Du « butin de guerre » de Kateb Yassine à l’usage du signal (De Gaston 2011; Ottavi 2004), de l’invention du barbare à la reconnaissance de la langue de l’autre, les désignations des langues renvoient aux relations de pouvoir au sein des sociétés (Bourdieu 2014; Boutet 2016; Calvet 1999; 2002; Quenot 2014). En tant que fait social, le dispositif sociolinguistique nous renseigne sur le dispositif politique général. Autrement dit, l’analyse des droits linguistiques ne propose-t-elle pas un indice pertinent à celui qui souhaite mesurer l’étendue de l’effectivité du respect des droits de l’homme ? Benjamin Stora n’a-t-il pas évoqué la question linguistique dans sa conférence inaugurale, déclarant qu’il s’agissait d’une « question centrale1 Stora B., 2022, Colloque Colonisation(s), UMR LISA 6240, Conférence donnée à Corti le 28 septembre 2022, https://umrlisa.univ-corse.fr/wp-content/uploads/2022/09/Programme_colonisation-s.pdf. » ?
Le colonialisme est l’exercice d’un pouvoir symbolique et politique d’un groupe opéré au sein d’un appareil d’Etat qui identifie l’out-group selon les appartenances territoriales, religieuses, culturelles ou linguistiques des individus qui le composent. Tariq Amin-Khan (2012, 18‑19) le formule très clairement :
« the metropolitan nation-state laid the foundation for colonial expansion and domination through the establishment of the colonial state, which stifled resistance and divided the colonized by manipulating conflicts among them around issues of identity based on religion, language, culture, and/or region. As these mechanisms of control, conflict-creation, and domination became more entrenched, culture became the terrain for the colonized to settle claims of inequity, injustice, and subordination through the assertion Context of State Formation of caste, class, ethnic, religious, and linguistic identities2 Traduction de l’auteur : « l’État-nation métropolitain a jeté les bases de l’expansion et de la domination coloniales en créant l’État colonial. Il a étouffé la résistance et divisé les colonisés en manipulant les conflits entre eux autour de questions d’identité fondées sur la religion, la langue, la culture et/ou la région. Au fur et à mesure que ces mécanismes de contrôle, de création de conflits et de domination s’enracinaient, la culture devenait le terrain sur lequel les colonisés pouvaient régler leurs revendications d’iniquité, d’injustice et de subordination par l’affirmation d’identités de caste, de classe, d’ethnie, de religion et de langue ». ».
Jeune étudiant, j’avais été marqué par la lecture de Linguistique et colonialisme de Louis-Jean Calvet (1975). L’ouvrage me donnait une grille d’analyse linguistique et politique de la situation de l’île. Puisque la Corse avait été francisée suite à sa conquête, en retour, la réhabilitation, la réappropriation et la normalisation de la langue corse m’apparaissaient comme la condition de la libération de l’île et de l’exercice de ma propre liberté individuelle, à la nuance près que par la force des choses, j’étais francophone et corsophone, donc bilingue. Face au discours sur la nécessaire imposition de la francisation de l’île pour la libération des Corses, je ressentais une justification de notre aliénation à laquelle je répondais par mon besoin d’appartenance et de reconnaissance.
Je vous propose que nous abordions ici à partir d’un corpus de discours littéraires et politiques, la question de la langue du point de vue historique et social, comme outil d’identification (Lacan 1961; Blanchet 2004; Maffesoli 2006), de réification (Honneth 2007; Chanson, Cukier, et Monferrand 2014; Bettez Quessy 2020) et de domination de l’espace social. À partir de ces jalons, nous pourrons voir comment s’engage un processus de glottophagie (Calvet 1999; 2020), puis quelles sont les réactions des locuteurs et dans quelle mesure peuvent-ils engager une lutte pour la reconnaissance de leurs droits linguistiques (Woolard et Gahng 1990; Woolard 2016; Agresti 2021). Dès lors, nous pourrons essayer de nous projeter quant au futur de la diversité linguistique et dans le cas qui nous occupe, de la politique linguistique de la langue corse (Quenot 2020).
1. La langue comme outil d’identification, de réification et de domination de l’espace social
La langue est devenue le trait principal d’identification des Corses à partir de la fin du XIXe siècle, lorsqu’elle s’est individualisée du toscan (Thiers 1989). Nous devons probablement cela à une attitude mimétique à l’égard du français qui était devenu le trait principal de la francité, avant même la Révolution.
Le dispositif sociolinguistique comme révélateur du dispositif politique
Convoquons ici Antoine de Rivarol (1784). Dans son célèbre Discours sur l’universalité de la langue française commis en 1784 pour l’Académie de Berlin, l’influence du français semble tenir à des motifs d’ordre linguistique. La formule est devenue célèbre :
« Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l’ordre direct, comme s’il était tout raison, et on a beau par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu’il existe ; et c’est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l’ordre des sensations : la syntaxe française est incorruptible. C’est de là que résulte cette admirable clarté, hase éternelle de notre langue. Ce qui n’est pas clair n’est pas français ; ce qui n’est pas clair est encore anglais, italien, grec ou latin. »
Mais plus encore que ces considérations esthétiques, le pouvoir de la langue serait érigé par des structures politiques, en l’occurrence le soutien de la monarchie absolue de droit divin :
« Si le provençal, qui n’a que des sons pleins, eût prévalu, il aurait donné au français l’éclat de l’espagnol et de l’italien ; mais le midi de la France, toujours sans capitale et sans roi, ne put soutenir la concurrence du nord, et l’influence du patois picard s’accrut avec celle de la couronne. »
Comme les richesses semblent emprunter une pente naturelle vers les plus favorisés :
« Il semble que c’est vers le milieu du règne de Louis XIV que le royaume se trouva à son plus haut point de grandeur relative. L’Allemagne avait des princes nuls ; l’Espagne était divisée et languissante ; l’Italie avait tout à craindre ; l’Angleterre et l’Écosse n’étaient pas encore unies ; la Prusse et la Russie n’existaient pas. Aussi l’heureuse France, profitant de ce silence de tous les peuples, triompha dans la paix, dans la guerre et dans les arts ; elle occupa le monde de ses entreprises et de sa gloire. Pendant près d’un siècle, elle donna à ses rivaux et les jalousies littéraires, et les alarmes politiques, et la fatigue de l’admiration. Enfin l’Europe, lasse d’admirer et d’envier, voulut imiter : c’était un nouvel hommage. Des essaims d’ouvriers entrèrent en France et rapportèrent notre langue et nos arts, qu’ils propagèrent. »
Rivarol est donc notre monsieur Jourdain de la sociolinguistique, celui qui comprit très tôt que sans statut, il n’y a point de salut pour les langues, précisément ce que suggère la poésie de Dumenicantone Geronimi publiée dans le numéro 25 de la revue Rigiru consacré à la langue corse (1988, 7) :
Materna !?
