’Ambassadeur espagnol à Venise – ce dernier de la main de Don Joseph Patiño, le premier ministre de Philippe V et ancien protégé d’Alberoni, qui en avait fait, aux dires de Saint-Simon, son homme de confiance. Surtout, il mentionne une lettre de la main même de la Reine d’Espagne, adressée « Alla Rle Maga Brittanica Giacomo 3° mio Cariss~o Cougino », autrement dit au Prétendant lui-même[19]. Non content de rapporter ces faits, Théodore ajoute que « Sa Majesté Impériale a accepté un armistice avec la France », puis dénonce le consul britannique à Gênes comme un partisan des jacobites. Ce dernier – pour lequel le moine-espion dispose d’une lettre de change, ce qui est pour le moins étonnant – s’entretient avec le moine dans son cabinet privé pendant environ une heure. Il le met en garde contre Théodore de Neuhoff et lui permet ainsi d’échapper à sa surveillance. Enfin, il entretiendrait une correspondance régulière avec le Prétendant[20]. Une accusation qui illustre le fait qu’au sein même des élites britanniques, il ne se trouve pas que des partisans des Hanovre, et que tous les jacobites n’ont pas pris le chemin de l’exil. Théodore conclut son compte-rendu de l’aventure d’une formule lapidaire et pour le moins méprisante à leur égard : « La populace romaine n’est pas inactive ».

La vengeance est un plat qui se mange froid…

Dans ce courrier, Neuhoff suggère une motivation qui pourrait bien expliquer son brusque changement d’allégeance : la vengeance. « […] your Majesty may be informed by Mylord Harrington of the injustice I suffered in Spain, when I was yet Colonel there about 14 years ago », explique-t-il. Les faits mentionnés – placés en lien direct avec sa volonté de ne pas laisser passer une autre occasion de nuire à la cause jacobite – se seraient donc déroulés en 1721, alors que Théodore bénéficiait de la protection de Ripperda. Milord Harrington – autrement dit Stanhope – était alors ambassadeur d’Angleterre en Espagne et c’est sans doute à cette époque que Théodore et lui y auraient noué des liens d’amitié, si l’on en juge par la correspondance qu’ils vont échanger des années durant, et notamment par le courrier que le Baron lui adresse le 28 novembre 1737 où il mentionne l’ « affection » qu’Harrington lui porte et se déclare son « ami »[21] – des termes dont Théodore de Neuhoff n’use pas avec ses autres correspondants. L’ambassadeur aurait-il été, un temps, proche des milieux jacobites ? Son passé permet de le soupçonner. Et cette proximité pourrait expliquer la naissance d’une telle amitié[22].

Et le Royaume de Corse dans tout ça ?

Quelle part ces fidélités opposées ont-elles pris dans l’accession de Théodore à la royauté de Corse et dans les épisodes qui ont suivi ? Lorsque Théodore débarque en Corse, le 20 mars 1736, les cours européennes et l’opinion publique s’interrogent : un tel projet requiert du temps, de l’argent, beaucoup de préparation. Neuhoff n’a pu agir seul et il le dit lui-même[23]. Quelle puissance le soutient ? « Many Politicians now conjectured, that it was the Duke of Ripperda who put Theodore upon this Enterprize, and furnished him with Money to execute it », explique A General Account of Corsica paru à Londres en 1739[24]. L’information figure également dans la presse britannique. Le Stamford Mercury du 22 juillet 1736 indique en effet : « They write from Genoa, that it appears by intercepted Letters, that it was the Duke de Ripperda who advised the Baron de Neuhoff to undertake the Conquest of the Island of Corsica ; that he gave him Directions how to proceed ; that it was he who freighted the Frigate in one of the Ports of the Kingdom of Morocco, which carried Theodore to Corsica ; that he furnished him with the Money and necessary Ammunition to begin the Work ; and that he continues from time to time, to send him more to enable him to carry it on[25].  » Enfin, c’est à cette conclusion que parviennent également les autorités génoises[26]. Or en 1736, Ripperda ne joue plus aucun rôle officiel en Espagne depuis longtemps. Quand il s’entremet, semble-t-il, pour une alliance avec Tunis afin de soutenir Théodore, il est au Maroc depuis quatre ans. Alors ?

