C. L’assistance des États tiers

20. Assistance des États tiers – L’assistance des États tiers est un principe consacré en Droit international par la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale des Nations Unies[76]. Il s’oppose de manière assez évidente au principe de non-ingérence dans les affaires de l’État garanti par le septième paragraphe du deuxième article de la Charte des Nations Unies, dans la mesure où il permet sous certaines conditions de porter atteinte à la souveraineté externe de l’État attaqué au motif que le principe de non-intervention dans les affaires internes d’un État ne peut en aucun cas protéger une puissance coloniale ou un régime raciste. Une conciliation entre ces deux principes internationaux doit s’effectuer dès lors que l’oppression étatique envers le peuple qui réclame l’autodétermination est susceptible d’affecter la paix et la sécurité sur la scène internationale, ce qui entraîne le cas échéant, la mise en œuvre du droit de la guerre et notamment l’application des dispositions contenues dans le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies intitulé « Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression » lequel détaille l’action du Conseil de sécurité face à une telle situation. Le résultat de cette mise en balance nous permet d’en déduire une permission accordée aux États tiers d’accorder leur aide aux peuples en quête d’autodétermination. Certains juristes vont même plus loin et n’hésitent pas à évoquer un « devoir juridique positif pour tous les États de respecter, de promouvoir et d’aider les peuples dans l’exercice de leur droit[77] » mais cette conception reste assez minoritaire.

Le régime de l’assistance des États tiers se décline en trois catégories : l’assistance humanitaire, l’assistance politique et financière et l’assistance militaire. En fonction de la nature de l’aide accordée par l’État tiers aux rebelles dans leur lutte pour l’autodétermination, le régime juridique sera différent.

L’assistance humanitaire consiste en « une aide dans le domaine de la santé, de l’éducation, de l’alimentation, du logement… etc. Cette assistance peut être fournie soit en nature, soit sous forme de fonds affectés à l’un de ces domaines. Elle favorise de manière pacifique l’objectif consistant à améliorer le sort des peuples dépendants[78] ». En ce sens, l’octroi d’une aide humanitaire constituerait effectivement un devoir relevant directement du principe de coopération lequel représente l’une des pierres angulaires des Nations Unies[79]. Autrement dit, il incombe aux États Membres de l’organisation de fournir une aide humanitaire par des voies bilatérales ou multilatérales.

Concernant l’assistance politique et financière, beaucoup de résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies se prononcent en faveur d’un droit pour les États tiers de fournir une telle aide[80].

Enfin, le point le plus controversé de la question relative l’assistance des États tiers demeure incontestablement l’assistance militaire laquelle consiste en une fourniture d’armes, de munitions et de matériel militaire, d’un soutien logistique aux forces armées des mouvements de libération ou encore d’un entraînement de ces forces et en la possibilité d’utiliser des « sanctuaires » sur le territoire des pays qui fournissent leur aide. Le juriste Antonio Cassese apporte à cette question, une réponse assez claire fondée sur une logique permissive : « Les États tiers n’ont ni un droit juridiquement reconnu d’accorder une aide militaire aux mouvements de libération ni ne violent le droit international lorsqu’ils fournissent en fait une telle aide. Leur comportement n’est ni élevé au rang et au statut de droit juridiquement reconnu ni stigmatisé comme étant illicite. Le droit international contemporain, qui procède d’une fusion des attitudes divergentes des principaux groupes d’États, se borne à considérer que l’octroi de l’aide est admissible ». Il n’en demeure pas moins que la lutte pour l’autodétermination doit être conciliée avec la protection des autres droits de l’homme. En ce sens, l’aide est admissible tant qu’aucun acte de terrorisme ou attaque arbitraire ne sont commis par les combattants. En définitive, si la lutte armée est menée contre un État oppresseur, les mouvements de libération nationale ne violent pas le Droit international, ce même raisonnement s’appliquant également aux États tiers qui leurs prêteraient main forte.

Finalement, l’existence d’un arsenal juridique international permet effectivement la réalisation de leur autodétermination aux peuples coloniaux toutefois, son effectivité est en grande partie conditionnée par la bonne volonté des États supposés selon M. Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies, « servir le peuple et non le contraire[82] » mais également par l’action des peuples devenant eux-mêmes les garants de leur propre droit à l’autodisposition. 

[76] Assemblée générale des Nations Unies, résolution 2625 (XXV), 24 octobre 1970 : Les peuples sont en droit de chercher et de recevoir un appui conforme aux buts et principes de la Charte des Nations unies.

[77] GROS-ESPIELL, H., The Right to Self-Détermination — Implementation of the United Nations Résolutions, E/CN.4/Sub.2/406/Rev.l, 1980, p. 14, par. 91, voir également : O u c h a k o v, « La compétence interne des États et la non-intervention dans le droit international contemporain », Recueil de La Haye, 1974-, p.73, A.Cbistesotj, document des Nations Unies E/CN.4/Sub.2/241,par.163.)

[78] CASSESE Antonio, « Le droit international et la question de l’assistance aux mouvements de libération nationale », Revue belge du droit international, 1986, p.323

[79] BÉRANGER Hélène, « Décolonisation et droit des peuples selon le droit international », op. cit., p.152.

[80] CASSESE Antonio, « Le droit international et la question de l’assistance aux mouvements de libération nationale », Revue belge du droit international, 1986, p.323

[81] Ibid., p.325

[82] BÉRANGER Hélène, « Décolonisation et droit des peuples selon le droit international », op. cit., p.154.

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