Paterna ?!
E micca ?
Micca po nò !
Innò… di tutti !
Di tutti casca à nimu !
Amparata !
Ah… amparata. Ma… ahù !
È chì ?
Chì, cusì !
Cusì chì… cusì calcosa ci manca.
Manca ?
Naturale !
Naturale sò i ronchi ! U più roncu bellu
hè un paru di roncu !
Senza impastà o micca minà lu u fiore
pane micca !
Stantata vole esse – da inghjunu –
inarchitittata – da tutti –
micca una fronda innanza à u ventu
una lingua !
A nostra à paru di l’altre.
Le dernier vers à la fois déclaratif et démonstratif ne se veut-il pas être un appel en faveur de la reconnaissance des droits linguistiques du corse ?
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Stora B., 2022, Colloque Colonisation(s), UMR LISA 6240, Conférence donnée à Corti le 28 septembre 2022, https://umrlisa.univ-corse.fr/wp-content/uploads/2022/09/Programme_colonisation-s.pdf.
[2] Traduction de l’auteur : « l’État-nation...
Traduction de l’auteur : « l’État-nation métropolitain a jeté les bases de l’expansion et de la domination coloniales en créant l’État colonial. Il a étouffé la résistance et divisé les colonisés en manipulant les conflits entre eux autour de questions d’identité fondées sur la religion, la langue, la culture et/ou la région. Au fur et à mesure que ces mécanismes de contrôle, de création de conflits et de domination s’enracinaient, la culture devenait le terrain sur lequel les colonisés pouvaient régler leurs revendications d’iniquité, d’injustice et de subordination par l’affirmation d’identités de caste, de classe, d’ethnie, de religion et de langue ».
Les droits linguistiques comme révélateurs des droits de l’Homme?
Si le salut vient du statut, alors les dispositifs sociolinguistiques sont-ils des opérateurs des dispositifs politiques ? Autrement dit, avec davantage de grandiloquence, les droits linguistiques sont-ils des révélateurs des droits de l’Homme ? À tout le moins, que nous apprennent-ils des relations de pouvoir et de domination ?
Pour Pierre Bourdieu (1979, 316), dont l’analyse ne se situe pas dans le champs des colonials studies, bien qu’il ait passé cinq ans en Algérie et publié une sociologie de l’Algérie (1958) :
« celui qui veut « parvenir » doit payer son accès à tout ce qui définit les hommes proprement humains d’un véritable changement de nature (ce serait l’occasion ou jamais de parler de metabasis eis allo genos), « promotion sociale » vécue comme une promotion ontologique ou, si l’on préfère, comme un processus de civilisation (Hugo parle quelque part de « puissance civilisatrice de l’art »), un bond de la nature dans la culture, de l’animalité dans l’humanité ; mais, ayant importé en lui-même la lutte des classes, qui est au cœur même de la culture, il est voué à la honte, l’horreur, voire la haine du vieil homme, de son langage, de son corps, de ses goûts, et de tout ce dont il était solidaire, le genos, l’origine, le père, les pairs, parfois même la langue maternelle et dont il est désormais séparé par une frontière plus absolue que tous les interdits ».
Considéré comme un sous-homme, l’individu diglotte et minoré doit changer de peau, d’être, de langue. Héritier de la langue de ses aïeux, le colonisé bilingue et diglossique doit demander une reconnaissance de paternité au colonisateur. Il lui faut montrer patte blanche. C’est ce dont témoigne le prix Nobel Jean-Marie Gustave Le Clézio, Niçois, Breton et Mauricien (Le Clézio 2020). L’idéologie linguistique est telle que ce sont les locuteurs eux-mêmes qui dans le cas du breton auraient choisi de dénigrer leur propre langue :
« La génération qui a renoncé à sa langue maternelle (cette langue qu’on parlait en Basse Bretagne à la naissance et dans laquelle on grandissait) fut souvent celle qui se retrouva aux premières lignes des conflits, en particulier dans la dernière expédition coloniale imposée aux ruraux, la guerre d’Algérie. On avait besoin de rustres pour faire les sales boulots, les corvées de bois : ce furent les Bretons et les Alsaciens. »
Salvatore Viale témoigne en ce sens, lorsqu’il pointe en 1858 et en toscan, les risques liés au choix de « nombre de mes compatriotes (qui) abandonnent de bon gré leur propre langue pour le français » par-delà les difficultés rencontrées car « à la maison les mots français de l’enfant ou du jeune séminariste ne sont pas ou peu compris, et à l’école pour tout mot de chez nous qui lui échappe, il se voit infliger un centième de punition » (2021, 116‑22). Peut-être alors nous faut-il convoquer sur Althusser et sa critique de « l’appareil idéologique d’État » (1970). Axel Honneth (2020, 66) constate à cet égard que :
« La « reconnaissance » signifie ici que l’on se trouve interpellé, requis, exhorté, à travers un faisceau de rituels organisés par l’État, en tant que sujet doté de certaines qualités, jusqu’à ce que l’on se soit approprié d’une manière ou d’une autre — comment exactement, l’auteur ne nous le dit pas — les qualités en question. Une fois ces qualités intériorisées, on est devenu selon Althusser un sujet socialement conforme, qui croit avoir librement choisi d’exercer les activités prescrites. On s’aperçoit sans peine que le concept de reconnaissance, au terme d’un long processus de réduction et d’appauvrissement, perd ainsi son dernier aiguillon moral ».
Le processus évoqué, processus de glottophagie, repose sur la transformation des représentations sociolinguistiques et la création d’instances de légitimation du nouvel ordre linguistique qui vont conduire à des formes de mépris linguistiques allant jusqu’à la haine de soi, « l’auto-odi » (Memmi 1957) ou bien encore jusqu’à des phénomènes de ségrégation (Quenot 2010).
2. Comment engager un processus de glottophagie?
L’idéologie linguistique de l’État-nation produite depuis la Révolution française, consiste à accorder, concorder et conditionner la liberté avec et à l’identité (Michelet 1875; Balibar 1985; Hagège 1998). « Pour être libres, soyons identiques » clament ceux qui veulent que les autres deviennent identiques à eux-mêmes. Puisqu’il faut bien choisir une mêmeté particulière : « choisissons celle du pouvoir » disent les plus puissants. Choisissons donc celle de Paris. Talleyrand (1791), Condorcet (1792), Barère (1794) et Grégoire (1794) ne me feront pas mentir sur ce point. Liberté et identité sont deux concepts dont je recherche encore toutes les dimensions. Évoquant, une « indestructible identité », dans son discours de Bastia (1993), le Président Mitterrand élevait la culture des Hommes dans l’éternité du Ciel. Depuis les peintures rupestres et les hiéroglyphes, Auschwitz et Hiroshima, les conquistadores et Levi-Strauss, on sait pourtant bien que tout est destructible et plus encore, que toute identité n’est qu’éphémère. Les identités culturelles collectives le sont tout autant que les identités individuelles. Au lieu d’apaiser mon angoisse, Mitterrand m’interrogeait à savoir pourquoi cet indestructible avait-il été largement affaibli et presque anéanti en quelques années, de l’enfance à l’adolescence, par qui, pourquoi, comment ?