On aurait tort d’oublier que Ripperda n’est pas seul. Lorsqu’il a pris Théodore à son service, après la disgrâce d’Alberoni, c’était à la condition que celui-ci défende l’administration du jacobite Alberoni en toutes circonstances, témoigne du plus grand respect pour tous les amis du cardinal et se présente lui-même comme dévoué à son service[27]. Ripperda lui est en effet resté fidèle. Or comment imaginer que cette entreprise qu’il favorise – l’arrivée de Neuhoff en Corse – n’ait pour seul objectif que d’aider son ancien agent à gagner une couronne ? Théodore, en d’autres termes, est-il bien le destinataire de cette couronne ? Il aurait d’ailleurs commencé par la refuser avant que les Généraux ne lui démontrent la nécessité de l’accepter[28]. Et plusieurs textes le mentionnent comme simple “vice-roi” de Corse[29].

Le testament d’Alberoni

La réponse figure dans un document édité en 1753 par un anonyme, Monsignor A.M., et qu’il baptise le “testament politique du cardinal Alberoni”[30]. En fait de testament, et à l’exception de deux chapitres composés par le cardinal lui-même, ce sont des lettres et papiers divers qu’il a laissés, rassemblés par l’éditeur et parfois complétés par le contenu des nombreux échanges qu’il a entretenus avec lui. Il se montre totalement confiant dans la fidélité de sa mémoire. Le contenu est un panorama du contexte international et des positions des différents protagonistes, assorti d’analyses pour le moins critiques. Ces papiers ont été rédigés entre 1745 et le décès de leur auteur, le 26 juin 1752. A. M. en a seulement éliminé quelques textes concernant l’Espagne et dont il jugeait que leur contenu relevait du secret d’État.

Un chapitre entier est consacré à l’Angleterre et au Prétendant. Il en ressort sans surprise que le cardinal est bien un partisan de Jacques Stuart, seul tenant – estime-t-il – de la dynastie légitime. Mais il a des mots très durs pour expliquer qu’à l’heure où il écrit, la lutte pour reconquérir le trône est « une chimère ». Avec beaucoup d’à-propos, il expose les erreurs stratégiques du roi d’Angleterre déchu. Et pointe avec quelque amertume l’absence de lucidité de ses partisans. 

Surtout, il expose le projet qui visait à placer le Prétendant sur le trône de Corse. Un projet de grande ampleur, loin d’avoir pour seul objet de trouver un “point de chute” au roi déchu. La dimension religieuse est fortement présente dans les motivations du cardinal, même si l’on aurait sans doute tort de réduire son action à cette seule composante : issu du peuple – une tare que les couches dominantes ne lui pardonnent pas –, il aura, tout au long de sa vie, la carrure d’un véritable homme d’État, porteur d’une vision. Loin d’être un homme de cour épousant servilement les penchants de ses maîtres, il cherchera à mettre en musique cette vision par des actions politiques appropriées.

Le trône de Corse : seulement une première étape

Ainsi, l’accession imaginée au trône de Corse n’est qu’une première étape dans une stratégie indirecte et complexe, à l’échelle de l’Europe et plus encore ! Est-ce utopique ? Il ambitionne de redessiner les rapports de force sur le continent et dans les relations qui unissent les colonisateurs européens à leurs conquêtes de l’autre côté de l’Atlantique. Dans ce schéma, la Corse est une sorte de socle de départ : une conquête facile qui permettrait au Prétendant de montrer sa valeur et de fédérer les forces catholiques pour rabaisser les prétentions anglaises et hollandaises, et prendre la tête d’une puissance qui s’étendrait jusqu’aux colonies américaines. Pas d’angélisme dans cette stratégie : la Corse ne vaut que par le rapport de forces qui y prévaut, la pauvreté de l’île et la possibilité d’en séduire des habitants révoltés, en recherche de protecteur. Un peu d’habileté aurait suffi à les gagner à la cause des jacobites. Aucun sentimentalisme pour une cause qu’on pourrait croire juste : la lutte pour la liberté. Le cardinal envisageait de rendre les Génois accommodants par une clause secrètement conclue, prévoyant de leur restituer la Corse à l’issue de la manœuvre.