Transformer les représentations
Nous avons vu chez Salvatore Viale le pressentiment d’un changement profond, de l’anxiété linguistique liée à un shift language. La génération suivante ou les générations suivantes ne parleraient plus la langue de leurs anciens. Et si la langue est le trait principal d’identification et de désignation de soi ou du groupe, alors en perdant leur langue, les Corses ne seraient plus vraiment les mêmes, ils ne seront plus vraiment eux-mêmes.
« Corses, mes amis, soyez donc vous-mêmes » avait lancé le Président Mitterrand à Bastia lors de la célébration du cinquantième anniversaire de l’insurrection et la Libération de la Corse (1993). Savait-il qu’il répondait alors à Saveriu Paoli, fondateur avec Ghjacumusantu Versini de la revue A Cispra où l’on pouvait lire en 1914 : « La Corse ne souffre que d’un mal : celui de n’être pas elle » (1914, VI). C’est pourtant dans A Muvra (1921) que l’on demande l’application à la Corse des « avantages économiques déjà concédés aux plus lointaines colonies africaines ou océaniennes », et « que le dialecte corse soit enseigné dans toutes les écoles de Corse, conjointement aux langues italiennes et françaises ». La revendication ne s’affranchit pas encore de certaines représentations de la minoration. Il faudra attendre encore cinquante ans et la publication de Main basse sur une île (Front Régionaliste Corse 1971) pour lire sous la plume de Pascal Marchetti, une dénonciation aussi lumineuse qu’argumentée de la colonisation de la Corse :
« le rejet – et non plus le seul oubli – de la langue maternelle apparaît-il à beaucoup d’entre eux comme la condition indispensable de toute promotion sociale. Les prétextes en sont puisés, bien sûr, dans l’arsenal des arguments fallacieux utilisés par le civilisateur : la langue locale est pauvre, incapable de rendre les nuances de la pensée, sa pratique est nuisible et constitue une entrave à l’apprentissage et au bon usage du français ; c’est un « patois » qui laisse un accent – ridicule quand il n’est pas parisien ou marseillais à la rigueur pour le Corse moyen. C’est un « charabia » et ses utilisateurs risquent de passer pour des « étrangers » (Italiens ? Arabes ?). Et comme si la langue était responsable de la misère supportée au temps où on la parlait, on la chasse des foyers où le progrès, les sacrifices et l’exil ont permis d’introduire quelque mieux-être ! L’école avalise cette copieuse accumulation de sornettes, en ne faisant aucune place à la langue locale. On en conclut que le corse ne s’écrit pas. L’écrirait-on qu’il serait, paraît-il, illisible. Et puis quel corse d’ailleurs ? Les variantes locales, la prodigieuse étendue du lexique, qui n’ont jamais été des entraves à la communication, sont présentées comme des tares, alors qu’elles témoignent en revanche de la richesse et de la souplesse de l’idiome. »
Cet extrait précise les étapes, rappelle les arguments employés, désigne les instances de légitimation, ainsi que les conséquences et conclusions du dispositif de glottophagique de substitution.
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Restreindre les conditions d’accès aux pouvoirs
La maîtrise de la langue française est la première condition d’accès aux places sociales les plus privilégiées. L’École de la République apparait donc comme l’instance permettant l’égalité des chances. Or Pierre Bourdieu (2002, 35) observe l’exercice d’une violence symbolique dans la mesure où les inégalités scolaires sont telles que :
Le rapport qu’un individu entretient avec l’École, avec la culture qu’elle transmet et avec la langue qu’elle utilise et exige dépend dans sa modalité de la distance entre son milieu familial et l’univers scolaire et de ses chances génériques de survie dans le système, c’est-à-dire de la probabilité d’accéder à une position scolaire déterminée qui est objectivement attachée à son groupe d’origine.
Selon Bourdieu, « l’ “appréciation” scolaire, fonctionne comme un relais-écran qui établit et occulte à la fois la relation entre l’origine sociale des élèves et la note décernée ». La distribution des places est prédéterminée par les origines des élèves.
À cela, rappelons dans le cas de la France, le corpus juridique relatif à l’interdiction de l’usage des autres langues qualifiées de langues régionales ou de langue de France après avoir été reléguées du temps de leur vitalité au rang de dialectes et de patois… L’histoire de l’éducation nous fait voyager dans un catalogue allant de la circulaire du ministre de l’Instruction publique Anatole de Monzie (1995; Fusina 1994; Ottavi 2004; Gherardi 2011), à la censure du règlement intérieur de l’Assemblée de Corse par la tribunal administratif de Bastia (Quenot 2023), en passant par la dernière censure de la loi Molac par le Conseil constitutionnel, en mai 2021 (Molac et Assemblée nationale 2021), malgré la dernière circulaire Blanquer de décembre 2021 (Ministère de l’Education nationale 2021).
Ainsi, dans Chanson bretonne, Le Clézio revient sur le rôle de l’Ecole, de l’emploi et de l’ascension sociale dans la diglossie ayant conduit à l’enfouissement (Coti 1978) de leur langue et de leur culture (2020, 25) :
Ils parlaient tous breton, comme leurs parents et leurs grands-parents. Ensuite, en grandissant, ils ont perdu l’usage de la langue, non parce qu’ils l’oubliaient, mais parce que c’était leur langue d’enfance, la langue d’avant, quand on n’a pas besoin de gagner sa vie ni de réussir ses études. Je me souviens d’eux tous, et qui ont à un certain moment de leur vie décidé d’arrêter de parler leur langue pour devenir français.
Minoriser la langue pour exclure les locuteurs et étendre son empire
La généalogie de la minoration linguistique ou de la colonisation linguistique nous ramène à la Révolution. Le décret du 7 brumaire an II stipule : « Dans toutes les parties de la République, l’instruction ne se fait qu’en langue française. » Ainsi, « la politique linguistique de l’Assemblée constituante ne diffère guère de celle de l’Ancien Régime finissant » observe néanmoins Francis Favereau (1994). Peut-être pourrait-on remonter plus loin encore, en 1635 avec le Cardinal Richelieu qui fonde l’Académie française, en 1539 avec François 1er qui signe l’ordonnance de Villers-Cotterêts ou bien sept siècle plus tôt, en 842 avec les Serments de Strasbourg de Charles le Chauve et Louis le Germanique au sujet desquels René Balibar considère, avec Jules Michelet, que « l’histoire de France commence avec la langue française » car poursuit-il, « la langue est le principal signe d’une nationalité » (1875, 1). Pour l’historienne Mona Ozouf, « plus encore que la guerre, c’est, dans le printemps et l’été 1793, la répression de l’insurrection fédéraliste qui vient sceller le sort des particularités régionales » (2009, 188).