Bien sûr, il faut prendre ce texte – sans doute l’un des deux chapitres dont Alberoni a dicté le contenu, pour léguer son analyse à la postérité – avec les précautions d’usage : il réécrit l’histoire avec quelques années de recul. Quelle est la part des faits ? Quelle est la part de « l’imagination » ? Ce que l’on peut en déduire, c’est que le projet d’Alberoni a bien été discuté avec le Prétendant. Sans doute, d’ailleurs, dès le début des années 1730 : dans un courrier du 6 mars 1731, le jacobite Mylord Marischal mentionne le « grand dessein » auquel il travaille. Et ses écrits font référence à son projet de devenir « premier ministre de la Corse pour le compte de la dynastie Stuart[31]. »

Des conférences au sommet

Tentons de reconstituer les événements. Le 14 novembre 1736, Théodore quitte la Corse et débarque à Livourne. Officiellement, il part chercher des secours. Mais l’auteur du General Account donne une autre version : « The Retreat of this Lord, it was given out, was not owing to any Straits he was reduced to, but to some important Affairs he had to transact in Italy, to facilitate the entire Conquest of Corsica : And among other Reports that were at that Time current, one was, that by a secret Article in the Treaty between France, Spain, and the Emperor, the Pretender was to be put in Possession of that Island. What might occasion this Rumour was, that soon after the Baron’s Arrival at Rome, we were assured thence, that he had held several Conferences with a certain foreign Minister, and the Chevalier de St.George ; that he had apply’d to several Persons of Distinction for Assistance, and sent a Messenger to Naples to get Leave to go thither : but his Messenger was imprisoned[32]. » Ces conférences ne peuvent avoir pour objet de lui ravir un trône qu’il vient tout juste de gagner, mais plutôt de déterminer les mesures à prendre afin de poursuivre une démarche en cours. « La postérité ne pardonnera point au Prince Edouard, d’avoir laissé à un simple Gentil-homme, l’honneur d’un projet, qui n’a été blamé que pour n’avoir pas réussi, & qui n’a manqué de réussir, que pour n’avoir pas été exécuté par un Prince », écrit Alberoni. En d’autres termes, Théodore a bien dès l’origine été chargé de ce projet par les jacobites. Mais c’était une erreur.  

Pourquoi ? Parce que, soit qu’il poursuive sa vengeance, soit qu’il conserve sa fidélité au monarque britannique, soit qu’il ait pris goût à la fonction royale, Théodore refuse d’abandonner son trône. Dès le 21 janvier 1737, il écrit au roi d’Angleterre : la Reine d’Espagne aurait initialement tenté de soulever les Corses en faveur de son fils l’infant Carlos. Mais devant l’échec de la manœuvre, et sur les conseils d’Alberoni, le projet de remettre le trône au fils du Prétendant en se débarrassant de Théodore aurait alors été arrêté[33]. Théodore se garde bien de préciser que, dans cette opération, il était sans doute initialement le bras armé du rival de Georges II ! Tout au contraire, il va se présenter comme la seule alternative pour empêcher les Stuart de s’emparer de la Corse. Il explique qu’il est pratiquement en passe de remporter le combat, voire qu’il suffit de conforter sa position pour interdire aux jacobites de mener à bien leur projet de reconquête du trône britannique. « Les Cours d’Italie et Gennes Mesme scavent surement que la Corse pour eux est perdue. Ainsi les mesmes Cardinaux gennois et autres adherent aux Idées de l’alberoni, dans l’esperance Chimerique de ravoir un jour la Corse par le retour du prétendant, en Roy, en angleterre, quil suppose Entre Eux pour certain, par les mesures et caballes quils mennent en differentes Cours. Je ne m’Explique pas davantage, VM en doit estre Informé, et scaura a temps se Venger de pareils attentats […] ».

A cet effet, Théodore de Neuhoff offre notamment aux navires britanniques le port de Portivechju. L’île devient ainsi un enjeu entre le souverain d’Angleterre et son challenger : « Puis je suis assuré qu’Elle [Sa Majesté] préfère Mon soutien et Etablissement a celuy que l’on tramme en Espagne et En Italie de procurer au fils du nommé a Rome Prétendant D’angleterre. »

Fin 1737, Théodore qui proteste toujours de son attachement à l’Angleterre, continue de dénoncer les agissements jacobites à Harrington. Sa lettre du 28 novembre[34]  explique comment « le Monachisme », tente de le discréditer aux yeux des Corses en le faisant passer pour « Huguenot ». Enfin, quand il demande à son correspondant d’intercéder auprès du roi d’Angleterre pour qu’il fasse obstacle à l’intervention française qui se prépare, en mentionnant ce « Secour promis et obtenu aux Instances de Rome », il n’entend bien sûr pas la papauté, mais le Prétendant qui y a pris ses quartiers.