Dans son discours devant le comité de salut public, Bertrand Barère ne déclare-t-il pas que « chez un peuple libre, la langue doit être une et la même pour tous » (1794) ? II est néanmoins précédé en cela par Condorcet pour lequel l’éducation a pour objectif de « réunir par le lien d’une raison commune, d’une même langue, les hommes que leurs occupations séparent le plus » (1792). Pour les révolutionnaires, l’identité est donc une condition de la liberté. C’est sa face cachée. Dans Linguistique et colonialisme, Louis-Jean Calvet observe ainsi que « le combat contre les langues locales de l’hexagone apparait comme un combat pour la culture et contre l’ignorance, comme un combat laïc et républicain. » (1975, 223). Pour libérer le genre humain, il faudrait parvenir à rendre les barbares identiques à nous-même. Il faut les éduquer, les civiliser et les rendre patriotes. Le monolinguisme devient la condition du patriotisme. Dès lors, la substitution linguistique et la glottophagie deviendront l’alpha et l’oméga de la politique linguistique de l’État-nation.
En pleine colonisation et avec la mise en place des lois Ferry (Assemblée nationale 1881a; 1881b; 1882), les pédagogues innovent. C’est le cas avec la méthode directe d’Irénée Carré présentée en 1888 (Puren 2003; Boutan 1998). Pascal Ottavi présente son application en Corse dans sa thèse portant sur le bilinguisme dans l’école de la République (2004). Quelques années plus tard, le Rapport de l’Inspecteur Jamais en poste en Corse énonce la doctrine :
« Il a donc été décidé dans ces conférences : 1er que les maîtres et maîtresses s’astreindraient à ne jamais faire usage avec leurs élèves et leurs anciens élèves, en classe, pendant les récréations, dans les rues… que du français, sauf dans des cas très rares avec les petits lorsqu’ il serait impossible de se faire comprendre d’ eux autrement qu’ en parlant corse ; 2° qu’ils s’adresseront aux bons sentiments de leurs élèves pour leur faire comprendre que, le jour où ils se décideront à parler volontairement français, … ils se rendront service et deviendront plus français… sans pour cela cesser d’être corses ; 3° qu’ils donneront eux-mêmes le bon exemple en renonçant à se servir du corse dans les relations qu’ ils ont entre eux et dans leurs familles, tout au moins avec leurs enfants3 BD N° 1, Février 1896, ADCS, PER 1969. Rapport de M. Jamais, Inspecteur primaire d’Ajaccio sur les conférences pédagogiques de 1896. ».
Il faut attendre encore cent ans pour que le français devienne officiellement la langue de la République, en 1992, lorsque les langues historiques des nations sans État, langues dites régionales puis dénommées langues de France, soient au bord du précipice éternel.
Cet objectif de francisation demeurait pourtant illusoire pour Viale. Celui-ci conclut son discours sur la lingua patria4 Salvatore Viale, Coutumes et mœurs des Corses, traduction de Jacques Thiers, Ajaccio, Albiana-CCU, coll. Isule Literarie, 2021, p.116-122. sur un mode sentencieux et prophétique : « Si chaque phrase prise séparément sera française, l’ensemble ne pourra pas s’appeler français. Et le dernier des Parisiens pourra dire en toute vérité : Ce n’est pas mal pour un étranger, mais ce n’est pas français. » Pourtant, l’observation de discours corses des années soixante indique combien le sentiment d’appartenance à la France est fort chez les Corses. L’entreprise de francisation étant alors achevée comme l’indique Michel Wieviorcka dans La différence, Le Clézio s’étonne d’observer non sans amertume que la situation de domination linguistique perdure de nos jours :
Le français était la langue de la République. Cela n’a pas changé, de récentes déclarations du gouvernement ont affirmé la même hostilité à l’égard des autres langues régionales, le corse, l’alsacien, l’occitan (la langue créole, la plus parlée des langues régionales, n’est même pas mentionnée dans la future charte).
La persistance de l’idéologie monolingue est palpable dans le discours du Président Macron. La langue étant l’un des principaux éléments de l’identité, dans le cas de la Corse, le trait principal d’identification, il ne s’y trompe pas, lorsque dans son discours du 7 février 2018 donné à Bastia (2018), il situe la langue tout en haut de l’échelle des figures signifiantes de l’île :
« La Corse, c’est une Histoire, une langue, des traditions et des savoirs ; c’est aussi un territoire particulier, une île-montagne faiblement peuplée où il n’est pas aisé de circuler ; c’est un poste avancé de la France en Méditerranée, un carrefour de l’Histoire au sein de ce berceau de la civilisation européenne qui nous unit et nous nourrit encore. »
Il sait l’importance que les Corses donnent à leur langue, tout en feignant d’ignorer sa situation de langue en danger décrite comme telle par le rapport de l’Hudson Institute en 1972 (DATAR 1972), établie par l’UNESCO (UNESCO 2010) comme par l’enquête sociolinguistique de 2013 réalisée par la Collectivité territoriale de Corse (Quenot 2013).
« La langue corse est présente dans le cœur des Corses, dans leur mémoire, dans leur vie quotidienne et elle doit bien entendu être préservée et développée. Et d’ailleurs, elle l’est. »
Le rapport du président à l’identité relève en revanche sa vieille idéologie linguistique monolingue et de ce que Pierre Bourdieu qualifie de « stratégies de condescendance » (1979, 320). Bien qu’il défende l’intérêt du bilinguisme, il ramène le corse à une logique d’entre-soi et d’exclusion quand le français apparait comme la langue de la nation, de l’élévation.
« Le bilinguisme, c’est le contraire de ce qui exclut ou ce qui discrimine. C’est le fait de voyager entre plusieurs univers linguistiques. C’est un enrichissement, une ouverture. La défense légitime de la langue corse ne doit donc pas relever d’une logique de l’entre-soi qui pourrait mener, par exemple, à la fermeture du marché du travail à qui n’est pas Corse ! Mais elle doit permettre de mieux s’enraciner à bon escient.