En 1739, la menace est toujours d’actualité comme il le souligne dans sa lettre du 26 septembre à Harrington[35] : « Vous Serez presentement en plein Informé par d’autres Voÿes L’attentat prémédité a faire une descente en ecosse De mettre en attandant le fils du nommé pretendant en Corse Et autres Vues du Monachisme a boulverser le tout. M. se souviendra que Voila 3 ans que j’ai l’honeur De l’en avertir, comme des Vues sur la Georgie et autres Isles en Jamaique de l’amerique. Je me serai rendu en personne a Londres, mais suis tellement poursuÿvie, que je ne puis Me remuer plus loin ». Si l’on rapproche ces informations des détails du document d’Alberoni, mais aussi des faits – les jacobites vont effectivement faire une nouvelle tentative en Ecosse quelques années plus tard –, on voit à quel point Théodore est bien informé. Et comment serait-il à ce point au fait des projets jacobites s’il n’avait participé lui-même à l’élaboration du complot ? Il tente à nouveau de convaincre son correspondant que le soutenir permettrait de faire échouer la menace[36], et n’hésite pas pour cela à se placer sous les ordres du roi George II[37].  Le 9 novembre 1740[38], les choses se précisent : « Le Pape s’est declaré Vouloir faire Valoir les Droits du St Siege sur cette isle, et se La rannexer ason obeÿssence et arbitre. Le Ministere de France, l’Espagne et gennes paroissent en estre surpris, mais ils sont en cela d’accord pourque le Pape en donne l’investiture au fils du nommé pretendant, se reservant un tribut annuel. » Mais si Georges II craint à juste titre la menace jacobite, s’il hait ses thuriféraires, quel crédit accorde-t-il à ce projet d’Alberoni d’une Corse première étape de reconquête d’un Prétendant Stuart sur le retour ? Il ne donnera suite aux demandes de Théodore qu’en 1743… avant d’opter finalement pour un autre champion : Domenicu Rivarola. Ironie du sort, le 12 juillet 1745, quelques jours avant le débarquement armé de Bonnie Prince Charlie[39] en Angleterre, Théodore tentera encore d’obtenir des secours, précisant qu’ayant refusé toutes les offres qui lui ont été faites, il ne jouit plus d’aucun crédit auprès des jacobites[40].

Un projet qui devient l’arlésienne…

Au moment où Alberoni dicte son texte, a-t-il perdu tout espoir de voir son projet mis à exécution ? Rien n’est moins sûr, même s’il présente une solution alternative peut-être plus intéressante d’un point de vue géostratégique : le marquisat d’Oran, une proie plus facile et plus proche de l’Irlande, écrit-il. Épinglant Ripperda au passage, il conclut le chapitre sur une certitude : l’espoir est vain de récupérer le trône de façon directe, par l’envoi de troupes en Angleterre.

Le projet de confier le trône de Corse au jeune Prétendant ne sera pas abandonné : sans le niveau d’engagement nécessaire pour en parachever la mise-en-œuvre, mais avec suffisamment de conviction pour qu’il revienne, comme une antienne, régulièrement chatouiller le cours des relations internationales. Quant à Théodore, Horace Walpole lui rendra finalement hommage à la fin de sa vie, en soulignant comment, « lors de la dernière guerre en Italie, il a donné des preuves de son dévouement à l’Angleterre[41] ».

La complexité du contexte international, alliée à la personnalité controversée de Théodore, a sans doute contribué à ce que Corses et Britanniques passent ainsi à côté d’une véritable opportunité historique. 

[1] The Pretender (le Prétendant) est le fils de Jacques II. Il est aussi surnommé “le Chevalier de Saint-Georges”. Il deviendra The Old Pretender lorsque son propre fils, Charles-Edouard, prendra le surnom de Young Pretender.

[2] Vergé-Franceschi Michel (Textes réunis par…), La Corse et l’Angleterre – XVIe-XIXe siècle…, Chap. 3, Vanina Heullant, p. 42.

[3] Gallica.bnf.fr, BnF, Département des Manuscrits, Français 30032 (Dossiers bleus 487). Les Dossiers bleus sont des « mémoires, notes, et documents généalogiques, classés par ordre alphabétique de noms de personnes, au Cabinet des titres, dans le cours du XVIIIe siècle ». Le texte, comme tous ceux qui suivront, respecte la ponctuation et l’orthographe originales.