Dans la République française, et d’avant même la République, il y a une langue officielle, et c’est le français. Et nous nous sommes faits comme ça. (…) C’est la langue qui a été le premier sédiment de la nation française. C’est la langue. »
Insistant sur le mode de la répétition, omet-il pourtant de préciser qu’en excluant le corse du marché du travail, il exclue toute possibilité de bilinguisme durable et de transition vers une normalisation de la langue corse. En tous cas, nous sommes loin des préconisations formulées par le conseiller de François Mitterrand, Henri Giordan, qui dans son rapport de 1984 « Démocratie culturelle et droit à la différence », défendait l’idée d’un « principe de réparation historique vis-à-vis des langues et cultures minoritaires. » Le rapport de l’Hudson Institute va lui aussi beaucoup plus loin que l’actuel Président. Les auteurs déclaraient d’abord :
Pour renforcer l’identité culturelle, il semble opportun et appréciable de stimuler la création d’une station radiophonique diffusant des émissions en langue corse. La France se doit de jouer un rôle majeur dans la lutte pour la protection de « cette ressource particulière » (DATAR 1972, 66).
Puis, dans un scénario ayant leurs faveurs:
le Gouvernement devient le principal protecteur de l’identité culturelle de la Corse, de son histoire, de sa langue et de ses traditions (DATAR 1972, 84).
Dès lors que la langue corse apparait comme un obstacle à l’identité-mêmeté (Ricœur 1990) du point de vue de l’ensemble français, que les locuteurs ressentent un risque de disparition en même temps qu’un fort sentiment d’appartenance, qu’en est-il de leur propre désir de langue et de leur responsabilité sociolinguistique ? Dans l’enquête sociolinguistique de 2013, 90% des sondés déclaraient désirer une société bilingue et dans le discours public, plus aucun parti politique insulaire ne s’oppose au bilinguisme voire à la coofficialité.
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BD N° 1, Février 1896, ADCS, PER 1969. Rapport de M. Jamais, Inspecteur primaire d’Ajaccio sur les conférences pédagogiques de 1896.
Salvatore Viale, Coutumes et mœurs des Corses, traduction de Jacques Thiers, Ajaccio, Albiana-CCU, coll. Isule Literarie, 2021, p.116-122.
3. Les réactions inattendues : attitudes, discours et praxis de la minoration linguistique
Face à la situation de non-reconnaissance du corse, de danger vital, le locuteur pourrait faire preuve de raison, de fatalisme ou de résilience. La première attitude est observée par les auteurs du rapport de l’Hudson Institute :
L’existence d’une langue corse représente un facteur positif pour le développement du potentiel, mais il y a érosion de l’identité culturelle de l’île. Moins nombreux, les habitants emploient peu la langue corse. Certains d’entre eux ont déclaré que la langue disparaîtrait en l’espace d’une génération. Ce phénomène d’érosion, en raison de l’incapacité des Corses à l’arrêter ou le ralentir, constitue un élément désespérant (DATAR 1972, 55).
Le miracle du Riacquistu
« L’affari sò in francese5 Tda : Littéralement, « Les affaires sont en français », ça va de mal en pis. » dit-on en corse, dans ce genre de situation. Le Riacquistu choisit une autre attitude. C’est une rupture et un espoir. Chez Geronimi (1976), il s’en explique dans l’article U Portacultura publié dans Rigiru, la revue qu’il fonde en 1974 avec Rinatu Coti, l’appartenance engage la responsabilité de l’individu qui se veut authentique, qui veut s’appartenir, être lui-même. Il nous renvoie à l’approche française de la théorie de la reconnaissance développée par Axel Honneth :
« a respunsabilitai. Serà chè no possamu assume a nostra sputichezza senza chè no piglimu à contu nostru ancu ciò chì dà fastidiu, vene à dì chì no mettimu tuttu in collu ad elli ch’elli sianu in parechji i nostri maiò chì duvetenu o chì li parse di duvè abbandunà a so lingua è ùn amparà la micca à i so figlioli ? Ùn sarà micca una bella parte di u nostru datu sociologicu è culturale ? »
Si pour Fernand Ettori le Riacquistu apparait comme un miracle, Louis-Jean Calvet (1975, 206) considère en revanche que le militantisme linguistique comme lutte contre la diglossie de substitution est une conséquence de la tentative de glottophagie :
« La glottophagie réussie est, l’aboutissement d’un long processus au cours duquel une partie des communautés humaines en jeu sont peu ou prou ramenées au rang d’objet d’histoire. Nulle part, jamais, des locuteurs n’ont tué leur langue : on la tue pour eux, à leur corps défendant, et du même coup on tue un peu d’eux-mêmes. (…) Se réfugier dans sa propre langue devient alors acte militant, inconscient souvent, mais subversif tout de même. »
Dès lors, le Riacquistu propose une identité-projet vécue comme une contre-légitimité pour combattre la légitimité culturelle acquise par le français (Castells 1999). L’émergence d’un nouveau prescripteur, par la chanson, la littérature et le militantisme politique va permettre de proposer à l’opinion corse de nouvelles valeurs et d’un nouveau style de vie en débat au sein de l’espace public. Engageant ainsi une lutte pour la légitimité, pour l’exercice du pouvoir symbolique, va s’engager une lutte pour la reconnaissance dans laquelle la langue apparait comme un élément clé d’analyse des postcolonials studies.
Filiation, responsabilité et authenticité des locuteurs et néolocuteurs
Comme d’autres attributs identitaires, la langue renvoie aux héritages de chacun. « A lingua hè ancu più mamma chè figliola di a razza6 Tda : La langue est davantage mère que fille du peuple. » déclarent Saveriu Paoli et Ghjacumu Santu Versini dans A Cispra (1914). Pour Ghjacumu Fusina également, la langue est une mère (1996). Elle a enfanté d’une île.
Più chè u sole è più chè u mare
A lingua st’isula l’hà fatta
À tempu à una sorte matta
Chì pare lu so bellu sole
Più chè u sole è più chè u mare.
Da la so lingua hè cum’è nata
Da le so voci è li so canti
Da li so scritti tutti quanti
Chì l’anu vestuta da fata
Da la so lingua hè cum’è nata.
De filiation et de communauté linguistique, il en est également question dans la chanson Trà noi de Marcellu Acquaviva interprétée par A Filetta (2003).
Issa lingua di i mei grazia à voi fù quella
Chì incantava le sere di a mio zitellina
Issa lingua di i mei grazia à voi fù bella
Quant’un’alba di maghju, un sfogu d’albaspina
Trà noi ci fù lu mare è u tempu chì u face
Trà noi li bisesti di e guerre orrende
Ma ci fù da fà ponte a musa ch’ùn si tace
E parolle di focu, e splendite lucende
A lingua di i mei des Chjami Aghjalesi écrite par Patriziu Croce (1993) aborde également la thématique de l’appartenance :
In casa di i mei, ci canta una lingua
Vechja quant’è a terra induve elli sò nati.