[4] The History of Theodore I. King of Corsica… Interspersed throughout with Original and Authentic Papers, Second edition, London, Printed for J.Roberts, near the Oxford-Arms, in Warwick-Lane, 1743, p. 13.

[5] Ibid, p. 14 (de même que la citation qui suit).

[6] Une lettre de Théodore à Georges I datée de 1724, confirme la proximité des deux hommes : Théodore y parle d’un moine irlandais qui fréquentait régulièrement la maison de Görtz, en 1717 : «  An old Servant of mine telling me, that the very same Friar, who in 1717 often used to come to the late Baron Goertz’s House, was now in the House with us, I sent to him to come and see in order to renew our former acquaintance […] ». Public Record Office, SP 85/13/90.

[7] Cet épisode est passé sous silence dans The History of Theodore de 1743, mais il figure à l’année 1719 dans la notice biographique que lui a consacrée le manuscrit pratiquement contemporain de la BnF cité plus haut : celui-ci mentionne ce séjour en France puis son retour en Espagne où il « fait sa cour au duc de Ripperda pr [premier] ministre ».

[8] La notice biographique des Dossiers bleus citée plus haut mentionne explicitement que Théodore s’est fait un ami du contrôleur général John Law.

[9] Les politiques de crédit et de défaut : les finances publiques et les révolutions suédoises de 1719 et de 1809,

Peter Ericsson et Patrik Winton p. 141-161, in BÉAUR, Gérard, QUENNOUËLLE-CORRE, Laure, Les crises de la dette publique : XVIIIe-XXIe siècle, Nouvelle édition [en ligne], Paris : Institut de la gestion publique et du développement économique, 2019 (généré le 05 septembre 2023 : http://books.openedition.org/igpde/6056).

[10] Murphy Antoine, John Law, Economic Theorist and Policy Maker, Clarendon Press, Oxford University press, 1997, p. 156.

[11] Syveton Gabriel Une cour et un aventurier au XVIIIe siècle – Le Baron de Ripperda – d’après des documents inédits des archives impériales de Vienne et des archives du ministère des affaires étrangères de Paris, Ernest Leroux éditeur, Paris, 1896, p 198.

[12] Ibid., p 170.

[13] Le manuscrit de la Bibliothèque nationale cité plus haut indique : « Le Baron de Gortz l’Envoya en Espagne, ou il captiva la bienveillance du Card. Alberoni, qui le fit Colonel à la mort funeste du Baron de Gortz son Patron, avec une pension de 600 pistoles 1719. Sa fierté le fit haïr à la chute de cette Emce. Il revint en France 1719. A l’Appas du Mississippi, se fit amy de Jean Law Controlleur g l, auteur du Système, y fit une grande fortune qui s’evanoüit. Il repassa en Espagne, y fit Sa Cour au Duc de Ripperda pr Ministre, qui luy fit Epouser Mlle la Comtesse de Killmarlok, Irlandoise, laide, ambitieuse, parente ou niece du fameux James Butler Duc d’Ormond. […]».

[14] Gallica.bnf.fr, BnF, Département des Manuscrits, Français 30032 (Dossiers bleus 487).

[15] Public Record Office, SP 85/13/55.

[16] Liste des ambassadeurs, envoyés, ministres et autres agents politiques : des puissances étrangères en France, Annuaire Historique pour l’année1850, 14, 68–136. http://www.jstor.org/stable/23399397.

[17] Public Record Office, State Paper, SP 85/13/55.

[18] Chaussinand-Nogaret Guy, Une élite insulaire au service de l’Europe : les jacobites au XVIIe siècle, in: Annales. Economies, sociétés, civilisations. 28e année, N. 5, 1973. pp. 1097-1122; https://doi.org/10.3406/ahess.1973.293410,https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1973_num_28_5_293410 p1099, p. 1002.

[19] Public Record Office, State Paper, SP 85/13/90.

[20] Ibid. « I hear from by a sure hand from Rome, that the Monk alighted directly at the Pretender’s House declaring that the English Consul at Genoa had warned him to get rid of me after this manner for otherwise he might lose all his Letters, and perhaps his life. I likewise am informed, that the said John Bagshaw your Majesty’s Consul at Genoa always keeps a Correspondence with the Pretender. All this may serve for Your Majesty’s Information, For this Romish Rabble are not idle, and I may venture to say that your Majesty is as ill served by Your Ministers here in Italy, as it has happened to both Their Imperial Majesties. »

[21] Public Record Office, SP 85/13/96, folio 219.