Chez Mona Ozouf, bretonne et professeure spécialiste de la Révolution française, l’appartenance héritée apparait certes comme une forme de condamnation, mais plutôt qu’une faute à expier ou qu’un châtiment de la nature, dans Composition française, elle y voit une opportunité et un devoir :
« Notre condition de Breton, nous le savons bien, nous n’avons eu que la peine de naitre pour la trouver à notre berceau. C’est la part non choisie de l’existence, sa première et inéluctable donnée. Mais cette part non choisie appelle des devoirs. Il nous revient d’approfondir nos appartenances, de les cultiver, de les rendre visibles. Et si le regard d’autrui s’avise de transformer ce cadeau originel en tare, alors il nous faut choisir ce que nous avons subi, et retourner la honte en fierté. Et c’est à cette seconde nature, à ce breton régénéré qu’a tendu l’effort de mon père » (Ozouf 2009, 98).
Alors que la Seconde Guerre mondiale bat son plein, et qu’elle n’en connaitra pas l’issue, une philosophe juive, Simone Weil écrit un ouvrage posthume qu’Albert Camus publiera sous le titre de L’enracinement (1949). Dans celui-ci, elle défend l’idée selon laquelle le déracinement serait une forme d’entropie de la civilisation pourrait dire Bernard Stiegler, de libération du brutalisme pourrait compléter Achille Mbembé (2020).
« La Corse est un exemple du danger de contagion impliqué par le déracinement. Après avoir conquis, colonisé, corrompu et pourri les gens de cette île, nous les avons subis sous forme de préfets de police, policiers, adjudants, pions et autres fonctions de cette espèce, à la faveur desquelles ils traitaient à leur tour les Français comme une population plus ou moins conquise. Ils ont aussi contribué à donner à la France auprès de beaucoup d’indigènes des colonies, une réputation de brutalité et de cruauté. »
Le déracinement apparait alors comme une condition de la colonisation. N’est-il pas un élément de réponse apporté à Aimé Césaire, lorsque dans son Discours sur le colonialisme (Césaire 1950), il s’interroge à savoir : s’« il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur » ? Dans le cas qui nous occupe, le déracinement n’apparait pas comme un acte délibéré des locuteurs. Ils sont réduits à des objets privés de leur pouvoir d’agir, de leur qualité de sujet qu’ils ne recouvrent que dans l’expression de leur ressentiment. La langue serait-elle alors un attribut du care, du soft, du soin de soi, du nous ? C’est ce que semble défendre le chanteur corse Felì, lorsqu’il interprète la poésie Emu bisognu di tè écrite par Ghjuvan’Teramu Rocchi (Felì 2001). L’auteur n’emploie pas la première personne du singulier mais la première personne du pluriel, rappelant à l’auditeur que la langue est un fait social total autant qu’un besoin humain vital.
Emu bisognu di tè
Pè ùn esse for’ di ghjocu
Emu bisognu di tè
Pè ùn perde filu indocu
Pè tene incesu u focu
Di l’amore di stu locu
Per esse è per esse bè
Emu bisognu di tè
Emu bisognu di tè
Quand’è no simu luntanu
Emu bisognu di tè
Quant’ è di strette di manu
Pè piglià ci ne un veranu
Di ricordu paisanu
Per esse è per esse bè
Emu bisognu di tè
Emu bisognu di tè
Cum’è di pane è cumpane
Emu bisognu di tè
Cum’è d’acqua à e funtane
Cum’è di sole à a mane
Cum’è l’oghje d’un dumane
Per esse è per esse bè
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[5] Tda : Littéralement, « Les affaires sont...
Tda : Littéralement, « Les affaires sont en français », ça va de mal en pis.
[6] Tda : La langue est davantage mère que...
Tda : La langue est davantage mère que fille du peuple.
Paradoxe de l’appartenance, objet social par nature, la langue ne prive-t-elle pas par essence, l’individu de sa propre individualité ? Comment accéder à la conscience de soi en tant que sujet par un objet nécessairement social, communautaire, en mouvement ? De même que l’on ne choisit pas nos géniteurs, Romain Gary nous rappelle combien l’identité ne saurait faire l’objet d’une délibération individuelle : « Il n’y a pas de commencement. J’ai été engendré, chacun son tour, et depuis, c’est l’appartenance. J’ai tout essayé pour me soustraire, mais personne n’y est arrivé, on est tous des additionnés » hurle-t-il dans Pseudo (Gary et Ajar 1976, 17). Si pour Gary/Ajar, nous sommes condamnés à appartenir à quelque chose, l’appartenance est-elle alors une réification de soi dans un absolu en particulier ? Religion, langue, sexe ou peau, un trait particulier qui me définirait radicalement, dans mon origine plutôt que dans mon individuation. L’appartenance se décline ainsi sur le mode ambivalent du devoir ou de la responsabilité tout comme du besoin de s’en émanciper. Insuffisante, l’identité inhibe en même temps qu’elle suscite la singularité. Lorsqu’elle jaillit, elle prend alors les couleurs de la responsabilité. Dès lors, ne peut-on pas observer avec Axel Honneth, en nous appuyant sur la tradition française de la pensée de la reconnaissance que :
« Le sujet humain, constitutivement tributaire de la reconnaissance d’autrui, se perd lui-même dans les imputations que celui-ci lui adresse, et il doit donc se résoudre à voir son Je « clivé » en une partie capable d’accéder à la conscience, et une partie durablement inaccessible » (2020, 61).
Et si la reconnaissance se limite à la conscience de soi, n’est-elle pas alors un outil de conservation non pas de la langue, mais de la diglossie, c’est-à-dire du rapport de domination exercé par le français ou par toute langue dominante sur la langue dominée ?
Ne faut-il pas chercher l’appartenance et la reconnaissance encore ailleurs ? Chez Gary, il n’y a pas de la langue à soi en propre. Russophone de naissance, francophone et anglophone dans sa création littéraire, son œuvre mobilise au total seize à dix-sept langues. Dans Pseudo (1976), Emile Ajar essaie d’en inventer une supplémentaire, une langue nécessairement hybride et burlesque : le hongro-finnois. Pourtant, là encore, il ne peut esquiver une éventuelle rencontre avec un semblable…
« J’ai alors tâté du hongro-finnois, j’étais sûr de ne pas tomber sur un HongroFinnois à Cahors et de me retrouver ainsi nez à nez avec moi-même. Mais je ne me sentais pas en sécurité : l’idée qu’il y avait peut-être des engendrés qui parlaient le hongro-finnois, même dans le Lot, me donnait des inquiétudes. Comme on serait seuls à parler cette langue, on risquait, sous le coup de l’émotion, de tomber dans les bras l’un de l’autre et de se parler à cœur ouvert. On échangerait des flagrants délits et après, ce serait l’attaque du fourgon postal. Je dis « l’attaque du fourgon postal », parce que ça n’a aucun rapport avec le contexte et il y a là une chance à ne pas manquer. Je ne veux aucun rapport avec le contexte » (1976, 11‑12).
Alors, puisque toute langue à soi n’est qu’une construction socioculturelle inscrite dans le temps long de l’histoire, pour être soi, pour être authentique, l’individu est-il condamné à se libérer du « colonialisme intérieur » de Robert Lafont (1967) en exerçant sa liberté dans l’invention de sa langue en propre ? Gary/Ajar nous interpelle en ce sens dans un monologue délirant, gargantuesque et pourtant sincère :
« Méfiez-vous. Les mots ennemis vous écoutent. Tout fait semblant, rien n’est authentique et ne le sera jamais tant que nous ne sommes pas, ne serons pas nos propres auteurs, notre propre œuvre. Croyez-moi : j’étais déjà ça quand braillait Homère. L’authenticité ne sortira pas du foutre que nous sommes. Il faut changer de foutre. »
Parfois, c’est le cas notamment des néolocuteurs, on s’expose aussi au jugement des locuteurs natifs. Le Clézio (2020, 90) évoque brièvement les transitions phonologiques, lexicales ou syntaxiques de la langue sans lesquelles la transition vers une revernacularisation voire vers une normalisation linguistique serait illusoire :
« Certains parlent à nouveau la langue bretonne (avec parfois un drôle d’accent, mais après tout c’est le propre des langues vivantes que d’évoluer). C’est en partie par eux que la Bretagne vivra. »
Pourtant, toute politique linguistique de revernacularisation ou de normalisation repose sur le primat de la reconnaissance. Celle-ci autorise l’individu et la communauté linguistique à s’appartenir à nouveau. Dès lors, la communauté noue ou renoue de nouveaux liens, se réinvente autour d’un patrimoine en péril.
4. La lutte pour la reconnaissance des langues
Dès lors s’ouvre la lutte pour la reconnaissance des langues, comme soin de soi et soin de l’objet d’identification, comme « besoin de réparation », évoqué par François Mitterrand dans son discours de Quimper, en campagne électorale, en 1981.
Le besoin de reconnaissance
La diffusion des langues fut un enjeu de la colonisation, de la décolonisation, du post-colonialisme et du néocolonialisme. Elle connait de nouvelles actualités de nos jours avec la globalisation qui est parfois ressentie comme procédant d’un nouveau mode de colonisation. La gestion de leurs contacts est à la fois un héritage de la colonisation et bien souvent une anticipation du futur agençant une transition linguistique entre réappropriation et plurilinguisme.
Dès lors, le concept de reconnaissance apparait comme un élément central dans l’analyse des processus en cours. Dans son ouvrage La reconnaissance, histoire européenne d’une idée, Honneth analyse les cultures de la reconnaissance en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne (2020). Il distingue trois approches à la fois distinctes et complémentaires, à savoir la reconnaissance comme :
S’appartenir
– Cette dimension constitue un « accès « authentique » à son véritable soi » selon une acception française qui renvoie à une dimension normative, c’est-à-dire au « jugement de la société » (2020, p. 123) dans le processus d’intégration de l’individu comme membre légitime de la communauté. Selon Honneth, « la “reconnaissance” désigne alors cet acte social d’attribution de qualités personnelles par lequel un sujet peut espérer être socialement accepté, voire admiré » (2020, p. 123). Ne retrouve-t-on pas cette invitation au travail sur soi, dans le Portacultura adressé par Dumenicantone Geronimi à ceux qui critiquent l’action d’autonomisation du champ littéraire menée par Rigiru : « a quistione hè di sapè di s’elli sò dicisi i Corsi à fà ch’ella campi a so cultura (…) cunosce è aduprà qualvogliasiasi lingua moltu più quella d’un populu praputinziatu hè sempre un fattu di cunquista nant’à sè7 Tda : « La question est de savoir si les Corses sont décidés à faire vivre leur culture (…) connaitre et utiliser quelque langue que ce soit, d’autant plus lorsqu’il s’agit de celle d’un peuple tout-puissant, c’est toujours un acte de conquête sur soi. » » (1976, p. 2) ? La langue apparait ici comme un enjeu d’appartenance. J’appartiens au groupe de ceux dont je parle la langue. Parfois, il peut s’agir du registre ou de la variété. Parfois encore, la question de l’appartenance est plus délicate parce que entend-on : « je parle la langue des autres. Je ne parle plus la langue des miens ». La langue est alors un enjeu d’identification de soi. Qui suis-je ? Suis-je de ceux qui parlent la langue A ou de ceux qui parlent la langue B ? Suis-je réductible à un B, moi qui prétends, ressens être un aussi, d’abord, voire seulement ou principalement un A ? La maîtrise de la langue est donc un enjeu de maîtrise de la désignation de soi, des siens et des autres. On se situe dans son écosystème, au sein de la biosphère, selon la ou les langues que l’on parle. Les français parlent le français. Le code civil l’impose désormais (Assemblée nationale 1993; Ministère de l’intérieur 2020). Nous sommes dans l’identité de l’identique, du prêt à porter, de l’idem, de la mêmeté. L’identité est comme un uniforme. Nous sommes tous remplaçables. Le je égal le tu, le il, le elle, le nous… Le vous c’est l’autre. Pourtant, si les Français se doivent d’être francophones, la réciproque n’est pas vraie. Les francophones ne sont pas tous français. Héritage de la colonisation pourrait-on rétorquer d’un air narquois ?
Faire communauté
– il s’agit de la dimension normative issue de « la tradition de pensée britannique » (2020, p. 121) qui renvoie au « contrôle moral de soi », à une forme d’engagement nécessaire de l’individu au sein de sa communauté. Dans le cas qui nous occupe, la corsitude s’inscrit dans une communauté culturelle partageant un style de vie par-delà les considérations géographiques, territoriales ou ethniques. Les individus s’emparent alors du pouvoir de s’ériger en autruis significatifs, c’est-à-dire en moralisateurs qui escomptent un changement d’attitude de la part des autres. En revanche, dans le cas où l’individu ne se reconnaitrait pas dans la morale proposée, dans le cas où il se sentirait exclu de son groupe de référence, il connaitrait un déni de reconnaissance. Pour Honneth, la reconnaissance « désigne donc ici cet acte social d’approbation morale dont un sujet doit pouvoir s’imaginer faire l’objet, pour être convaincu de compter comme un membre légitime de sa communauté de référence » (2020, p. 123). Nous retrouvons Murtoriu de Marcu Biancarelli (Biancarelli 2009), le témoignage tragique d’un personnage issu de la diaspora dépassé et toujours déclassé, par la rapidité du changement des signes d’appartenance :
« Quand j’étais enfant et que nous revenions du continent pour l’été afin de passer deux mois dans un village de montagne, j’étais, au milieu de tous ces gens, la seule personne à ne pas savoir parler corse. »
« Ils me parlaient et je ne comprenais absolument rien. Et puis j’ai deviné qu’ils utilisaient exactement les mêmes mots que mes parents à la maison quand ils se disputaient ou qu’ils abordaient des sujets auxquels mon frère et moi ne devions pas avoir accès. Je remarquais que les mêmes expressions revenaient toujours et je pouvais les répéter à tue-tête : T’aghju da minà, fà ghjà passà u vinu… Avant d’avoir le courage de parler avec les anciens, je ne m’exprimais en corse qu’avec le chien. Je lui donnais les ordres que j’avais entendus formuler par d’autres pendant les chasses au cochon ou les bagarres entre gamins : Piddalu ! L’usage de la langue me permettait aussi de tester mon autorité : Và è ghjaci ! Avec le temps, l’obscurité des sonorités que j’entendais s’est dissipée. Quand nous sommes définitivement rentrés du continent, je parvenais, dans ma tête, à exprimer tout ou presque dans cette langue, mais de ma bouche ne sortaient que quelques bribes ; j’ai alors fourni un effort car je savais déjà que la puissance s’exprimait aussi par le biais du langage. Pour répondre à ces gens qui me menaçaient, j’ai appris leurs mots, leurs expressions et leurs proverbes. À la fin, ils ne me menaçaient plus, puis ils sont morts et je suis resté là, seul avec cette langue. »
Pour lui, la reconnaissance consiste à disposer du droit de cité, c’est pouvoir appartenir au groupe de référence, or la communauté imaginée s’évanouit aussitôt qu’il croit obtenir son sauf-conduit symbolique.