[22] Il est également possible que Théodore se trompe de deux ans et fasse allusion à la période durant laquelle il était sous la protection d’Alberoni : le livre de 1743 mentionne en effet les instructions que le cardinal lui aurait données dans le cadre d’un travail de nature très délicate ainsi que l’argent qu’il lui aurait remis – une somme vite épuisée – avant la disgrâce du prélat qui aurait laissé Théodore totalement démuni. Le texte fait également une allusion discrète à « une relation intime » qu’il aurait eu avec Alberoni, et qui fait écho aux médisances de Saint-Simon à son sujet.

[23] Guelfucci Bonfiglio, Memorie del padre Bonfiglio Guelfucci, BSSHNC, 1882, p. 65.

[24] P. 47.

[25] The Stamford Mercury – 22 juillet 1736 – p. 3. The British Newspaper Archive.

[26] Galletti Jean-Ange (Abbé), Histoire illustrée de la Corse, Imprimerie de Pillet Fils Aîné, Paris, 1863, p. 57.

[27] The History…, p. 20.

[28] Ibid., p. 64.

[29] C’est le cas par exemple de l’Histoire des révolutions de l’île de Corse… parue en 1738 (p. 195) ou du General Account déjà cité (p. 41).

[30] Alberoni Giulio, Testament politique du cardinal Jules Alberoni. Recueilli de divers mémoires, lettres & entretiens de Son Éminence, Par Monsignor A. M., Éditeur Bousquet, Lausanne, 1753, Source : gallica.bnf.fr / BnF, p. 128 et ss.

[31] Ramelet Stuart Didier, Les Stuart et la Corse, Alba et Corsica Éditions, 2020, p. 82.

[32] A General Account…, 1739 ; numérisé par Gale Ecco, Print Editions ; 2018, p. 50.

[33] Public Record Office, SP 85/13/95, folio 200 et ss. Les citations qui suivent sont extraites de ce texte.

[34] Public Record Office, SP 85/13/96. « […] et assurez Sa Maje que ces Roÿaux Interests et Sa de toutte la Nation Angloise me sont et me seront toujours A Cœur et pour lesquels je me sacrifierai et moÿ et les miens et agirai toujours de Concert avec les Puissances. Du Noorth. » La formule est peut-être rhétorique, ou de circonstance. Mais elle rappelle également le rôle actif d’agent joué par Théodore depuis plusieurs années auprès du gouvernement anglais.

[35] Public Record Office, SP 85/13/100, folio 204 et ss.

[36] Ibid, « De grace Mÿlord aÿez mes Interests a Cœur et Emploÿez Tout Votre Credit a me procurer de Sa Majé [Majesté] L’assistance Necessaire, Vous assurant mesme, plus que je n’oze mettre en escrit par cette, de faire une telle diversion a faire changer et les obliger a desister de leurs mesures concertées. » Les derniers mots de son courrier reviennent au complot jacobite et relient l’assistance demandée à cette menace pour laquelle il veille : « Le Conte Giuseppe Feve Cons~ [consul] aulique Imp~le [Impérial] et agent d’augsbourg et Constance a Rome, très Cognu de Mÿlord Torrington, é très affectionné avec toute L’integrite et Fidelité Imaginable a Sa Majé Informera parallèlement Le Baron Hossius de toutes les démarches du prétendant, pour en faire rapport a Sa Majé. »

[37] Ibid, « [j’]attenderai dans ces quartiers la résolution et ordres Necessaires de Sa Majé pour mettre le tout en œuvre. Aÿez la bonté Mÿlord d’assurer Sa Majé de mon attachement Inviolable pour ces Roÿaux Interests desquels Je ne me départirai Jamais, et Serai toujours prèst a mettre en Exécution ses ordres. »

[38] Public Record Office, SP 85/13/108

[39] Charles Edouard Stuart, le Jeune Prétendant, petit-fils de Jacques II d’Angleterre.

[40] Public Record Office, SP 85/13/112

[41] Le Glay André, Théodore de Neuhoff, Roi de Corse, Monaco Imprimerie de Monaco Paris
Librairie Alphonse Picard et Fils, 1907 – Source : Projet Gutenberg, 2017, p. 376.

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