Faire relation
– Nous arrivons ici à la relation, chère à Edouard Glissant (2009), en ce qu’elle constitue « une attitude et une façon d’agir à l’égard d’autre sujets, qui permettent à ceux-ci d’exercer leur autodétermination » (2020, p. 128) selon la philosophie allemande de la reconnaissance (2020, p. 120). Ni besoin intérieur, ni approbation morale, la reconnaissance apparait comme un besoin ontologique de réciprocité, une négociation susceptible de prendre les formes d’une lutte. Pour Honneth, elle « désigne ici toujours un acte dyadique d’autolimitation morale, qu’au moins deux personnes doivent pouvoir accomplir réciproquement pour se confirmer l’une à l’autre leur capacité rationnelle, et ainsi leur appartenance à une communauté d’êtres doués de raison » (2020, p. 124).
Dans la société de l’authenticité, ce qui est en jeu, ce n’est plus l’existence des images, comme à l’époque de la querelle qui pendant près de cent vingt ans a opposé au sein de l’Empire byzantin les iconoclastes (εικονοκλάσται, littéralement « briseurs d’images ») et les iconodules (εικονόδουλοι, littéralement « serviteurs des images »). Les images existent et sont véhiculées par les produits de la société de la consommation, par les médias, par la publicité, par Internet. Ce qui est en jeu, c’est leur pouvoir sur les imaginaires (Castoriadis 2006), c’est le pouvoir donné aux imaginaires de les organiser, de les interpréter dans le flux continu et exponentiel déversé par les médias et les réseaux sociaux. Les images ne disent que ce que l’imaginaire du lecteur, du public ou du critique leur fait dire. Une même image peut être muette ou polyglotte et polysémique.
Dans nos sociétés urbanisées, les imaginaires se déplacent en direction des objets de consommation et des marques, tant et si bien que le locuteur n’échappe pas lui non plus à la figure du consommateur. Les trois ordres des mythes que sont le réel, le symbolique et l’imaginaire chez Lévi-Strauss ne s’appliquent pas seulement aux animaux, aux objets et aux figures qui irriguent la culture. Ils s’appliquent également aux relations entre les hommes.
Il ne s’agit pas seulement de l’imaginaire des individus considérés comme des isolats, mais des usages intersubjectifs des imaginaires. Tant que l’imaginaire de l’individu n’a d’autre effet que sur lui-même, il est relativement difficile pour la société d’avoir une action sur celui-ci, mais lorsque la rencontre des imaginaires produit de la violence, il est certes trop tard, mais ce moment appelle soit une résolution par une surenchère de violence au terme de laquelle un imaginaire s’imposera sur l’autre, ou bien, dans la société globalisée et complexe dans laquelle nous vivons, le choc des imaginaires ne se réduisant pas à une opposition en face-à-face, il est à la fois pragmatique et éthique de travailler à un dialogue intersubjectif, intersectionnel et interculturel des imaginaires sur d’autres terrains et par d’autres moyens. En ce sens, en démocratie, ces moyens peuvent paraître dérisoires, mais l’éducation interculturelle et plurilingue (Verdoni 2008; 2010; Di Meglio 2010b; 2010a), associée à une politique culturelle s’avère indispensable aux fins de la préservation, de la conservation des imaginaires et de leur dialogue commun, condition de la paix et du progrès au sein du « Tout-monde » cher à Édouard Glissant (2013) ou de « la communauté terrestre » d’Achille Mbembé (2023). La gestion de la diversité est d’abord la gestion des imaginaires, non pour les harmoniser et les réduire, mais pour que les identifications symboliques conduisent à des coopérations, à des collaborations, à des coexistences et à de la cohabitation (Wolton, 2010) de tous dans le monde de la vie, le Lebenswelt (Husserl, 2008 ; Declève, 1971).
Inventer une politique linguistique pour la communauté méditerranéenne
Dès lors, il revient au corps social insulaire de définir une politique linguistique dans les interstices des droits linguistiques acquis. Il s’agit de pouvoir piloter une planification linguistique susceptible de créer de nouveaux usages et de nouveaux droits en équipant la langue. La création d’espaces propres, spécifiques, singuliers et réservés, afin de restaurer des espaces d’expression corsophone apparait nécessaire, tout comme l’on restaure parfois les écosystèmes détruits ou menacés par la pression anthropique.
Le territoire de l’île, à la fois complexe et limité, peut-il permettre l’émergence d’un territoire apprenant ses langues sans correspondre en même temps avec une politique méditerranéenne des langues ? En tant que domaine régalien non-écrit, la politique linguistique relève à la fois de la politique culturelle intérieure de chaque État et de sa diplomatie. Dans une Méditerranée polyphonique, de contacts et de conflits, peut-être est-ce de la responsabilité de chacun d’engager une esquisse des plurilinguismes nécessaires à l’invention de son unité autour d’un projet de citoyenneté culturelle vécu comme l’acte fondateur d’un processus de civilisation de la communauté méditerranéenne au temps de l’anthropocène. Ainsi, à la « mer de nos langues » (Calvet 2020) succèderaient les langues comme mères d’une Méditerranée apaisée.
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Tda : « La question est de savoir si les Corses sont décidés à faire vivre leur culture (…) connaitre et utiliser quelque langue que ce soit, d’autant plus lorsqu’il s’agit de celle d’un peuple tout-puissant, c’est toujours un acte de conquête sur soi. »
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